Cours de Philosophie : Autrui PDF

Title Cours de Philosophie : Autrui
Course Philosophie
Institution Lycée Général
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Cours de Philosophie : Autrui, MR STANISLAS...


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CHAPITRE 6 : AUTRUI Problématique : Peut-on connaitre objectivement autrui ? Objectifs pédagogique terminal : Etablir la nécessité, les difficultés et les modalités de la communication avec autrui. Durée : 05 heures

INTRODUCTION La question de l’altérité entre les hommes se posait avant tout pour les Grecs dans les termes de la vie sociale et politique (l’étranger, le non-Grec considéré comme « barbare »). L’autre avait bien une dimension « humaine » bien qu’elle ne soit jamais celle de l’individu isolé. Or, la vie au quotidien nous prouve à chaque instant que nous ne sommes pas seul au monde. Il y a toujours quelqu’un avec qui nous partageons le même espace, nos occupations et notre temps : c’est autrui. Autrui, c’est l’autre, non pas tout ce qui existe hors de moi. Mais un autre moi, le non-moi, un moi qui n’est pas moi ; mon alter ego, ou mon semblable. Il est différent de moi, mais a aussi les mêmes problèmes, les mêmes besoins et parfois les mêmes idées. Voilà pourquoi Victor Hugo affirme dans les contemplations : « quand je parle de moi, je parle de vous, insensé qui crois que je ne suis pas toi. » Tout homme fait donc la rencontre d’un autre et comprend qu’il doit co-exister avec autrui. Aucun homme ne peut vivre hors de l’existence commune. Thomas Merton disait : « Nul n’est une île », pour signifier le caractère grégaire de l’homme. Qui est autrui et comment le moi se situe-t-il par rapport à l’autre ? Y a-t-il une différence fondamentale entre autrui et moi ? Par ailleurs, un moi (conscience) peut-il communiquer avec un autre moi (autre conscience) ? C’est tout le problème de la connaissance d’autrui.

I. EXISTENCE ET CONNAISSANCE DE L’AUTRE 1.1. Existence de l’autre a) Le solipsisme. Pour le solipsisme, l’existence de l’autre ne va pas de soi. L’existence de l’autre est problématique parce qu’on n’est pas absolument sûr de son existence propre. Autrui peut donc être une pure fiction de mon esprit, le fruit de mon imagination. George Berkeley1 pense qu’il n’est pas certain que l’autre existe dans la réalité extérieure indépendante du cerveau de celui qui le voit. Car, en dehors de la perception, la réalité en soi est inconcevable. 1

Berkeley, George (1685-1753), philosophe anglais d’origine irlandaise.

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Il dit à cet effet, « esse es percipi » c’est-à-dire, « être, c’est être perçu ». Par conséquent, je ne peux rendre compte que de ma seule personne, le « moi » seul peut être connu, et à travers lui, les autres. C’est moi qui fait exister l’autre je suis donc seul à exister véritablement. Leibniz2 partage ce point de vue lorsqu’il fait d’autrui une simple représentation mentale impénétrable « une réalité clause sans portes ni fenêtres. » b) L’altérité En réalité, l’existence du « je » suppose incontestablement l’existence de « tu », ensemble nous formons le « nous ». Nous rencontrons l’autre dans toute sa différence au quotidien. L’homme n’est donc pas seul, il est toujours accompagné de son semblable. En tant que conscience identique à la mienne, autrui peut m’enrichir ou s’opposer à moi. Sully Prudhomme le démontre lorsqu’il dit : « nul ne peut se vanter de se passer des homme » L’expérience des accords des différences, des rencontres et des conflits, des associations et de la solitude marquent d’une façon indiscutable la présence d’un être semblable à moi, mais hors de moi. S’il n’était qu’une imagination, il ne serait pas capable de me voler au secours ou de me détruire. Donc il existe vraiment. Shakespeare disant qu’ « il y a plus de murs que de ponts entre les hommes » reconnaissait qu’il est aussi en mesure de cacher son jeux, de me faire croire que je le connais par l’affectivité ou par sa résistance. Entre autrui et moi, il y a à la fois une distance et une proximité, qui peuvent conduire à la sympathie ou à l’indifférence. 1.2. Les possibilités de connaissance d’autrui Les sciences humaines en générale se forcent d’étudier l’homme ; cependant, l’homme étant une conscience en mutation, un être changeant, on peut tenter qu’une reconnaissance de l’homme. Ainsi, notre connaissance de l’autre ne peut être que conjecturale. Autrui est une conscience singulière. Il est un mystère dans la mesure où il est libre et donc imprévisible. C’est un « pour-soi » contraire à l’ « en-soi » d’après Jean-Paul Sartre. Autrui peut se transcender, se nier. L’une des caractéristiques essentielle de l’homme c’est de ne jamais être ce qu’il est mais d’être ce qu’il n’est pas dans ce sens Montaigne3 dira que « l’homme est divers et ondoyant ». La connaissance d’autrui est toujours partielle voire partiale. Différent moyens permette cependant d’avoir une connaissance de l’autre. a) La connaissance par analogie Pour René Descartes, si la connaissance d’autrui est difficile, on peut la faire à partir de soi. Nicolas Malebranche pense ainsi que, « Nous conjecturons que les âmes des autres hommes sont de même espèce que la nôtre. Ce que nous sentons en nous-mêmes, nous prétendons qu’ils le sentent.» Par le raisonnement analogique, je découvre le moi en l’autre, je retrouve en lui des attitudes, des sentiments, des manières d’agir et de réagir que j’ai déjà expérimentées comme étant les miens dans les situations identiques.

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Leibniz, Gottfried Wilhelm (1646-1716), philosophe et savant allemand Montaigne, Michel Eyquem de (1533-1592)

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b) La connaissance par le dialogue et le langage : la communication de consciences Dans La phénoménologie de la perception, Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) considère le dialogue et le langage comme un moyen permettant d’accéder à la connaissance de l’autre. Grace au langage qui consiste à exprimer son intériorité, je peux entrer en communication avec autrui et le comprendre. «Dans le dialogue, je suis libéré de moi-même, les pensées d’autrui sont bien siennes, ce n’est pas moi qui les forme, bien que je les saisisse aussitôt nées». Ces propos de Merleau-Ponty présentent le lien qui s’établît entre le moi et son interlocuteur. Il ajoute : « Dans l’expérience du dialogue, il se construit entre autrui et moi un terrain commun, ma pensée et la sienne ne font qu’un seul tissu». La communication favorise une transmission des émotions, et des intentions que l’on partage avec autrui qui s’ouvre à moi et par cette ouverture, se laisse appréhender. c) La connaissance intuitive C’est une connaissance immédiate qui se fait sans raisonnement.4 Pour les gestaltistes, c’est-à-dire la théorie des gestes ; et les sémiologues qui étudient les signes (du grec sémeîon), certains signes et formes dégagent un message ou une signification. De la même façon, à partir de la démarche, de la gestuelle, de l’attitude ou des go ûts d’un individu, je peux déduire quel type homme il est vraiment. d) La confiance La connaissance de l’homme en générale et de l’autre en particulier n’est pas une sinécure Montaigne dit : « l’homme est ondoyant et divers ». Ondoyant par son constant changement et divers par notre infinité de différences. Mais en accordant du crédit et de la confiance à l’autre, on le met dans une situation où il peut nous rendre le pareil en nous livrant ses secrets. Dans une relation intersubjective harmonieuse, il faut savoir s’accepter et se faire confiance pour mieux se connaitre. Bien que la connaissance d’autrui soit imparfaite, nous entretenons des rapports existentiels avec ce dernier. C’est rapports sont de plusieurs ordres.

II. LES TYPES DE RAPPORTS AVEC AUTRUI Il s’agit des différentes formes de relations intersubjectives. La rencontre d’autrui débouche sur deux formes de rapports : l’affectivité et la rivalité. 2.1. La rencontre affective L’affectivité c’est l’ensemble des dispositions que nous avons à l’égard d’autrui. En un mot, le sentiment à partir duquel nous formons nos rapports avec autrui.

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Le jeune enfant n’est pas capable de raisonner mais il lit l’amour dans les yeux de sa mère, la menace dans la voix de son père ou la tendresse sur le visage d’un inconnu.

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a- la sympathie C’est une relation entre individus qui se manifeste par une adhésion de l’un à l’autre ayant en partage les mêmes peines et les mêmes expériences. André Lalande dans le Vocabulaire technique et critique de la philosophie, la comprend comme ce qui « crée chez deux ou plusieurs individus des dispositions affectives analogues.» Elle prend plusieurs formes : -

La camaraderie : Elle se traduit par une relation de 2 ou plusieurs personnes autour d’une même tache ou œuvre qu’elles accomplissent ensemble. Le prétexte de la camaraderie est toujours extérieur au sujet. Cela fait dire à Jean Lacroix que « le but de la camaraderie c’est ce que l’on fait ensemble et non ceux qui le font ». C’est donc une relation de circonstance, passagère et liée au temps et au but recherché ensemble.

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L’amitié : Il s’agit d’une relation entre deux ou plusieurs personnes et se fondant sur une estime réciproque. C’est une disposition bienveillante à l’égard d’autrui, accompagnée de la confiance, et la recherche de ce qui me manque. Autrui dans cette mesure devient un confident, mon conseiller, mon guide et mon consolateur. Dans ce sens Jean-Paul Sartre déclare que : « autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même.» De même, Aristote souligne la valeur de l’amitié dans Ethique à Nicomaque que : « sans amis, nul ne voudrait vivre, même étant comblé de tous les biens. » Bien, celui qui n’a pas d’amis est un monstre.

b- L’Amour C’est une relation entre personnes qui partagent les mêmes sentiments, les mêmes épreuves, les mêmes expériences. Il évacue en son sein toutes sortes d’intérêts et de rapport matériel au risque de devenir une dépendance ou une coopération. C’est alors un sentiment d’abandon à autrui, d’estime et de solidarité, au point où Emmanuel Mounier déclare : « je n’existe que dans la mesure où j’existe pour autrui ; à la limite être c’est être aimé ». Il faut cependant distinguer plusieurs formes d’amour : Amour agapè ou oblatif : C’est un sentiment de générosité ou de familiarité intime avec autrui débouchant sur la charité pour un but solide. Saint Exurpery déclare dans Terre des hommes : « s’aimer n’est pas se regarder en face l’un de l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction ». Amour érotique ou captatif : il s’agit d’un sentiment d’attachement mêlé de sexualité et de sensualité entre deux personnes de sexes opposés. Ce type d’amour demande de l’apprentissage. Louis Aragon5 déclare que : « de cette vie, je n’ai appris qu’une chose : aimer. Et je ne vous souhaite qu’une chose : savoir aimer.» L’amour est donc un art, un don de soi à autrui. C’est une union de corps, de cœur et de penser ; mais l’union des pensées est difficile et la fidélité est de mise. 5

Aragon, Louis (1897-1982), écrivain français

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Finalement, nous sommes presque contraints de partager notre existence avec nos semblables. Seydou Bodian dans Sous L’orage nous fait savoir que « l’homme n’est rien sans les hommes ; il vient dans leurs mains, il s’en va dans leurs mains. » La personne humaine ne peut être une insularité, elle est collégialité et coexistence. Cette coexistence n’est pas toujours pacifique.

2.2. LE CONFLIT ET LA RIVALITE a- Infernale relation avec autrui Jean-Paul Sartre dans Huis Clos affirme : « l’enfer c’est les autres », autrement dit, mon malheur vient d’autrui. Pour lui, les relations intersubjectives sont essentiellement conflictuelles et débouchent sur la confrontation et la rivalité. La rencontre avec notre semblable se construit toujours à travers le conflit et les oppositions dues aux différences et l’aspiration à la survie réciproque. Il ajoute : « l’essence des relations entre les hommes ce n’est pas la communication, mais le conflit ». La présence d’autrui est gênante, elle perturbe mon existence. La présence de mon semblable instaure la guerre, la trahison, la peur et la méfiance. Cela fait dire à Sénèque que « chaque fois que l’on va vers les hommes, on en revient moins homme qu’on ne l’était ». Cette relation infernale avec autrui s’aggrave à cause de la rareté et le besoin. Je dois satisfaire mes besoins, mais autrui a parfois les mêmes besoins. Cette lutte pour les ressources est à l’origine des guerres et des conflits de tous genres. De ce qui précède, nous pouvons être d’accord avec Hegel qui relève que « la conscience de soi, c’est l’opposition à l’autre », ou encore « le moi se pose en s’opposant ». Les consciences s’engagent dans une lutte à mort pour la survie individuelle. C’est dans ce sens que Thomas Hobbes soutient également dans le Léviathan : Homo homini lupus, « l’homme est un loup pour l’homme ». Autrui installe la concurrence, la haine, la jalousie et l’exploitation au point où Sartre conclut que : « ma chute originelle, c’est l’existence de l’autre. » Néanmoins, Georges Gusdorf remarque que « dire que l’enfer c’est les autres, c’est admettre que l’enfer est en nous. Celui qui se refuse aux autres s’appauvrit », De plus Gabriel Marcel déclare que « le ciel c’est les autres ». Ainsi, même dans cette rivalité, le s hommes sont appelés à vivre ensemble. b. Le regard Le regard qu’autrui porte sur moi est dangereux et dégoutant en ceci qu’il emprisonne ma liberté et ravie mon intimité par sa présence. Je suis jugé, observé et contrôlé de l’extérieur, ce fait d’être vu me néantise. Jean-Paul Sartre fait ce constat lorsqu’il déclare : « le regard d’autrui me chosifie ; tout en me chosifiant, me méprise et me néantise. » En me regardant, autrui s’impose comme véritablement hors de moi, capable d’empêcher mon plein épanouissement. Paul Valéry le dit non sans raison : « si le regard pouvait tuer, si le regard pouvait féconder, la rue serait pleine de cadavres et de femmes enceintes.» Enfin, COURS DE PHILOSOPHIE

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puisque autrui peut me reconnaitre, j’ai honte, il sait ce que je suis, sous son regard je suis comme transparent et sans âme. Il m’oblige donc à revoir ma conduite et reformant mon attitude, Sartre peut donc dire que : « autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même. »

III. LES DIFFICULTES DE LA RENCONTRE D’AUTRUI La rencontre avec autrui a des échecs, car en dehors de la solitude, nos rapports avec autrui sont toujours déguisés. Je fais tout pour tromper l’autre. Blaise Pascal nous en donne une explication : « la vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle, on ne fait que s’entretromper et s’entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle à notre absence. L’Union qui est entre les hommes n’est fondé que sur cette mutuelle tromperie ; et peut d’amitié subsisteraient si chacun savait ce que son ami dit de lui à son absence. L’homme n’est donc que déguisement, mensonge et hypocrisie. » La vie n’est donc qu’une farce, une comédie, un jeu entremêlé de mauvaise foi. Sartre pense pour cela que « l’homme est un être en qui il y a du jeu. »

CONCLUSION En définitive, la rencontre et la connaissance d’autrui ne vont pas de soi. Puisqu’autrui représente à la fois, une conscience identique à la mienne, une liberté, une altérité et un alter ego. Il n’est donc pas aisé de dire qui il est, car il peut mentir, et faire semblant en ma présence. Mais je dois être attentif dans nos échanges à travers la communication et les émotions que nous pouvons partager pour le saisir. Le destin de l’homme est de mener une vie communautaire avec son alter ego par la collaboration et la cohabitation. Nous devons surtout reconnaitre et respecter les différences grâce à la culture de la tolérance. Saint Exupéry déclare dans ce sens : « Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis »

Questions d’évaluation : 1. Comment connaissons-nous autrui ? 2. Que pensez-vous de cette affirmation de Sartre : « l’enfer c’est les autres » ? 3. Appréciez cette affirmation de Shakespeare : « Il y a plus de murs que de ponts entre les hommes » ? 4. Autrui est-il un obstacle à mon épanouissement ? 5. Que pensez-vous de cette affirmation de Graham Green « Aucun être humain ne peut en connaître un autre » ?

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