Le Monologue de Figaro PDF

Title Le Monologue de Figaro
Course Letteratura francese
Institution Università del Salento
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Summary

Analyse du texte tiré du livre "Lagarde et Michard"....


Description

Beaumarchais, Acte V, scène 3 - Le monologue de Figaro

Introduction Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799), homme et auteur polyvalent, célèbre dramaturge français, crée le personnage de Figaro pour la première pièce d’une trilogie. Ecrite en 1778, elle est censurée et ne peut être jouée qu'en 1784. En effet, le personnage habile que rien n’arrête apparaît dans Le Barbier de Séville et permet le mariage de son maître le comte Almaviva avec Rosine. On le retrouve dans la pièce suivante occupé par ses propres noces avec Suzanne, femme de chambre de Rosine devenue la Comtesse Almaviva. Cependant le Comte lassé de son mariage convoite la future épouse de Figaro et devient le rival de son valet. Pour éviter le pire, Suzanne et la Comtesse imaginent un piège dont elles excluent Figaro qui croit être trompé. C’est ainsi que presque à la fin de la pièce ( Acte V, 3), Figaro se retrouve seul sur scène et exprime toute sa rancœur. L'auteur nous livre ici le plus long monologue de toute l'histoire du théâtre français. Sur le conseil de sa mère, Figaro se rend au jardin où ont lieu les rendezvous, pensant que Suzanne l'a trahi. Au travers de ce long monologue, Figaro philosophe. En étudiant la composition de ce monologue, on mettra valeur le réquisitoire social ainsi que le rôle de la scène dans l'évolution du personnage de Figaro. Commentaire littéraire I. Une scène sous forme de monologue 1. Deux composantes : récit et discours Le monologue se présente comme un récit entrecoupé par des passages de discours qui interrompent la narration : - "Je lui dirais…" -> présence d'un verbe introducteur - "on se débat ; c'est vous, c'est lui, c'est moi, c'est toi…" -> c'est une mise en scène interne de la scène. - "Suzon, Suzon" -> apostrophe à Suzanne. Dans les passages restants, c'est-à-dire narratif, Figaro raconte sa vie, c'est une évocation autobiographique romanesque. Trois temps dominent : - l'imparfait -> généralité passée "le désespoir m'allait saisir" - le passé simple -> faits ponctuels dans le passé "il fallut bien périr encore" - le présent -> événement imprévu -> mise en relief d'événements importants -> rupture totale avec le passé

"on me met un jour dans la rue", "je reprends ma trousse et mon cuir anglais" 2. Mise en scène et cette alternance récit - discours Les passages de discours sont couplés avec la position levée : "(Il se lève)", "(Il se lève en s'échauffant)" -> Cette gestuelle permet de combattre la monotonie d'un monologue et d'intéresser le spectateur. Le spectateur partage la vie de Figaro. Le monologue est animé, avec de nombreuses questions rhétoriques, des phrases exclamatives... La partie du monologue de Figaro concernant sa vie s'achève lorsqu'il se rassied pour la deuxième fois : "(Il retombe assis) Ô bizarre suite d'événements !" Ensuite vient le discours philosophique où il tire des conclusions concernant sa vie. Il élargit sa vie à la destinée des hommes. On passe d'une situation particulière à une situation générale. -> Le spectateur est invité à se questionner sur lui-même. A la fin du monologue, on est remis dans le courant de l'intrigue par le discours direct (= l'apostrophe à Suzanne). Pendant toute la durée du monologue, on fait un écart à la pièce, on s'écarte de son cours. II. Le réquisitoire social Figaro est le porte-parole de Beaumarchais et l'auteur s'en sert pour faire un réquisitoire social de la société de son époque. 1. La censure Ce thème a été effleuré dans le procès. Dans cette scène 3 de l'acte 5, il est largement développé dans le début de l'extrait. Champ lexical de l'expression écrite de l'opinion : "sottises imprimées" "éloge flatteur" "petits écrits" "je puis tout imprimer" "journal inutile" "diables à la feuille" Figaro revendique la liberté d'expression par les écrits. "Je lui dirais… que les sottises imprimées n'ont d'importance, qu'aux lieux où l'on en gène le cours ; que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ; et qu'il n'y a que les petits hommes, qui redoutent les petits écrits." Figaro fait preuve d'une grande éloquence. Ici, nous avons un rythme ternaire, rythme oratoire par excellence, qui donne une ampleur à la phrase. Il y a trois portions de phrases, trois subordonnées. Anaphore de "que". Antithèse entre "blâmer" et "éloge".

Parallélisme entre "petits hommes" et "petits écrits". Figaro fait une description humoristique de la censure. Figaro utilise l'ironie pour mieux démontrer ses idées et pour mieux convaincre : "on me dit que… et que, pourvu que je ne parle ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'opéra… je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs." Anaphore de "ni" pour montrer qu'il ne peut en réalité rien écrire qui ne soit censuré. Cette ironie met bien sûr en relief l'hypocrisie des censeurs. De plus, la censure est aussi faite par des journalistes : "je vois s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille". La rivalité entre journalistes permet d'accentuer le poids de la censure. 2. La satire sociale Figaro formule une attaque contre l'arbitraire des puissants, exprimée au début : "ces puissants de quatre jours". De même, Figaro sort de la bastille sans savoir pourquoi il sort tout comme il est entré. Lorsqu'il publie son journal inutile "on" le supprime mais les puissants ne sont pas nommés. Ils ne sont définis qu'à l'aide de périphrases ou de pronoms indéfinis. Figaro fait remarquer que la malhonnêteté est récompensée : il ne gagne bien sa vie que quand il fait un métier malhonnête : banquier du pharaon. Sa réussite sociale est liée à la malhonnêteté, en effet, lorsqu'il fut banquier du pharaon, il put être introduit dans des salons mondains : "je me fais banquier du pharaon : alors bonnes gens ! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m'ouvrent poliment leur maison..." Selon Figaro, la malhonnêteté et la réussite sociale sont étroitement liées. La conséquence de tout ceci est la pulsion suicidaire de Figaro. C'est la première fois dans le théâtre qu'une dénonciation sociale aboutit à une prise de conscience "Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer…". III. Le valet de comédie devient un personnage de roman 1. La dimension autobiographique Au travers du monologue, on est informé sur la vie de Figaro, sur ses nombreux métiers : Vétérinaire, auteur dramatique, auteur de traités économiques, journaliste, banquier du pharaon, barbier. Comme dans tout roman autobiographique, Figaro raconte sa vie et la commente. Il fait une analyse psychologique de ses motivations et utilise un langage de l'introspection :

"quel est ce moi dont je m’occupe", "ambitieux par vanité, laborieux par nécessité… poète par délassement, musicien par occasion, amoureux par folles bouffées…" Les noms ou les adjectifs définissent l'état et le complément en donne la cause. Un valet peut projeter dans l'avenir mais ne revient habituellement pas sur son passé. 2. Un homme qui souffre Figaro est parfois drôle mais jamais ridicule. Il a de l'humour, cet humour peut être dirigé contre les autres comme contre lui. Il est capable de tourner quelque chose en auto-dérision : "Las d’attrister des bêtes malades" (avant l'extrait étudié). "pendant ma retraite économique" -> c'est un euphémisme, Figaro veut en fait parler de son emprisonnement à la Bastille. Il est émouvant, il cache sa souffrance avec humour sauf quand il parle de Suzanne à la fin : "désabusé… Désabusé… ! Suzon, Suzon, Suzon !" Il y a une association phonétique par allitération avec le son [z], elle permet de coupler cause et conséquence. Le texte prend une dimension pathétique et suscite la compassion du public. Un valet de comédie qui n'exprime plus son désespoir sans être drôle, comme peut l'être Sganarelle dans Dom Juan, n'est plus dans la tradition.

3. Un homme qui doute Figaro ne réfléchit pas que sur sa propre vie, il a une réflexion très élargie sur les hommes. On passe du "je" au "on" au cours du monologue. Un doute métaphysique est exprimé au travers de questions rhétoriques : "Comment cela m'est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d'autres ?…" Figaro se rapproche de Hamlet, les deux personnages ont les mêmes questions métaphysiques. Figaro se transforme au cours du monologue en héros romanesque et tragique. Conclusion Ce qui est véritablement révolutionnaire, c'est le passage du valet de comédie à un personnage romanesque. Il y a une rupture avec les valets de comédie traditionnelle. Figaro est tout à fait unique en son genre, après lui, plus aucun valet de comédie ne sera ainsi. Son premier successeur est Ruy Blas....


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