RSE- Kasky-NIKE - Affaire Nike Kasky USA PDF

Title RSE- Kasky-NIKE - Affaire Nike Kasky USA
Author Lavinia Tessitore
Course Gouvernance et RSE
Institution Université Côte d'Azur
Pages 17
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Summary

Affaire Nike Kasky USA...


Description

Affaire Kasky C/ Nike : Cour suprême de Californie, 27 Cal. 4 2 mai 2002.

th

939, n° S087859,

"Ne doutez jamais qu'un petit groupe de citoyens engagés et réfléchis puisse changer le monde. En réalité c'est toujours ce qui s'est passé. » Margaret Mead, anthropologue américaine.

Le 2 mai 2002, la Cour suprême de Californie a rendu un arrêt qui constitue aux Etats-Unis un précédent fondamental en matière de responsabilité sociale des entreprises. À l’initiative de l’action en justice, un simple militant activiste californien qui avait mis en cause la responsabilité de la société Nike. La multinationale, à travers ses campagnes de relations publiques, faisait la promotion d’engagements éthiques et notamment d’une fabrication de ses produits dans le respect de normes protectrices des conditions de travail des salariés de ses sous-traitants. Ces bonnes pratiques étaient contenues dans le code de conduite élaboré par la société elle-même. Un code de conduite est une « déclaration officielle des valeurs et pratiques commerciales d’une entreprise et, parfois, de ses fournisseurs. Un code énonce des normes minimales et atteste de l’engagement pris par l’entreprise de les observer et de les faire observer par ses contractants, sous-traitants, fournisseurs et concessionnaires. Ce peut être un document extrêmement élaboré exigeant le respect de normes précises et prévoyant un mécanisme coercitif complexe ». Nike avait fait signer à ses sous-traitants un tel code de conduite en 1993, à travers un « memorandum of understanding » leur demandant de respecter certaines règles essentielles en matière sociale : interdiction du travail des 1

enfants, respect des règles locales en matière de salaire minimum, horaire hebdomadaire maximum, vacances et assurances sociales obligatoires, conditions de travail décentes etc. Si ce code de conduite peut devenir un cahier des charges que les sous-traitants doivent respecter par exemple en raison d’une clause insérée dans le contrat de fourniture, il n’en demeure pas moins que ce document est un engagement unilatéral de la société Nike vis-à-vis des consommateurs et qu’il convient dès lors de s’interroger sur son caractère juridiquement contraignant.

En d’autres termes, dans quelle mesure un code de conduite peut-il engager la responsabilité de son auteur ?

L’emblématique affaire Kasky/ Nike a révélé une stratégie visant à s’adresser aux tribunaux pour exiger la transparence. La communication sur le respect des droits de l’Homme par la société Nike a été assimilée à de la publicité, laquelle est encadrée par les textes sur la publicité trompeuse. C’est sur ce terrain qu’a été portée l’action en justice de Marc Kasky à l’encontre de Nike. La réalité de l’implication de Nike dans le respect des droits de l’Homme et des mauvais traitements infligés aux employés des sous-traitants de la marque en particulier avait été contestée suite au constat des observations faites par une ONG qui s’était rendue dans une usine de fabrication des produits Nike en Asie.

En 1998, l’activiste Kasky décide ainsi de poursuivre la multinationale alléguant d’actes de concurrence déloyale et de publicité mensongère sur le fondement des dispositions du « Business and Profession Code ».

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Selon lui, Nike avait omis de divulguer certaines informations ou avait communiqué des informations erronées relatives aux conditions de travail des travailleurs employés par ses sous-traitants, afin de garantir ou maintenir ses ventes. Kasky n’invoquait aucun dommage personnel mais agissait, au nom du droit du public de l’Etat de Californie de se former une opinion fondée sur une représentation exacte de la réalité. Nike se défendit en invoquant la protection du premier amendement de la Constitution américaine au motif que le Code de conduite ne revêtait pas un caractère commercial et était donc une forme d’expression constitutionnellement protégée. Après avoir été débouté, Kasky a porté l’affaire devant la Cour suprême des EtatsUnis qui a jugé que le code de conduite échappait à la protection du premier amendement mais qui refusa de se prononcer. Avant le renvoi pour jugement au fond, Nike a opté pour une transaction en versant un million et demi de dollars au profit de l’association « Fair Labor ».

L’intérêt sera d’apprécier comment l’initiative de Marc Kasky a permis d’aboutir à une responsabilité juridique sur le fondement de déclarations intégrées dans une démarche de RSE. À travers l’application du droit consumériste il a été possible de sanctionner indirectement une entreprise dont le code de bonne conduite n’était pas effectivement appliqué.

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I- LISTE EXHAUSTIVE DES THÈMES :                         

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Conditions de travail Conditions de travail des sous-traitants Mauvais traitements des travailleurs Santé et sécurité au travail Conditions de fabrication Engagements unilatéraux Politique sociale Codes de conduite Labels sociaux Communication éthique Normes individuelles de responsabilité sociale Relations individuelles de travail Relations collectives de travail Soft Law Instruments de responsabilité sociale Normes éthiques Effet normatif des codes de conduite Charte éthique Protection du consommateur Droit de la consommation Droit de la concurrence Publicité mensongère Liberté d’expression Développement durable Efficacité économique

II- ANALYSE DE L’ARRÊT À TRAVERS LES VALEURS PROTÉGÉES Les valeurs protégées révélées par cette affaire s’articulent autour de trois axes.

D’abord, la protection du travailleur (1) est mise en lumière par les contestations de Marc Kasky qui sont le fondement de ses allégations de publicité mensongère à l’encontre de Nike. Le code de conduite de Nike contient, selon le requérant, des informations erronées ou de nature à induire en erreur sur l’implication effective de Nike dans cette protection. Ensuite, l’arrêt a conduit à s’interroger sur l’applicabilité de la législation sur la publicité mensongère protectrice des consommateurs à des déclarations qui font référence aux informations contenues dans un code de bonne conduite (2).

Enfin, la protection de la liberté d’expression (3) a été débattue dans cette affaire à travers l’appréciation des limites des affirmations volontaires de Nike. Le rejet par la Cour suprême de l’argument de Nike fondé sur le 1er amendement traduit une exigence de véracité dans les affirmations volontaires qui peuvent être assimilées à un discours commercial.

1- Les valeurs relatives à la protection du travailleur contenues dans le code de bonne conduite de Nike Le code de conduite élaboré par la société NIKE promeut des conditions de fabrication qui protègent certaines valeurs :

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-

L’intégrité physique : « les travailleurs qui fabriquent les produits NIKE ne sont pas sujets à des punitions corporelles ou sexuelles » (interdiction des mauvais traitements infligés aux travailleurs)

-

La santé et la sécurité : « les travailleurs qui fabriquent les produits NIKE reçoivent des repas et des soins gratuits » ; « les produits NIKE sont fabriqués de manière conforme à la législation du pays et aux règles applicables en matière de santé et sécurité »

-

La dignité des travailleurs : des conditions de travail décentes à travers le temps de travail et la rémunération :« NIKE paye en moyenne un salaire minimum double en Asie du Sud-Est » ;«… NIKE garantisse un salaire décent aux travailleurs qui fabriquent des produits NIKE »

Cette affaire fait ressortir certains principes fondamentaux du droit français. En effet, le code de conduite de Nike évoque tout d’abord les conditions de travail décente des salariés. En droit français, ces conditions de travail sont régies par le code du travail aux articles L3121-1 et suivants et L3231-1 et suivants. Par ailleurs, la prohibition du travail forcée est un principe protégé par la CEDH dans son article 4. En France, le législateur condamne tout manquement à ce principe en vertu de l’article 212-1 du code pénal. Pour plus de précision, la CEDH condamne également dans son article 3 les traitements inhumains et dégradants.

Aux Etats-Unis, Le droit des travailleurs est représenté par l’Americain federation of labor et le Congress of industrial organizations présenté dans l’affaire en tant

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qu’amicus curiae. Ces deux syndicats ont pour objectif la réduction des heures de travail, augmentation des salaires et amélioration des conditions de travail.

2- L’applicabilité du droit consumériste protecteur du consommateur aux informations contenues dans le code de bonne conduite de Nike La règlementation applicable en Californie et en France : -

La législation californienne :

L’affaire met en lumière les pratiques déloyales et trompeuses ainsi que la publicité mensongère de Nike en vertu de la loi californienne. En effet, ce sont les dispositions des séquences 17200 et 17500 du California Business & Professions Code qui régissent les délits précédemment cités. Tout résident de l’Etat de Californie peut porter plainte s’il considère que le discours diffusé est de nature à tromper les consommateurs sur la nature véritable d’un produit.

-

La législation française : Article L121-1 :

Aux termes de cet article, « une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes … Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants… b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation … »

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Dans l’affaire Kasky, toute la question était de savoir si le droit consumériste pouvait être appliqué. Le discours contenu dans le code de bonne conduite pouvait-il être assimilé à de la publicité de nature à tromper le consommateur ? Le rejet par la Cour de l’argument selon lequel des affirmations relatives aux informations contenues dans un code de bonne conduite participaient d’un discours non-commercial laisse entendre que Nike devait répondre des informations contenues dans cet engagement unilatéral qui s’adresse au consommateur. En effet, des informations fausses au sujet du mode de fabrication d’un produit destiné à la vente, et qui font l’objet d’une promotion permettant de mettre en valeur l’éthique d’une marque peuvent induire en erreur un consommateur dont l’acte d’achat serait guidé par une telle préoccupation au sujet du produit. L’’application du droit consumériste californien permet d’exiger que les codes de conduite et autres chartes éthiques des sociétés qui vendent des produits dans l’Etat de Californie ne communiquent pas d’informations erronées induisant une confusion dans l’esprit du consommateur sous peine de mise en œuvre des normes de protection du consommateur à travers la répression pour publicité mensongère (section 17500 du code californien des sociétés). La possibilité d’utiliser le droit de la consommation est justifiée par l’argument selon lequel les informations communiquées relèvent de promotions commerciales et sont données au consommateur dans le cadre de la sphère commerciale :

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« Considérant le fait que les informations visées étaient formulées directement par le service commercial pour un public commercial, et dans le cadre de promotions commerciales, nous pouvons en conclure que ces informations étaient bien de nature commerciale en contradiction avec les règles de publicité mensongères ».

L’intérêt de cette décision de la Cour suprême de Californie est sa portée sur le plan de l’ouverture des actions individuelles et collectives des consommateurs de tous les pays qui pourraient se fonder sur leurs dispositions internes relatives à la protection des consommateurs à travers la répression des publicités mensongères. Cela constituerait un moyen de pression d’autant plus efficace qu’il permettrait de faire entrer les engagements unilatéraux des sociétés (codes de conduite) dans un cadre juridiquement contraignant à l’échelle internationale.

3- Le rejet de l’argument de Nike fondé sur la protection de sa liberté d’expression

Invoqué par la société NIKE pour se défendre contre les allégations de publicité mensongère de KASKY, ce droit repose sur le premier amendement de la déclaration des Droits des Etats-Unis de 1791. Le débat devant la Cour dans l’affaire en question portait sur la possibilité pour Nike d’invoquer la liberté d’expression dès lors que ses affirmations faisaient partie du débat public sur un sujet d’intérêt public, et à ce titre devaient être regardées comme intégrées au domaine de protection du premier amendement.

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Avant que la Cour suprême ne rejette cet argument, les juges du fond américains avaient débouté le requérant Kasky en considérant que la législation sur la publicité trompeuse ne pouvait s’appliquer car les positions prises par Nike sur les conditions de travail dans les ateliers des sous-traitants ne revêtaient pas un caractère commercial. Au contraire, la Cour suprême de Californie en déclarant recevable la demande de Kasky, affirme que si elle « ne limite en aucune façon la capacité d'une entreprise à s'impliquer dans des domaines intéressant le débat public ou à défendre vigoureusement ses propres pratiques sociales », en revanche, « lorsqu'une entreprise, dans la promotion et la défense de ses ventes et profits, formule des considérations factuelles sur ses propres produits ou son activité, elle est astreinte à une obligation de vérité. » On déduit de ces affirmations que la liberté d’expression de la société Nike peut s’exercer dans sa volonté de transparence sur ses procédés de fabrication mais que cette transparence doit nécessairement être assortie de vérité dès lors que la communication est de nature commerciale.

III- LES SOURCES NORMATIVES DES VALEURS ET PRINCIPES Ci-après un tableau recensant de façon exhaustive les valeurs protégées, leurs fondements, et leurs sources normatives qui sont promues par le code de bonne conduite de la société Nike en matière de conditions de travail. Au regard des valeurs protégées, l’affaire Kasky a conduit à mettre en opposition d’une part la protection de liberté d’expression et d’autre part la protection du consommateur.

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Les dispositions légales permettant de protéger le consommateur contenues dans le droit consumériste sont à la base de la problématique juridique portée devant les juridictions américaines.

VALEURS ET PRINCIPES

SOURCES NORMATIVES

PRINCIPE DE DIGNITÉ

CONDITIONS

DE

-

constitutionnelle Décision de 1994

TRAVAIL

DÉCENTES Temps de travail

Droit de la personnalité Principe à valeur

-

Articles L3121-1 à L3123-38 du Code du travail

-

Articles L3231-1 à L3232-9 du Code du travail Conventions collectives de

Salaire -

l’Americain federation of labor PRINCIPE D’INTERDICTION DES TRAITEMENTS INHUMAINS ET DÉGRADANTS

-

PROHIBITION DU TRAVAIL FORCÉ

-

Article 4 CEDH

-

Articles L3121-1 à L3123-38 du Code du travail

-

Articles L3231-1 à L3232-9 du Code du travail

CONDITIONS DÉCENTES Temps de travail Salaire

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DE

TRAVAIL

Article 3 CEDH Article 7 Pacte international relatif aux politiques

droits

civils et

DROIT À LA SANTÉ

-

-

-

renvoyant à l’alinéa 11 préambule de la Constitution de 1946

Mesures de protection destinées à assurer la santé physique et mentale des travailleurs

DROIT À L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE

Article 25 Déclaration Universelle des Droits de l’Homme Article 12.1 Pacte international pour les droits économiques, sociaux et culturels Constitution 1958 : Préambule

-

Articles L4121-1 et s. du Code du travail

-

Article 3 CEDH Article 16-3 du Code civil

-

Articles L4121-1 et s. du Code du travail

-

Interdiction des pratiques trompeuses

-

Interdiction de la publicité mensongère Article L121-1 Code de la consommation

DROIT À LA SÉCURITÉ Mesures de protection destinées à assurer la sécurité des travailleurs PROTECTION DU CONSOMMATEUR Consentement éclairé Libre choix

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Protection du consommateur contre les pratiques déloyales et trompeuses

-

Pratiques déloyales et trompeuses, loi californienne sur la concurrence déloyale et publicité mensongère : Séquences 17200 et 17500 du California Business and Professions Code

-

La directive 2005/29/CE

-

1er Amendement de la Constitution US

-

Articles 10 et 11 CEDH

LIBERTÉ D’EXPRESSION

IV- PORTÉE DE L’ARRÊT

Le débat autour de la responsabilité de l’auteur d’un code de bonne conduite conduit à s’interroger sur l’effort de transparence d’une entreprise vis-à13

vis de ses consommateurs. Si cette transparence doit être assortie de vérité, dans quelle mesure est-ce réalisable ? Le risque de d’exiger d’une entreprise une obligation de véracité de sa communication sur des engagements volontaires en la sanctionnant sur le terrain de la publicité mensongère est d’aboutir à une autocensure dès lors que l’entreprise se trouve en situation de ne pas pouvoir garantir la réalité des bonnes pratiques qu’elle promeut.

En l’espèce, il faut noter que l’effectivité des engagements unilatéraux pris par la société NIKE se heurte aux précisions faites dans les codes de conduite selon lesquelles : « les produits NIKE sont fabriqués de manière conforme à la législation du pays et aux règles applicables aux salaires et heures de travail » ; « les produits NIKE sont fabriqués de manière conforme à la législation du pays et aux règles applicables en matière de santé et sécurité ». Dans les codes de conduite, il y a une contradiction entre les valeurs éthiques et protectrices mises en avant auxquelles se réfèrent les consommateurs occidentaux, qui ont des sources normatives juridiquement contraignantes dans les pays où vit le public visé, et la protection effective de ces valeurs dans les pays de production. En effet, la possibilité de fabriquer des produits dans le respect de la protection des travailleurs est limitée par la nécessité de se soumettre à la législation applicable dans les pays où la production est établie. Cette problématique conduit donc à s’interroger dans un second temps sur la possibilité de placer le Code de bonne conduite à un niveau de contrainte juridique supérieur à celui des règles applicables dans le pays de production en matière de conditions de travail et de fabrication dès lors que le Code de bonne 14

conduite a été accepté par les sous-traitants et qu’il tend à mieux protéger certaines valeurs que la règlementation locale.

L’arrêt Kasky a eu un impact sur la politique de transparence de Nike puisque la société s’est en effet abstenue de publier le moindre rapport social dans les trois années suivant la décision de la Cour suprême de Californie. Mais par la suite, Nike s’est remise à communiquer sur les pratiques sociales de ses sous-traitants en expliquant que « l’action de Kasky l’avait aidée à introduire plus de rigueur dans ses rapports non financiers. Cette rigueur permettait de soustraire la RSE au domaine de la réputation et de l’intégrer dans les procédés d’affaire, dans les s...


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