Fiches philosophie - Le langage n\'est-il qu\'un instrument ? PDF

Title Fiches philosophie - Le langage n\'est-il qu\'un instrument ?
Author Alexandra CAIGNARD
Course Philosophie morale
Institution Université de Paris-Cité
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Chapitre 9 Le langage n’est-il qu’un instrument ?  Notions : Principale : le langage Associées : autrui, la politique, la société et l’Etat, la justice, l’inconscient, l’art, la vérité, la technique

Définitions : Le langage : faculté propre à l’homme lui permettant de communiquer ses pensées au moyen de signes. La langue : mise en oeuvre du langage dans une société donnée. La parole : mise en oeuvre du langage par un individu, dans une langue déterminée. Instrument : moyen dont un utilisateur se sert pour accomplir une fonction Signal : élément qui dicte une réaction concrète. Signes : éléments qui renvoient à une signification abstraite, à un concept général Technique : ensemble de règles utilisées pour obtenir un résultat déterminé Signifiant : partie matérielle du langage Signifié : partie immatérielle du langage Hypothèse 1 : En théorie, le langage est un instrument car il a une fonction, il repose sur de la technique et il a une efficacité 1. Argument : Le langage est un instrument propre à l’homme ayant une fonction précise : il permet de communiquer des pensées Auteur : Descartes Oeuvre : Lettre au Marquis de Newcastle Exemples : ● La pie communique des passions (le besoin de manger) mais pas des pensées : elles ont donc un organe vocal, mais pas de raison. ● Inversement, les sourds-muets inventent un langage (le langage des signes) pour communiquer leurs pensées : même si leurs organes sont défectueux, ils ont  une raison. Notions : le langage, autrui Synthèse : “Les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent sans se rapporter à aucune passion” , c’est la définition cartésienne du langage. Elle vise à induire le

langage des signes, utilisés par les sourds-muets pour communiquer leurs pensées. Toutefois, les animaux aussi ne combinent-ils pas des signes pour s’exprimer ? Descartes vise alors à exclure la communication des perroquets sans exclure celle des fous. Pour lui, les perroquets répètent toujours la même chose quelque soit la situation : leur communication n’est pas adaptée. En revanche, même si les fous disent des choses sans cohérence apparente, leur langage est en rapport avec la situation. Mais, la communication animale n’est-elle pas parfois adaptée à la situation ? Descartes explique ainsi qu’il tend à exclure du langage la communication animale, qui se rapporte selon Descartes, toujours à des passions, c’est-à-dire à l’instinct, aux impératifs de la survie et elle s’oppose à la pensée à la raison dont témoigne le langage humain. Egalement, on peut retenir que la traduction a un enjeu très important : si le langage est une faculté universelle qui va de pair avec la raison, alors la diversité des langues n’empêche pas l’entente entre les peuples : en effet, les langues étant des mises en oeuvre particulières d’une même faculté universelle, il est toujours possible de traduire un discours d’une langue à l’autre pour le comprendre. 2. Argument : Le langage est un instrument car son usage, comme celui de tout instrument, suppose l’apprentissage d’une technique. Auteur : Saussure Oeuvre : Cours de linguistique générale Exemples : ● C’est par convention que les français appellent la fleur d’oranger “fleur d’oranger” et que les espagnols la nomment “azahar”. C’est ce qui explique que des signifiants différents puissent renvoyer vers un même signifié. ● On ne coupe pas la parole, on attend l’autorisation de la prendre, on la passe, dans une discussion. Notions : le langage, autrui, la technique, la société et l’Etat Synthèse : Saussure définit le langage comme un ensemble de signes articulés composé de deux dimensions, le signifiant et le signifié, il explique que ces deux dimensions sont liées de manière arbitraire. Ainsi, comme les conventions ne sont pas innées,  mais s’acquièrent au cours d’un apprentissage, le langage, comme tout instrument, s’apprend. En effet, pour parvenir à articuler correctement les signes en vue de produire un sens, il faut maîtriser un certain nombre de règles, de la grammaire et de l'orthographe, qui s’apprennent, dans la famille et à l’école. D’autre part, l’usage du langage repose sur des codes sociaux qui eux aussi s’apprennent. 3. Argument : Le langage est un instrument car il a, comme tout instrument, une efficacité pratique. ● a) Quand le langage soigne ● b) Quand le langage devient action Auteurs : ● a) Freud ● b) John Austin

Oeuvres : ● a) Introduction à la psychanalyse ● b) Quand dire, c’est faire Exemples : ● “Oui [je le veux] (c’est-à-dire je prends cette femme comme épouse légitime)” - ce “oui” étant prononcé au cours de la cérémonie de mariage. ● “Je baptise ce bateau le Queen Elisabeth” - comme on dit lorsqu’on brise une bouteille contre la coque. ● “Je donne et lègue ma montre à mon frère” - comme on peut le lire dans un testament. Notions : le langage, l’inconscient, autrui, la vérité Synthèse : La thèse de Freud a une vertue  libératrice de la parole, un effet thérapeutique. En exprimant ses désirs refoulés lors de la cure psychanalytique, le patient peut en prendre conscience et s’en libérer. Le langage a donc, comme tout instrument, une efficacité  : il transforme la réalité, en l'occurrence ici, la vie psychique de l’homme. On peut approfondir l’analyse en montrant que certains énoncés spécifiques du langage sont eux-mêmes des actes. C’est le cas avec les énoncés performatifs, expliqués par John Austin. Ce sont des énoncés qui sont en eux-mêmes des actes. Ils mettent en cause la distinction habituelle entre dire et agir entre les paroles et les actes. Hypothèse 2 : Le langage n’est pas qu’un instrument : c’est aussi un obstacle car il n’est pas toujours efficace et peut même devenir nuisible. 4. Argument : Le langage n’est pas qu’un instrument de communication des pensées : c’est aussi un obstacle qui ne nous permet pas de communiquer nos pensées. Auteur : Bergson Oeuvre : Le rire Exemples : ● Le mot “oiseau” désigne un animal pourvu d’un bec et d’ailes. Mais il ne nous renseigne pas sur la couleur, l’âge, la provenance de tel ou tel oiseau ● Lorsqu’on dit à quelqu’un “je t’aime”, on emploie une expression banale, galvaudée, pour exprimer un sentiment qui est pourtant singulier. (cf. Madame Bovary, Flaubert) Notions : le langage, autrui, l’art Synthèse : Le langage simplifie la réalité à la fois extérieure et intérieure. Il néglige les petites différences entre les choses et les états d’âmes pour nous permettre d’agir, comme pour Nietzsche, c’est ici notre soucis d’agir sur le monde qui nous empêche de nous connaître. Le langage est comparé à un ensemble d’étiquettes posées sur les choses. Il se compose de noms communs désignant les propriétés communes à plusieurs choses. Il ne désigne que le genre des choses en négligeant leurs différences spécifiques, ce qui les caractérise en propre, le langage banalise le réel. Le même phénomène se produit en ce qui nous concerne. Le langage nous contraint à utiliser des mots communs pour exprimer des sentiments qui nous sont pourtant

singuliers. Il standardise  donc nos sentiments, nous amputant de ce qui fait la richesse de notre vie intérieure, de notre individualité. Ce texte présente en filigrane une définition de l’artiste. Cet être naturellement détaché du besoin, est pour Bergson un “révélateur” capable de saisir et d’exprimer la réalité extérieure et sa réalité intérieure dans leur subtilité, que langage commun à occultée. Il existe donc un usage artistique du langage, par lequel il révèle  les choses au lieu de les masquer. 5. Argument : Le langage n’est pas qu’un instrument de communication des pensées : c’est aussi un carcan qui enferme la pensée. Auteur : Rolland Barthes Oeuvre : Leçon inaugurale de la chaire de sémiologie littéraire Exemples : ● La Suède s’est dotée en 2015 d’un pronom neutre, le “hen”, qui désigne indifféremment les hommes et les femmes. Cela n’existe pas en français. ● La place des femmes dans la langue français est peut-être le reflet d’une société où on leur accorde un rôle secondaire. ● Ainsi, il n’est pas pareil de dire “droit de l’homme” ou “droits humains”. L’appellation “Droits de l’homme” s’est longtemps accompagnée d’un déni du droit de vote aux femmes. ● Jusqu’au douzième siècle, les noms de métiers existaient au féminin (administeresse, doctoresse, charpentière…). Mais au dix septième siècle, suite aux réflexions sur le statut des femmes, une réforme des grammairiens imposent la règle du masculin qui l’emporte. Notions : le langage, la politique, la société et l’Etat, la justice, autrui Synthèse : La langue, conçue comme un produit social du langage, est un carcan  qui façonne la pensée à notre insu. En effet, la langue est fasciste  car elle “oblige à dire”, elle nous contraint à notre insu à voir le monde d’une certaine manière, sous un certain prisme, loin d’être un simple instrument neutre, elle véhicule des préjugés qui structurent notre pensée. Ce texte pose alors des enjeux épistémologiques; il est complexe de penser sans préjugés, de manière objective. En effet, la langue qu’on utilise pour penser en véhicule à notre insu. Des enjeux culturels également, car il est complexe de comprendre les autres cultures; effectivement, apprendre une autre langue, c’est apprendre une autre manière de penser, de structurer le réel. Et enfin, des enjeux politiques; une langue où les femmes sont invisibles  peut être le reflet d’une société où on leur accorde un rôle secondaire.

6. Argument : Le langage n’est pas qu’un instrument car il n’est ni neutre ni efficace : c’est une source de manipulation et de “violence symbolique” Auteur : ● a) Platon ● b) Pierre Bourdieu

Oeuvre : ● a) La république ● b) Ce que parler veut dire Exemples : a) ● Un marteau peut être utilisé pour construire une bibliothèque, ou pour la détruire. ● Si quelqu’un utilise un marteau pour construire une bibliothèque, ce dernier est censé l’aider dans cette tâche. ● La stratégie publicitaire qui endort la raison pour influencer les comportements; son lien avec les discours de propagande totalitaire. Objectif : substituer à la réflexion personnelle des désirs ou des craintes collectives irrationnelles. (cf. chapitre 1)  b) ● Dans son oeuvre, Sur la télévision (1996), Bourdieu montre que les débats politiques télévisuels animés  par les journalistes ne sont pas neutres, alors même qu’ils semblent respecter le principe de l’égalité démocratique en accordant à chacun un temps de parole égal. En effet, si le journaliste n’aide pas à s’exprimer ceux qui ont moins d’aisance dans la prise de parole ou qui ont une moins bonne maîtrise du langage, alors leur parole sera moins entendue que celles des autres. Sous  couvert d’une apparente égalité, les débats démocratiques peuvent donc parfois favoriser les plus aisés. Notions : le langage, autrui, la politique, la société et l’Etat, la technique Synthèse : a) Raisonnement : Un instrument est souvent conçue comme ayant deux caractéristiques. 1. La neutralité : il n’est en lui-même ni bon ni mauvais, mais peut être utilisé à bon ou mauvais escient. 2. L’efficacité : il est censé servir ceux qui l’utilisent. Or le langage n’est pas un instrument pour deux raisons : 1. Parce qu’il n’est pas neutre : il reflète en entérine des rapports de force. 2. Parce qu’il n’est pas efficace mais peut être nuisible pour certains de ses utilisateurs.  b) Thèse : Comme les échanges  économiques qui accroissent les inégalités, les échanges verbaux sont l’occasion pour les classes aisées de perpétuer leur domination sur les classes moins aisées. Loin d’être toujours neutre, le langage entérine des rapports de force; loin d’être efficace, il se retourne contre ceux qui n’ont pas eu la chance d’apprendre à bien le manier. Explication : En effet, le langage n’est jamais un simple  échange neutre d’informations : il manifeste ce que Bourdieu nomme un “capital symbolique” par analogie avec le capital économique. La valeur de ce capital est déterminé par le niveau de la langue, la variété du lexique, l’aisance dans la prise de parole ou encore la maîtrise des codes sociaux du langage. Ce “capital symbolique” peut être élevé  - langage soutenu ou technique, parole assurée, prise au moment opportun - ou faible - langage familier ou argot, parole timide, prise au moment inapproprié. Ceux qui ont un capital symbolique élevé font subir à ceux qui n’en ont pas une “violence symbolique”, c’est-à-dire qu’ils exercent sur eux une  domination pouvant passer inaperçu.

Hypothèse 3 : En réalité, le langage n’est pas qu’un instrument car c’est une fin en soi : c’est le lieu de naissance de la pensée, de la subjectivité consciente et de l’intersubjectivité. 7. Argument : Le langage n’est pas qu’un instrument : c’est une fin en soi car c’est le lieu même de la pensée Auteur : Merleau-Ponty Oeuvre : Signes Exemples : ● Parce que le langage est un être, il peut “rendre présent quelqu’un” (l.5), c’est-à-dire qu’il dévoile le mode d’être d’une personne. Dans ses façons de parler, dans ses mots comme dans ses silences, l’ami paraît présent au téléphone, et ce alors même qu’il est absent. ● Orwell, dans 1984,  e xplique que le régime autoritaire d’Océania a adopté comme langue officielle la “novlangue”. Elle repose sur le principe suivant lequel plus on diminue le nombre de mots d’une langue, plus on diminue le nombre de concepts avec lesquels les gens peuvent réfléchir, et plus ils fonctionnent à l’affect. Ils deviennent ainsi plus facilement manipulables par les médias de masse. Ainsi, le mot “libre” a dans la novlangue un sens très restreint, celui de “disponible” : ignorant le concept de liberté, les hommes peuvent difficilement y aspirer. Notions : le langage, autrui, la technique, la politique, la société et l’Etat Synthèse : Le langage n’est pas  un instrument de communication de la pensée, c’est la pensée même. Loin de préexister au langage, la pensée se trame, elle se construit dans le langage, qui n’est pas un simple moyen, mais une fin en soi, un “être”. Merleau-Ponty s’oppose à la conception cartésienne du langage comme instrument de communication de la pensée (Lettres au Marquis de Newcastle, Descartes) Il existe un lien intrinsèque entre la matière et l’esprit : ce texte montre que l’esprit ne peut être séparé de cette matière signifiante qu’est le langage. Enjeux sur l’indépassable opacité du langage (cf l.4), idée que le langage est une “perfection sans modèle”. Si la pensée ne préexiste pas au langage, s’il n’existe pas de texte idéal derrière le langage, alors celui-ci n’a pas de modèle auquel on pourrait le comparer pour voir s’il le reproduit fidèlement. Par conséquent, réussir à bien s’exprimer relève de la prouesse, et les ratées du langage font partie intégrante du langage. 8. Argument : Le langage n’est pas qu’un instrument : c’est une fin en soi car c’est le lieu de naissance de la subjectivité consciente. Auteur : Kant Oeuvre : Anthropologie du point de vue pragmatique Exemple : Avant de pouvoir dire “je”, l’enfant n’a que le sentiment de lui-même. Après, il en a la pensée. Cet exemple montre que si la conscience de soi est propre à tout être humain, elle se développe néanmoins progressivement au cours du temps. C’est une potentialité qui s’actualise

avec le temps. Notions : le langage, autrui, l’inconscient Synthèse : Sans le langage qui lui permet de dire “je”, l’homme n’aurait pas conscience de son identité, il n’aurait pas la pensée de lui-même. En effet, c’est la possibilité de dire “je” qui permet à l’homme de se concevoir comme un seul et même être tout au long de sa vie. Elle fait de l’homme un sujet conscient, une personne digne de respect. ● Une personne n’a pas de prix, mais une dignité, une valeur  inestimable. Elle doit être traitée avec respect, c’est-à-dire jamais seulement comme un moyen mais aussi comme une fin en soi. ● Une chose (dont animal) a un prix et est un simple moyen. 9. Argument : Le langage n’est pas qu’un instrument : c’est une fin en soi car c’est le lieu de construction de l’intersubjectivité dans laquelle se réalise la dimension sociale, culturelle et politique de l’homme. Auteur : Karl Popper Oeuvre : Conjectures et réfutations Exemples : ● La discussion joue un rôle central dans la démocratie : elle prend la forme des débats qui précèdent les élections, ou de délibérations au cours desquelles les mesures sont débattues à l’Assemblée nationale. ● La diplomatie est un mode de résolution pacifique des conflits internationaux, qui se présente comme une alternative de guerre. Dans les deux cas, le conflit, la polémique est résolue par le biais du langage et non des armes. Notions : le langage, autrui, la politique, la société et l’Etat, la justice Synthèse : Les opinions et les intérêts sont les deux  facteurs de conflits, leur point commun est qu’ils sont relatifs aux individus. Seul ce qui est commun aux individus pourra les mettre d’accord : la raison et le langage. Les facultés communes aux individus qui permettent de dépenser les opinions et les intérêts sont la raison et le langage. Les deux moyens de résoudre un conflit sont : ● la discussion, le recours au langage ● la violence, le recours à la force et aux sentiments Karl Popper préconise le premier moyen, c’est-à-dire la recherche d’un accord par la discussion car il relève d’une attitude pacifique et juste, s’opposant à l’attitude violente et injuste de la persuasion. Le langage peut donc permettre aux hommes de dépasser les relations sociales violentes, pour construire des rapports proprement  humains, basés sur la discussion....


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