CM10 Psychologie interculturelle comparée PDF

Title CM10 Psychologie interculturelle comparée
Author Maylis Boué
Course Psychologie du Développement 2
Institution Université de Paris-Cité
Pages 8
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Summary

CM Psychologie différentielle L2 psychologie
Cours complet
Professeur : L. Sovet...


Description

Intelligence et culture 1.

Définition des concepts

La psychologie culturelle se distingue généralement en trois branches : - Psychologie culturelle : Elle s’intéresse à l’individu comme être socioculturel se définissant exclusivement à travers le prisme de son environnement socioculturel. Elle peut se rapprocher de la psychologie sociale ; - Psychologie interculturelle : Elle désigne d’une manière générale la psychologie étudiant l’individu en contact avec une autre culture. Elle peut se rapprocher de la psychologie de la communication ; - Psychologie interculturelle comparée : notre objet d’étude ici. Psychologie interculturelle comparée : principes - Examiner de manière systématique des variables psychologiques soumises à des contextes culturels différents. - Psychologie différentielle centrée sur les différences intra- et inter-groupes. - Applicable à tout objet d’étude dont l’intelligence (ici étude des liens entre intelligence et culture). - Comprendre les différences plutôt que de classer les groupes culturels. > « Décrire la diversité des comportements humains à travers le monde et tenter d’associer un comportement à l’environnement culturel dans lequel il se produit » (Berry et al., 2002, p. 1) Postures dans la psychologie interculturelle comparée - Posture etic : Considérer qu’un phénomène est qualitativement équivalent dans toutes les cultures avec une faible influence de l’environnement culturel. - Posture imposed etic : Généraliser de manière abusive des caractéristiques d’une culture à une autre culture. - Posture emic : Considérer que les cpts humains se contextualisent et se comprennent dans un environnement culturel spécifique, rendant difficile voire impossible toute comparaison directe. Comment définir la culture ? La culture ne peut pas se réduire à une nationalité, une langue, une couleur de peau, une zone géographique, des croyances. Selon Segall et Dasen (2002), la culture est difficile à conceptualiser et donc à mesurer. Cela peut s’expliquer par le fait qu’elle relève notamment d’une construction sociale. De ce fait, il existe des limites méthodologiques inhérentes à la psychologie interculturelle comparée. Définition de Kluckhohn (1951) : « La culture consiste en différentes façons de penser, de ressentir et de réagir, acquises et transmises principalement par l’intermédiaire de symboles, constituant les différences de dvlpt entre les groupes humains ; le noyau essentiel de la culture réside dans les idées traditionnelles (historiquement transmises et sélectionnées) et surtout l’attachement aux valeurs ».

Critique de cette définition par Lévi-Strauss (1952) : - Trop orientée vers le passé - Nécessité d’appréhender la culture comme un phénomène évolutif et interactif. 2.

Débats autour des liens entre culture et intelligence

Les premières études scientifiques au début du XXème siècle Les 1ères études psychologiques s’intéressant aux liens entre culture et intelligence apparaissent au début du XXème siècle, dans un contexte d’émergence des premiers tests psychométriques. - Comparaison entre les cultures européennes et les cultures « exotiques » (Rivers, 1901, 1905) : Meilleures capacités perceptives et un niveau de pensée concrète des personnes en Nouvelle Guinée. Or, l'accès à la pensée abstraite - retrouvée chez les personnes examinées en Europe - peut être interprété comme un indicateur d'une meilleure performance cognitive. - Émergence de l’hypothèse d’une origine raciale des différences. Mais ces travaux font l’objet de critiques. Ainsi, d’après Wundt (1912) : * Il ne s’agit pas de différences qui reflètent une supériorité raciale. * Les différences observées reflètent une moindre sollicitation de l’environnement. Les personnes interrogées en Nouvelle Guinée se retrouvaient dans un contexte qui sollicite davantage des registres perceptifs mais moins la pensée abstraite. Cette hypothèse se rapproche du positionnement de Wechsler (1944) qui associe l’intelligence à la notion d’adaptation à son environnement. Pratiques massives du testing aux États-Unis Contexte de fortes migrations et la première guerre mondiale aux États-Unis > Faire passer des tests pour définir une orientation professionnelle et gérer les flux entrants. Mais limites des tests utilisés : - différences fortes observées en fonction de l’origine de la personne. > Interrogation sur les biais culturels dans les tests d’intelligence (Goodenough 1936 ; Raven, 1938). - Peu de prises en compte des facteurs socio-économiques et de l’impact de la politique ségrégationniste comme variables de contrôle > biais liés à la comparabilité des échantillons. Pourtant, montée en puissance de l’idée d’une origine raciale et donc d’une origine génétique de l’intelligence. Un débat qui s’équilibre à la fin du XXe siècle Des positionnements forts en faveur de l’hypothèse génétique : Jensen (1969), Lynn (2015), The Bell Curve (1994). Une opposition de plus en plus forte et structurée : - Approche ethnocentrique de l’intelligence et des tests d’intelligence

- Interrogation sur la comparabilité des échantillons - Interrogation sur la comparabilité des tests - Interrogation sur le rôle des facteurs socio-environnementaux. Cette hypothèse d’une originale raciale de l’intelligence existe encore aujourd’hui à travers notamment les travaux de Lynn (2015) mais elle n’est plus la position dominante. 3.

3.1.

Principaux biais en psychologie interculturelle comparée Notions de biais et d’équivalence

Deux exemples - Echelle d’intelligence de Stanford-Binet Révisée (1916) > Goodenough en démontre les limites : Administrée auprès d’enfants de 6 ans dans les années 1930 aux États-Unis. Item : que faut-il faire si tu veux te rendre quelque part et que tu rates ta voiture ? Les enfants de 1930 n’associent plus la voiture au streetcar (tram). La signification que prend l’item devient un problème majeur. - Test de géographie lors d’une enquête internationale (fictif). Item: quelle est la capitale de la Bulgarie ? > Trois facteurs principaux : Fonctionnement cognitif général, qualité de l’éducation reçue, distance géographique. Définition des concepts Biais : - Nuisances dans la comparaison interculturelle des scores à un test - Susceptibles de rendre les scores invalides et donc non comparables - Plusieurs facteurs sous-jacents Équivalence : - Renvoie à la notion d’équivalence de la mesure (cf. mesure d’invariance) - Doit être démontrée pour pouvoir comparer des scores à un test. Biais majeurs dans la comparaison interculturelle ▪ Biais liés au construit ▪ Biais liés à la méthode (échantillon + instrument + administration) ▪ Biais de fonctionnement différentiel de l’item (traduction + nuisance + signification)

3.2.

Biais liés au construit

Définition générale Les biais liés au construit se produisent lorsqu’un concept psychologique n’est pas identique entre deux cultures. Certains aspects peuvent être spécifiques à un groupe culturel.

Rouge : Concept / Culture A ; Orange : Concept / Culture B Pointillé : Test développé dans la culture A La figure permet d’illustrer le mécanisme qui peut se produire lorsque l’on transpose ou même impose un concept ou un test d’une culture à une autre sans tenir compte de leurs spécificités respectives (imposed etic). Supposons que l’on élabore un test psychométrique (représenté en pointillé) qui reflète un concept psychologique dans une culture A. Tout d’abord, nous pouvons voir que ce cercle ne se superpose pas parfaitement car il y a toujours une erreur de mesure associée à un test psychométrique. Ensuite, si nous voulons le transposer ou l’imposer de manière unilatérale dans une culture B, il peut y avoir des risques potentiels : 1. le test psychométrique mesure des aspects non pertinents (liés qu’à la culture A). 2. le test psychométrique ne mesure pas des aspects pertinents (liés qu’à la culture B). Exemple 1 : Inventaire Sud-Africain de la Personnalité (SAPI) Le modèle du Big Five est souvent présenté comme universel pour décrire les traits de personnalité. Or, ce modèle a montré plusieurs insuffisances en Afrique du Sud. Est né le projet de créer l’Inventaire Sud-Africain de la Personnalité ou SAPI avec la volonté de mieux prendre en compte la diversité culturelle en Afrique du Sud. > Posture emic pour élaborer un test mesurant les traits de personnalité : neuf traits généraux de personnalité dont certains sont très proches du Big Five tandis que d’autres sont davantage associés avec les relations interpersonnelles qui caractérisent le collectivisme africain. ex : Facilitateur social : aider et conseiller les autres. Exemple 2 : Structure factorielle de la version française du WISC-III Dans la version américaine de la WISC-III, une évaluation du QI est proposée en séparant le QI verbal et le QI de performance. Quatre indices supplémentaires : l’ICV, l’IOP, l’indice d’attention/ concentration (IAC) et l’IVT. Or, dans la version française, l’IAC n’a pas été retrouvé. Dans la WISC-IV, cet indice sera retravaillé avec de nouveaux subtests et renommé l’indice de mémoire de travail (IMT). On le retrouve alors dans la version française de la WISC-IV. Généralement, à la différence du projet SAPI, beaucoup de chercheurs en psychologie se contentent d’importer des modèles théoriques et d’adapter des échelles/tests venant majoritairement des ÉtatsUnis. Ainsi, on peut observer qu’ils suppriment plus facilement des items qu’ils n’en rajoutent. Or, plusieurs auteurs dénoncent la suprématie de la psychologie étatsunienne et encouragent à mieux rendre compte de la réalité des phénomènes psychologiques dans leur contexte socioculturel.

3.3.

Biais liés à la méthode

Définition générale Les biais liés à la méthode concernent tous les biais méthodologiques mis en œuvre dans une recherche comparative auprès d’au moins deux groupes culturels. - Biais liés à l’échantillon

- Biais liés à l’instrument - Biais liés à l’administration. Biais liés à l’instrument = renvoient aux caractéristiques mêmes de l’instrument. Ces biais sont souvent associés avec la familiarité de la tâche. Par exemple, Serpell (1979) a conduit une étude auprès d’enfants âgés d’environ 7 ans en Grande-Bretagne et en Zambie. Il a proposé de reproduire des figures (1) en dessinant, (2) en utilisant de la pâte à modeler, (3) en utilisant des fils de fer ou (4) en reproduisant des mouvements de mains. Il a pu montrer que les enfants britanniques arrivaient mieux à reproduire les figures en dessinant tandis que les enfants zambiens arrivaient mieux à reproduire les figures en utilisant les fils de fer. En revanche, aucune différence n’était retrouvée entre les deux groupes d’enfants sur les deux autres tâches. Les différences de performance observées s’expliquent surtout par des différences perceptives plutôt que par des différences cognitives. Dans une autre étude plus récente menée auprès d’enfants âgés de 6 ans habitant en milieu rural au Zambie (Zuilkowki et al, 2016), les auteurs ont voulu comparer la performance à un test de raisonnement perceptif inspiré du K-ABC. Deux conditions ont été testées. Dans l’une, les items étaient présentés sous forme d’images (en 2D), c’est-à-dire de la même façon que le test est susceptible d’être administré dans les pays occidentaux. Dans l’autre, les items étaient des objets familiers (3D) issus de l’environnement de l’enfant. Résultats : dans la condition 2D, le test est trop difficile alors que dans la condition 3D, la distribution est proche de la loi normale et donc proche de ce que l’on attend d’un test d’intelligence cognitive. Biais liés à l’administration = renvoient aux conditions dans lesquelles les tests sont administrés. - Problèmes de communication (interculturelle) entre le psychologue et le sujet - Conditions de passation Standardisation et recherche interculturelle comparée : - Utiliser les mêmes procédures dans tous les pays indépendamment des pratiques culturelles ou utiliser la méthode la plus adaptée à chaque pays ? Attention : Standardisation nécessaire au sein d’un même groupe culturel ! - Peut-on neutraliser tous les biais liés à l’administration ?

3.4.

Biais liés au fonctionnement différentiel de l’item

Définition générale Les biais liés au fonctionnement différentiel de l’item correspondent à des nuisances dans la qualité de la mesure. - Un item biaisé mesure autre chose que ce qu’il est censé mesurer. - Un item biaisé peut avantager ou désavantager un groupe culturel.

Trois biais associés au fonctionnement différentiel de l’item : - Biais liés à la qualité de la traduction - Biais liés à la nuisance dans la mesure - Biais liés à la signification psychologique Biais liés à la qualité de la traduction = renvoient au fait que les items sont mal traduits ou qu’ils contiennent des ambiguïtés. Ex : dans la version américaine de la WISC-III, pour le subtest Arithmétique la traduction la plus naturelle de l’expression « to cut in half » serait « couper en deux » mais la réponse (2) figure alors dans la question. Un item totalement nouveau a dû alors être proposé en substitution. Echelle de satisfaction générale de vie (Diener et al., 1985) : la version française avait été validée par et le Togo est un pays dont la langue officielle est le français. Mais un item comprenant « mon idéal » n’était pas compris. Finalement, le terme a été remplacé par « la vie idéale telle que je me l’imagine ». Ce changement qui pourrait ressembler à un petit changement a eu un impact important sur l’échelle avec une plus grande homogénéité dans les « corrélations » (ou saturations factorielles) avec la variable latente. Ainsi, même si des pays présentent en apparence la même langue, il peut exister néanmoins des différences importantes à prendre en considération. Enfin, les items non verbaux peuvent être aussi concernés. Par exemple, dans la version américaine du subtest Arrangement d’images de la WISC (1949) et la WISC-R (1979), il y a un dessin d’un cambrioleur qui sort d’une maison par la fenêtre avec la représentation du voleur des dessins animés. L’item a dû être entièrement redessiné pour que la situation ait un sens dans le contexte indien. Biais liés à la nuisance = biais où la manière dont l’item ou l’épreuve se présente fait appel à d’autres traits ou aptitudes. Par exemple, dans l’adaptation sud-coréenne du subtest Code de la WISC-III et de la WISC-IV, les chercheurs ont décidé sciemment de conserver l’épreuve considérant que le format était adapté. Or, en analysant chaque symbole à retranscrire, on s’aperçoit de certaines similarités avec l’alphabet coréen (donc possibilité d’utiliser un traitement phonologique et une graphie connue). De même, cette épreuve mobilise des chiffres allant de 1 à 9 qui comportent tous une seule syllabe alors que ce n’est pas nécessairement le cas dans d’autres pays. Ainsi, ils bénéficient d’un double avantage. Biais liés à la signification psychologique = portent sur le fait que les items comportent accidentellement une signification dans un contexte culturel pour les sujets ou que l’item n’a aucun sens dans le contexte culturel pour les sujets. Ex : Adaptation sud-coréenne du subtest Mémoire des chiffres de la WISC-III : Ajout initial de 2 items d’exemple pour prévenir les difficultés de compréhension : 8-2 / 3-8-6 Ces deux exemples regroupés ensemble étaient problématiques : 8-2 : Ressemblance phonologique avec un mot ui signifie « vite » 3-8-6 : Terme pour désigner la Génération 386 qui a protesté dans les années 80

Décision finale : 8-2 / 3-7-6 De même, pour un item du subtest « Arithmétique », il est présenté une fille qui vend des journaux. Si cela peut correspondre à une réalité dans le contexte américain, cela n’a aucun sens en France et les enfants pourraient ne pas comprendre la situation : item supprimé dans la version française. 4.

Conclusion

Préconisations dans la recherche interculturelle comparée - Démontrer plutôt que supposer : quels biais potentiels ? quelle équivalence ? - Une démarche qualité à mettre en place * Examiner les dimensions culturelles d’un construit * Traduire, adapter voire supprimer mais aussi ajouter ou substituer des items * Comparer systématiquement l’équivalence de la mesure entre le groupe culturel initial et le groupe culturel cible. Apports de la psychologie interculturelle comparée Limites de la comparaison interculturelle des scores d’intelligence : - L’intelligence se développe en interaction avec un contexte culturel. - Dominance du modèle étatsunien dans la construction des tests d’intelligence (etic / imposed etic). - L’équivalence n’est pas toujours évaluée. - Difficultés à éliminer tous les biais fragilisant la comparaison entre les groupes. - Difficultés à élaborer un test d’intelligence sans biais culturel (« culture free »). Perspectives de la comparaison interculturelle des scores d’intelligence : Les procédures strictes pour contrôler l’équivalence des scores obtenus à la WISC- III (12 pays) ont permis de montrer qu’ils étaient comparables et qu’il n’y avait pas de différences significatives entre les groupes culturels. Ces travaux rigoureusement conduits plaident plutôt en faveur d’un fonctionnement cognitif universel. Comprendre les différences et les similitudes plutôt que de classer les groupes. L’environnement socio-éducatif expliquerait au moins 50% de la variance des différences interculturelles observées dans les scores obtenus à la WISC-III. Implications pour les psychologues Validité culturelle des tests d’intelligence : - Les différences interculturelles d’un test ne remettent pas en cause systématiquement sa validité culturelle (c’est-à-dire au sein d’une même culture). - Les versions validées des échelles de Wechsler dans leur contexte culturel sont adaptées pour mesurer ce qu’elles sont censées mesurer auprès des individus appartenant au même contexte culturel. - En France, un travail minutieux, exigeant et documenté a été entrepris pour adapter les échelles de Wechsler qui démontrent d’excellentes qualités psychométriques.

Usage des tests dans des pratiques interculturelles : - Identifier le niveau d’acculturation et de biculturalisme. La culture ne se résume pas à la langue parlée ! - Les tests non-verbaux ne sont pas exempts de biais culturels. - Choisir des tests qui démontrent le moins de biais culturels (« culture free »). - Rester très vigilant sur l’interprétation des résultats....


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