Structuralisme & fonctionnalisme PDF

Title Structuralisme & fonctionnalisme
Course Théories linguistiques et communication
Institution Université Paul-Valéry-Montpellier
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Cours écrit de théories linguistiques E11SL5...


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Leçon 7 : Structuralisme (pragois) et fonctionnalisme Je p ro cè der erai e n deu euxx temp s : 1 ) en d éfiniss ant ce q ui c ara cté rise lee s tructuralisme et lee fo nct ntant un d es ctionnalism sme ( surtout pra rag ois), 2 ) e n p rése sen p lus b ea u x fleu eu ron ons du du st ruc uc tura ralis mee pra rag ois : laa Théorie de la marque et des conditions de marquage 1 ) A quoi reconnaît-on le structuralisme ? Ce titre de section est emprunté au génial Gilles Deleuze, qui a défini avec brio les critères propres à circonscrire et/ou identifier le structuralisme1 (Deleuze 1967). Au-delà de la taxinomie de Deleuze, mon propre point de vue sur cette question du philosophe et sémioticien : à quoi reconnaît-on le structuralisme ? ». Je procèderai à la manière d’une litanie, en simple interligne, qui sonnera, je l’espère, comme un éloge, plutôt que comme une péroraison2. Je dirais qu’on le reconnaît d’abord à son ambition holiste (analyser tout système linguistique comme une totalité) et systémique : la langue (mais aussi la communication, etc.) est un système où tout se tient, comme le suggère la célèbre métaphore saussurienne du jeu d’échecs. On le reconnaît à l’importance qu’il accorde à la description, à son descriptivisme foncier, passionné, en procédant par types et par touches typologiques. D’ailleurs, toute la typologie

1 Deleuze, Gilles (1967). “A quoi reconnaît-on le structuralisme ?”, in Châtelet F. (éd.) 1973. Histoire de la philosophie, VIII. Le XXe siècle , Paris, Hachette . 2 Dans cette leçon, on verra que le propos consistant à dire que « Le structuralisme n'est pas une école de pensée facilement identifiable » est pour le moins discutable (propos glané non sans consternation sur https://www.universalis.fr/encyclopedie/structuralisme/), comme tant de jugements portés, ces dernières années, contre cette école de pensée. Or, on ne conseillera jamais assez de s’intéresser au structuralisme, car il aidait à penser, à la différence des courants postmodernistes, dont certains se disent « poststructuralistes » non sans condescendance. Or, la course à l’atomisme ou au relativisme et au rejet des notions de système et de structure mènera toujours au même résultat : personne n’y gagne et personne n’y trouve rien de probant à dire sur les langues, le langage et les sociétés.

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linguistique moderne (cf. WALS, en ligne, mentionné dans le premier cours : v. https://wals.info/) s’inscrit dans la droite ligne du structuralisme et du fonctionnalisme. On le reconnaît au caractère méthodique mais aussi trivial de ses procédures de découvertes (paires minimales comme principal « test » structural en phonologie et ailleurs. On le reconnaît par l’importance capitale de l’opposition et de la complémentarité entre axe paradigmatique (des simultanéités) et axe syntagmatique (des successivités) : commutation et permutation. On le reconnaît à son binarisme mais aussi (moins connu), sa dynamique centre/périphérie et sa capacité à ne pas voir que des compartiments étanches On le reconnaît à la recherche et à son goût des corrélations, des relations de symétrie et d’asymétrie, à sa téléologie (finalité, mécanicisme, etc.). À son souci de l’économie des systèmes qu’il édifie pièce par pièce, type par type : la recherche d’équilibre et d’élégance des structures. Le générativisme en tirera la leçon et sera son digne successeur, sur ce plan, mais se laissera souvent piéger par la fragmentation de ses analyses et l’éclatement de ses modules analytiques. À son positivisme fondé sur la simple présentation des faits. À son rejet foncier, voire obstiné, de la formalisation (sauf chez Hjelmslev et l’école danoise). À son rejet tout aussi obstiné de son concurrent émergent, dans les années 1950 – le générativisme. À son peu d’intérêt pour l’introspection et les jeux de permutation, usuels dans le générativisme. Il est faux de dire que le structuralisme a « évacué le sens ». C’est nier l’existence de l’école de Paris, de sémantique structurale (Algirdas Greimas), et nier sa méthode qui articule forme et contenu, expression et substance (cf. école danoise). On le reconnaît à ces notions fondamentales que sont

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les oppositions binaires, binarisme les Traits distinctifs

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► ► ►

La Neutralisation



Les polarités explicatives en miroirs (ex : langage enfantin et aphasie, chez

les corrélations et séries la Marque et les conditions de marquage

Jakobson) Tous ces aspects de la théorie seront repris, peu ou prou, par le générativisme, qui les fera fructifier à sa manière, voire, les affinera et les développera bien au-delà des « intuitions » initiales. Notamment la géniale intuition de « marque » et de « conditions de marquage ». Dans la prochaine section, je vais présenter les principaux éléments permettant de comprendre les enjeux de ce grand acquis du structuralisme pragois qu’est la notion de marque . 2) Théorie de la marque et des conditions de marquage La marque se répartit en deux domaines : l'un correspond au "marquage" des sons en termes de complexité de la structure interne des consonnes et des voyelles selon les inventaires des langues ainsi qu'en termes de naturalité (hiérarchie de complexité des inventaires attestés dans les langues du monde et par l'acquisition ou la perte du langage), l'autre relève de la morphologie et de la théorie de l'iconicité, c’est-à-dire du rendement sémiotique, fonctionnel, d'unités discrètes constitutives de segments ou de phonèmes. L'enjeu est grand, de faire converger dans un même modèle explicatif une théorie du phonème et une théorie du morphème : il constitue un des aspects du programme de recherche issu de la phonologie générative. Chomsky & Halle (SPE 1968) intégraient la marque ou le marquage phonologique dans une théorie de la grammaire des sons tournée plus vers les règles procédurales que vers les inventaires et les corrélations, à la différence du paradigme pragois.

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En intégrant la notion de marque, héritée de la phonologie pragoise notamment à partir du tournant que constitue l'ouvrage de Roman Jakobson sur la symétrie des processus d'acquisition et de perte des sons du langage et ses implications pour la catégorisation des sons du langage, la phonologie générative allait développer une théorie de la naturalité phonologique (Hooper, 1976, Stampe, 1973, Donegan, 1978). Afin de mieux définir la notion de marque, prérequis important pour ce qui va suivre, je rappelle les principaux arguments en faveur d'une théorie de la marque en phonologie et en morphologie à partir du tableau qu'en propose Mayerthaler (1988 : 3)3. Partant d'une équation aussi simple que marque et marquage =

complexité - ce dernier critère se référant par exemple au nombre et à la hiérarchie des traits de sonorité et de chromatisme qui caractérisent les segments C et V -, on recueille des données empiriques sur les domaines suivants, ici résumés : I. Arguments externes 1) Acquisition du langage : les unités (phonèmes et morphèmes) moins marquées sont acquises avant les unités plus marquées. 2) Tests de perception : le moins marqué est relativement plus facilement perceptible, ou plus aisé à décoder que le plus marqué. 3) Spoonerismes, lapsus linguae et slips of the tongue : les segments davantage marqués sont plus susceptibles de provoquer des lapsus linguae que les segments moins marqués. L'accès au lexique serait moins immédiat pour les premières que pour les dernières, comme si le calcul en était plus long (v. pour une approche de l'accès aux composantes du lexique mental Aitchinson, 1987)

Mayerthaler, Willi, 1988 : Morphological naturalness , Karoma, New York (traduction de l'allemand). 3

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4) Troubles du langage : aphasie, perte du langage. Les formes plus marquées (cumulant les trois précédents critères, qui augmentent la complexité et le degré de secondarité des unités linguistiques) seraient perdues avant celles moins marquées. II. Arguments internes 5) Diachronie, évolution linguistique : hormis les processus d'emprunt et d'hypercorrection, les formes moins marquées tendent à prévaloir sur les formes plus marquées (les passages en italiques sont tous de Mayerthaler). J'ajoute que le marquage tendrait à se résorber, si l'économie des changements phonétiques ne suivait pas le principe général de cyclicité des changements en chaînes, tels que les cycles vocaliques (cf. le Great Vowel Shift de l'anglais) ou consonantiques (loi de Grimm), - cf. Martinet (1955), et la synthèse de Labov (1993), qui montre la continuité entre les néogrammairiens, qui pensaient en diachronie

absolue

dans

une

orientation

finaliste

(l'évolution),

et

le

structuralisme, opérant en synchronie dynamique (les états parallèles et successifs de la structure). Non seulement les voyelles et les consonnes entrent en cycles, mais aussi les systèmes tonaux (cf. la tonogenèse scandinave, ou le cycle tonal survenu entre le proto-baltique et les dialectes baltes anciens et modernes (lois de Saussure et de Leskien concernant le lituanien, v. Gauthiot, 1903, Collinge, 1985 : 149-152, 115-116). On reconnaît donc désormais que le mouvement évolutif n'est pas finaliste, mais cyclique (cf. Aitchinson, 1991), ce qui implique par conséquent que le marquage est traité et retraité de manière continue dans le processus d'évolution linguistique, ainsi que dans celui de diversification linguistique. 6) Pidgins et créoles : les formes plus marquées seraient les premières à être éliminées du processus de glottogenèse créole, et la créolisation favorise l'émergence de formes moins marquées.

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7) Typologie interlangue des inventaires : les formes moins marquées seraient plus communes. L'existence de catégories marquées implique nécessairement l'existence de catégories non marquées. 8) Fréquence du type et des occurrences : les formes moins marquées sont plus fréquentes dans le lexique et la grammaire que les formes plus marquées. 9) Analogie : alignement paradigmatique, extension, diffusion phonolexicale : les formes moins marquées dominent généralement dans les processus d'analogie observés. Quand les deux termes entrent en compétition, le conflit est souvent résolu par le choix de la forme moins marquée. 10) Irrégularité (exceptions) : les irrégularités utilisent plus les formes non marquées que les formes marquées comme matériaux. 11) Neutralisation ou syncrétisme d'unités phonologiques : quand une position est partagée par un terme marqué et un terme moins marqué, le syncrétisme opère à partir de la forme moins marquée. 12a) Codification ou symbolisation morphosyntaxique : les formes encodées comme relativement moins riches en traits sont souvent - mais pas toujours - utilisés par les langues pour marquer les catégories non marquées ou relativement non marquées. 12b) Codification ou symbolisation phonologique : toute catégorie qui présente un exposant relevant d'un caractère de complexité phonologique supplémentaire a des chances d'être un terme marqué dans le système phonologique : par exemple, les consonnes palatalisées, ou labialisées, les présonorisées [mb], [nd], [ng], etc En somme, la Théorie de la Marque, ou Théorie des conditions de Marquage, s’avère centrale dans les prémisses de la Méthode en linguistique théorique et descriptive. Les langues étant des systèmes sémiotiques d’un extrême degré de sophistication, une théorie de ce qui est structuralement 6

discret, ou pertinent, non pas seulement en termes binaires, mais aussi en termes de contrastes sur les formes des signifiants, s’imposait, pour explorer de mannière plus systématique et ordonnée les langues du monde. La Théorie de la Marque contribue à cette dimension de l‘exploration des strucures attestées dans les langues du monde. Une magnifique grille d’analyse. Et c’est surtout à cela qu’on reconnaît le Structuralisme.

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