Chapitre 5, Dionysos PDF

Title Chapitre 5, Dionysos
Author Léa Rommelaëre
Course Mythologie antique
Institution Université Toulouse-Jean-Jaurès
Pages 14
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Summary

Cours de mythologie grecque autour du dieu Dionysos ...


Description

DIONYSOS On connaît Dionysos, fils de Zeus et de la mortelle Sémélé, comme le dieu de la vigne et du vin, et donc du banquet et du délire dionysiaque. Mais ce ne sont pas ses seules fonctions : il fait croître la végétation, patronne les représentations théâtrales… Il a de nombreuses épiclèses : Iacchos, d’après le cri « Iacche » poussé par les fidèles, Bacchos, d’où le nom des Bacchantes, les femmes qui célèbrent son culte (que l’on appelle aussi Ménades), et des Bacchanales, fêtes romaines en son honneur ; il est Bromios « le frémissant », dieu dont on sent la présence dans l’agitation des feuilles, Zagreus, fils de Zeus et de Perséphone dans la tradition orphique. Chez les Latins, il a été assimilé au dieu Liber, « le libérateur », qui semble en relation avec l’effet du vin. Il se montre souvent sous l’aspect d’un animal, dont il a les épithètes : « né du bœuf » (bougenes), « aux cornes de bœuf » (boukeros), « au front de taureau » (taurometopos), « aux cornes d’or » (chrysokeros), « chevreau » ( eiraphiotes), « à double face » (dimorphos). Il est aussi celui qui est né deux fois : les mythes du foudroiement de Sémélé puis de la gestation de l’enfant dans la cuisse de Zeus, de Lycurgue poursuivant Dionysos et le contraignant à se jeter dans la mer, celui de Dionysos Zagreus dévoré par les Titans font tous état d’une mort du dieu et de sa renaissance. Son nom est attesté dès le XIIIe siècle av. J.-C. sur une tablette retrouvée à Pylos, sous la forme Di-wo-nu-so : il n’est donc pas, comme le croyaient les Grecs, un dieu d’importation récente. Il apparaît comme personnage central de nombreuses œuvres littéraires : notamment dans la tragédie des Bacchantes d’Euripide (Ve siècle av. J.-C.), dans la comédie des Grenouilles d’Aristophane (Ve av. J.-C.), dans l’épopée de Nonnos de Panopolis Les Dionysiaques (Ve ap. J.-C.). La personnalité de ce dieu étant très riche et ses aspects multiples, parfois difficiles à relier entre eux, nous l’étudierons à travers le premier hymne homérique qui lui est consacré (récit de l’enlèvement par les pirates), puis dans la tragédie d’Euripide, enfin à travers les récits orphiques.

1) Les Hymnes homériques à Dionysos Le premier hymne à Dionysos date du cinquième siècle av. J.-C., et relate la légende du dieu enlevé par les pirates. Alors qu’il se tenait sur un promontoire, des pirates tyrrhéniens (étrusques) l’enlèvent et l’enchaînent, le prenant pour un roi et espérant tirer de lui une rançon. Mais des prodiges surviennent alors que le navire est en mer : le dieu brise ses chaînes, du vin se répand sur le pont, le bois du mât laisse pousser des pampres (des rameaux de vigne soutenant des grappes), un ours menaçant apparaît sur le bateau, et Dionysos se transforme en lion rugissant qui saisit le capitaine : terrifiés, les pirates bondissent dans la mer et se transforment en dauphins. Seul le pilote, qui s’était opposé à l’enlèvement, est épargné. a) Apparence de Dionysos (d’après l’hymne et les vases) « Il apparut sur le bord de la mer inlassable, sur un promontoire avancé, avec les traits d’un jeune homme dans sa première jeunesse : sa belle chevelure brune flottait autour de lui, et il portait sur ses fortes épaules un manteau éclatant ».

Dionysos est un dieu jeune : ses cheveux longs l’attestent, même si la barbe qu’il porte fréquemment sur les vases en fait un jeune adulte. La couleur pourpre (porphyreon) du manteau qu’il porte est associée à la richesse (parce que c’est une couleur très difficile à obtenir, il faut du murex, importé de Phénicie) et à la gloire militaire : c’est le manteau du général en chef. Dionysos est celui qui commande à la nature et fait s’accomplir des prodiges. Sur les peintures de vases, il apparaît souvent vêtu de la nébride, qui est une peau de faon (nebros), ou de panthère, il porte un vêtement de femme, une robe longue (peplos). Il tient à la main le thyrse, un bâton entouré de lierre ou de pampre surmonté d’une pomme de pin. Ses cheveux sont ceints de lierre (qui pousse aussi sur le bateau), une liane vivace dont les feuilles ne tombent pas en hiver, et qui manifeste la permanence de la force végétative. C’est un gage de renouveau, tout comme le gui chez les Gaulois. L’eau dans laquelle les feuilles avaient bouilli donnait une teinture rouge utilisée pour colorer les statues mâles de la fertilité (les Priapes à Rome). Son regard fascine : « le lion lançait des regards terrifiants et torves ». Sur les vases, il peut être représenté de face, ce qui n’arrive jamais aux portraits d’autres dieux. Il y a une forme de contact direct entre Dionysos et le fidèle, qu’il regarde en face, directement, sans intermédiaire. b) Métamorphoses animales Dionysos a souvent comme épithètes des noms d’animaux, qui sont la vache (bous) dans bougenes, « né d’une vache» , boukeros, « aux cornes de vache », le taureau dans taurometopos, « au front de taureau », tauropos, « aux yeux de taureau », ou le chevreau, « eiraphiotes ». Le rapport avec le chevreau est le plus facile à élucider : le troisième hymne homérique le nomme Εἰραφιῶτα, « divin chevreau », que les Grecs rapprochaient du nom du chevreau, Ἔριφος. Cela fait allusion au fait que dans son enfance, Zeus le transforme en chevreau pour le cacher et lui éviter la colère d’Héra. L’équivalence entre Dionysos et un veau se manifeste dans une tradition de l’île de Ténédos (mer Égée). Une vache pleine, qui va vêler, reçoit tous les soins et les honneurs dus à une femme accouchée. Puis le veau nouveau-né est chaussé de cothurnes (chaussures que mettaient les acteurs au théâtre), et sacrifié ; celui qui l’a frappé de sa hache est à son tour chassé à coup de pierres jusqu’à ce qu’il atteigne la mer, dans un simulacre de mise à mort. Selon l’interprétation de Maria DARAKI, Aspects du sacrifice dionysiaque, 1980, le veau est sacrifié à la place de Dionysos, qu’il représente. Il est en même temps le dieu et l’animal qu’on lui sacrifie, la victime et le destinataire du don. Dionysos est le dieu qui meurt, et qui renaît en même temps . Toutes ces transformations animales (veau, chevreau, lion dans l’hymne) doivent être, selon GRAVES, mises en relation avec l’effet du vin, boisson qui métamorphose celui qui a bu : il devient un autre. Les métamorphoses de Dionysos en animal suivent deux tendances différentes : soit ce sont de jeunes animaux, c’est-à-dire des animaux sacrifiables, soit ce sont des animaux redoutables (lion, taureau). Il est dimorphos, « à double forme », jeune et adulte, à la fois doux et redoutable, comme le vin. c) Le dieu caché Dionysos ne se présente jamais sous l’aspect d’un dieu, mais il emprunte l’apparence d’un mortel ou d’un animal ; ce qui le symbolise est un masque. Dans Les Bacchantes d’Euripide, il prend l’apparence d’un simple mortel, prêtre du culte de Dionysos. Les mortels ne le reconnaissent donc pas comme dieu, et sont punis : le roi de Thèbes, Penthée, est tué (dans la pièce d’Euripide), le capitaine du navire pirate est dévoré, les marins sont transformés en dauphins. Le masque apparaît souvent sur les vases dionysiaques ; il était utilisé dans le théâtre pour marquer la présence du dieu ; dans le culte que lui rendent les Ménades, un masque

surmonte un thyrse planté en terre. Dionysos est donc le dieu qui se dévoile en se cachant, en prenant l’apparence d’un homme, ou d’un prêtre, contrairement aux autres dieux : Zeus se manifeste dans sa grandeur par un éclair (foudroiement de Sémélé) ; les déesses qui se rendent sur terre sont si belles que le doute n’est pas permis (Vénus se montrant à Enée dans le chant II de l’Enéide). d) Le dieu de la nature exubérante Dionysos a une action sur la croissance des plantes. Il fait jaillir du bois mort du bateau pirate une vigne et un lierre qui poussent très vite ; on l’appelle parfois « le florissant », « le seigneur des arbres », « le maître des fleurs et des jeunes pousses ». Dionysos est le dieu du bouillonnement qui permet la croissance de la végétation. Il est parfois appelé le parèdre de Déméter , mais lui fait jaillir les plantes sauvages, et elle, les plantes cultivées. Dionysos et Déméter se complètent car l’un apporte le blé, la nourriture solide, l’autre le vin, la nourriture liquide. Tous deux font passer l’homme de la vie sauvage à la vie civilisée. C’est en l’honneur du dieu qu’a lieu la fête des fleurs athéniennes, les Anthestéries, une fête du réveil de la nature après l’hiver, qui est aussi une fête célébrant la fin de la fermentation du vin (on buvait le vin de l’année, sans le faire vieillir). Elle dure pendant trois jours, au mois de février. Le premier jour, on goûte le vin conservé dans les jarres que l’on a ouvertes. Le deuxième jour, un cortège dionysiaque s’ébranle, partant du « marais de Dionysos » où se situe le temple du dieu, et aboutissant à l’agora : Dionysos, arrivé sur un char en forme de navire, s’y unit à la femme de l’archonte-roi (hiérogamie) dans le Boukoleion (l’étable aux bœufs), symbolisant les noces du dieu et de la ville d’Athènes. Dans la maison des lois (Thesmothesion), on procède à l’élection du meilleur buveur, citoyens et esclaves mêlés ; même les petits garçons ont le droit de boire. Pendant ce temps, les jeunes filles font de la balançoire. On verse de l’eau dans les fissures du sol, on répand des libations de vin (choai) sur les tombeaux, et on sonne la trompette pour appeler les morts à boire. Les temples sont fermés, sauf celui de Dionysos, les portes des maisons sont enduites de poix pour empêcher les morts d’entrer. Le troisième jour est la fête des marmites. On offrait à Hermès chthonien (souterrain) des marmites (chytroi) remplies de bouillie de tous les grains (panspermia), on célèbre des jeux et des concours. On estimait que pendant ces trois jours, les morts sortaient des enfers et se promenaient dans la cité, sous la présidence d’Hermès psychopompe (passeur des âmes). Ils montent d’en bas (anodos) en suivant la voie liquide, jarres de vin enterrées dans le sol, eaux du marais, de la mer, libations, dans la mesure où Dionysos est le dieu de la circulation : le liquide est vu comme un passage d’un état à un autre, un passage de la vie à la mort. A la fin du troisième jour, on congédie les morts en leur offrant le contenu des marmites. Le lien entre la croissance de la végétation et l’activité de Dionysos dispensateur d’abondance (vin à profusion des Anthestéries, fontaines de lait et de miel que le dieu fait jaillir dans la nature pour les Ménades) est ainsi expliqué par Maria DARAKI (Dionysos et la déesse Terre) : il ne s’agit pas d’un retour à l’âge d’or, mais du cycle de la vie et de la mort. Le mort, enterré, fait pousser les fleurs, la végétation (ainsi des hommes de l’âge d’or devenus des génies hypochthoniens dans le mythe des races hésiodique). C’est pour cela que le dieu infernal Orcus, ou Pluton/ Ploutos, « le riche », est représenté avec une corne d’abondance : le monde souterrain est riche de toutes les futures moissons, de toutes les graines qui vont germer. Dionysos, dieu infernal, revenu lui-même du monde des morts, veille à la circulation entre les mondes souterrain et aérien : les vivants donnent des offrandes aux morts lors des Anthestéries, et les morts revenus sous terre activent la croissance des plantes. C’est la terre qui fait pousser les plantes qui vont nourrir les hommes, qui remercient par des actes religieux : cette conception de l’alimentation est exactement opposée à celle développée par Hésiode dans le mythe relatant le début de l’agriculture (Pandora), dans

laquelle c’est l’homme, et non la terre, qui est l’agent de la croissance des plantes, par l’effort (ponos) qu’il met dans les travaux agricoles. Une épiclèse de Dionysos est autopator « père de lui-même », qui montre le cycle des renouvellements. Sur un vase interprété traditionnellement illustrant comme la naissance de Dionysos, on voit peut-être cette idée : l’homme assis sur la chaise peut être Zeus, et Dionysos, tenant à la main un canthare et un rameau de vigne, naît de sa cuisse ; mais cet homme assis sur une nébride tient à la main un thyrse, et ce n’est pas là l’imagerie traditionnelle de Zeus. Il serait plus cohérent que ce soit Dionysos autopator, père de lui-même, se regardant naître. Cet aspect de Dionysos comme dieu de la végétation serait très ancien. TASSIGNON estime que Dionysos serait issu d’un syncrétisme entre le dieu de la végétation créto-mycénien, et le dieu hittite Télébinu, dieu de la vigne, du retour cyclique de la végétation, fils du dieu de l’orage. Il existait suffisamment de parallèles pour que les deux dieux aient été assimilés par les Grecs. Ce serait la raison pour laquelle Dionysos a été représenté avec des vêtements de femme, ce qui est la caricature habituelle des souverains orientaux, que les Grecs se représentaient efféminés et voluptueux. Pourquoi Dionysos est-il principalement le dieu de la vigne, alors qu’elle n’est pas une plante sauvage ? C’est qu’elle était sentie comme telle : elle n’était pas cultivée dans le monde grec comme aujourd’hui, dans des champs plantés de ceps réguliers (ce sera le cas à Rome) ; mais la vigne, laissée en liberté et non taillée, grimpait sur des arbres, des oliviers, qui lui servaient de tuteurs. Les vendanges se faisaient dans l’arbre. Il existe plusieurs mythes d’apparition de la culture de la vigne : celui d’Oineus et celui d’Icarios. e) La culture de la vigne 

Mythe d’Icarios (à ne pas confondre avec Icare, l’architecte du labyrinthe).

Icarios avait donné l’hospitalité à Dionysos venu sur terre apporter la vigne et le vin. Dionysos devint amoureux d’Erigonè, fille d’Icarios , et engendra Staphylos (« la grappe »). Dionysos fit présent du vin à Icarios, lui enjoignant d’en faire goûter à ses voisins. Mais ceux-ci s’enivrèrent, et crurent qu’Icarios les avait empoisonnés. Ils le tuèrent. Un fléau s’abattit alors sur les Athéniens : frappées de folie, les jeunes filles athéniennes se pendirent. Consulté, l’oracle de Delphes répondit que c’est ainsi que Dionysos vengeait la mort impunie d’Icarios et d’Erigonè . Les Athéniens châtièrent alors les bergers criminels, et instituèrent en l’honneur d’Erigonè une fête (les Oscilla), au cours de laquelle on suspendait des jeunes filles aux arbres. Puis les jeunes filles furent remplacées par des disques figurant des visages humains : les oscilla. Il s’agit dans cette fête d’apaiser les morts par un acte commémoratif ; les rites de balançoire des anthestéries semblent très proches. Ce mythe montre l’introduction de la culture de la vigne en Grèce : en effet, cette plante n’est pas autochthone, mais elle pousse spontanément sur la côte méridionale de la mer Noire, d’où sa culture s’est répandue en avançant vers le sud (Lydie, Palestine, Crète). Les Grecs l’ont connue par les Crétois, auxquels ils achetaient des jarres de vin. Mais il s’agit surtout d’apprendre à boire le vin. Selon Marcel DETIENNE, Dionysos à ciel ouvert, le sens du mythe est le suivant : Dionysos offre le cépage et le vin, mais c’est aux hommes à expérimenter la boisson, qui apparaît d’abord comme un poison violent. Il faut dompter la sauvagerie du vin, et apprendre à boire humainement, c’est-à-dire, pour un Grec, dans le cadre du banquet. Sinon, l’extase (littéralement : le fait d’être hors de soi, ec-stasis) rend l’homme différent, et son comportement devient dangereux, le conduisant au meurtre. Le vin, consommé dans le cadre du banquet, était bu selon des principes très codifiés. On commençait par manger, en buvant de l’eau, et c’est seulement à la fin du repas, quand les estomacs étaient pleins, que l’on buvait. Le vin, très fort naturellement, était coupé avec de l’eau, et le « roi du banquet » déterminait le nombre de coupes que les

convives étaient autorisés à boire. Le roi du banquet choisissait aussi le sujet de conversation, et chaque convive était invité à s’exprimer. f) Conclusion du 1 : un dieu étrange et étranger Dionysos est une figure de l’altérité et de l’étrange. -

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Etait-il un dieu d’origine étrangère ? Les Grecs estimaient qu’il venait de Lydie ; il était considéré comme un dieu oriental , alors que dans le mythe rapporté par Euripide il est natif de Thèbes. Il est en tout cas étranger à la rationalité grecque représentée par Athéna. Son costume était étrange aux yeux d’un Grec, car il brouillait les frontières homme/femme : vêtu d’une robe, il est barbu et a les cheveux longs. Sa naissance elle-même est étrange : il est né deux fois, du ventre de sa mère puis de la cuisse de son père. Il apporte une boisson nouvelle et étrange, qui transforme l’humanité et la rend étrangère à elle-même.

Dionysos est le dieu qui brouille les frontières sociales, et mélange ce qui était opposé dans la rationalité grecque : les jeunes et les vieux sont unis dans le culte, les femmes et les hommes, les hommes libres et les esclaves ; il mélange aussi le sauvage et le civilisé, comme le vin à la double nature. Les Ménades sont d’honnêtes mères de famille, qui d’habitude restent dans le gynécée ; mais elles abandonnent leur nourrisson pour aller dans la montagne allaiter des serpents, des louveteaux… (mythe des Bacchantes). Dans l’Ion d’Euripide, Xouthos envisage comme vraisemblable qu’il ait pu avoir un enfant d’une Ménade, lorsqu’il participait à leurs orgies, ivre, lors d’une cérémonie à Bacchos à Delphes.

2) L’enfance de Dionysos : un dieu né d’une mortelle a) Sa conception et sa naissance (voir Ovide, Métamorphoses) Sémélé, fille du roi de Thèbes Cadmos, demande à Zeus de se montrer à elle dans sa toute-puissance, comme il le fait avec Héra. En effet, ses sœurs (Ino, Agavé, Autonoé), jalouses, ont prétendu que son amant n’était qu’un mortel qui se faisait passer pour le roi des dieux. Zeus, qui a promis de réaliser son vœu avant de savoir ce que c’était, apparaît avec le tonnerre et les éclairs et la foudroie alors qu’elle était enceinte. Il retire le fœtus du corps calciné et le coud dans sa cuisse. Dionysos est donc le seul dieu qui soit né d’une mortelle et d’un dieu, alliance qui produit normalement des héros : Persée, fils de Danaé et de Zeus, Minos, fils d’Europe et de Zeus. C’est pourquoi Dionysos aura tant de mal à se faire reconnaître comme dieu dans sa ville natale. Comment expliquer cette exception ? Diverses explications ont été avancées par les modernes : - Sémélé serait en fait une ancienne déesse-mère, fécondée par l’éclair venu du dieu du ciel (LEVEQUE et SECHAN, les Grandes divinités de la Grèce ). Toutefois, dès les textes les plus anciens, Sémélé est présentée comme une mortelle, divinisée seulement après sa mort : Hésiode, Théogonie : « Sémélé, fille de Cadmos, à lui [Zeus] unie d’amour, lui donna un fils illustre, Dionysos riche en joies, Immortel né d’une mortelle. Aujourd’hui tous deux sont dieux ». Dionysos part la chercher dans les enfers et la divinise sous le nom de Thyoné, « en furie », d’où le nom de thyiades donné parfois aux Ménades. - D’autres chercheurs (HALM-TISSERAND) estiment que la double gestation dans le ventre de la mère puis dans la cuisse du père a valeur immortalisante, comme pour les Olympiens absorbés par Cronos, ou Zeus dans la caverne de Crète, le sein de terre.

b) Son enfance 

Chez Ino et Athamas

Apollodore : « Quand Dionysos est à terme, Zeus le met au monde en défaisant les sutures, et il le donne à Hermès. Celui-ci l’apporte à Ino et à Athamas et les persuade de l’élever comme une fille. Mais Héra, irritée, frappa le couple de folie. Athamas donna la chasse à son fils aîné, Léarchos, et, le prenant pour un cerf, le tua. Ino jeta Mélicerte dans un chaudron d’eau bouillante, puis elle l’emporta et sauta dans la mer avec son enfant mort. On l’appelle Leucothéa et son fils Palaïmon : ce sont les noms que leur donnent les navigateurs, à qui ils portent secours dans les tempêtes. Et c’est en l’honneur de Mélicerte que les Jeux Isthmiques ont été institués, à l’initiative de Sisyphe ». Après sa naissance, Dionysos est donc emmené par Hermès auprès du roi Athamas et de sa femme Ino, qui est la sœur de Sémélé. Que Dionysos soit caché sous des habits de fille pour échapper à la colère d’Héra est l’explication rationalisante qu’en ont fait les Anciens, après avoir oublié qu’il avait existé des rituels initiatiques dans lesquels les jeunes garçons devaient s’habiller en fille. Cet ...


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