Les trois genres de discours PDF

Title Les trois genres de discours
Author Gisele Zapata
Course Les grands repères 2/2
Institution Université Paris Nanterre
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Les trois genres de discours.

Il existe trois genres de discours identifiés traditionnellement en rhétorique : le discours judiciaire, le discours délibératif et le discours épidictique. Ces discours sont distingués par l’auditoire, les temps auxquels ils font référence et les valeurs dont ils traitent. Le discours judiciaire traite du juste ou de l’injuste, du légal ou de l’illégal. Il fait référence au passé car il intervient après les faits dont il rend compte. Il sert à défendre ou à accuser devant un tribunal. Le discours délibératif, ou politique, traite de l’utile ou de l’inutile. Il fait référence au futur, dans la mesure où il propose de prendre ou dissuade de prendre une décision. Il sert à persuader une assemblée. Le discours épidictique traite du beau et du laid, du noble et du vil. Il fait référence au passé et au présent, en ce qu’il fait l’éloge ou le blâme de choses ou d’objets présents grâce à des comparaisons à des objets passés. Il développe un « discours d’apparat »1 à un public « d’apparat »2, souvent des lecteurs, dans le cas de la poésie, ou des spectateurs, dans le cas de pièces de théâtre. Christian Plantin ajoute à ces trois genres d’autres discours, apparus après l’antiquité préchrétienne : Le christianisme [ajoute] notamment le discours d’exhortation religieuse ; le haut Moyen Age, le genre épistolaire ; l’époque contemporaine, la publicité et l’information médiatique. Elle fera également évoluer le discours de la décision politique vers celui de la propagande idéologique.3

S’il est possible de distinguer l’apparition d’autres genres, c’est que la production d’un discours ne se résume pas à un choix entre judiciaire, délibératif ou épidictique. Afin de construire un discours, il n’est pas obligatoire de s’inscrire dans l’un des trois grands genres de discours de la rhétorique antique4. L’important consiste à s’adapter à l’auditoire et à identifier clairement le but recherché par le discours. La description de certaines postures, comme celles de l’avocat, du procureur ou de l’homme politique, peut cependant être utile à la construction d’un discours. Les deux parties suivantes approfondissent l’approche des genres judiciaire et délibératif.

1. Le discours judiciaire

a. Les acteurs Un débat, lorsqu’il aborde des questions qui touchent au légal et à l’illégal, mais aussi au juste et à l’injuste, se rapproche de la configuration d’un procès. Un avocat défend un client accusé par un procureur, devant un ou des juges, éventuellement un jury, au cours d’une audience public. Il ne s’agit pas ici de décrire les postures du juge, du jury ou du public, même s’il ne faut pas perdre de vue que les discours s’adressent aux premiers et font impression sur

1

« épidictique », Littré. Relatif aux cérémonies et aux réceptions officielles. 3 Christian Plantin, L’argumentation, Seuil, coll. « Mémo », Paris, 1996, p. 8. 4 On peut noter cependant que la publicité semble être un genre de discours (linguistique, visuel et sonore) qui se rattache directement à la conception de la rhétorique telle que la critiquait Platon : une démagogie4 cherchant à tout prix, l’adhésion – ici, l’achat. 2

le dernier, qui en retour définit l’ambiance de la salle d’audience. Seules les postures de l’avocat et du procureur peuvent être adoptées dans le cadre de l’évaluation de ce cours. Le procureur a deux fonctions : d’une part, il défend l’intérêt général et garantit l’application des lois que la société s’est donnée ; il attaque d’autre part une personne morale ou physique pour avoir porté atteinte à ces intérêts ou à ces lois par ses actes ou ses paroles. Le discours d’un procureur se construit généralement en trois temps. Dans le premier, il rappelle les valeurs que la société et le peuple se sont données comme sacrées ou à protéger. Il rappelle leur importance et justifie leur existence (posture de défense). Dans un second temps, il critique l’acte ou la parole de l’accusé. Il montre en quoi il a manqué aux valeurs protégées. Dans un dernier temps, il montre en quoi le fait de ne pas condamner l’accusé dans le sens de ses réquisitions constituerait un danger. Il cherche à montrer la gravité, non pas de cet acte particulier, mais du risque que prendrait la société à envoyer un signe de trop grande clémence. L’arme principale du procureur, c’est l’intérêt général, le bien commun, qui doit primer sur la liberté individuelle. L’avocat n’est pas seulement le défenseur de son client. Il doit porter le différend sur la légitimité des lois qu’on lui oppose afin de ne pas le focaliser sur son client. Pour la défense, il montre la fragilité de l’accusation adverse, son manque de fondement, son manque de logique, etc. Il défend aussi la liberté individuelle contre des lois qui, au nom du bien commun, sont un abus permanent pour l’individu. Pour l’attaque, il utilise non pas la loi en vigueur (pas seulement) mais les valeurs qui sont au fondement de ses lois. Il utilisera, par exemple, Antigone contre Créon. b. Le procès Au cœur du procès se trouvent deux considérations fondamentales : le cas d’espèce et la question de la relation loi – valeur. Le cas d’espèce intervient le premier. C’est le moment le plus visible et le plus flagrant : celui dont le journaliste tire le fait divers. L’objectif de l’avocat est de contester la qualification de l’infraction. Un débat portant sur l’euthanasie peut donner lieu à une opposition sur la catégorisation. Elle sera pour l’un un meurtre ; pour l’autre, puisqu’il y a consentement de la victime, l’euthanasie ne peut pas être un meurtre. La loi vs la valeur (Antigone vs Créon) intervient une fois l’infraction qualifiée. Plus l’infraction est grave, plus le manquement au droit est important, plus l’avocat va contester la loi elle-même (permis en droit depuis la réforme constitutionnelle de 2008 avec la Question Prioritaire de Constitutionnalité) pour montrer son illégitimité. L’avocat doit montrer, pour défendre son client, que la loi, si elle fait le partage du légal et de l’illégal, n’est pas toujours légitime et a parfois pour conséquence de sanctionner de manière illégitime. L’avocat s'appuie sur un fait simple : notre société, avant de se donner des lois, s’est donnée des valeurs et des principes auxquels elle tient particulièrement. Pour les protéger, elle a procédé à ce qu’on appelle une codification (transformation l’oral et de la jurisprudence en loi) et elle a donné des échelles de valeur (loi constitutionnelle / loi / décret / etc.). L’avocat cherche donc une valeur qui est au fondement de la loi pour montrer que cette loi ne respecte pas la valeur qu’elle est censée protéger : soit que la loi la défende à l’excès, soit qu’elle ne la défende pas assez, ou mal. Par exemple, un débat portant sur le thème de la prison peut donner lieu à une telle défense. La prison est censée protéger la société et corriger un criminel Or, soit elle sert de lieu de formation universitaire, professionnelle ou criminelle, soit c’est un endroit insalubre qui brise les condamnés et porte atteinte à leur dignité. L’avocat, dans un sens ou dans l’autre, met en défaut la loi pénitentiaire.

c. Les arguments L’avocat et le procureur font feu de tous bois. Ils s'appuient sur tous les arguments possibles car il leur appartient de parler du cas d’espèce comme du rapport de la loi et de la valeur. Ils ne doivent donc pas hésiter à aller puiser, hormis dans les articles de lois, dans des faits historiques et dans la littérature, car, par-delà le procès d’une affaire donnée, c’est à chaque fois le fondement du contrat social qui est remis en question. Un bon avocat défend autant son client qu’il attaque la société ; un bon procureur défend autant la société qu’il attaque l’accusé – d’où leur antagonisme si prononcé. Reprendre le schéma du discours judiciaire, c’est donc partir d’un fait, d’un cas, pour remonter progressivement vers les grandes valeurs de la société que ce cas remet en question. En plus de la référence aux textes de lois, le ressort d’un discours judiciaire, s’il porte sur des valeurs, est l’appel aux passions, le pathos. Il s’agit d’émouvoir. Selon qu’il s’agit de l’avocat ou du procureur, cette émotion n’a pas la même visée. L’avocat utilise l’émotion avant tout pour créer un doute qui bénéficie à l’accusé. Il cherche à fragiliser la position adverse, à montrer ses incohérences, à pointer et à faire ressortir les failles. Une fois les défenses adverses fragilisées, il utilise des armes comme celle de la présomption d’innocence ou de l’appel au doute. Ce n’est qu’une fois cette première tâche effectuée qu’il peut se lancer à l’attaque et montrer ce que la loi devrait dire en utilisant ici les assauts du procureur comme des marques, non du droit, mais de l’arbitraire. Le procureur utilise quant à lui l’émotion pour susciter un réflexe coercitif et défensif de la part de la société. Il cherche à distinguer nettement l’accusé de la société. Il dit en substance que ce qu’a fait l’accusé n’aurait été fait par aucun autre : il flatte donc son auditoire, son jury et son juge en désignant un bouc émissaire, un coupable idéal contre lequel se constitue la société. Si l’avocat plaide que le doute profite à l’accusé, le procureur tente, de son côté, soit de nier ce doute, soit de muer ce doute en risque que la société ne peut prendre.

2. Le discours délibératif

Le discours délibératif, ou politique, a pour but de mettre en mouvement les détenteurs du pouvoir. Il revient souvent à construire une cité idéale et à la proposer comme objectif à atteindre – quitte à viser trop haut. Pour ce faire, il faut convaincre mais surtout saisir le cœur et l’âme de son auditoire. a. L’orateur public L’orateur public n’est pas qu’une voix ou qu’un acteur comme l’avocat. Plus que tout autre, il doit être crédible, car sa parole est pleinement sienne et n’est pas issue d’un code de loi. Il met sa personne et son honneur en jeu lorsqu’il s’exprime, contrairement au procureur ou à l’avocat. S’il met en spectacle sa parole, cette dernière n’est pas un spectacle (contrairement à l’acteur). Il est son discours – d’où l’efficacité redoutable des critiques qui font apparaître des incohérences entre le discours et le comportement, qu’il soit public ou privé. L’orateur public doit se montrer proche de ceux à qui il s’adresse. Lorsqu’il s’adresse à son public, il doit créer une réelle intimité avec son public. La première qualité d’un orateur public est l’empathie. Son discours repose sur deux ressorts. - Le premier est la liaison particulière d’un « je » à la foule des « nous ». En ce sens, l’homme politique cherche à rassembler un peuple et à créer un mouvement collectif. Il parle à cette

partie de ce « nous » qui aimons par moment oublier notre responsabilité individuelle pour nous fondre dans un mouvement collectif qui nous dépasse. L’objectif est de rassembler. - Le second consiste pour l’orateur à parler comme s’il s’adressait individuellement à chacune des personnes qui composent l’auditoire – d’où la variété des thèmes de campagne et des exemples choisis afin de toucher chacun. L’objectif est d’enclore dans une sphère quasi privée l’orateur et chaque membre de l’auditoire. b. De la communion à la conviction L’orateur public fonde son discours sur des faits passés, sur un héritage ou des traditions pour promouvoir des mesures qui permettront de faire du futur un avenir riant. a. L’orateur cherche à rassembler sur du commun. Il connaît les valeurs de son pays, de sa culture. Un orateur français, par exemple, fait moins référence à la religion pour fonder son discours, à la différence d’un responsable politique américain. Il faut donc, de manière impérative, trouver, non pas un plus petit commun multiple, mais il s’agit de faire émerger une vision que le plus grand nombre partage. L’orateur a pour objectif de produire un premier socle commun que l’auditoire puisse admettre. Ce socle peut être positif (nous croyons que X est bon et utile) ou négatif (X est néfaste). b. L’orateur cherche à dresser un plan d’attaque pour faire advenir sa vision. Un discours délibératif se construit toujours sur la base d’un état de fait regrettable et constaté. L’orateur apporte la preuve de son existence, montre en quoi il va contre des valeurs traditionnelles et produit surtout des preuves des dangers à venir. Une fois l’auditoire inquiet et troublé, l’orateur s’attache à le rassurer et montre qu’il existe des difficultés mais surtout une solution que lui seul détient....


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