3 - Les marqueurs de subjectivité et le concept de modalité PDF

Title 3 - Les marqueurs de subjectivité et le concept de modalité
Course Analyse du discours
Institution Université de Limoges
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L2 Sciences du langage
Cours de Mme. ANQUETIL Sophie...


Description

CM – ENONCIATION ET ANALYSE DU DISCOURS

Les marqueurs de subjectivité et le concept de modalité

La théorie de l’énonciation a réveillée l’intérêt de la place de l’homme dans la langue. Benveniste considère que c’est dans et par le langage que l’homme se constitue comme sujet. Seul le langage va fonder le concept d’égo. A partir de la théorie de l’énonciation on va s’intéresser à l’identification de marqueurs de subjectivité dans le discours. Ces marqueurs de subjectivité peuvent être : - les déictiques (indices de personne, de temps, de lieu) - d’autres éléments de la langue qui témoignent de la place du sujet · dans sa relation avec l’autre · dans sa relation au monde

Ces indices sont appelés des marqueurs de modalité, ils constituent des indices de construction identitaire. Ils sont aussi des traces de l’activité d’énonciation.

I. Enonciation et modalisation 1. La notion de modalité La notion de modalité a été introduite par Charles B ALLY, en 1932. C’est un concept emprunté à la logique et récurrent dans la tradition grammaticale. BALLY considère que l’énonciation d’un énoncé correspond à la communication d’une pensée mais une pensée qui ne serait pas une simple représentation.

Pour BALLY le fait de penser c’est - juger qu’une chose est ou n’est pas - estimer qu’elle est désirable ou indésirable - désirer qu’une chose soit ou ne soit pas  C’est en quelque sorte considérer que le discours n’est jamais objectif.

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Modalité : désigne l’attitude du locuteur dans l’activité d’énonciation. Tout énoncé est systématiquement le support d’une opération modale. Cette opération modale va être composée de deux éléments :

Phrase

Modus

:

opération de modalité. Il peut être dissocié du dictum

Dictum : renvoie au contenu représenté. C'est l'association d'un sujet et d'un syntagme verbal

2. La modalité et le sujet Il ne faut pas réduire la notion de modalité à la subjectivité du locuteur. Il faut appréhender la modalité dans le cadre interactionnel de l’énonciation. Il faut prendre en compte la dimension de pouvoir interactionnel du langage. Chez Benveniste le concept de modalité est trop restreint. En réalité le sujet se construit dans le discours, il faut donc prendre en compte les différents participants de l’énonciation. Il faut appréhender le sujet dans son rapport à lui-même, mais aussi dans son rapport à l’interlocuteur et enfin dans son rapport au monde.

Exemples :

  

Je veux que tu assistes à la cérémonie. Tu dois assister à la cérémonie. Il faut que tu assistes à la cérémonie.

Patrick CHARAUDEAU propose de parler d’actes locutifs pour rendre compte du concept de modalité. Il va distinguer trois types de positionnements : -

un acte élocutif : fait de construire un énoncé dans lequel l’énonciation exprime son point de vue en le situant par rapport à lui-même

-

un acte allocutif : le locuteur va impliquer l’interlocuteur dans l’acte d’énonciation. Le locuteur va quant à lui être effacé de l’énonciation. Il ne va pas prendre en charge la contrainte formulée dans le propos. Il va assimiler cette contrainte à un devoir

-

un acte délocutif : l’énonciateur n’est pas responsable du propos. C’est une autorité extérieure qui va être mise en scène. Le « il » va constituer un sujet impersonnel et va être assimiler à un verbe modale déontique comme « falloir ».

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Acte élocutif Je veux que tu assistes à la cérémonie. Recours à la première personne et à un verbe de volonté « vouloir ».

Acte allocutif Tu dois assister à la cérémonie Recours à la deuxième personne et à un verbe d’obligation « devoir ».

Acte délocutif Il faut que tu assistes à la cérémonie. Verbe déontique avec « falloir », et sujet impersonnel avec « il »

II. Marqueurs de modalité Ils sont très hétérogènes, on peut en avoir de différentes sortes. On peut avoir : - des pronoms personnels - des auxiliaires - des verbes - des adjectifs - des adverbes - des périphrases verbales - des indices prosodiques - la flexion d’un verbe - etc.

Ces unités de la langue peuvent aussi véhiculer plusieurs valeurs modales. Une même unité de la langue peut avoir plusieurs valeurs modales. La modalité ne va pas être véhiculée par un seul mot mais plutôt par une construction syntaxique plus large.

On va distinguer des types de modalités :  Les modalités d’énonciation  Les modalités d’énoncé

1. Les modalités d’énonciation Renvoient aux marqueurs syntaxiques et prosodiques qui sont nécessaires pour réaliser un type de phrase. Ces types de phrases peuvent être de type : - assertifs - interrogatifs - injonctifs Benveniste considère que ces trois modalités d’énonciation reflètent trois types de comportements fondamentaux de l’homme, il peut : - vouloir transmettre un élément de connaissance - vouloir obtenir une information - ordonner, essayer d’agir sur autrui

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Ces trois types de phrases ne sont pas simplement des marques de subjectivité, elles rendent compte de relations interpersonnelles (relation avec autrui). Lorsque le locuteur produit une assertion, il s’engage, il exprime une certitude. Donc il tente aussi d’amener le locuteur à adhérer à ses représentations. Lorsqu’au contraire le locuteur va produire un interrogation ou une injonction, on va imposer un type de réponse ou un type de réaction de la part du locuteur. On peut voir l’interrogation comme une demande de dire alors que l’injonction serait une demande de faire.  Demande une réaction de l’interlocuteur. Dans la langue se produit la plus souvent un langage indirect : « J’ai froid », relève d’une assertion au premier abord mais aussi de demander à quelqu’un de fermer la fenêtre, donc cette phrase relève d’injonction.

2. Les modalités d’énoncé Jugent les Dictum par rapport à différents domaines : - la logique - la vérité - la nécessité - la possibilité



La modalité logique

Rarement autonome. Elle s’accompagne généralement d’autres valeurs modales, de subjectivité.



La modalité aléthique : fait d’évaluer qu’une proposition est vraie ou fausse, nécessaire ou non, possible ou impossible. « Il se peut qu’il pleuve »



La modalité épistémique : conserve la connaissance que l’on a sur le monde. Elle peut marquer l’expression d’une croyance ou d’une opinion. « Je crois qu’il pleut » On va retrouver différents types de marqueurs :  les verbes d’opinions  les verbes de croyance  des adverbes  des locutions verbales

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La modalité déontique : renvoie à un ordre modal ou social. Exprime une obligation ou une permission. On peut avoir comme marqueurs :  des auxiliaires modaux : peut avoir un sens déontique ou épistémique.  des verbes modaux (falloir)  des tournures impersonnelles (il est nécessaire que)



Les modalités volitives : expriment un jugement de vérité en terme de volonté. « Je veux qu’il vienne » Marquées par :  des verbes modaux  le conditionnel



La modalité appréciative

Exprime une évaluation ou un jugement. Différents marqueurs : - marqueurs prosodiques - certains noms - certains verbes - certains adverbes - des adjectifs - des interjections - des énoncés inachevés (troncation) Tous ces marqueurs s’inscrivent sur un axe positif/négatif qui renvoie à des catégorisations esthétiques (beau/moche), éthiques (bien/mal). C’est ce que l’on appelle les termes axiologiques. Il peut également s’agit de marqueurs qui renvoient à des échelles de grandeur (grand/petit, chaud/froid). Les termes affectifs font partie de la modalité appréciative, ils renvoient à une réaction émotionnelle.

III. Les modalités de message Notion définit par Marc WILMET. Types de phrases facultatifs mais qui vont porter sur des types de phrases obligatoires.  Constructions passives  Constructions impersonnelles  Constructions emphatiques

Porte sur l’organisation sémantique de l’énoncé. Elle occasionne la mise en relief de centaines d’unités. Porte sur la structure informationnelle de la phrase qui comporte deux éléments : - le thème : ce dont on parle, information connue, sujet grammatical.

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le rhème / le propos : ce que l’on dit à propos du thème, information nouvelle apportée par l’énoncé « Paul est parti. » Thème : Paul Rhème : est parti -

Les modalités de message correspondent à une organisation spécifique de l’information, une organisation spécifique du thème et du rhème. Il s’agit de définir si le sujet logique est bien le sujet grammatical.

1. La dislocation Fait de détacher un élément de la phrase pour le placer soit à l’initial, soit en position finale. Opération de reprise sous la forme d’un pronom, qui va reprendre le segment de la phrase, il va donc y avoir une opération de dédoublement, ce qui va produire une emphase de l’élément thématisé.

« Bien sûr que ça agace les radars, mais ça agace celui qui ne sait peut-être pas que ça lui a sauvé la vie. Et moi, cet agacement, il pèse peu de choses par rapport au progrès que cela représente. » Nicolas SARKOZY, 2007 « ça » reprend « les radars » : cataphore puisque le sujet est situé après le reprise. « il » reprend « cet agacement » : anaphore puisqu’il est antéposé.

2. L’extraction Opération d’emphase également. On va là aussi mettre en relief un syntagme qui va obtenir le statut de propos, de rhème. Pour réaliser cette opération d’extraction on va faire appel au présentatif, qui va être mis en relation avec une proposition relative. C’est ce que l’on appelle une phrase clivée.

« Bon là aussi il faut être clair, l’installation des radars, c’est moi qui l’ai eu, l’idée. » « c’est moi qui » permet une mise en relief d’un constituant pronominal.

3. La phrase pseudo-clivée Va cumuler deux types d’opérations :  L’extraction  Le détachement en tête de phrase Marquée par une relative et un présentatif. Mise en valeur aussi bien du thème que du rhème.

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« Alors là où vous avez tout à fait raison, c’est que ça a généré de mémoire entre 350 ou 370 millions d’euros de recette d’amendes. » 4. La phrase passive Cherche à mettre en position de thème, le rhème (le propos de la phrase active). L’agent du procès va donc se trouver relégué dans le propos.

« Et c’est pourquoi seront surtaxés les locaux inoccupés depuis plus de deux ans. » Le thème est supprimé et ce qui était au départ le rhème de la phrase active prend ici la place de thème.

5. La phrase impersonnelle On peut définir la phrase impersonnelle comme un opérateur de rhématisation.

« Il nous est arrivé une incroyable mésaventure. » Donne l’impression que le rhème est une information nouvelle.

Conclusion Ces différents procédés permettent de représenter l’ethos du sujet. Benveniste définissait l’énonciation du point de vue du sujet. Il introduisait deux instances subjectives. L’ethos prend place dans la mise en scène énonciative, il se rapporte aux êtres de discours. Il permet d’influer sur la manière dont il se positionne, dont il se donne à voir, c’est là l’enjeu des opérations de modalisation.

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