Andréa Camilleri Rédaction PDF

Title Andréa Camilleri Rédaction
Author Melodie Baudesson
Course Littérature comparée Lettres Modernes
Institution Université de Reims Champagne-Ardenne
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Summary

Dossier sur la langue maternelle d'Andréa Camilleri ...


Description

Langue Maternelle. Andréa Camilleri.

Andréa Camilleri, né le 6 septembre 1925 à Porto Empedocle dans la province d'Agrigente en Sicile et mort le 17 juillet 2019 à Rome. Récemment, la mairie a demandé à changer le nom de Porto Empedocle en Porto Empedocle Vigàta en hommage à Camilleri et à un personnage de ses romans car Vigàta, est la ville fictive de ses romans, inspirée de Porto Empedocle. C’est un metteur en scène qui deviendra un écrivain hors pair à l’âge de la retraite. Il aura beaucoup de succès grâce au personnage de Montalbano qui revient dans quasiment tous ses chefs-d’œuvre. Il aura un tel succès foudroyant qu’il devient une vedette en Italie comme ailleurs, avec des groupies qui l'appellent "Il Sommo" qui veut dire "le plus haut" et qui fait référence à Dante. Ses livres seront en tête des listes de meilleures ventes, semaine après semaine et souvent plusieurs titres à la fois. Grâce au personnage du commissaire Montalbano, ses livres ont leur place dans la collection la « Pléiade » italienne : « I méridiani ». Avant sa carrière d’écrivain il était enseignant, théoricien d’art dramatique et metteur en scène et il collaborera avec l’Enciclopedia delle Spettacolo, l’encyclopédie Italienne. Il commence sa deuxième carrière en tant qu’écrivain par des articles pour des journaux mais aussi pour des revues, par des nouvelles ainsi que par de la poésie et son premier roman Il corso delle cose. Il y aura une double voie pour ses romans : les romans noirs et historiques qui peuvent se lire individuellement sans ordre et souvent inspirés par des documents d’archives, puis dans la seconde voie littéraire, viendra en 1994 la série des romans du commissaire Montalbano avec comme premier roman La forma dell'acqua traduit en français par La forme de l’eau et publié en 1999 dans les éditions Fleuve Noir. Le commissaire Salvo Montalbano est un clin d’œil à l’auteur espagnol Manuel Vazquez Montalban (dont Camilleri appréciait le personnage de Pepe Carvalho). Le commissaire Montalbano est un grand personnage et Camilleri fait ressentir cette âme sicilienne au travers d'expressions dialectiques, des atmosphères et des personnages, amusants, fougueux, mais jamais caricaturaux, mais aussi à travers le monde mystérieux de la Cosa Nostra, la mafia sicilienne ainsi que les thèmes de la corruption et de la crise migratoire. Grâce à son succès, on parlera par la suite du « phénomène Camilleri » pour évoquer l’écrivain et ses œuvres. Nous verrons donc comment Camilleri utilise la langue dans ses polars. Andréa Camilleri est Sicilien. Il fera ses études à Palerme, capitale de la Sicile. La langue maternelle pour lui est donc le Sicilien, cependant il ne considère pas cela comme langue maternelle mais plutôt comme langue paternelle, car le Sicilien est la langue qu’il parlait chez lui avec son père. Cependant lorsqu’il était à l’école, le sicilien était interdit d’utilisation car c’était l’époque du fascisme qui interdisait de parler autre langue que l’italien. Or, la langue qu’il utilise dans ses romans est une sorte de re-création personnelle du parler de la province d’Agrigente. Plus généralement, la langue de Camilleri est représentative du très riche idiome constitué au fil des siècles par les Siciliens cultivés, du point de contact entre le dialecte populaire de l'île, la langue des autres régions d’Italie ainsi que plus tard

l'italien officiel, et les langues des peuples qui, depuis deux millénaires, ont tour à tour, débarqués sur ce triangle entre l'Orient et l'Occident de la Méditerranée. La vie de la Sicile a été influencée par les Grecs, les Byzantins, les Romains, les Arabes, les Normands, certains Allemands, les Angevins, les Catalans, les Castillans et les Américains, de ce fait, la langue Sicilienne a aussi été influencée. Camilleri parlait et écrivait aussi l’Italien grâce ou plutôt à cause de son éducation scolaire et en 1949 il quitte la Sicile grâce à une bourse d’étude mais il ne cessera jamais de revenir sur cette île physiquement mais aussi littérairement. Il écrivait en italien pour ce qu’on pourrait appeler sa première carrière, celle de ses premiers écrits mais aussi ses nouvelles, ses poésies, ses mises en scènes car il fallait que tout le monde puisse le comprendre. Cependant il n’avait encore jamais écrit de roman car il disait que « dans la langue italienne, dans l’italien des Italiens, je n’ai jamais ressenti un élan aussi long pour écrire un roman, ce que j’avais à dire en italien se contenait toujours dans la forme de la nouvelle ». Ce n’est qu’en 1982 qu’il publie son premier roman, mais son succès arrivera dans les années 1990 par le bouche à oreille d'abord, puis, grâce à l'intérêt des médias, s'est développé en Italie ce qu'on appelle le «phénomène Camilleri ». Andrea Camilleri raconte que le jour où il a appris que son père allait bientôt mourir, il a joué au flipper toute la journée, les jours suivants pendant un mois et demi il ne faisait que rester avec lui. Un jour pour le distraire il lui a raconté une histoire (qui sera son premier roman Il corso delle cose et son père lui a demandé pourquoi il ne l’écrivait pas, ce à quoi Camilleri répond « eh, papa, parce qu’en italien ça m’est compliqué de l’écrire » et c’est à ce moment-là que son père lui a dit « et pourquoi tu devrais l’écrire en italien ? Écris-la comme tu me l’as racontée ». Il a médité sur ces paroles plusieurs jours car il voulait se faire comprendre de ceux qui ne comprenaient pas le patois puis après réflexion il a décidé d’écrire dans la langue de ce dernier, cette langue qu’il retrouvait spontanément lorsqu’il parlait avec lui. Cependant cela n’a pas été facile pour lui qui parlait très bien Sicilien mais été partis vivre ailleurs. Un de ses premiers romans : Un filo di fumo est accompagné d’un glossaire pour les lecteurs italiens non natifs de la Sicile. Puis il a laissé tomber cette méthode d’aide à la compréhension du roman car il a mis en place d’autres voies d’accès à son texte qui correspondent à trois niveaux de langue utilisés. La langue qu’utilise Camilleri dans ses romans est une langue inventée, un mélange de Sicilien, d’Italien utilisé quotidiennement dans la région d’Agrigente et de Porto Empedocle mais aussi de tous les dialectes des autres régions de Sicile ainsi que des expressions qui remontent à l’enfance de Camilleri. Il utilise également une syntaxe particulière de l’île, qui est de mettre le verbe à la fin de la phrase, nous avons l’exemple de « Montalbano, sono » traduit en « Montalbano, je suis », « Siciliano, sono » → « Sicilien je suis ». Il rend littéraire aussi des expressions plutôt drolatiques comme « non mi rompere i cabasisi » qui veut dire « ne me casse pas les bonbons », expression qui n’existait quasiment pas vingt ans avant son utilisation par Camilleri, mais qui aujourd’hui est bien fonctionnelle et comprise. Le traducteur Français presque attitré de Camilleri parle de « camillerien » pour exprimer un mélange de familiarité et d’étrangeté. Les lecteurs ont réussi à s’approprier cette nouvelle langue car Camilleri leur en a laissé le temps, sa complexité linguistique s’est développée progressivement dans ses romans. Sinon, pour les novices qui peuvent encore avoir un peu de

mal, un petit dictionnaire des expressions siciliennes employées, a été créé et mit en place du côté du « Camilleri Fans Club ». Pour justifier son choix de langue pour ses romans, hormis le décès imminent de son père, Camilleri nous apprend pendant des interviews qu’il s’est rendu compte que le mélange de dialecte et de la langue officielle était le meilleur moyen pour réussir à exprimer ce qu’il voulait dire. Il n’arrivait pas à tout rendre qu’avec l’italien, mais aussi car il compare l’italien à la langue des notaires, une langue plus stricte. Lors d’une interview, il fait référence à Pirandello qui faisait une distinction, en disant que « le dialecte exprime le sentiment, là où la langue exprime le concept et la raison». Le dialecte serait pour lui la langue de la famille, de l’intimité car plus jeune sa mère lui faisait des reproches en dialecte avant de le menacer en italien de ne plus jamais lui donner une lire. Pirandello est un écrivain Italien qui lui utilisait une structure de phrase sicilienne, mais non pas le dialecte, ce que Sciascia s’efforce de rappeler à Camilleri lorsque celui-ci argumente son choix d’utiliser les dialectes en prenant l’exemple de Pirandello. Camilleri a contribué à une sorte de libération des Italiens dans leurs rapports aux dialectes qui semble pour lui une langue « plus personnelle à chérir » contrairement à la langue nationale « qu’on apprend à l’école ou en recevant des fessées ». Camilleri, utilise donc dans ses romans au moins trois niveaux de langue. Le premier est celui de la langue officielle, l’italien des Italiens, qui ne présente pas de difficultés particulières, souvent beaucoup plus présent vers la fin des livres, au moment où l’action doit avancer. Le troisième niveau est celui du dialecte pur, qu’emploient les gens du peuple, ou Montalbano quand il retourne au plus près de ses racines. Les passages de dialogues sont souvent remplis de dialecte, soit ce dernier est suffisamment près de l’italien pour se passer de traduction, soit Camilleri en fournit une. Pour ce niveau certains traducteurs traduisent simplement le dialecte en français mais tout en signalant dans le texte lui-même que le dialogue original est en sicilien et peuvent parfois laisser les phrases en dialecte à côté de la traduction française. La principale difficulté se trouve au niveau intermédiaire, le deuxième niveau de langue où se présente la « langue paternelle ». Cet italien sicilianisé, qui est celui du narrateur mais aussi de Montalbano et de la plupart des personnages, est truffé de termes qui ne sont pas du pur dialecte, mais plutôt des « régionalismes ». Pour ces mots, Camilleri ne donne pas de traduction, car il les a placés de manière à ce qu’on en saisisse le sens grâce au contexte et aussi grâce à la sonorité proche de celle d’un mot connu. Les Italiens n’ont donc pas besoin de glossaire car ils goûtent l’étrangeté de la langue mais la comprenne. Pour la traduction de tous ces sicilianismes il a fallu abandonner l’idée d’en trouver des équivalences mot à mot en français. La sicilianité de notre auteur s’exprime dans les mots mais aussi dans la syntaxe. Il inverse comme évoqué précédemment le sujet et le verbe : « Siciliano, sono », tournure de la langue parlée qu’emploi beaucoup Camilleri. Il utilise aussi le passé simple, là où l’italien et le français applique le présent ou le passé composé. Un passé simple qui s’use quotidiennement dans le parler populaire de la Sicile. Il en est de même pour des régionalismes qui expriment la singularité et l’insularité culturelle des habitants de Vigàta et alentours. C'est grâce à cet italien sicilianisé qu'il parlait avec son père qu’il a réussi à passer de la nouvelle au roman. D'un livre à l'autre, Camilleri ne va cesser d'enrichir cette langue, dont il joue simultanément avec l'italien classique et le dialecte pur, en fonction des besoins de la narration. L’écrivain fait revivre un dialecte et cela va devenir sa marque de fabrique, il le dit lui-même : « «Disons que j’invente 1% des mots mais pour le reste, j’utilise le dialecte des paysans ou des ouvriers siciliens». L'italianisation se produit clairement à l'aide de morphèmes italiens attachés aux bases siciliennes, mais ces bases sont celles que l'auteur a

choisies, et non celles auxquelles on pourrait s'attendre dans un discours mixte. Nous pourrions utiliser le terme de « voix » dans ses ouvrages car un discours se construit avec un idiolecte, un langage particulier et propre à cette voix narrative, composé de sonorité sicilienne sur un fond d’italien standard et d’un travail consciemment construit sur l’oralité et significatif de la sicilianisation de la narration. Ceci est l’expression du style de l’auteur. Les nuances des différents dialectes qu’il utilise deviennent eux même des éléments de l’intrigue. Les dialectes sont pour lui l’essence véritable des personnages. Dans Quelque chose me dit que.. entretiens avec Andrea Camilleri, il dit au journaliste qui l’interroge que lorsqu’il cherche à comprendre le personnage qu’il est entrain faire naître, « le personnage prend forme : il naît, en quelque sorte, des mots qu’il doit prononcer. Sa langue est sa pensée. On imagine un personnage, et puis on peut éprouver des difficultés à le faire parler de façon à ce qu’il présente comme on se l’était imaginé. On découvre des différences très forte entre les langues, les dialectes […] j’ai besoin de préserver la stupeur que provoque l’introduction d’un dialecte imprévisible et peu connu, comme peut l’être le génois, dans un livre d’un écrivain sicilien auteur de roman qui ont pour cadre la Sicile ». Ce mélange de langues et de dialectes qu’il utilise en fonction des besoins du roman et des personnages, est bien la marque de fabrique de Camilleri. Fabio Gambaro dit qu’il a créé un genre littéraire à lui tout seul, car son roman policier est particulier et contient des caractéristiques linguistiques qu’il a inventées dans ce mélange italo-sicilien. Il dit lui-même en parlant de la langue utilisé dans ses romans et par son personnage principal que « La langue de Montalbano bouge tout le temps. Elle ne peut pas vieillir et s’enrichit de nouveaux termes, de formes verbales inédites. Un mot peut changer selon qu’il est prononcé par un paysan ou par un bourgeois. Tout est affaire de rythme, comme une partition musicale. ». Il est considéré comme l’inventeur du genre du polar à l’italienne : le Giallo, bien qu’il ait été influencé par le conseil de Sciascia (écrivain Sicilien attaché à son île qui utilisait aussi les dialectes dans ses romans) qui lui parle de la structure du polar comme une sorte de contrainte pour l’écrivain, obligé d’en suivre la temporalité, la logique et la chronologie, mais comme étant la structure la plus vraie pour un écrivain. Il s’est donc lancé sur ce modèle avec La forme de l’eau et, est devenu le père du polar italien. Ce qui le rend fière aussi c’est de se rendre compte qu’un professeur d’université l’a étudié au point d’en rédigé un dictionnaire de cette langue inventée qui mêle l’italien, le sicilien et des termes inconnus.

De ce fait, il a suscité de l’intérêt voire même de l’admiration de ceux qui ont entreprit la traduction de certains de ses romans, en Français, et cela n’a pas été une tâche facile. Serge Quadruppani est un journaliste, romancier, traducteur et éditeur littéraire français. Il est auteur notamment de romans policiers et traducteur de la série des Commissaire Montalbano d'Andrea Camilleri dans lesquels il est fait un usage important du dialecte et des régionalismes siciliens. Lors d’interview, quand Quadruppani parle de son rôle de traducteur, il nous dit qu’il est très attentif à rendre la voix de l’auteur, à respecter son écriture, et à la faire passer du mieux possible. Il essaie d’être le plus fidèle possible, même dans ce qu’il considère comme des lourdeurs de styles ou de rythme. En tant que directeur de collection, il peut admettre que le traducteur fasse des faux sens, mais il ne supporte pas les traducteurs qui se permettent de

corriger un auteur. Le fantasme du « bon français » l’insupporte. Cependant la confrontation intime avec la langue et la technique d’auteurs divers l’aide à réfléchir aussi sur sa propre écriture. De tous les auteurs qu’il a traduits, Camilleri est celui qui lui a donné le plus de fil à retordre, ce qui lui a donné l’occasion de rencontrer ce dernier pour lui demander parfois quelques précisions sur le vocabulaire utilisé. Quadruppani à découvert Camilleri par hasard, à Rome chez sa compagne Maruzza Loria qui l’a aidé quand il a commencé à traduire ce dernier. Il est tombé sur un des livres de Camilleri, l’a lu et l’a trouvé formidable. C’est Maruzza Loria qui lui a expliqué à ce moment-là que ce n’était pas vraiment du sicilien. C’est comme ça qu’il a appris qu’il existait un sicilien par habitant de la Sicile et qu’il s’est attaché à cette langue et cet auteur. Lorsqu’il traduit Camilleri, Quadruppani, essaie de faire ressentir au lecteur français ce que ressent un lecteur italien non sicilien qui lit un Montalbano. Il a recourt à toute une série de procédés et de bricolages car il ne peut pas trouver d’équivalences en français, même dans les langues régionales. Sa manière de traduire est dictée par l’impossibilité de trouver une langue miroir. Il fallait en créer une nouvelle et c’est ce qu’il a fait. Dans toutes ses traductions de Camilleri il explique cela dans une préface à l’attention des lecteurs nous expliquant son parcours de vie dans les plus grandes lignes, son succès, mais surtout d’où vient cette langue inventée, comment elle a été faite par Camilleri, comment la lire et comment la traduction a été possible. Quadruppani dans son rôle de traducteur prend le parti de la littéralité, du mot à mot, pour rendre perceptible certaines particularités de cette langue « camillerienne » comme l’inversion sujet/ verbe qu’il traduit dans la même forme que Camilleri et non pas en remettant les mots dans l’ordre. Il rend perceptible aussi l’emploi curieux du passé simple ou encore le recours fréquent à des formes pronominales comme « se faisait un rêve » pour « faisait un rêve ». Il nous renseigne sur cette langue qui évolue, qui se trouvait au début dans les dialogue puis Camilleri l’a utilisée même dans le récit, de ce fait, l’italien standard n’apparait plus que dans les dialogues entre les personnages qui ne sont pas siciliens. Dans La forme de l’eau en tout cas, premier roman de la série du Commissaire Montalbano qu’il a traduit, il essaie de nous donner un maximum d’information sur l’auteur et cette langue particulière, qu’il affinera au fil des préfaces des autres traductions. Dans La première enquête de Montalbano, il nous explique dans sa préface que remplacer cette langue dans un des parlers régionaux de la France ne lui a pas paru être la bonne solution. Soit ces parlers tombés en désuétudes, son incompressibles pour la plupart des lecteurs, soit ce sont des modes de dire beaucoup trop éloignés des langues latines. Lui qui qui choisit le parti de la littéralité pour rendre perceptible certaines particularités de la construction des phrases, a laissé tomber cette recherche d’équivalences des régionalismes termes à termes. Le « camillerien » n’est pas la transcription pure et simple d’un idiome par un linguiste mais la création personnelle d’un écrivain, à partir de la région d’Agrigente. En tant que traducteur, même s’il a une part de créativité, il ne veut pas disputer le rôle de l’auteur et encore moins inventer une langue artificielle, même si celle de Camilleri l’est dans une certaine mesure. Il placera donc dans ses traductions des bornes rappelant à quel niveau se trouve le lecteur avec des termes du français du midi car le français occitanisé s’est répandu par diverses voies culturelles : à Calais on comprend ce qu’est un « minot ». Il a essayé de transposer certaines déformations imposées à l’italien classique pour faire entendre la prononciation de la Sicile tel que « pinsare » au lieu de « pensare » qui a été traduit par « pinser ». Ces choix permettent de suivre l’évolution du style de l’auteur car la fréquence de ces déformations orales n’est pas la même dans les premiers Montalbano que dans les derniers, et leur présence est plus ou moins importante en

fonction des passages d’un même livre. Sa traduction peut s’éloigner du « bon français » avec une traduction peu fluide et s’éloignant souvent délibérément de la correction grammaticale. Pour Quadruppani la traduction n’est pas la mise en rapport de deux vocabulaires, mais le passage d’un univers mental à un autre. Il donne l’exemple de « Spiare » le mot sicilien utilisé pour « chiedere » → « demander », contient le terme « spia » (espion, indicateur), on saisit tout de suite qu’il est particulièrement adapté à une société où celui qui pose trop de questions passe vite pour un indic. Dans ses traductions, Quadruppani essaie de faire ressortir la familiarité d’une langue et d’une société qui nous restent très proches, étrangeté radicale des tournures et d’une culture, forgées par une nature si particulière et une histoire si singulièr...


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