Mémoire Florian Asséré PDF

Title Mémoire Florian Asséré
Author Bruno Lizzi
Course Sociologie
Institution Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis
Pages 84
File Size 2.1 MB
File Type PDF
Total Downloads 10
Total Views 130

Summary

Download Mémoire Florian Asséré PDF


Description

_____________________________

Université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis Département de Sociologie

Le « traitement » du décrochage scolaire : médicalisation et stigmatisation de l’échec scolaire Mémoire de Master 2 Sociologie : Travail, modes de vie et inégalités Par Florian Asséré Sous la direction de Charles Soulié

Septembre 2015 ___________________________ 1

Table des matières

Table des matières .................................................................................................................... 2 Introduction .............................................................................................................................. 4 Historique de la notion ........................................................................................................... 4 Une préoccupation inversement corrélé à l’évolution du phénomène ................................ 5 Accès au terrain ...................................................................................................................... 6 Recueil des données ................................................................................................................ 8 Etat de la recherche .............................................................................................................. 11 L’approche constructiviste ................................................................................................ 11 L’approche interactionniste............................................................................................... 11 Une médicalisation de l’échec scolaire : ........................................................................... 12 Une remise en cause de l’institution : ............................................................................... 12 Problématique et plan .......................................................................................................... 13 Lexique des acronymes utilisés dans le mémoire : .............................................................. 14 Premier chapitre : Multiplication des causes du décrochage, individualisation et psychologisation des décrocheurs ......................................................................................... 15 1. Multiplication des causes du décrochage et individualisation des décrocheurs .............. 15 1.1 Mille et une raisons de décrocher ............................................................................... 15 1.2 A problème individuel, réponse individuelle .............................................................. 18 2 Un décrocheur, un individu, une psychologie : La médicalisation de l’échec scolaire .... 24 2.1 Dans la pratique .......................................................................................................... 26 2.2 Dans les représentations.............................................................................................. 33 2.3 Un « effet-cité » ? Le handicap socio-culturel ............................................................ 35 2.4 Médicalisation de l’échec scolaire et décrochage ....................................................... 37 Conclusion du premier chapitre : Une « désociologisation » de l’échec scolaire ............... 39 Deuxième chapitre : des acteurs motivés, des dispositifs limités ....................................... 41 1. Des acteurs critiques qui se veulent constructifs.............................................................. 41 1.1 Une vision critique de l’institution scolaire ................................................................ 41 1.2 Les schèmes et les applications de cette critique ........................................................ 44 2. Une stigmatisation des décrocheurs ................................................................................. 62 2

2.1 Etre élève en classe MLDS : le sentiment d’être stigmatisé ....................................... 62 2.2 Les acteurs de lutte contre le décrochage : une action bienveillante mais stigmatisante ........................................................................................................................................... 64 2.3 Le chahut et la plainte : Un retournement du stigmate ? ............................................ 68 3. Conservation ou évolution de l’institution? ..................................................................... 70 3.1 Dispositifs sporadiques ............................................................................................... 70 3.2 Des remises en causes structurelles ou individuelles ? ............................................... 71 3.3 Canalisation énergies progressistes............................................................................. 74 Conclusion du second chapitre : Prendre l’entrain en marche ? ........................................ 76 Conclusion : ............................................................................................................................. 77 Intérêts de ce mémoire .......................................................................................................... 77 Limites de ce mémoire .......................................................................................................... 77 Retour réflexif et réflexions sur la sociologie publique ........................................................ 78 Bibliographie........................................................................................................................... 80 Annexes : ................................................................................................................................. 84 Quelques documents distribués durant les réunions Foquale ............................................... 84 Reportages vidéo .................................................................................................................. 84 Sites internet ......................................................................................................................... 84

3

Introduction Le décrochage scolaire est défini par l’INSEE comme la sortie de la scolarité obligatoire à 16 ans sans diplôme de niveau V, c’est-à-dire au minimum un BEP ou CAP. Dans un suivi de cohorte des 800 000 élèves rentrés en sixième en 1995, l’INSEE estime que parmi ces derniers, 160 000, c’est-à-dire 20%, ont décroché. La définition du décrochage peut également être élargie au cas des élèves titulaires du CAP ou du BEP s’engageant dans la poursuite de leur étude vers un Baccalauréat Professionnel sans pour autant obtenir ce dernier. Avec cette définition étendue, le taux de décrochage passe à 23% des élèves. Le décrochage semble aujourd’hui polariser les inquiétudes sur le système scolaire français. Dans l’émission télévisée « En direct avec les français » du 6 novembre 2014 sur TF1, François Hollande, interrogé sur les critiques faites à l’institution scolaire, rebondit à la question en parlant du décrochage scolaire et des actions que le gouvernement compte mettre en œuvre pour le « combattre ». En effet,le 21 novembre 2014, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation, annonce un « plan de lutte contre le décrochage scolaire », qui était une des priorités de la « loi d’orientation et de programmation sur la refondation de l’école » impulsée par le gouvernement un an plus tôt. La lutte contre le décrochage n’est pas seulement annoncée comme une priorité à l’échelle nationale mais également au niveau Européen. Le « projet Europe 2020 », dernier des plans décennaux d’orientation économique européens, vise, entre autres, à abaisser le taux de décrochage scolaire à 10% dans les pays européens.

Historique de la notion La notion de décrochage scolaire est née aux Etats-Unis. Ses premières occurrences remonteraient à la fin du 19 ème siècle (Sherman Dorn, 1996). Elle y obtient dans les années 1960 une véritable reconnaissance parmi les experts en éducation et l’Education Departement commence à collecter des données sur les jeunes décrocheurs. La notion obtient un succès assez tardif en France et doit beaucoup aux préoccupations européennes sur le sujet. En 2000, le sommet de Lisbonne dresse un plan décennal dont 3 des 5 objectifs principaux en matière d’éducation concernent de près ou de loin le décrochage scolaire (Pierre-Yves Bernard, 2011) ; la réduction des sorties précoces du système éducatif, la généralisation du second cycle de l’enseignement secondaire et l’amélioration des compétences de base en lecture. En 1999, le programme NouvelleS ChanceS de l’Education Nationale s’intéresse aux ruptures 4

dans les parcours de qualification. Celui-ci mettra en place La Mission générale d’insertion (MGI), aujourd’hui Mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS). Les termes de décrochage et son supplétif « décrocheur » se sont récemment imposés en France dans les textes institutionnels et les discours politiques pour qualifier les problèmes de l’école. L’article L. 313-7 (loi 2009-1437 du 24 novembre 2009-article 36) du Code de l’éducation prévoit un cadre légal pour la lutte contre le décrochage scolaire. Article L313-7 Créé par LOI n°2009-1437 du 24 novembre 2009 - art. 36 Afin d'apporter, sans délai et dans un cadre coordonné entre acteurs de la formation et de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, des solutions de formation, d'accompagnement ou d'accès à l'emploi aux jeunes sortant sans diplôme du système de formation initiale, chaque établissement d'enseignement du second degré, y compris les établissements privés ayant passé avec l'Etat l'un des contrats prévus par le présent code et ceux de l'enseignement agricole, et chaque centre de formation d'apprentis ou section d'apprentissage transmet, dans le respect de la législation relative à l'informatique et aux libertés, à des personnes et organismes désignés par le représentant de l'Etat dans le département ainsi qu'à la mission locale pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes visée à l'article L. 5314-1 du code du travail compétente ou, à défaut, à l'institution visée à l'article L. 5312-1 du même code les coordonnées de ses anciens élèves ou apprentis qui ne sont plus inscrits dans un cycle de formation et qui n'ont pas atteint un niveau de qualification fixé par voie réglementaire. Dans chaque département, le dispositif défini au présent article est mis en œuvre et coordonné sous l'autorité du représentant de l'Etat. Source : Legifrance

Le décret n° 2010-1781 du 31 décembre 2010 fixe le niveau de qualification qui correspond soit à l’obtention d’une baccalauréat général soit d’un diplôme à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles et classé aux niveaux V et VI de la nomenclature interministérielle des niveaux de formation ».La rentrée 2011 a vu la mise en place d’un système interministériel d’échange d’information (SIEI) qui croise les données de l’Education Nationale, des régions, de l’enseignement agricole ou encore des missions locales pour repérer les jeunes en situation de décrochage scolaire. Ces données sont ensuite transmises aux plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs. Une préoccupation inversement corrélée à l’évolution du phénomène La montée de la préoccupation du décrochage scolaire à la fin des années 1990 pourrait sembler paradoxale puisque le niveau de qualification moyen n’a cessé d’augmenter et les 5

sorties précoces de s’abaisser. Il est nécessaire de tenir compte du contexte économique et social dans la mise à l’agenda de la lutte contre du décrochage scolaire. En effet, depuis la fin des années 1970, le marché du travail s’est durablement éloigné du plein-emploi. La prise en compte de la surreprésentation des jeunes et des non-diplômés parmi les chômeurs ont fait porter le regard des pouvoirs publics sur les jeunes déscolarisés (Pierre-Yves Bernard, 2011 ; Broccolichi, 2000). De même, la thématique de l’insécurité a également alerté les pouvoirs publics sur les « jeunes en errance », l’ancien ministre de l’intérieur Jean-Pierre Chevènement avait même déclaré en 1997 que « pour lutter contre la délinquance, il faut lutter contre l’absentéisme, le décrochage et la déscolarisation » (Dominique Glasman et François Oeuvrard, 2011.) La forte augmentation des dettes souveraines et la tendance libérale à la remise en cause des dépenses publiques ont probablement joué un rôle dans l’essor de la lutte contre le décrochage scolaire. Les auteurs du Plan de la lutte contre le décrochage scolaire évaluent le « coût d’un décrocheur » à 230 000 euros par an, soit 30 milliards d’euros de dette cumulée en un an pour l’ensemble des décrocheurs.

Accès au terrain L’accès au terrain se fera par l’intermédiaire d’une pilote chargée d’organiser la MLDS, mission de lutte contre le décrochage scolaire, d ’un district de Seine-Saint-Denis. La MLDS, créée par la circulaire 2013-035 du 29 Mars 2013, anciennement Mission Générale d’Insertion, poursuit deux finalités : réduire, par la prévention, les sorties du système scolaire sans qualification et prendre en charge les élèves ayant décroché dans des classes adaptées afin de les orienter vers une filière ou une formation professionnelle. Cette personne-ressource est également pilote d'un réseau Foquale, Formation, qualification, emploi. Les réseaux Foquale s'inscrivent dans la continuité des réseaux « nouvelle chance » prévus par la circulaire du 8 mars 2012 et se substituent à eux. Les grands principes des réseaux Foquale sont de mettre en lien les MLDS avec les différents acteurs extérieurs à l'Education nationale impliqués dans la lutte contre le décrochage scolaire et l'insertion professionnelle des jeunes. Je suis également directement impliqué dans la classe MLDS d’un lycée professionnel présent sur un autre district de Seine-Saint-Denis. Les classes MLDS existent seulement dans une minorité de lycées professionnels. Elles consistent à proposer à des élèves décrochés un emploi du temps aménagé avec des cours dans les matières générales, des ateliers consistant à construire un projet professionnel et des projets artistiques. Les élèves sont également invités 6

à poursuivre un stage en entreprise durant l’année scolaire. J’ai été impliqué dans cette classe l’année dernière en assistant un intervenant extérieur dans la réalisation d’un court-métrage et cette année en tant qu’enseignant vacataire en sociologie. Je suis également assistant pédagogique à mi-temps dans ce même établissement. Ces terrains m’offrent également d’autres accès aux dispositifs de lutte contre le décrochage scolaire. Le lycée Olympe de Gouges dans lequel la pilote du réseau Foquale travaille en tant que proviseur adjointe a mis en place trois ateliers de prévention du décrochage scolaire. Parmi ceux-ci j’ai pu participer au module d’aide psychologique. Encadré par trois assistants d’éducation, il consiste à offrir un espace de discussion collective aux élèves perturbateurs ou absentéistes. Un second moyen d’accès aux dispositifs de prévention du décrochage offert par les deux terrains principaux est le réseau Foquale dans lequel participait une intervenante dirigeant un dispositif d’accueil de collégiens exclus temporairement. Enfin une troisième externalité empirique venait des entretiens effectués avec les enseignants du micro-lycée logé dans le lycée Jules Vallès où j’enseigne en classe MLDS. Ces différents points d'accès au terrain m’ont permis d'aborder les dispositifs de lutte contre le décrochage scolaire par le « haut » et par le « bas. » En effet, les réunions du réseau FOQUALE me permettent de rencontrer une large palette d’intervenants dans la lutte contre le décrochage scolaire, des élus aux assistantes sociales en passant par les membres des associations locales tandis que dans ma fonction d’enseignants au sein d’une MLDS je rencontre des enseignants, des responsables de la MLDS dans l’établissement mais également les élèves. De plus, j’ai pu m’appuyer sur ma fonction d’assistant pédagogique au sein de l’établissement pour avoir un contact plus « facile » avec les élèves de la classe MLDS, comme nous le verrons par la suite. Les prénoms des acteurs et les noms des établissements et des villes concernés seront anonymisés. En ce qui concerne l’anonymisation des prénoms, nous avons utilisé le moteur de recherche des résultats au baccalauréat selon les prénoms de Baptiste Coulmont1. Lorsqu’un prénom est inscrit sur le moteur, celui-ci affiche une liste de prénom ayant obtenu des résultats similaires. Bien qu’il existe une différence d’âge entre nos enquêtés et les bacheliers, cette application nous permet de trouver des prénoms de substitution reflétant une origine sociale assez proche.

1

http://coulmont.combac//

7

Recueil des données L’enquête proposée est qualitative. Elle est composée de 10 entretiens formels avec des acteurs impliqués dans les MLDS ou les réseaux FOQUALE et de nombreux entretiens informels avec ce même type d’acteurs et d’élèves scolarisés dans les classes MLDS, d’une observation participante au sein de d’une classe MLDS, de propos et de débats recueillis au sein des réunions d’un réseau Foquale, d’analyses de textes et de rapports relatifs au décrochage scolaire produits par l’Education Nationale et de représentations vidéos et imagées du décrochage scolaire. La majorité des faits touchant directement aux élèves des classes MLDS ont été collectés par des entretiens informels. Les entretiens informels ont pris deux formes. La première est surtout constituée d’interventions « sauvages » en classe durant lesquels les élèves exposaient leur point de vue sur la classe MLDS, ses cours et ses ateliers. Une deuxième forme d’entretiens informels fut les nombreuses discussions en tête à tête et en petit groupe avec les élèves de cette classe dans l’établissement, au détour d’un couloir, devant la grille, parfois accompagné de surveillants type « grand frère2 », voire à l’extérieur. Ma défiance envers les entretiens informels s’expliquait par au moins deux facteurs. D’abord, les élèves de cette classe sont systématiquement suivis en entretien individuel. Une AVS (assistante de vie scolaire) est spécialement affectée à cette tâche. La responsable de la classe MLDS et une CPE participant à l’organisation du dispositif reçoivent également les élèves en entretien individuel. Mon objectif étant de recueillir un discours sur leur scolarité au sein de cette classe, l’organisation de l’enseignement et leur participation aux projets, je craignais alors que toute cette série d’entretien produisent un discours rôdé, forgé au long de toutes ces séries d’entretiens. Il faut rajouter à cet effet de position dans l’établissement, un effet de distance sociale. Ma fonction d’enseignant dans cette classe, ma couleur de peau, mon style vestimentaire et mon hexis corporel auraient probablement renforcé la prégnance de ce type de discours. 2

Ces assistants d’éducation, que les conseillers principaux d’éducation ou le proviseur surnomment les « grands frères », ont une position particulièrement dominée dans l’établissement. En plus d’être assistant d’éducation donc d’avoir un statut précaire et d’effectuer les tâches ingrates de l’équipe éducative, la direction voit leur valeur dans la proximité avec les élèves et leur éloignement avec le corps enseignants, à l’instar de l’ « éduc’ de rue ». Durant un entretien avec le proviseur et une CPE, ces derniers ont établi explicitement une typologie des AED. Il y aurait deux types d’AED, le « grand frère » qui partage les mêmes codes que les élèves mais risque de ne pas « élever » ces derniers dans leur niveau scolaire, leur ouverture sur le monde et leurs ambitions tandis que l’AED « bobo » moins à même de régler les conflits a l’avantage d’ « amener les élèves vers d’autres horizons ».

8

L’entretien informel peut atténuer certains inconvénients de l’entretien directif ou semidirectifs dues à la distance sociale entre enquêteurs et enquêtés (Bruneteaux, Lanzarini ; 1998.) Bruneteaux et Lanzarini, établissent une typologie des effets de la distance sociale entre sociologue et enquêtés des classes populaires. Parmi ceux-ci, l’enquêteur peut se h...


Similar Free PDFs