DM Photo PDF

Title DM Photo
Course Histoire de l'art
Institution Université de Picardie Jules Verne
Pages 4
File Size 96 KB
File Type PDF
Total Downloads 93
Total Views 145

Summary

dm sur la photographie ...


Description

Analyse de l'image fixe : photographie de JH Lartigue et texte de Denis Roche

La photographie comme objet intervient souvent comme un moyen d'interpeller notre imagination, bousculant les codes d'une vision simplement représentative. En effet, la photographie n'est pas un objet ou un sujet mais plus

particulièrement une multitude d'hypothèses et

d'interprétations possibles. C'est en cela que la confrontation de l'image et du texte permet de donner à voir une interprétation possible, nourrissant elle-même notre propre perception de l'objet photographique. Par la suite, c'est bien souvent les deux arts qui se complètent, donnant chacun à voir une vision de l'autre. Le texte de Denis Roche extrait de son ouvrage Le Boîtier de mélancolie au sujet de la photographie de Jacques-Henri Lartigue Dani, moi et Renée (datant de 1930) vient jouer ce rôle d'interprétation personnelle de l'image produite par le photographe. Nous nous interrogerons dans un premier temps sur la question de la quête de l'instant T en photographie, sur ce qui peut la motiver, puis nous observerons avec la complicité de Denis Roche, en quoi la notion de « silence photographique » est particulièrement importante au regard de l'objet proposé : texte plus photographie.

A première vue, la photographie de Lartigue interpelle en ce qu'elle a de serein, ce que ne manque pas de souligner Denis Roche. En confrontant le texte et la photographie, il apparaît tout naturel de s'interroger sur les motivations de prise d'une telle photo qui semble presque volée aux personnages. Denis Roche questionne deux notions en lien avec cette photo : « le bonheur photographique » et « le silence », deux notions qui semblent intrinsèquement liées à la photographie. La notion de « bonheur photographique » est liée à celle de la quête de l'instant T à capturer. En effet, on peut s'interroger tout comme Denis Roche sur les motivations qui poussent le photographe à prendre un tel cliché. En observant davantage la photo, on ne peut pas affirmer avec fermeté si le cliché est pris alors que les personnages posent (ce qui semble être le cas des deux personnages masculins) ou si au contraire, les caractères de la photo sont pris là dans un moment de vie capté à un moment clé (la femme n'ayant pas l'air de se préoccuper du photographe). Denis Roche nous éclaire à ce sujet en citant une anecdote relative aux pratiques photographiques de Lartigue. Cette anecdote pose la question du moment volé en photographie, d'une spontanéité du photographe qui guette le moindre moment de vie particulier : en utilisant le présentatif « voilà » à la suite de l'onomatopée « clic », Roche recréait les conditions du cliché volé en quelques instants, des conditions qui correspondent à celles qu'auraient pu être celles de notre cliché. Cette anecdote nous pose la question d'une

instantanéité relative en photographie : à quelle moment le photographe parvient-il à capter l'équilibre technique et visuelle d'un moment de vie ? Cette anecdote semble illustrer l'équilibre capté par la photographie. En l'observant davantage, il semblerait qu'un cadre clair/obscur se dessine autour de la photo, lui donnant presque un caractère pictural. En effet les feuilles d'arbre sombres font presque figure « d’accroche-cœur » dans ce cadre imaginaire que forment ensemble les bords assombris et flous, et le premier plan lui aussi assombri. Le rendu global de la photographie évoque clairement une peinture qui correspondrait au « moment décisif » évoqué par Roche. Les nuances de couleurs prodigieuses viennent créer un équilibre parfait entre toutes les teintes de gris. Les ombrages sont exploités de telle façon que chaque élément trouve sa place au sein du tableau. L'arrière-plan montagneux de la photographie est presque estompé à la manière d'une peinture, fondu dans la luminosité explosive et éblouissante du ciel se reflétant sur l'eau. Ces ombrages s'effacent peu à peu laissant la tonalité du ponton central s'exprimer. Dans cette clarté éblouissante du ciel, du fond et de l'eau, le ponton apparaît comme l'un des éléments centraux, faisant presque figure de ligne de fuite naturelle, instaurant une perspective presque académique pour le spectateur. Est-ce cela qu'évoque Denis Roche lorsqu'il écrit au sujet d'un « moment décisif » ? Un équilibre parfait, qui semble naturel aux vues de tous les éléments composants la photographie ? Cette capacité à capter l'instant T est appuyée par cette anecdote qui souligne la réactivité de Lartigue face au potentiel photographique des moments de vie auxquels il assiste luimême. En choisissant de lier le récit de l'anecdote à la photographie, Roche donne à l'acte photographique, à la prise de vue, une certaine consistance. En effet, il est naturel de s'interroger sur les conditions de prise de vue de la photo de Latirgue, conditions qui intriguent. En nourrissant la photographie d'un récit anecdotique propre au photographe, Roche nous amène à la question de la motivation de l'acte photographique. Cette question de la motivation de la prise de vue intervient alors comme un pas de coté : le spectateur incarne le photographe.

Pourtant, il semblerait que nous ne puissions pas nous éloigner d'interrogations sur l'effet produit par le cliché. C'est là que Denis Roche fait intervenir la notion de silence, notion que lui paraît tout à fait incarnée par le cliché de Latirgue. La particularité de Roche tient dans sa façon de créer un lien vraiment particulier entre langage et photographie. La rhétorique utilisée pour évoquer la notion de « silence photographique » (notion qui peut sembler évidente au premier abord) est consciencieusement organisée. En effet, Roche donne à sa notion de « silence photographique » une dimension quasiment grammaticale. La photographie gagne à être décrite par une analogie avec la langue parlée ou écrite. C'est ainsi que pour l'auteur : « le silence est un cependant de la photographie », un « mais ». En observant davantage la photographie, il semblerait en effet que la notion de silence soit une interprétation possible et probante de la situation captée. Les différentes

lignes de fuites que nous évoquions précédemment (le ponton, son reflet dans l'eau, la barrière du ponton et plus précisément les bordures du pontons) tendent à s'éloigner vers un horizon invisible. Cette fuite vers ce qui ne nous apparaît pas donne à la photographie une aura sereine. Le cadre évidemment, participe lui aussi à cette sérénité : eau calme, montagnes, brumes, immobilité des personnages. Les caractères de la photographie sont en effet assez énigmatiques. Si on les observe dans le prisme de Denis Roche, on peut remarquer que les deux personnages masculins semblent dans une posture d'immobilité totale, de « silence photographique ». Sont-ils dans l'attente ? Posentils en toute conscience pour le photographe ? Les a-t-on surpris dans un moment de vie ? Ce moment d'équilibre parfait correspond-il à ce que Roche appelle la « grâce seconde », l' « aura dédoublée » ? On peut facilement imaginer grâce à la photographie et à l'interprétation personnelle de Roche, ce moment de flottement entre la prise de la photographie, ce « clic » qu'évoque l'auteur, et l'effet produit, l'instant qui suit directement la capture. La femme au premier plan, elle aussi, apparaît totalement immobile et presque pensive, captée dans un moment de réflexion ou de lascivité. C'est exactement le fait qu'elle ne regarde pas le photographe qui nous permet d'imaginer d'autant plus la sérénité de l'instant, d'un photographe presque absent de ce qu'il crée. Dans le dernier paragraphe de son texte, Roche invite directement le spectateur en l'interpellant : « regardez » écrit-il. Ce format presque didactique de langage lui permet de nous orienter vers tous les éléments qui constituent la photographie. Tous dans un seul et même but, exprimer un équilibre parfait et silencieux. Chaque élément est listé et détaillé, qualifié dans le sens d'une perfection silencieuse artistique. Ce que Roche nomme « silence photographique » intervient chez un spectateur lambda comme un équilibre serein que rien ne vient bouleverser. Aucun élément n'intervient pour briser le silence comme équilibre total : chaque élément est exactement à la place ou il devrait se trouver. La quête de l'instant T que nous évoquions en première partie semble être ce qui amène à la création d'un équilibre parfait, mais perçu dans l'après par le spectateur. Il devient alors possible de créer ou de capter le silence en photographie, tout en le restituant au spectateur. Le trouble entre création et capture se fait puisque certains éléments présents sur la photographie et nommés par Roche font presque figure d'artifices : comment peut-on réussir à faire d'éléments du réel, des objets artistiques malléables ? C'est le cas notamment des feuilles qui font figure de cadre pour la photographie, ou encore de l'organisation très géométrique qui émane de la scène. Ces éléments naturels deviennent des acteurs de la création artistique. Roche résume ce point à la fin de son texte : « c'est le silence qui est dit, qui est montré et qui s'exprime ». Ces trois groupes verbaux interrogent sur qui fait quoi ? Le silence est dit par le photographe mais aussi par la scène réelle qui s'est déroulée sous ses yeux, il est montré par le photographe qui semble être le seul à choisir de son sujet ici, et il s'exprime par lui-même grâce à tous les éléments qui composent la scène, une scène déjà poétique dans le réel. L'image photographique devient ainsi le moyen d'exprimer un fait

inconscient ou des sensations subjectives qui deviennent pourtant une impression commune lorsque le créateur et l'objet de création s'unissent dans un équilibre parfait.

L'objet créé par l'articulation entre texte et photographie permet au spectateur d'aller au-delà du visuel et du visible. Par cela, j'entends que la photographie en elle-même donne à voir sans explication (ce qui n'est en rien négatif) et qu'a contrario, le texte explique sans réellement donner à voir (ce qui une fois de plus n'est en rien négatif puisque l'esprit d'imagination prend le relais dans les deux cas). La combinaison des deux arts permet de s'interroger davantage tout en ayant sous les yeux l'objet du questionnement. La capacité de Roche à basculer à certains moments du texte (des moments choisis judicieusement) sur la photographie permet une alternance probante entre une vision possible de la photographie et l'application directe sous les yeux d'une pensée développée à l'écrit. En étoffant la photographie d'une anecdote relative au photographe qui permet au spectateur de s'informer sur les pratiques et habitudes artistiques de Lartigue, Roche donne davantage de consistance à sa propre interprétation de l’œuvre photographique. La combinaison des deux devient alors une source d'interrogations d'autant plus riche, donnant à voir d'autres aspects qui nous auraient peut-être échappés ou questionnés....


Similar Free PDFs