Title | Shuni by Naomi Fontaine, Naomi |
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Course | Littérature québecoise |
Institution | Collège Montmorency |
Pages | 98 |
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DELAMÊMEAUTEURE
Manikanetish,Montréal,Mémoired’encrier,2017. Kuessipan,Montréal,Mémoired’encrier,2011.
Jedédiecelivreàlamémoire detshimushuminuAnikashanit ettshukuminuAlice et pournotrenekaMarie-Marthe
Kashikat pietamani eshinikatikauian SAUVAGESSE nimishtaashinen Kauapishitpietukiessishuetinenuaimunnu,nitishinishtutenkauapishitnanitam nuitamaku tapue eukuan nin tshitshue innushkueu mak kauapishit nuitamak ninishtamaniteminashkuatkatshiutinniuian.Ueshmakassinutshekuananite minashkuat ka ut inniuimakak eukuan anu uet minuat inniun. Tshima nanitam petukkauapishittshetshiishinikashitSAUVAGESSE. Jesuistrèsfièrequand,aujourd’hui,jem’entendstraiterdeSauvagesse.Quand j’entendsleBlancprononcercemot,jecomprendsqu’ilmereditsanscessequ jesuisunevraieIndienneetquec’estmoilapremièreàavoirvécudanslaforêt Or,toutechosequivitdanslaforêtcorrespondàlavielameilleure.Puissel BlancmetoujourstraiterdeSauvagesse. AnAntaneKapesh
Lepèrede Julieétaitpasteur. Quelquesannéesaprès ledébutde samission,i avaitfaitconstruirel’églisebaptistesurleboulevardMontagnais,justedevantle Conseil de bande. De l’extérieur, elle ressemblait davantage à un centre communautairequ’àunlieudeculte. Une quinzaine de croyants s’y rassemblaient le dimanche matin. Vêtu d’habits propres et accompagnés de leurs jeunes enfants. Jamais à l’heure Parfois, certains y allaient pour la curiosité d’entrer dans une nouvelle construction. La religion protestante n’en était qu’à ses balbutiements chez le Innusdenatureplutôtconservatriceetdeconfessioncatholique. J’aifaitlaconnaissancedeJulieundimanchematindurantlerassemblemen desenfantsausous-soldel’église.Nousétionstroisfoisplusnombreuxquele adultes.Nousétionsbruyants.Desenfantsindisciplinésetblagueurs.Misàpar elle. Elle restait en retrait. Blonde, les yeux pâles, timide. Ça m’a incitée à lu parler. La maison de Julie se trouvait à l’extérieur de la réserve, juste avan l’intersectionquimèneàMaliotenam.Unevieillemaisonretapée,exiguë,dan laquellelesjeuxdesociété,lesinstrumentsdemusiqueetleslivress’entassaient Sonpèreavaitchoisid’œuvrerchezlesInnus.Ilyestrestétreizeans.Ilaélev ses quatre enfants. Puis, il a rebroussé chemin. Son œuvre l’amenait ailleurs danssonvillagenatal,loin,trèsloindechezmoi. Nousétionspetitesfillesettoutes deux,nousétionsréservées.Ellepar son incapacitéàalignerdeuxphrasessansrougir.Moi,parlelieu.Cetteréservequ m’avu naîtreet qui m’enracinait.Immuable,intransigeante. Etparce que nous partagionscetétat,naturellementnoussommesdevenuesamies. Elleavaitl’écoutefacile.Lejugementabsent.J’avaislaparolecontinue.No rêvesde gamines en commun.Elle n’avait jamais peurdans la forêt, mêmeen pleinenuit.J’avaislacertitudequ’ellemeprotégeraitdesoursparcequ’elleétai la fille du pasteur et que ses prières seraient exaucées, contrairement aux miennes, moi fille de personne. Lorsqu’elle est partie, on s’est promis de s’envoyerdeslettres.Maisonnes’estjamaisécrit.Onavaitpeuàsedire,tou comptefait. Des années plus tard, après ses études en travail social, j’ai appris qu’ell reviendrait à Uashat en tant que missionnaire. Seule cette fois-ci. Dans un vieilleToyotaachetéedesecondemain.Refairecetteroutequitraverselepays LesRocheuses,lesplaines,lesmétropoles,pouratteindretranquillementla138 Elle verrait le fleuve qui s’étire à sa droite. Les montagnes et les lacs à s
gauche. Les courbes moins abruptes. Une route adoucie grâce aux millions du gouvernementetpourcause,lesaccidentsfréquents,tantenétéqu’enhiver.Elle aurait sans doute ce sentiment réconfortant, qui évoque l’enfance, celui de retourneràlamaison. C’estaujourd’huiquejedécidedeluiécrire.Cesmillemotsquej’aientassé dans mes cahiers depuis que je vis moi aussi, loin, si loin de chez moi Maintenantdevenuesadultes,l’enviedepartageravecellecequimemanquede macommunauté.Cequim’atraversée,cequej’ailaissé,cequim’afaitgrandir cequej’aime.Sansconseiletsansreproche.Parcequejecroisqu’avantd’aide quiquecesoit,avant detenterdetransformerdespeinesincomprises enjoies desdramespasracontésenallégresses,avantdeleurparlerdeJésus,ilfautbien commencerparlesconnaître.Etleurshistoires,leursidentités,leursidéaux,ce quoiilsrêventlanuit.Lequotidiendecesgensversquielleachoisid’aller. J’ajouterais que j’ai du respect pour ceux, celles, qui s’aventurent sur le routes éloignées afin de travailler au sein de nos communautés. Comme Julie j’admireleurcourageetleurempathie.Jesaisquel’intentionestbonne.Maisje saisaussiquecen’estpassuffisant.
ChèreJulie, Quandtureviendras,j’aimeraisqu’onailleàlarivière.LaMishta-Shipu.Paslà oùlecourantestfortetoùilestrisquédesebaigner.Plutôtàlapointe.Lorsque lamaréeesthauteetqu’ilsuffitdes’éloignerdequelquesmètresdelarivepou que tout notre corps soit submergé. Là où le sable est doux. Où on peut fixe l’horizon, se confier le cœur léger, sans que nos regards se croisen constamment. Comme lorsque j’étais enfant et que ma mère et mes tante s’installaientsurlescouvertures,durantdesheures.Ellessemblaientsilencieuse à nous observer jouer dans l’eau. Je crois plutôt qu’elles se vidaient l’âme petits élans de confession. J’ai l’impression que l’on peut tout dire quand on regardelecourantincessantdelarivièresejetantdanslamer. Assise en indien, je te dirai comment les perpétuels allers-retours entre l villeet la réserve ont forgé mon appartenanceà ma communauté. Tu me dira que tu comprends. Toi aussi tu as quitté le fleuve et la forêt enneigée. Nou avonsvéculemêmedéchirementdepartirloindelamaisondel’enfance. Tantdechosesnousséparent.Tueslapremièrefilledetonpère.Jesuisl dernièrefilledemonpère.Trèsjeune,tuasapprisàjouerdelaflûtetraversière et du piano. Je n’ai jamais su chanter que faux. Tu rêves d’une famill nombreuseà nourrir dans unemaison que tonfutur amoureux aurarénovée. À presquetrenteans,tuattendstoujoursleprincecharmant.Monfilsestuncadeau inattendu. Tant par sa naissance, que par toutes les facettes de ma vie qu’i parvientàrendreplusbelles,parsaseuleprésence.C’estlui,monpetitprince. Tantdechoses,misàpartnosdépartsobligés. Nousresteronssurlaplageaussilongtempsqu’ilfaudrapourrenoueraprè ces années de silence. Nous resteronsjusqu’à ce que le soleil se couche s’il l faut. Il y a tant à raconter, mon amie. Promets-moi de m’écouter jusqu’à la dernièrelueurdujour.Permets-moidetediretoutcequetudoissavoir,Julie.
Quandtu reviendras, turemarqueras unécriteau à l’entréede Uashat.C’est un écriteauvertavecdeslettresblanches,gouvernementales.IlyestinscritUashat Limiteréserve.Laisse-moiteracontercommentcelaacommencé. Ilyaunpeuplusdesoixanteans,iln’yapassilongtemps,tonpèreétaitn et ta mère aussi. Ils habitaient quelque part en Colombie-Britannique. Il vivaient une vie d’enfants canadiens, tranquille près des champs. Au mêm moment,legouvernementfédéralacréécetteréserve.Lamienne. Labaiesurlaquelleilsontinstaurélaréserveétaitlelieuderassemblemen pour Tshemanipishtikunnuat, les Innus de la rivière Sainte-Marguerite. Ils y allaientpourlesfêtesquiduraienttoutl’été.Lesnouveauxcouplesseformaient Les anciens profitaient des vents chauds de la mer. L’été était le répit. Aprè l’hiver dur et sauvage, ils goûtaient la douceur du climat sur leur peau. Le beaux jours servaient aux grands discours, aux anecdotes de chasseurs et aux rapprochements amoureux. La baie les accueillait et l’automne venu, ils la quittaientàreculons. C’étaituneautreépoque.C’étaitavantlesdécretscanadiens.L’institutionde laloi.Lesdialoguessourds.Laréservecommeuneévidence. Qu’avaient-ilsàperdreàdélaisserleurviedanslaforêtpours’installerlà? Ilsysontallés.Certainsmoinsdocilesqued’autres. Je ne prétends pas tout comprendre, mais je crois que mes grands-parent savaient que leur monde était en pleine mutation. Ils côtoyaient les famille blanchesdepuisassezlongtemps.L’impérialismeavaitfaitdesravagesdansle relations entre Blancs et Indiens. Dans l’esprit des premiers habitants était née l’incertitude d’une existence autonome. Les mesures radicales dont ils étaien témoinsdepuisdesdécennieslesavaientpréparésàcetteéventualité.Ilssavaien quelesmanièresdevivreneseraientpluslesmêmes.Queleurssavoirsseraien mis à rude épreuve. Leur parole souillée. Leur corps violé. Leur territoire dévasté. Que plus jamais les enfants ne naîtraient sous les tentes. Il pressentaient,sanspouvoirlenommer,cequ’estêtrecolonisé. À l’établissement de la réserve, le gouvernement a cru bon d’élever un clôture haute, en métal, pour marquer la frontière que désormais les Innus n pourraient plus franchir sans raison valable. Ils étaient si près des nouveaux venus.Unelisièred’arbresetdesterrainsvagueslesséparaient.Ilsn’étaientpa dangereux. Ils étaient dérangeants. Imprévisibles. Libres. De la tempérance boréale jusqu’auterritoire glacé de la toundra. Leurs chemins n’étaientinscrits sur aucune carte. Ni les départs sur les calendriers. Ce sont les saisons qu
influaientsurleurportage. Par quel miracle ces deux mondes, le mien, le tien, auraient-ils pu s comprendre à cette époque ? Lorsque le chemin de fer révélait l’immense richessecachéesouslaneige,àl’intérieurdesforêts,surledosdesrivières.Rien ni personne n’aurait été en mesure de stopper l’exploitation effrénée du Nitassinan. Unebarrière.Uneclôtureenmétalentourantlestentesetlesabrisdefortune quelegouvernementavaitconstruits.Personnenefranchissaitlalimitedeparte d’autre.Lorsqu’ilsontcréélaréserve,forcémentilsonteupeur. Jeparledesbâtisseurs,évidemment. Parce que la peur, mes grands-parents la connaissaient. De toutes le manièresinimaginablesquisoient.Lafamine,lefroid,lesabsences,lamort,la maladie,ledeuil,l’arrachement,lemépris,lesenfantsmort-nés.Peude chose pouvaitleseffrayer. Ce n’est pas la peur qui les a empêchés de franchir cette clôture de métal C’est l’audace. L’audace de croire que peut-être ainsi, ils construiraient un monde plus doux pour leurs enfants. Mon grand-père a décidé que ses fille iraient à l’école et parleraient en français sous son toit. Aux dépens de l distance qu’il créait entre elles et lui. Aux dépens de sa propre langue. Et de savoirstransmisparsesparents.Desafierté.Tuvois,êtrecoloniséc’estça.On doutedelavaleurdesaculture.Ondoutedesoi. L’écriteau nous rappelle qu’il y a eu un prix à payer. Et que ce sont eux qu’ilsl’ontpayédeleurchairetdeleurdignité. Des années plus tard, les autorités ont démonté la clôture qu’ils avaien érigée.Maisilétaittarddéjà.Nousétionsnésenfermésetcetenfermementétai devenu notre salut. Nous les nomades, les voyageurs, ceux qui avaient pou territoire le Nord tout entier, nous avons fini par croire que cette clôture nous protégeait.Contrelemépris,lesarnaques,lahainedeceuxquil’avaientérigée Lesbarrièreslesplussolidessontcellesquisubsistentdansl’esprit. Quandtuviendraschezmoi,tuverrasqueleConseil,composédeceuxqu dirigent la communauté, a fait mettre un autre panneau à côté de celui du gouvernement.Unpanneaublancavecdeslettresnoirespeintessurlebois. Les Innus vous souhaitent la bienvenue dans la communauté de Uashat Tshiminu-takushinauuteUashatmautaniainnit. Tuvoismonamie,c’estainsiqueparfoisl’impossibleseproduit.Dansune réserveclôturée,unlieuferméauxétrangers,nousavonsrecréélacommunauté Forte, unie. Capable d’accueillir le visiteur. Ça me fascine. Quel combat a-t-i fallumener?Quelleforcelesaurahabités?Pourquedesannées,desdizaine d’annéesplustard,cechangementaitlieu.
Jevoudraisécrirerésilience.Maisjesensquec’estautrechose.Jecreuse.J saisqu’ilyaautrechose.
Onm’ademandéquelétaitleplusbeaumotdelalanguefrançaise.Levoici Liberté. C’est un mot qui n’existe pourtant pas dans ma langue. La liberté est un concept intrinsèque à tout ce qui existe dans notre vision du monde. Nou sommes issus d’un espace sans clôtures, sans frontières. Des êtres libres dè l’enfance, dès que le petit devient autonome. Même les animaux, on ne le capturait pas pour en faire un élevage. C’est un état qui n’a jamais eu besoin d’êtrenommé. La seule manière de dire la liberté en innu-aimun c’est en nommant la fin d’unenfermement. Apikunakanu.
Lesstatistiquessontlamanièrelaplussimplededépeindrelesnations.Laplu commode.Parconséquent,laplusutilisée.J’aigrandiimprégnéedestatistique surmonpeuple. Enfants, on nous a dit que nous avions très peu de chance d’obtenir notr diplômed’étudessecondairesparcequeles statistiquesprédisaientnotreéchec Donc, pour prévenir les décrochages, des mesures d’accommodement ont ét prises:examensfacilités,nivelageverslebas,aucundevoiràlamaison.Etnou avonstoutdemêmeéchoué.Quipeutsebattrecontreleschiffres. Ensuite,ilyaeulatoxicomanie.Problèmesdedrogue,d’alcool,dedétresse jusqu’àinhalertoutessortesdesubstancesdansdessacsenplastiquevert.Parc que la douleur exige qu’on la gèle, même au péril de la tête, du corps et d l’esprit, même dans les endroits où il n’y a que de l’essence pour oublier. L aussi,leschiffresontétéimportants.Ilsontattestéquenousétionsnéspourêtr dépendants. Que ça n’irait pas en s’améliorant. Les programmes. Ah, le programmes! Ilsont poussé commeles pissenlitsau printemps. Partout.De la petiteenfancejusqu’aubureaudeposte,ilsnousrappelaientlesdroguesetleur effets;l’importancedenepasconsommerunpremierjointparcequeçamènera forcément aux drogues fortes. Des mots comme cannabis, cocaïne, nous le épelions sans faute dès le primaire. Mais nous préférions nos termes matshitshishtemau, kauapat, qui nous permettaient de nous évader plu profondément, en toute intimité. Les chiffres n’avaient pas tort. Nous nou sommesmisàconsommerdeplusenplusjeunes. Plustard,ilssesontmisàcompterlessuicides.C’étaitbeaucoupplusgrav que le décrochage ou même la toxicomanie. Les chiffres se sont affolés Désormais, nous étions devenus le peuple le plus à risque de s’enlever la vie Noshommessurtout.Çaacrééuneangoisseterribledanslesfamilles.Comme ailleurscertainsattendentdegagnerlemillionàlaloto,nous,nousattendionsla mort,ouledésirdelamort.Commeunedestinée. Et maintenant Julie, je t’écris pour te parler de qui nous sommes. Et l première chose qui me vient en tête, ce sont les statistiques. Comment s’en défaire ? Comment défaire de petites choses aussi solides. Diseuses d’avenir Inhumaines. Un journaliste, certainement très au courant des chiffres, m’a demandé commentmoi,uneInnue–ilfallaitl’entendreinsistersurmonidentité–,jem’y étais prise pour réussir mon parcours scolaire jusqu’à être diplômée de l’université. Jen’aijamaispenséquejenepouvaispaslefaire.C’estcequej
luiairépondu. Nousavonsétélongtempsanalysés,sansquejamaispersonnenesedonnel peinedetenterdenousconnaître. Julie,jeteraconteraitoutcequeleschiffresnedisentpas.
Petitours Surlebordd’unerivière,aunorddePort-Cartier,nouspêchionslapetitetruite monfils et moi.Il étaitinstallé sur unénorme rocher.À l’ombre d’unpont de bois.Lecourantétaitrapideàcetendroit.Jelesurveillaisducoindel’œil.Le mouches dévoraient notre peau par petites succions. Marcorel secouait la têt toutes les trente secondes. La marée noire qui tourbillonnait sur lui l’embêtait Moins, toutefois, que l’idée de ne pas pêcher sa quatrième truite. Il a lancé sa ligne. Unevoitureapasséàtouteallurederrièrenous,jel’aitaquiné.J’aiparléfor enlepointantdudoigt: Regardez-le, le petit Indien, il va pêcher plein de poissons. Il va pêcher la plusgrossetruite.Ilestlà,lemeilleurpêcheurdumonde. Puisj’airiavecamour.Ils’esténervé. Maman,arrête! D’accord. J’aiessayéderetenirmonrire. JesuispasunIndien.JesuisunInnu. Ilm’alancéunregardfâché. Étonnée.Jenem’attendaispasàcetteremarque.J’aireprismonsérieux. Tuasraison.Excuse-moimoncœur. Etdirequemoi,lorsquejesuisnée,j’étaisMontagnaise.
Jemesouviensavecprécisionlapremièrefoisoùj’aiprisletrainpourposerle piedssurNutshimit,l’intérieurdesterres.Ilafalluparcourirplusdedeuxcent milles vers le nord, en partant de Sept-Îles, sur un chemin de fer sinueux qu passait à travers les montagnes, au-dessus des rivières. Plusieurs fois durant le trajet, le train s’est immobilisé. Une famille complète descendait du train. D trèsjeunesenfants,desadolescents,desvieuxetlesparents.Lesarrêtsduraien letempsqu’ilfautpourdébarquerlesdizainesdebacsbleus,lesbagagesetle boîtes bien ficelées. Les voyageurs faisaient un dernier signe de la main aux agents de locomotive avant de s’enfoncer dans la forêt. Ils se dirigeaient droi vers leur chalet, sans se retourner. Souvent, il n’y avait pas d’indications, tou juste un passage broussailleux entre les arbres. Seuls ceux qui ont habité ce territoiresauraientpus’yretrouver. J’avais douze ans et aucune réelle conscience de ce que j’étais en train d vivre. Avec mes sœurs, mon frère, mes cousines et mes cousins, nous avon passéunesemaine,loindetout,àfaireduski-dooetàtirerdescoupsde22just àcôtédesperdrixblanchesparcequ’onnesavaitpasviser.Ellesflottaientsurla neige et ne faisaient aucun cas de notre présence. J’ai cru que le Créateur le avait faites sourdes exprès pour nourrir mes ancêtres à une époque où la seule épiceriequiexistaitétaitlaforêt. Le moyen de communication était la radio satellite. Une vieille machine orangequigrichait,auprèsdelaquellelesadultesserassemblaientàl’heuredu souper. Les chasseurs se transmettaient les informations essentielles. Le caribous qui avaient été vus durant le jour. Si la chasse au petit gibier étai fructueuse.Lesvisitesprévuesdulendemain.Labonnemécaniquedesski-doos Puis, on éteignait la radio la nuit. Parfois, ça arrivait. Une nouvelle nou parvenaitdeUashat.Cen’étaitpasbonsigne.Cessoirées-là,mêmelesenfant écoutaient les phrases interceptées, répétées à plusieurs reprises, derrière le nombreuxparasitesdelaradio. Je revois parfaitement la nuit noire pleine d’étoiles, comme je n’en avai jamaisvu,Julie.Ellesbrilla...