HDA Moyen Age, H) Antoine de Lonhy PDF

Title HDA Moyen Age, H) Antoine de Lonhy
Course Histoire De L'Art
Institution Université Rennes-II
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Summary

Histoire de l'art du Moyen Age, Licence 3....


Description

H / Antoine de Lonhy, peintre itinérant de la fin du XVe siècle Nous avons vu avec Matteo Giovannetti et les Frères de Limbourg que les déplacements étaient très importants dans la carrière des artistes. Cependant, c’étaient des artistes de cours, ils sont alors restés proches de leur mécène pendant de longues périodes. Au contraire, certains artistes ont voyagé tout au long de leur vie, on les appelle les artistes itinérants. L‘artiste Antoine de Lonhy a fait l’objet de recherches très récentes, et les historiens de l’art sont parvenus à reconstituer la carrière de ce peintre.

1. Histoire d’une redécouverte On doit cette reconstitution de la carrière de Antoine de Lonhy à François Avril, spécialiste de l’enluminure médiévale, ancien conservateur du département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France. A la fin des années 80, il se penche sur le manuscrit des Heures de Saluces, datant du milieu du 15e siècle. Il s’agit d’un livre d’heure à l’usage des laïcs, orné de 34 miniatures à pleine page, entourées de décors végétaux appelés les drôleries. Ce manuscrit tire son nom des armoiries qui apparaissent sur le feuillet 19, appartenant à la famille noble de Saluces. Trois artistes se sont succédé dans la décoration de ce manuscrit : le premier est le peintre savoyard Péronet Lamy, dont le style se caractérise par un goût pour les paysages lacustres. Cet artiste meurt en 1452, et la suite de l’illustration a été confiée au Maître des Heures de Louis de Savoie. Le style de celui-ci se caractérise par des couleurs vives et contrastées, et des architectures très longilignes et ornées de sculptures. Enfin, un troisième peintre est appelé à achever ce manuscrit vers 1460, que l’on surnommera le Maître des Heures de Saluces. Cet artiste a manifestement assimilé les leçons des flamands, dans l’individualisation des visages, l’art du paysage et la perspective atmosphérique. Ses figures sont souvent très calmes et monumentales, et les visages présentent une expression songeuse.

Les Heures de Saluces par Péronet Lamy

Par le Maître des Heures de Louis de Savoie

Par Le Maître des Heures de Saluces

Lors d’une exposition sur l’enluminure française à New-York en 1982, John Pleumeur avait attribué deux autres manuscrit au Maître des Heures de Saluce. François Avril reprend ce dossier en 1989, et publie ses découvertes dans la Revue de l’Art. Il va étoffer le corpus de cet enlumineur, et lui attribuant deux feuillets détachés d’un missel, dispersés entre Prague et San Francisco. Celui de Prague représente une crucifixion, et celui de San Francisco un Christ en majesté. La pratique de découper les miniatures de manuscrit était malheureusement courante au XIXe siècle, au moment où le marché du manuscrit enluminé médiéval

explose. François Avril fait un rapprochement entre ces deux feuillets et les Heures de Saluce, dans la manière de fermer la composition par un paravent en damier, et dans l’expression intériorisée des figures. François Avril démontre que le Maître des Heures de Saluces n‘avait pas seulement été employé comme enlumineur dans les États de Savoie, mais aussi comme peintre. Il lui attribut le tableau de la Trinité conservé à Turin. Il remarque que l’on y retrouve le même traitement cadavérique du corps du Christ, avec les yeux entrouverts. Il a également la même façon d’exprimer la tristesse avec des visages larmoyants : il rapproche le visage de Saint-Jean dans la Crucifixion et celui de l’ange dans la Trinité. Le fait que cet artiste ait à la fois le statut d’enlumineur et celui de peintre est très important. L’enlumineur ne pouvait travailler que sur du papier, alors que le peintre avait beaucoup plus de possibilités (vitraux, fresque, retables…). François Avril montre également que les deux fragments de Prague et de San Francisco ont été copiés presque littéralement par un enlumineur dans un missel toulousain, daté de 1465. Il est certain que le Maître des Heures de Saluces est à l’origine des compositions, et non l’inverse, puisque la miniature de Toulouse présente plusieurs incohérences( au niveau de la palette ou des postures des personnages). Comment expliquer que des enlumineurs toulousains aient pu connaître le peintre savoyard ? On peut alors penser que le Maître des Heures de Saluces a travaillé à Toulouse, et cette hypothèse a été vérifiée par l’historien de l’art dans les comptes des capitouls de Toulouse. Il y trouve une mention d’un peintre nommé Antoni de Lonhy, habitant à Toulouse, datant de l’année 1460. Le Livre des Capitouls a été très endommagé, on n’a donc pas conservé l’enluminure d’Antoni de Lonhy.

Feuillet de Prague

Feuillet de San Francisco Trinité de Turin

Copie de Toulouse

Ce nom d’artiste était connu des historiens toulousains depuis le début du XXe siècle, et un dossier de ses œuvres avait été constitué en 1986 par des historiens de l’art catalans. En effet, Antoine de Lonhy est également mentionné dans les archives de Barcelone en 1460. Dans un autre contrat datant de 1462, Antoni de Lonhy est décrit comme un « peintre habitant dans la ville d’Avigliana dans le duché de Savoie et dans le diocèse de Turin, mais actuellement résidant à Barcelone ». Grâce à ces documents d’archives, on découvre d’un côté qu’un enlumineur savoyard a été copié par des enlumineurs toulousains, et de l’autre qu’un certain Antoine de Lonhy a résidé en Savoie, à Toulouse puis à Barcelone. Cependant, on ne peut pas être complètements sûrs que le Maître des Heures de Saluces soit la même personne qu’Antoine de Lonhy. L’unique solution est de confronter les œuvres documentées d’Antoine de Lonhy et celles du Maître de Savoie. La verrière de Santa Maria del Mar représente au centre la Vierge Marie couronnée par la Trinité, et entourée de saints. Si l’on regarde la figure du Christ de la verrière et celle de Saint-Jean Baptiste d’Antoine de Lonhy, on retrouve le même visage mélancolique aux les paupières tombantes. C’est ainsi que François Avril est parvenu à donner un nom à un enlumineur anonyme.

Verrière de Santa Maria del Mar de Barcelone

Mappemonde spirituelle

2. Le parcours de l’artiste •

La période bourguignonne (1445 – 1454) :

Antoine de Lonhy est sans doute originaire de la Bourgogne méridionale, en Saône-et-Loire. Son activité est documentée entre 1446 et 1477, il a donc dû naître autour de 1420. L’historien Philippe Lorens a retrouvé un contrat de 1446, qui indique que Anthoine de Loigney devait réaliser les patrons pour les vitraux pour un château local, appartenant à Nicolas Rolin. Ce dernier est une personnalité très importante à la cour de Bourgogne, car il était le chancelier du duc. C’était un grand amateur d’art, notamment des primitifs flamands comme Rogier Van der Weyden et Jan Van Eyck. Il a d’ailleurs fait appel à ce dernier pour réaliser le tableau de la Vierge au Chancelier Rolin. En 1449, Antoine de Lonhy réalise pour Jean-Germain (archevêque de Chalons-sur Saône et châtelain du duc de Bourgogne) l’illustration du manuscrit de la Mappemonde spirituelle, copie de celle destinée au duc Philippe le Bon. Ces deux commandes montrent que très tôt dans sa carrière, Antoine de Lonhy était parvenu à s’inscrire dans le réseau des ducs de Bourgogne.



La période languedocienne (1454 – 1462) :

La plus ancienne œuvre toulousaine d’Antoine de Lonhy est la peinture murale dans la Chapelle de SainteCatherine d’Alexandrie dans l’Église Notre-Dame de Dalbade . Cette fresque a été retrouvée sous un enduit en 1891, mais en voulant la décoller du mur, une bonne partie de la peinture a été endommagée : seuls cinq fragments sont récupérés. Mais avant cela, des relevés d’aquarelle ont été réalisés sur des fragments qui ont aujourd’hui disparus, ainsi qu’une héliogravure. On conserve aussi une description précise de l’abbé Celestin Douais. Les inscriptions en langue d’oil expliquent les scènes représentées et à quelle date (1454). Parmi les fragments conservés, on trouve des personnages en train de marcher, il s’agit sans doute de pèlerins qui se rendaient sur la tombe de Sainte-Catherine sur le Mont Sinaï. Ce pèlerinage avait la réputation de permettre la guérison des malades. On conserve une miniature dans les Belles Heures du Duc de Berry de 1410 qui figure le corps de Sainte-Catherine transporté par les anges, et des pèlerins qui se rendent au monastère du Mont Sinaï. Philippe Lorens a émis l’hypothèse qu’il devait y avoir une scène peinte similaire à celles des Frères de Limbourg dans la lacune centrale dans l’héliogravure. De part et d’autres de cette scène hypothétique, se trouvent Saint Fabien à gauche et Saint-Sébastien à droite. Philippe Lorens attribut cette fresque à Antoine de Lonhy pour des raisons stylistiques : il rapproche le visage de Saint-Sébastien avec le visage de Saint-Jean de la Crucifixion du feuillet Prague. Comment expliquer que cet artiste soit parti aussi loin de la Bourgogne ? D’autres artistes de cette région étaient partis s’installer dans le sud, le plus connu étant Enguerrand Quarton, originaire de Laon installé à

Avignon. De manière générale en Europe, on observe un goût prononcé pour les artistes septentrionaux à partir de 1440, ce qui explique qu’ils se déplacent pour trouver des commanditaires en dehors du marché flamand saturé. Le choix de la ville de Toulouse est peut-être lié aux réseaux d’Antoine de Lonhy. En effet, on sait que l’artiste a travaillé pour l’archevêque de Toulouse Bernard de Rosier, ami de Jean-Germain, pour qui le peintre avait travaillé au début de sa carrière. Les déplacements d’Antoine de Lonhy à Toulouse puis Barcelone s’expliquent peut-être également par le fait qu’il était à la fois peintre et maître verrier, ce qui était assez rare. Mais comment des commanditaires catalans ont pu connaître Antoine de Lonhy ? Comme tout le reste de l’Europe, l’Espagne est très attiré par l’art bourguignon. Ce goût naît à Valence, quand Alphonse V d’Aragon envoie son peintre personnel Lluis Dalmau à Bruges en 1431, en charge de rapporter des œuvres flamandes et de recruter des tapissiers. Pendant ce voyage, il en profites pour fréquenter l’atelier de Jan Van Eyck. A l’inverse, des peintres flamands s’installent à Valence, comme Lluis Alimbrot. En 1438, Lluis Dalmau quitte Valence et s’établit à Barcelone. Il réalise en 1443 La Vierge aux conseillers, dans laquelle on voit bien la connaissance de l’œuvre de Jan Van Eyck, notamment sa Vierge au chanoine Van der Paele. C’est donc sans doute en partie grâce à Lluis Dalmau que le goût pour l’art flamand s’est implanté à Barcelone. Le marché étant également saturé en Catalogne, Antoine de Lonhy quitte cette région pour se rendre dans les États de Savoie, la dernière étape de sa carrière. La Vierge aux conseillers de Lluis Dalmau

Héliographie des fresques de la Chapelle Sainte-Catherine

Cathédrale Saint-Jean de Mauriennes

Les Belles Heures du Duc de Berry des Frères Limbourg



La période savoyarde (1462 – 1477) :

Antoine de Lonhy a probablement migré dans les États de Savoie à nouveau grâce à ses réseaux. Bernard de Rosier (pour qui il a travaillé à Toulouse) connaissait l’évêque de Turin, Ludovico da Romagnano, donc il est possible qu’il lui ait conseillé Antoine de Lonhy. Celui-ci choisit de se baser à Avigliana, car cette ville situé sur l’axe reliant Chamébry à Turin servait souvent de relais aux ambassadeurs. Durant les premières années de son installation, il intervient dans la Cathédrale Saint-Jean de Mauriennes où il réalise une peinture murale représentant une mise au tombeau. On voit qu’il a introduit du relief dans les motifs dorés, ce qui est caractéristique de la peinture de chevalet catalane : les différents lieux de travail de l’artiste ont donc eu un fort impact sur son œuvre. L’évêque Guillaume d’Estouteville est un ami de Bernard de Rosier et de Jean-Germain, on voit donc à nouveau à travers cet exemple que le réseau de commanditaires est fondamental dans les déplacements des artistes.

3. Les rencontres artistiques Nous allons maintenant voir dans quelle mesure les différentes étapes de la carrière de Antoine de Lonhy ont-elles enrichi sa manière de peindre, et inversement. A en juger par ses premières œuvres, l’artiste connaissait les formules mises en place dans l’enluminure parisienne du deuxième quart du 15 e siècle. En effet, si l’on regarde la Crucifixion des Heures d’Hugues de Cluny peinte par Antoine de Lonhy en 1450, on voit que le schéma de composition est semblable à celui de la Crucifixion peinte en 1425 par l’atelier du Maître de Belford dans les Heures de Charles d’Orléans et de Marie de Clèves. On retrouve le fond ornemental de mosaïques multicolores, avec les personnages placés sur un paysage. La position de la Vierge qui se penche en arrière est également très semblable. Cela montre qu’Antoine de Lonhy a été formé vers 1430 avec le goût du gothique international et de ce qui se faisait à Paris. Ses premières œuvres montrent qu’il a aussi bénéficié des travaux faits par l’ars nova et les primitifs flamands, promus à la cour du Duc de Bourgogne, pour laquelle Antoine de Lonhy a travaillé. Le dispositif scénique de la Mappemonde spirituelle reprend la composition de l’Annonciation de l’atelier de Robert Campin de 1420. On y retrouve le fait que l’essentiel de la représentation soit occupé par une architecture en perspective, avec les personnages au premier plan. Il s’est également inspiré d’œuvres vues dans le Languedoc : il reprend la Vierge en Gloire de Robert Campin de 1429 dans sa dédicace du manuscrit pour Bernard de Rosier, dans le motif du trône volant. A Barcelone, Antoine de Lonhy a réalisé le Retable des Augustins pour le monastère Domus Dei de Miralles. Il a procédé à l’applique en relief de parties dorées, qui sont caractéristiques de retables catalans, comme nous l’avions dit pour la peinture murale de Savoie. Il a donc nourri son œuvre des motifs et des techniques découvertes lors de ses voyages, sans doute aussi pour répondre au goût des commanditaires locaux. Par la suite, on voit que le vocabulaire qu’il développe en Savoie est plus italianisant et antiquisant qu’au début de sa carrière. Cet enrichissement allait dans les deux sens, car Antoine de Lonhy a aussi apporté du vocabulaire stylistique dans les lieux où il a travaillé, à Toulouse, Barcelone puis en Savoie. On a vu précédemment que son Missel de la Crucifixion avait été copié par un enlumineur toulousain. Le peintre catalan Jaume Huguet a également repris des compositions d’œuvres d’Antoine de Lonhy dans ses peintures. En Savoie, son motif de Joseph qui retire son bonnet lors de la Nativité a été repris par les peintres locaux.

Heures de Charles d’Orléans et de Marie de Clèves

Heures d’Hugues de Clugny

Annonciation de l’atelier de Robert Campin

Retable des Augustins...


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