DON JUAN, ACTE III, 1 - Littérature PDF

Title DON JUAN, ACTE III, 1 - Littérature
Course Littérature
Institution Sorbonne Université
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Littérature ...


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ETUDE DOM JUAN (Acte III, scène I) INTRODUCTION Situation : Don Juan a appris de la bouche d'un spadassin La Ramée que douze hommes armés sont à sa poursuite, peut-être la troupe vengeresse dont l'a menacé Done Elvire (Acte I, 3). Pour leur échapper, Don Juan a ordonné à Sganarelle d'échanger leurs habits, mais le valet a réussi à trouver d'autres déguisements : Don Juan est en habit de campagne, Sganarelle en habit de médecin, ce qui permet à Molière, grâce à l'ironie de Don Juan et au comportement de Sganarelle, une de ses premières satires de la médecine. Scandalisé par le scepticisme de son maître, Sganarelle lui demande en quoi il croit. Démarche : Analyse des convictions de DJ et de Sga au sujet de la croyance et de l'intérêt social, comique, et dramatique de la scène. I. Le débat idéologique SGA/DJUAN A/ Les raisons de l'interrogatoire Certes l'habit de médecin met Sganarelle en "humeur de disputer contre" Don Juan. (transition comique). Mais cette enquête s'explique psychologiquement, par la crainte de la damnation éprouvée par le valet qui le pousse à cette piteuse tentative de conversion. (cf I,1 : Suffit qu'il faut que le courroux du Ciel l'accable quelque jour; qu'il me vaudrait bien mieux d'être au diable que d'être à lui, et qu'il me fait voir tant d'horreurs, que je souhaiterais qu'il fût déjà je ne sais où.). Sganarelle dira à la fin de la scène : "Il m'importe bien que vous soyez damné !" Mais ne craint-il pas pour lui ? N'y a-t-il pas un risque à servir un "grand seigneur méchant homme"? => Croyant et conformiste, Sganarelle va se comporter en défenseur de la morale traditionnelle. Mais quelle est donc la nature véritable de sa foi ? Elle est superficielle, conventionnelle, populaire, fondée essentiellement sur la craintre et la superstition. D'où les censures, par ailleurs. B/ De la croyance à la superstition : Cette crainte superstitieuse se révèle dans les questions successives, dans l'indignation croissante de Sganarelle devant les réactions de DJ. La 1° interrogation "est-il possible.?" montre que pour Sganarelle il n'est pas concevable de ne pas croire en une puissance supérieure. Les termes désignant cette puissance sont révélateurs Sganarelle est un piètre défenseur du "Ciel". 1- Il essaie vainement d'effrayer son maître, de présenter à nouveau l'image du CHATIMENT, car le valet ne peut concevoir l'impunité de ce maître qui se permet tous

ses désirs terrestres. Mais il révèle par la même occasion sa propre crainte de l'"Enfer", du "diable" (le châtiment devient plus concret, plus populaire aussi, renvoie à une imagerie traditionnelle) 2- La référence à "l'autre vie" peut aussi s'expliquer : comment un homme du peuple, un valet ne croirait-il pas à une vie future, meilleure, compensatoire, à une justice divine ? 3- Le comble est bien sûr atteint quand Sganarelle avoue son esprit superstitieux : comment ne pas sourire à la crainte populaire du "Moine bourru", de ce père Fouettard de pacotille. 4- Les arguments traditionnels, déjà plus intelligents, prouvant l'existence de Dieu. - les mystères de l'origine du monde et la place de l'homme - Les merveilles de la nature et de la mécanique humaine Enthousiasme, émerveillement devant la beauté et la perfection du monde présupposant une existence divine, (intuition irrationnelle = cf que tous les savants ne sauraient expliquer) C/ Réaction de DJ : mutisme, bravade, mépris ? L'interrogatoire nous renseigne bien plus sur les croyances de Sganarelle que sur les convictions de DJ. Les quelques réponses de Don Juan, souvent limitées à des interjections, rendent l'interprétation difficile. 1- Considère-t-il qu'il s'agit d'une affaire privée, entre le Ciel et lui ? (cf I, 2 : "Va, va, c'est une affaire entre Le Ciel et moi, et nous la démêlerons bien ensemble, sans que tu t'en mettes en peine"). Ce qui peut expliquer le "Laissons cela". Peut-être attendil alors un signe, une confrontation ? 2- D'ailleurs le ton change ensuite. Face à l'Enfer, au diable, au Moine bourru, Don Juan raille la crédulité de Sganarelle, acquiesce ironiquement, et son impatiente éclate dans "La peste soit du fat !". En fait Don Juan balaie tout ce qui est rite, dogme et superstition. 3- L'unique réponse structurée, mais lapidaire apparaît comme une profession de foi rationaliste, avec sans doute une part de provocation à l'encontre de Sganarelle. Après avoir dit en quoi il ne croyait pas, Dom Juan emploie la formule célèbre "Je crois que 2 et 2 font 4", qui marque un ralliement exclusif aux vérités mathématiques, sous forme de boutade, mais aussi avec une réelle sincérité de ton. Cette attitude se retrouvera ensuite quand Don Juan veut vérifier la consistance du spectre avec son épée. Les convictions profondes du personnage restent donc mystérieuses, secrètes pour Sganarelle et le spectateur. Dans la réponse de Sgnarelle, ses convictions apparaissent clairement : Sganarelle est le garant de la morale traditionnelle. Il emploie volontiers des termes méprisants : "belle,

beau, à ce que je vois" et des formules impersonnelles qui lui permettent de prendre ses distances : "il faut...". Pour lui, la religion s'oppose à l'arithmétique ; or, effectivement, son maître rejette la religion chrétienne et toute métaphysique, mais pas forcément l'existence de Dieu, à qui il lance plutôt un défi. Pour Sganarelle, la morale traditionnelle garantit le triomphe du bon sens et de la religion, assure la distinction entre le vrai et le faux ; il se livre à une parodie de sentence, arguant d'une sagesse innée, plus authentique pour lui que toute forme de sagesse acquise et par conséquent douteuse. La science (l'arithmétique par exemple) peut aveugler et on sent combien, homme du peuple, il tire sa supériorité du caractère inné de sa foi ; d'où les oppositions lexicales entre l'abondance de négations (point, personne, jamais et la valeur négative de "petit") et les termes mélioratifs (mieux, tous, vois, comprends).

II. Intérêt comique de la scène Attente d'une scène comique : (cf Acte I, 2 "je mettrai mes raisonnements par écrit pour disputer avec vous") Le spectateur connaît déjà l'incapacité de Sganarelle à argumenter. Mouvement de la scène : 1- Assurance initiale de Sg. qui veut s'affirmer, énoncer un discours contradictoire 2- Gêne progressive, ridicule de la démonstration, 3- Echec grotesque et symbolique de la chute. A/ Sganarelle et sa volonté de s'affirmer, d'exister face à son maître par la tentative de discours. L'opposition aux autres : - ironie pour se donner de l'assurance : La belle croyance et les beaux articles de foi que voilà. - fréquence de la 1ère pers. - assurance de posséder le bon sens => fausse modestie "mon petit jugement", vanité "je vois les choses mieux que tous les livres", "je comprends fort bien - refus de l'instruction et fierté cocasse : "Je n'ai point étudié comme vous, Dieu merci", "personne ne saurait se vanter de m'avoir jamais rien appris" - jugements sur DJ et maximes générales sur le comportement des hommes B/ Le discours théologique et l'impossible autonomie : Etude de la démarche rhétorique et de la persuasion => autodestruction du raisonnement La naïveté comique du discours

 Enumération des merveilles (qui n'est pas en soi un argument de la présence divine) se limite à "ces arbres-là, ces rochers, cette terre". Piètres merveilles !  Enumération grotesque de l'anatomie débouche sur le silence, désagrège l'être humain, nie en fait la démonstration, rompt l'unité du monde, se perd dans les détails  Choix d'un argument très discutable, l'engrossement, l'acte physique, qui va plutôt à l'encontre de son raisonnement  Les points-virgules, points de suspension => Sganarelle empêtré dans son discours a besoin des interruptions : il ne peut terminer sa démonstration, tenir seul la scène. Preuve qu'il ne possède pas une pensée, un raisonnement cohérents.  Sganarelle se prend comme exemple de la merveille qu'est l'homme. N'est-ce pas un merveilleux exemple ? "que j'ai quelque chose dans la tête qui pense cent choses différentes en un moment  Ils sont très imagés et enfantins, révélateurs de la naïveté du personnage : l'image du champignon coïncide avec le cadre (la forêt) ! C'est l'idée d'un Dieu démiurge (opposition avec l'expression "tout seul") créateur du monde en sept jours (opposition avec l'expression "en une nuit"). Un argument que, justement, Dom Juan n'a pas réfuté par avance, ce qui provoque le sourire du spectateur amusé de l'agressivité sans raison de Sganarelle.  Sganarelle suppose que la force de son argumentation proviendra de l'abondance de son énumération (parodie de la période oratoire) ; il ne choisit pas ses exemples : il les trouve à l'endroit même où se situent les deux personnages (repères spatiaux importants) et dans sa propre personne : Sganarelle est un homme concret, qui ne conçoit pas d'images mentales mais raisonne sur ce qu'il voit. L'exemple de la machine humaine prouve, selon lui, que l'homme n'est pas né ex nihilo, pas plus que l'ensemble de l'univers : mais son raisonnement n'aboutit à rien ; le jeu de scène peut montrer l'énervement progressif d'un Sganarelle à court d'argument, devant l'impassibilité de son maître. Après une première suspension et une nouvelle énumération, c'est l'arrêt définitif de son flot de paroles : dès qu'il faut dépasser le stade de la simple description admirative, la tentative d'argumentation tourne court.  Comique des gestes en désaccord avec le thème sérieux du discours. Description d'une simple mécanique gestuelle = Retour à sa condition de valet, de bouffon qu'il reste par sa chute grotesque Conclusion Don Juan spectateur (situation fréquente dans la pièce) => l'attente amusée (J'attends que ton raisonnement soit fini), les silences de Don Juan et la sentence ironique de la fin. Sganarelle est le témoin indispensable du libertin.Il représente la morale traditionnelle par ses sermons et ses avertissements. Il met donc davantage en relief la hardiesse des

provocations de DJuan. => Perso de Don Juan a besoin de Sganarelle. Contrepoint comique à celles de Don Juan, les tirades inachevées de Sganarelle, habitué à des préoccupations et des propos secondaires, révèlent l'impossible indépendance du valet. (cf. fin de la pièce et solitude du valet) => Sganarelle ne peut se passer de DJuan. Le maître garde la maîtrise absolue de la parole. Sganarelle est un valet intermédiaire : il n'est plus simplement le valet de farce, il n'est pas encore le valet qui a gagné son autonomie, il n'est pas le Figaro de Beaumarchais. III) La déroute de Sganarelle C'est le silence de Dom Juan qui fait basculer l'assurance de son valet : Dom Juan ne joue pas le jeu : dans les exercices rhétoriques traditionnels, il y a toujours un objectant désigné ; or Dom Juan laisse au contraire Sganarelle s'enferrer, sachant très bien quelle sera l'issue de son beau discours. Attention au sens de "si vous voulez" qui équivaut à une supplication : "je vous en prie". On peut comparer cette scène à I 2, dans laquelle Dom Juan interrompait Sganarelle, ce qui renforçait l'assurance de ce dernier. Ici, puisqu'il s'agit de principes théologiques, une argumentation toute en finesse serait nécessaire : Dom Juan sait que Sganarelle en est incapable. Molière ne cherche pas particulièrement à nous fait rire de cette déconfiture du valet : certes, Sganarelle est ridicule : le spectateur ne peut adhérer à des arguments sans consistance et à un discours on ne peut plus maladroit ; la chute de l'orateur illustre celle de la tirade. Mais il n'approuve pas davantage l'habileté de Dom Juan, dont le comportement hypocrite ne peut le rendre sympathique aux yeux du public. Molière ne prend pas la défense de Dom Juan, même s'il met en face de lui un adversaire qui n'est guère à la hauteur. Conclusion Une scène assez théorique, qui précède la mise en application des principes de Dom Juan devant le pauvre. Mais une scène qui doit rester de tonalité comique : les jeux de scène y contribuent, ainsi, sans doute, que la diction pompeuse de Sganarelle dont on a déjà admiré les talents oratoires dans sa tirade sur le tabac....


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