Note de synthèse 7 - Le TEG erroné PDF

Title Note de synthèse 7 - Le TEG erroné
Author Amandine Gast
Course Droit bancaire
Institution Université de Paris-Cité
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Summary

Chaque semaine, notre professeur de droit bancaire demandait la conception d'une note de synthèse par thème donné. J'ai eu l'année avec 15 de moyenne....


Description

Amandine GAST LE TAUX EFFECTIF GLOBAL (TEG) ERRONÉ “Le TEG vient encore de frapper”, c’est ce qu’indique Jean-Jacques Daigre pour introduire la réforme de cet instrument, source de nombreux conflits entre les emprunteurs exigeants et les institutions bancaires1. Le taux effectif global est omniprésent car il comprend l’ensemble des dépenses qui seront occasionnées par une opération de crédit. Il reflète donc le coût réel de cette dernière. La liste des éléments que le TEG doit prendre en compte est reprise à l’article L314-1 du Code de la consommation. Cependant la jurisprudence est intervenue pour les préciser, indiquant par exemple que les frais d’information annuelle de la caution en sont exclus2. Certaines obligations sont liées au TEG, et celle qui nous retiendra est, plus particulièrement, l’obligation de la mention écrite de ce dernier, édictée à l’article L314-5 du même code (doc 6). Au sens de cette obligation, le TEG doit alors être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt. La Cour de cassation en a fait une interprétation large, en reconnaissance cette exigence pour n’importe quelle forme de crédit, que le bénéficiaire soit un consommateur ou un professionnel3 . Au même titre l’appréciation, le TEG erroné est vu comme un TEG ne respectant pas ces exigences de publicité. Alors qu’il existait un désordre considérable dans l’appréciation des sanctions liées au non-respect de cette obligation, le rapport Constans4 appelait à un certain nombre de réformes, notamment la mise en place d’une sanction unique répondant au principe de proportionnalité. Ce rapport a été en partie repris par le législateur qui édicta une loi d’habilitation sur le droit à l’erreur du 10 août 2018. Finalement la réforme est arrivée par l’ordonnance du 17 juillet 2019 (doc 5). Il convient donc d’apprécier si cette réforme de 2019, appelée à clarifier et simplifier la sanction civile liée au nonrespect de l’obligation de mention écrite du TEG, met en place une réglementation efficace, se conformant au principe fondamental de proportionnalité de la sanction. Pour comprendre la nécessité de réformer l’ancien régime applicable en matière de sanctions civiles liés au TEG erroné, il convient dans un premier temps de revenir sur les incertitudes en la matière, fruits de sédimentation normative et jurisprudentielle (I). Finalement, grâce à l’ordonnance du 17 juillet 2019, le prêteur est désormais exposé à une sanction civile unique, même si plusieurs doutes subsistent quant à l’application concrète de celle-ci (II). I. Une ancienne dualité de sanctions au TEG erroné contestées En ce qui concerne les sanctions civiles, l’erreur du TEG était, à l’origine, sanctionnée par la nullité du taux et sa substitution par l’intérêt légal, ou encore, par la déchéance totale des intérêts (A). Cependant, ces deux sanctions ne connaissaient pas une application claire, notamment au niveau jurisprudentiel (B). A) Une sédimentation normative Pour bien comprendre, il est nécessaire dans un premier temps de distinguer le TEG du TAEG. Ce dernier est un taux effectif global spécifique aux opérations protégées par le droit du crédit aux consommateurs. Dans ce cas, les sanctions civiles étaient pratiquement toutes prévues par la loi. Les articles L341-1 et suivants reprenaient les dispositions applicables en présence d’un crédit à la consommation ou un crédit immobilier. Il faut donc les distinguer rigoureusement.

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J-J Daigre, Encore le TEG, Banque & droit n°187, septembre-octobre 2019. CA Riom, 18 septembre 2019, n°18/00475. 3 CCass, civ. 1e, 22 janvier 2002, n°99-13.456. 4 Rapport d’Emmanuel Constans, Inspecteur Général des Finances, juillet 2017. 2

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Amandine GAST En ce qui concerne les crédits à la consommation, selon les anciennes dispositions, le prêteur était “déchu du droit aux intérêts”5 et le juge n’avait pas le pouvoir de moduler cette sanction. Elle était alors radicale. En revanche, en ce qui concerne le crédit immobilier, l’état du droit était largement plus compliqué. Il fallait, au sein de cette catégorie de crédit, faire une distinction en fonction de l’acte comprenant le TAEG erroné. Il fallait savoir s’il s’agissait de l’offre de crédit, ou de l’acte authentique réitérant devant notaire la convention de prêt. Pour la première, la loi prévoit une amende de 150.000 €6, jamais retenue en réalité, et une déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts, modulable par le juge. Pour l’acte authentique, l’erreur du TEG ouvrait à l’emprunteur une seconde action, celle en nullité de la clause prévoyant le taux conventionnel, et la substitution par le taux légal. Cette dernière sanction n’était cependant pas le fruit d’un texte juridique, mais d’une solution rendue par la Cour de cassation (doc 1, 2). Pourtant cette dernière solution connaissait déjà des limites. Sur le plan pratique, il arrivait largement que le taux légal se révèle supérieur à celui du contrat. Par exemple, au 1er juillet 2019, ce taux légal s’élevait à 3,26%, or, le taux moyen des prêts immobiliers consentis se trouvaient être inférieurs. L’emprunteur victime d’un taux conventionnel erroné, finissait donc par devoir payer un taux légal supérieur, quelle idée absurde. Pourtant, cette situation avait déjà conduit un emprunteur à saisir la Cour de justice de l’Union européenne. C’est dans un arrêt du 27 mars 2014 qu’elle a alors indiqué que les États membres devaient prendre des mesures effectives, proportionnées, et dissuasives (doc 9). Elle demanda à la juridiction de renvoi d'avoir une sanction plus appropriée aux vues de ce bénéfice. Cette position de la Cour de justice alimenta un désaccord classique entre les juridictions du fond qui refusait de reconnaître la nullité de la clause et la Cour de cassation qui l'admettait. Le TEG concerne les crédits non protégés par le droit de la consommation. Il s’agit des crédits professionnels, et de ceux du “secteur libre”, qui conclus par des consommateurs, autres que des crédits à la consommation ou immobiliers. Pour ces derniers, les sanctions prévues par le Code de la consommation ne les concernaient pas. Ainsi, il était revenu à la jurisprudence de déterminer quelle sanction devait s'appliquer, ce qui alimenta encore ce désordre juridique. Il faut donc revenir sur les différentes incertitudes jurisprudentielles qui régnaient afin de comprendre en quoi ladite réforme était très attendue. B) Une sédimentation jurisprudentielle A la vue de ces quelques points précités, des doutes subsistaient dans l’application jurisprudentielle des sanctions au TEG erroné, et cela tant au niveau de l’action en nullité que de l’action en déchéance du droit aux intérêts. En effet, en raison de la portée limitée des textes du Code de la consommation, la jurisprudence a dû déterminer quelle était la sanction applicable à titre de principe pour chaque convention délaissée par les textes. Pourtant, toutes les juridictions n’avaient pas le même point de vue. Ces discordes grandissantes avec le temps avaient finalement créé une large insécurité tant pour le prêteur qui ne pouvait prévoir sa sanction civile, que pour l’emprunteur qui ne savait pas quel moyen invoqué. A propos de l’action en nullité de la clause, deux doutes majeurs coexistaient. Dans un premier temps, comme mentionné précédemment, il s’agissait de savoir quel taux légal devait être appliqué dans un tel cas. La Cour de cassation et les juges du fond divergeait petit à petit. A l'origine, ils référaient au taux applicable au jour de la convention, ou le cas échéant, à son avenant. Mais à la fin, certaines décisions se référaient au taux légal annuel. Pourtant, certains taux annuels étaient beaucoup moins avantageux pour l’emprunteur que le taux erroné de la convention. De plus, pendant la période précédant la réforme, le TGI de Paris refusait de plus en plus d’appliquer cette substitution, et penchait pour une solution inédite. Il indiquait en effet qu’une absence de consentement du TEG par l’emprunteur 5 6

Ancien article L341-4 du Code de la consommation. Ancien article L341-37 du Code de la consommation.

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Amandine GAST “ne saurait emporter la réduction du coût du prêt supporté par l’emprunteur à laquelle il a valablement consenti, sans substitution du taux de l’intérêt légal au taux contractuel régulièrement fixé par écrit” 7. En ce qui concerne les doutes liés à l’action en déchéance, il faut revenir sur le droit applicable au TEG erroné en matière de crédit immobilier. Alors que deux solutions s’offraient à l’emprunteur en cas de TAEG erroné dans un acte authentique de prêt immobilier, la Cour d’appel de Paris a longtemps refusé cette double faculté (doc 1). En ce sens, la victime recevait une irrecevabilité et pouvait simplement solliciter la déchéance de la banque dans son droit à percevoir les intérêts. La Cour d’appel préférait donc suivre strictement les dispositions du Code de la consommation plutôt que la position retenue par la Cour de cassation. Il a fallu attendre un arrêt du 22 mai 2019 pour que la Cour de cassation réaffirme sa position définitivement (doc 9). Il fallait en effet remédier à cette jurisprudence disparate et confuse. Elle reconnaît finalement l’existence pour les emprunteurs d’une option entre la nullité de la stipulation et la déchéance du droit aux intérêts. Toutes ces positions complètement différentes entre chacune des juridictions concernées ne pouvaient placer l’emprunteur dans la faculté de connaître préalablement la sanction qui lui serait appliquée. Il était nécessaire et évident que le législateur dût remédier à ce désordre, comme le demandait expressément le rapport Constans. II. Un effort d’uniformisation de sanction au TEG erroné apprécié La nouvelle réforme du 17 juillet 2019 a finalement permis d’introduire une sanction unique au TEG ou TAEG erroné (A). Cependant, même si cette dernière permet de considérablement simplifier le régime des sanctions civiles, elle a déçu un certain nombre par rapport aux doutes qu’elle laisse subsister (B). A) Une sanction unique en apparence simple L’ordonnance, tant attendue depuis la loi d’harmonisation d’août 2018, prévoit finalement qu’en cas d’erreur du TEG, seule une sanction pourra être prononcée. Il s’agit de la déchéance aux intérêts du prêteur (doc 5). En effet, l’ordonnance cite le TEG et non le TAEG, qui concerne uniquement les crédits prévus par le Code de la consommation. Mais selon Thierry Bonneau, la seule référence au TEG n’est pas étonnante. Tout simplement, il s’agit de concerner tous les crédits soumis à une exigence de mention concernant le taux effectif global et pas seulement le crédit à la consommation et le crédit immobilier (doc 4). Un article L341-48-1 a alors été inséré dans le code de la consommation pour reprendre cette sanction unique : “le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge” (doc 7). De plus, l’article L313-4 du Code monétaire et financier y renvoie, de telle sorte que ladite sanction concerne tant les crédits consentis aux particuliers que ceux consentis aux entreprises. Cette déchéance peut alors être totale ou partielle, ce qui se conforme ainsi à l’exigence de proportionnalité de la sanction qu’avait soigneusement rappelé la Cour de justice (doc 8). Cette exigence, inhérente à l’idée même de sanction, sera mesurée et appréciée en fonction du préjudice subi par l’emprunteur. Elle permet donc de renforcer nettement l’office du juge civil, qui va pouvoir apprécier la bonne sanction applicable. Il s’agit donc en principe d’une victoire pour les prêteurs. Cependant, l’article indique “au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur”. L’ajout de l’adverbe par rapport à ce qu’avait souligné l’article 55 de la loi d’harmonisation de 2018 soulève alors une question. En effet, le préjudice subi n’est visiblement pas le seul critère à retenir pour déterminer l’étendue de la déchéance du droit aux intérêts à prononcer. Ici, la doctrine semble diverger. Certains indiquent que cette référence permet au droit européen de se 7

TGI Paris, 8 juin 2017, n°15/05956.

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Amandine GAST conformer aux directives européennes en la matière8 . En effet, le rapport au président de la République9 précise que cet adverbe permet de ne pas limiter le pouvoir d’appréciation du juge au seul préjudice de l’emprunteur (doc 2). Pour d’autres, l’efficacité de la réforme pourrait largement être compromise en fonction de l’interprétation donnée à ces nouveaux textes 10. L’adverbe notamment pourrait alors l’emporter sur toute considération attachée à la fonction de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts. Cet ajout pourrait même créer une confusion des genres entre la sanction civile et les sanctions pénales ou disciplinaires. Il convient donc, pour conclure, d’apprécier l’application future de cette nouvelle sanction, tant au niveau de son fond, que de sa forme. B) Une sanction unique à l’application approximative La question de cette nouvelle réforme tend largement à savoir si elle va permettre, ou non, d’apaiser le contentieux qui préexistait. Même si cette sanction unique constitue en principe une victoire pour les prêteurs, elle est en réalité composée de plein d’incertitudes (doc 3). Dans un premier temps, en retenant seulement le préjudice de l’emprunteur, il apparaît que cette solution se heurte en réalité aux exigences du droit communautaire. En effet, l’Union européenne avait rappelé que les sanctions applicables devaient être effectives, proportionnées et dissuasives. Pourtant, le préjudice de l’emprunteur peut être modeste, ce qui aura donc peu d’impact en termes de dissuasion. C’est donc en raison de ces exigences européennes que l’ordonnance a introduit l’adverbe « notamment ». Cela paraît en réalité insuffisant et sujet à de nombreux futurs contentieux, ce qui aurait pu être évité. De plus, la réforme ne prend en compte que le TEG erroné ou absent, et oublie donc toutes les contestations tenant au taux conventionnel. Alors certes, une question est réglée, mais plein d’autres voient le jour. De nouveaux angles d’attaque sont donc imaginés et mis au point, notamment pour le calcul des intérêts intercalaires qui est de nature à entrainer l’annulation de la convention d’intérêts. Ainsi, l’ordonnance ne soulagera pas entièrement les rôles des juridictions et mérite toujours le sigle détourné « taux d’embrouille généralisé », comme le souligne le Professeur Brunet. A l’annonce de cette réforme, une autre incertitude a largement été recensée par la majorité de la doctrine. En effet, l’ordonnance n’a pas pris le soin de préciser son entrée en vigueur, détail qui risque de remettre en cause son efficacité. La question était de savoir si elle s’appliquera immédiatement aux contrats en cours ou seulement pour ceux à venir. Il faut finalement se référer au rapport au président de la République pour comprendre qu’en réalité, il reviendra aux juges d’apprécier de l’application immédiate ou non de cette ordonnance. Normalement, l’application immédiate d’une sanction en raison d ’un caractère de sévérité moindre concerne seulement les sanctions d’ordre pénal. Il est donc étonnant que ce principe s’applique à ce jour en matière civile. Il se peut simplement que ce soit le caractère d’ordre public de l’article L314-5 du Code de la consommation (doc 6) qui justifie une telle solution. C’est en ce sens qu’une partie de la doctrine, malgré le rapport, constate que cette ordonnance ne pourra pas s’appliquer aux instances en cours. Il s’agit tout simplement de réaliser que la majorité des sanctions civiles appliquées procèdent majoritairement de la protection de l’intérêt particulier de l’emprunteur, et non de l’intérêt général. En effet, seul ce dernier bénéficiera directement de la sanction. En raison de tous ces points, l’ordonnance a déçu nombre de juristes, car elle n’est pas complète et apparaît presque complexe alors que le régime des sanctions civiles applicables au TEG erroné avait vraiment besoin d’être éclairci.

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Directive n°2008/48/CE du 23 avril 2008 et directive n°2014/17/CE du 4 février 2014. V. Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global. 10 T. Samin et S. Torck, La réforme en demi-teinte de la sanction civile du TEG émis ou erroné, Revue de droit bancaire et financier n°6, novembre-décembre 2019. 9

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Amandine GAST

DOSSIER DOCUMENTAIRE Doctrines : 1) J. Lasserre-Capdeville, Les sanctions au TEG erroné : revue de la jurisprudence récente, HS Banque et Droit, juillet 2018. 2) M. Correia et J. Lasserre Capdeville, Banque - Droit du taux d’intérêt, La semaine juridique Entreprise et Affaires n°6, 6 février 2020. 3) G. Bierdeaud, Succès en trompe-l’œil pour les banques, Recueil Dalloz 2019, p1613. 4) T. Bonneau, La réforme 2019 des sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, Banque et droit n°187, septembre-octobre 2019. Textes de droit : 5) Ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, JORF n°0165 du 18 juillet 2019. 6) Article L314-5 du Code de la consommation. 7) Article L341-48-1 du Code de la consommation. Jurisprudences : 8) CJUE, 4e ch., 27 mars 2014, Sté Crédit Lyonnais c/ Kalhan, aff. C-565/12 9) CCass, civ. 1ère, 22 mai 2019, L. de Badts de Cugnac c/ Sté Axa Banque, n°18-16.281.

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