18. Mutilation des Hermès en 415 PDF

Title 18. Mutilation des Hermès en 415
Author Pierre Des Fontaines
Course Histoire antique
Institution Université Lumière-Lyon-II
Pages 2
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Summary

Comme le peuple venait de voter le décret (nommant Alcibiade, Nicias et Lamachos stratèges avec les pleins pouvoirs pour l'expédition de Sicile) et que tout était prêt pour le départ de la flotte, on vit de mauvais présages même dans la fête qui se célébrait alors. C'était la fête d'Adonis qui tomb...


Description

LA MUTILATION DES HERMÈS ET LA PARODIE DES MYSTÈRES

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18 (4) Comme le peuple venait de voter le décret (nommant Alcibiade, Nicias et Lamachos stratèges avec les pleins pouvoirs pour l'expédition de Sicile) et que tout était prêt pour le départ de la flotte, on vit de mauvais présages même dans la fête qui se célébrait alors. C'était la fête d'Adonis qui tombait en effet dans ces jours-là, fêtes où les femmes exposaient en beaucoup d'endroits des images figurant des morts qu'on emporte en terre, et imitaient les rites des funérailles en se frappant la poitrine et en chantant des hymnes funèbres (thrènes). (6) Puis ce fut la mutilation des hermès. La face antérieure de la plupart d'entre eux fut détériorée en une nuit, ce qui troubla profondément beaucoup de gens, même parmi ceux qui n'attachaient aucune importance aux choses de ce genre. (7) Le bruit courut que c'étaient les Corinthiens qui avaient fait le coup, parce que Syracuse était une colonie de Corinthe, dans l'espoir que ce présage arrêterait les Athéniens ou les ferait revenir sur leur décision d'engager la guerre. (8) Mais la multitude ne se laissa pas prendre à ces propos ni à ceux des gens qui ne voyaient rien de terrible dans ces présages, et les prenaient pour un effet ordinaire de l'ivresse chez de jeunes débauchés qui s'étaient laissés aller à cet amusement sacrilège. Elle considérait le fait avec colère et crainte, comme le signe d'une audacieuse conspiration en vue de grands desseins. Tout ce qui prêtait aux soupçons fut examiné impitoyablement par la Boulê et par le peuple qui se réunirent à ce sujet plusieurs fois en peu de jours. 19 (1) Sur ces entrefaites, l'orateur Androclès produisit des esclaves et des métèques qui accusèrent Alcibiade et ses amis d'avoir mutilé d'autres statues et d'avoir après boire parodié les Mystères. (2) Ils disaient qu'un certain Théodore jouait le rôle de Héraut, Poulytion celui de Porte-flambeau, Alcibiade celui d'Hiérophante et que les autres membres de son hétairie y assistaient comme spectateurs, sous le nom de mystes. (3) Voilà ce qui est relaté dans le texte de la dénonciation par laquelle Thessalos, fils de Cimon, accusait Alcibiade d'impiété envers les deux déesses. Les Athéniens étaient exaspérés et d'autant plus aigris contre Alcibiade que l'un des ennemis les plus acharnés de celui-ci, qui était Androclès, les excitait contre lui. Alcibiade en fut d'abord troublé; (4) mais, sentant que les matelots et les soldats qui devaient s'embarquer pour la Sicile lui étaient dévoués, et apprenant que les mille hoplites d'Argos et de Mantinée déclaraient ouvertement que c'était à cause d'Alcibiade 2 qu'ils s'engageaient dans une longue expédition outre mer, mais que, si on le traitait sans égards, ils se retireraient aussitôt, il reprit confiance et se présenta sur le champ pour se justifier. Ses ennemis, déconcertés à leur tour, craignirent que le peuple ne rendit un verdict trop doux à cause du besoin qu'on avait de lui. (5) En conséquence, ils imaginent de faire intervenir ceux des orateurs qui ne passaient pas pour les ennemis d'Alcibiade, mais qui ne le haïssaient pas moins que ses ennemis avoués; ceux-ci devaient se lever dans l'assemblée et dire que ce n'était pas le moment, quand on venait de mettre un statège avec plein pouvoir à la tête de force si considérables et que l'armée et les alliés étaient rassemblés, de laisser passer le temps favorable à l'expédition en s'occupant de tirer des juges au sort et à mesurer l'eau des clepsydres. (6) "Oui, disaient-ils, qu'il s'embarque tout de suite sous la protection des dieux, mais que, la guerre finie, il vienne présenter sa défense dans les mêmes conditions." (7) La perfidie de ce délai n'échappa point à Alcibiade. Il monta à la tribune et. représenta au peuple que c'était une chose terrible d'être envoyé à la tête d'une si grande armée en laissant derrière lui des accusations et des calomnies, incertain de son sort. On devait le mettre à mort, s'il ne les réfutait pas; mais s'il les réfutait et prouvait son innocence, il devait marcher contre les ennemis sans avoir rien à craindre de ses calomniateurs. 20 (1) Il ne réussit pas à persuader le peuple et reçut l'ordre de partir. Il s'embarqua donc avec les autres stratèges... (2) Lorsqu'il eut abordé en Italie et pris Rhégion, il proposa son plan d'opérations. (3) Nicias souleva des objections, mais, Lamachos s'étant rangé à l'avis d'Alcibiade, celui-ci cingla sur la Sicile et soumit Catane. Mais il ne fit rien de plus: les Athéniens, en effet, le rappelèrent aussitôt en vue de son procès. (4) Tout d'abord, comme je l'ai dit, il n'y avait eu contre Alcibiade que des soupçons vagues et des accusations lancées par des esclaves et des métèques. (5) Puis ses ennemis, profitant de son absence, l'attaquèrent avec plus d~ violence, et, liant à la mutilation des hermès la profanation des Mystères, ils avancèrent que ces deux crimes procédaient d'un seul et même complot révolutionnaire. Alors tous ceux qui furent accusés d'une complicité quelconque étaient jetés en prison, sans jugement. Le peuple regrettait de n'avoir pas aussitôt soumis Alcibiade au vote de l'assemblée et de ne l'avoir pas jugé sur des charges si graves ... 21 (1) Parmi ceux qui étaient alors enchainés et gardés pour être mis en jugement se trouvait l'orateur Andoclde ... (2) Il passait pour un ennemi de la démocratie et un partisan de l'oligarchie, mais ce qui le fit surtout soupçonner d'avoir mutilé les hermès, c'était le grand hermès qui était près de sa maison et qui avait été dédié par la tribu Égéis. (3) C'était en effet, dans le très petit nombre des hermès illustres, à peu près le seul qui fût resté intact ... (4) Parmi les gens emprisonnés sous la même inculpation, Andocide se lia particulièrement avec un homme appelé Tlmée, qui n'était pas un notable comme lui, mais qui était doué d'une intelligence et d'une audace exceptionnelles. (5) Cet homme persuada Andocide de se dénoncer lui-même et quelques autres, en petit nombre. S'il faisait des aveux, le décret du peuple (assurant l'impunité à tout dénonciateur dans cette affaire) lui assurait l'impunité, tandis que l'issue du jugement, incertaine pour tous les accusés, était surtout redoutable aux puissants; il valait mieux sauver sa vie par un mensonge que de mourir honteusement et, à considérer l'intérêt général, sacrifier quelques hommes douteux pour arracher à la colère populaire un grand nombre d'honnêtes gens. (6) voilà ce que Timée dit et persuada à Andocide, qui l'écouta et se dénonça lui-même et quelques autres. Il obtint sa grâce aux termes du décret. Tous ceux qu'il nomma furent mis à mort, sauf ceux qui s'étaient enfuis. (7) Cependant le peuple ne relâcha pas encore toute sa colère. Au contraire, débarrassé des Hermocopides, il se déchaîna de toute sa fureur devenue disponible contre Alcibiade, et finalement dépêcha la trière Salaminienne pour le

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ramener ... 22 (4) On a conservé le texte de l'accusation; le voici: "Thessalos, fils de Cimon, du dème Lakiades, accuse Alcibiade, fils de Clinias, du dème Scambonlde, d'avoir commis un sacrilège envers les deux déesses, en contrefaisant leurs mystères et en les montrant aux membres de son hétairie dans sa propre maison. Revêtu d'une robe analogue à celle que porte I'Hiérophante quand il fait l'ostentation des objets sacrés, il s'est intitulé lui-même Hiérophante, a nommé Poulytion Porte-flambeau, Théodoros, du dème Phégaia, Héraut et il a appelé ses autres compagnons mystes et époptes, en violation des règles et dispositions instituées par les Eumolpides, les Kérykes et les prêtres d'Eleusis." (5) Il fut condamné par contumace, ses biens furent confisqués et l'on décida en outre qu'il serait maudit par tous les prêtres et toutes les prêtresses; une seule, dit-on, Théano fille de Ménon, du dème Agrylè, refusa d'obéir à ce décret: elle déclara qu'elle était prêtresse pour prier, non pour maudire. PLUTARQUE, Vie d'Alcibiade, 18,4 -22,s. (trad. R. Flacelière, C.U.F.)...


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