Qu’est-ce qu’un acteur international ? PDF

Title Qu’est-ce qu’un acteur international ?
Course Introduction aux relations internationales
Institution Institut d'Études Politiques de Paris
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Anne Bazin...


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Questions européennes et internationales

Leçon 2 : Qu’est-ce qu’un acteur international ? De quoi parle-t-on quand on étudie les relations internationales ? Quel genre d’acteur international est l’Etat Islamique ? Pendant longtemps, on s’intéressait qu’aux Etats sur la scène internationale. Seuls les Etats avaient une capacité d’action à l’international (faire la guerre, signer des traités). L’équilibre était préservé par les Etats. La guerre par les Etats était le seul mode d’expression des conflits à l’échelle internationale. Ça ne veut pas dire que les relations internationales échappent aujourd’hui aux Etats mais les entreprises, les groupes de pression, les moyens de communication comptent désormais. L’hypothèse de départ qui était que tous les Etats sont égaux ne résiste pas à l’observation empirique. C’est à partir des années 1960/1970 avec les travaux du transnationalisme que l’on va commercer à s’intéresser aux acteurs nonétatiques. Quel est le degré d’autonomie des autres acteurs par rapport aux Etats ? Un acteur international est celui dont les décisions affectent ressources et valeurs et dont l’action s’exerce par-delà les frontières. Alors tous les Etats sont-ils des acteurs ? Beaucoup n’ont pas accès au réseau de décision international, au marché de la culture, de la finance, de la production technologique... En revanche, tout un tas d’acteurs qui ne sont pas des Etats entrent dans cette catégorie. Certains de ces nouveaux acteurs sont assez bien identifiés (entreprises), obéissent à des règles connues mais la plupart sont beaucoup plus difficiles à caractériser, ont des codes qui leur sont propres, des rapports particuliers à la violence, à la justice, au droit... Chacun va tirer son pouvoir d’une source particulière. On reconnait une hétérogénéité considérable qui devient un défi pour l’analyse.

I.

L’Etat, un acteur à part ? A. L’ordre westphalien

Les traité de Westphalie de 1648 ouvrent une période où l’Etat étend ses prérogatives (dispenser des ressources, faire la guerre, gérer la société) et devient l’acteur essentiel du jeu international. La théorie principale était la théorie réaliste. Qu’est-ce que l’Etat dans les relations internationales ? Pour les juristes, il se caractérise par trois éléments : un gouvernement, une population et un territoire. La souveraineté est la compétence d’autorité en dernière instance du gouvernement sur sa population et son territoire. La reconnaissance de cette autorité par les autres Etats est considérée comme un critère essentiel de la délimitation de l’Etat. Mais ça ne suffit pas pour traduire une réalité plus complexe. Comment appréhender des situations empiriques qui démentent ce triple principe ? Il y a des Etats sans gouvernement (la Somalie), des Etats où le rapport à la population est complexe (les Etats du Golfe) ou encore des Etats où le territoire fait l’objet de contentieux (Inde et Pakistan, Israël et Palestine, Ukraine, Kosovo). Concernant la souveraineté, il y a des exemples qui montrent qu’elle est formelle mais plus discutable dans la pratique (le Liban il y a une quinzaine d’années). Ces trois principes ne correspondent pas forcément à la réalité empirique. D’où le recours à la sociologie, notamment avec Max Weber. Selon lui, l’Etat est centralisé, différencié (lien 1

d’allégeance prioritaire), il a une bureaucratie propre, institutionnalisé et territorialisé. Cela permet de distinguer l’Etat moderne des formes d’organisations politiques qui pouvaient exister dans le passé. Ce qui ressort est que l’Etat tel qu’on le connait aujourd’hui est avant tout une production (éminemment occidentale) et le produit d’une histoire. C’est une construction politique historiquement datée et géographiquement localisable. L’Etat s’est constitué dans un environnement politique et social particulier. Il s’est construit par les guerres. Ça ne veut pas dire que l’Etat s’est imposé tout seul. Il y a eu un processus pour qu’il acquière le monopole de la violence, le monopole de l’impôt mais aussi une lutte pour une reconnaissance symbolique face à d’autres formes d’autorité (Pape, empereur). Le modèle de l’Etat semble universel mais ne l’est peut-être pas tant que ça. On peut se demander combien de temps l’Etat tel qu’on le connait aujourd’hui va perdurer et souligner qu’il n’a pas les mêmes formes partout (Etat islamique). L’Etat, comme toute construction politique se transforme, s’adapte, il est façonné par son environnement international autant qu’il contribue à façonner cet environnement. L’Etat n’est pas a priori figé. Pendant longtemps, les internationalistes ont considéré que l’Etat était figé. Dans les années 1990, ce n’est plus possible. La primauté de l’Etat comme acteur exclusif ne fonctionne plus. Qu’est ce qui reste de l’Etat dans les relations internationales aujourd’hui à l’heure où d’autres acteurs acquièrent de plus en plus d’importance sur la scène internationale ?

B. L’Etat dans la mondialisation L’Etat est contesté, au moins sur trois axes : -

Sa prétention au monopole de l’action internationale

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Son universalité (Bertrand Badie, L’Etat importé)

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Sa capacité à assumer ses fonctions principales, notamment la sécurité de ses citoyens. Quand il n’y a plus d’Etat, il va être soumis à la concurrence d’autres acteurs.

Tous ces objets ont fait l’objet de beaucoup de travaux et le débat va s’articuler autour de deux grandes questions : -

L’évaluation du rôle de l’Etat et des menaces qui pèsent sur son autorité

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La question d’une gouvernance mondiale, d’une régulation de la mondialisation

Pour certains, notamment les tenants de la thèse du déclin du rôle des Etats sur la scène internationale, on aurait un nouveau équilibre des pouvoirs entre les Etats et les nouveaux acteurs. Cette montée en puissance des nouveaux acteurs non étatiques aurait transformé la scène internationale en abolissant le monopole des Etats. D’autres auteurs en revanche vont tenir un discours différent : les tenants de la thèse du « retour des Etats » qui défendent l’idée que l’Etat n’a pas disparu (il y en a de plus en plus et il y a des demandes d’Etats) mais s’est adapté. Il conserve un rôle de premier plan sur la scène

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internationale, voire même s’est renforcé. Les acteurs non étatiques demandent une régulation et on se tourne vers les Etats pour cela. D’autres encore vont préférer aborder cette question de la place de l’Etat à travers l’idée d’une transformation de l’Etat. On est dans un processus historique et il y a des trajectoires. L’Etat est susceptible d’évoluer sur la scène internationale. La notion d’Etat souverain ne veut pas dire la même chose selon qu’on observe des situations dans les différentes régions du monde. L’Etat reste largement présent à l’échelle internationale, tous les individus sont citoyens d’un Etats souverain. L’Etat souverain est attaqué dans ses prérogatives par tout un tas d’acteurs. Ces deux axes alimentent le débat sur l’avenir de l’Etat autour des concepts de territoire et de souveraineté. Le principe de territorialité est remis en question. La vision des relations internationales est faite de territoires qui composent le paysage mondial. Mais les transnationalistes vont remettre en cause cette vision en disant que les frontières n’ont plus le même sens aujourd’hui, que les réseaux savent de mieux en mieux exploiter la mobilité des individus ou des marchandises, des capitaux. Le territoire qu’on avait sanctuarisé ne constitue plus pour eux un modèle pertinent aujourd’hui. Or, il y a encore des conflits pour les territoires. Pour autant, le rapport au territoire et le sens du territoire ont changé. Le principe de territorialité est ébranlé car perçu comme trop étroit pour faire face au développement des échanges ou trop large pour faire face aux quêtes d’identité. La notion de territoire va se trouver interrogée, remise en question par l’évolution et la transformation du système international. L’histoire de la souveraineté est liée à celle de l’Etat, c’est à la fois une construction juridique et une fiction politique (elle n’existe que si on la reconnait comme telle). Dans les années 1950/1960, les pays colonisés repoussaient l’ingérence de l’ONU et en même temps voulaient acquérir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La souveraineté a consacré ses normes d’autonomie, de non-ingérence, d’égalité formelle qui est aujourd’hui fortement discutable. Le débat a abouti à la responsabilité protégée : une organisation internationale est susceptible d’intervenir dans un Etat pour protéger une population dans la mesure où l’Etat ne veut pas ou ne peut pas le faire.

II.

Diversité des acteurs internationaux : nouveaux enjeux A. Les organisations interétatiques

Elles émergent à la fin du 19ème siècle. Comment réguler et organiser la scène internationale par la création d’institutions internationales qui vont faciliter la coopération entre les Etats ? C’est la notion de régime international qui apparait dans les années 1970/1980. C’est un ensemble de normes, règles et procédures qui gouvernent l’interdépendance dans certains domaines. Stephen Krasner a beaucoup travaillé sur la question des régimes. On est en présence d’un régime international quand les acteurs qui participent ne prennent plus leur décision de manière complètement autonome. Cela contribue à organiser le système international qui au départ était tout à fait anarchique. Ca intrigue beaucoup les internationalistes : pourquoi les Etats coopèrent ? 3

Le multilatéralisme s’intensifie et domine la vie internationale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est le résultat d’un compromis improbable : au lieu de dépasser la souveraineté, on va l’aménager. On forme des contacts qui vont s’identifier entre les Etats. Les Etats-Unis sont à l’origine de la plupart des organisations internationales alors qu’ils pourraient choisir les règles du jeu. Ils préfèrent le multilatéralisme. Les Nations-Unies et plus largement les organisations internationales jouent essentiellement deux rôles : -

Un espace de dialogue entre les Etats : les Etats se rencontrent, pendant longtemps ce n’était pas le cas

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Une autorité qui contribue à organiser les relations entre les Etats

L’ONU a longtemps été, et reste encore, un espace de dialogue Nord/Sud ou Est/Ouest pendant la Guerre froide. C’est aussi une tribune pour Cuba par exemple. Au-delà du dialogue entre les Etats, c’est aussi là que vont s’engager des réflexions sur des grandes questions qui concernent la planète (le PNUD). Les organisations internationales sont complexes car elles sont composées d’Etats. Il n’y a pas d’organisations internationales qui soient composées d’Etats et d’autres acteurs. Ce sont en fait des organisations interétatiques. Ça ne veut pas dire que ce sera toujours le cas. Ces organisations sont censées représenter l’ensemble de la communauté internationale avec une certaine neutralité. La Banque Internationale est-elle totalement neutre ? Non, elle n’a pas les mêmes rapports avec les Etats-Unis qu’avec la Somalie. Encore une fois, sur le papier ça parait simple mais dans la pratique c’est plus compliqué. On voit qu’il n’est pas si simple d’imposer des contraintes aux Etats comme avec la Cour Pénale Internationale.

B. Les acteurs transnationaux La notion même d’ONG recoupe des réalités assez différentes, en termes de taille mais aussi d’organisation. Il y en a près de 40 000 recensées dans le monde mais il y en a surement beaucoup plus. 2 000 sont accréditées au Conseil Economique et Social des Nations Unies. Le comité de la Croix Rouge est un peu le modèle de référence. La Croix Rouge a été fondée pendant la bataille de Solferino en 1864. Les valeurs d’universalité, d’impartialité et d’indépendance la caractérisent. Une ONG est caractérisée par : -

Une organisation de citoyens (personnes privées) poursuivant un but non lucratif, avec un caractère permanent et un objet au bénéfice d’autrui

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Une forme juridique spéciale : une organisation à but non lucratif

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Un rapport aux puissances publiques : un espace autonome de l’Etat

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Un engagement librement consenti en général dans un cadre démocratique, une référence à des valeurs

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Un caractère transnational

Les ONG ont fait pression sur les Etats et vont les inciter à intervenir sur la scène internationale, parfois au contraire de leurs habitudes ou intérêts. Elles vont se mobiliser sur la scène 4

internationale pour produire des normes voire du droit international. La législation sur les mines anti-personnelles est un exemple. Elles vont chercher à mobiliser les opinions publiques. Le but est de faire inscrire à l’agenda international une cause. Leur influence dépend des causes qu’elles défendent et du type d’acteurs et du type d’Etats auxquels elle s’adresse. Les grosses ONG comme Care exercent des influences importantes sur des pays du Sud, mais qui vivent en paix et sont ouverts aux échanges. Dans des pays qui ont une approche très souverainiste des relations internationales, les ONG ne jouent quasiment aucun rôle. Dans les régimes autoritaires, les ONG sont considérées avec suspicion et sont indésirables. Les Etats vont essayer de les discréditer pour les marginaliser car elles sont perçues comme des formes d’opposition au régime. Les seules admises sont celles contrôlées par le gouvernement et ne sont donc pas des ONG conformément à la définition donnée. Dans les Etats occidentaux démocratiques, leur rôle dépend des cas. Elles entretiennent souvent des relations complexes de coordination et de rivalité. En France, on est très en retard sur ces questions-là, les ONG restent vues comme des rivaux. Les ONG ont l’influence que les Etats vont leur accorder. Le discours sur les entreprises multinationales change. Parfois on les accuse de piller le Tiersmonde, d’être l’instrument du capitalisme (années 1970), parfois elles sont un instrument normal du jeu international (années 1980). Le discours est très divers mais ce qui est sûr est qu’elles sont de plus en plus nombreuses. On est à plus de 80 000. Elles ont un impact sur l’emploi considérable, un impact sur le commerce mondial (⅓ des échanges manufacturés), sur les économies nationales et sont concentrées principalement dans les pays de la Triade avec une croissance récente dans les pays émergents et en développement. Elles entretiennent des relations ambivalentes avec les Etats, qui fondent leur autonomie et la limitent. Elles vont tirer profit des disparités entre les Etats (économiques, juridiques). Elles jouent le jeu de l’internationalisation mais contribuent à uniformiser le jeu économique international. Elles ont une influence sur les Etats qui peut être directe (rare, en s’immisçant dans la politique, participant à la déstabilisation de régime comme au Chili) mais limitée. Les entreprises internationales ont le moyen de mener une politique internationale privée. L’influence est plutôt indirecte dans la mesure où elles vont provoquer un certain nombre de réactions des Etats (débat sur le dumping social). Les Etats vont réagir et mettre en place des normes. Ça peut être des réactions syndicales ou des mouvements syndicaux. L’influence est là aussi complexe. La capacité d’un acteur est largement dépendante des relations de coopération ou conflictuelle avec les autres acteurs. Une entreprise veut peser sur l’Etat du pays d’accueil mais il faut que le pays soit fort. L’environnement juridique, politique, fiscal sont des éléments décisifs pour les entreprises pour s’implanter. Les individus sont aussi un acteur de plus en plus important (migrations, mobilisations internationales, justice pénale internationale).

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