L\'arrêt jand\'heur chambres réunies 13 février 1930 PDF

Title L\'arrêt jand\'heur chambres réunies 13 février 1930
Course Droit civil II
Institution Université Paris II Panthéon-Assas
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Commentaire d'arrêt...


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Commentaire d'arrêt - L'arrêt Jand'heur, Chambres réunies, 13 février 1930 Nous analysons ici l'arrêt Jand'heur, rendu par les Chambres réunies de la Cour de cassation le 31 février 1930 relatif à la responsabilité du fait des choses et à la présomption de la responsabilité (ancien article 1384 alinéa premier, reporté à l'article 1242). Un peu d'histoire... Avant de commencer l'étude de cet arrêt fondateur en droit de la responsabilité civile, il convient de s'intéresser rapidement au fait de la chose. Lorsqu'il s'agit du fait de la chose, il faut se reporter à l'article 1384 alinéa premier du Code civil aujourd'hui reporté à l'article 1242 nouveau. L'évolution du droit de la responsabilité a amené à dégager un principe général du fait des choses quelconques et les articles suivants traitent des cas ou régimes particuliers. D'abord, il faut noter que les magistrats ont considéré qu'il existe une présomption de responsabilité qui pèse sur le gardien de la chose instrument du dommage. Par conséquent, quand une chose cause un dommage à quelqu'un, son gardien est présumé responsable. Comprenons donc tout de suite que cette création est très favorable aux victimes. Sauf à imaginer que le gardien puisse s'exonérer de sa responsabilité, la responsabilité en cause est une responsabilité objective : les victimes n'ont donc pas à apporter la preuve de la faute de leur adversaire. En quoi cet arrêt s'inscrit-il dans cette découverte de l'article 1384 alinéa premier ? L'affaire est en fait déjà connue par la Première chambre civile de la Cour de cassation qui décide de casser et de renvoyer l'affaire. La Cour d'appel de renvoi décidant de statuer comme l'a fait la première Cour d'appel, l'affaire est dirigée vers les Chambres réunies de la Cour de cassation. Rendu le 13 février 1930, l'arrêt Jand'heur concernait un accident de véhicule. La petite Lise Jand'heur est malencontreusement renversée et blessée par un camion automobile appartenant à la société « les Galeries Belfortaises ». Il s'agit donc d'un véhicule automobile (qu'on appellerait aujourd'hui « véhicule terrestre à moteur ») conduit par un chauffeur. La question qui se pose est donc de savoir si l'on est face au fait d'une chose ou face au fait de l'homme ? L'article 1384 alinéa premier est appliquée au cas de l'espèce. Exit la présomption de faute : il s'agit maintenant d'une présomption de responsabilité. En d'autres termes, il faut retenir des énonciations de cet arrêt que l'article 1384 alinéa premier du Code civil pose cette présomption de responsabilité à l'égard du gardien de la chose, instrument du dommage. C'est un véritable retournement de situation, un revirement de jurisprudence ! Que le gardien de la chose, instrument du dommage prouve qu'il n'a pas commis de faute ou non, son exonération ne passe plus par cette exigence. Non, car le texte ne présume en rien la faute du gardien. Comment alors sera-t-il possible pour lui de s'exonérer ? Comment pourra-t-il donc renverser la présomption de responsabilité qui pèse contre lui ? Tout simplement en démontrant que le dommage dont se plaint la victime a pour cause un cas de force majeure. Il s'agit donc bien d'une responsabilité objective absolument débarrassée de cette idée de faute attachée pour sa part à la responsabilité subjective. L'arrêt Jand'heur permet également de clarifier la situation terminologique : il s'agit de toutes les choses pas uniquement de choses dangereuses. Ce qu'il faut en retenir... 1

Face à cette responsabilité objective, la seule façon pour le gardien de s'exonérer sera de prouver que le dommage est causé par un cas fortuit, un cas de force majeure ou encore une cause étrangère ne lui étant pas imputable. L'article 1384 attache la responsabilité à la garde de la chose et non pas à la chose en elle-même.

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Autre analyse de l’arrêt Fait : Une adolescente, Lise Jand’heur, est renversée et blessée par un camion alors qu’elle traverse la chaussée. Procédure : Plusieurs étapes procédurales doivent être distinguées dans l’affaire Jand’heur afin de bien en saisir l’enjeu. Première étape Dans un arrêt du 29 décembre 1925, la Cour d’appel de Besançon refuse d’indemniser la victime. Les juges du fond estiment que, dans la mesure où la chose qui a causé le dommage (le camion) était actionnée par la main de l’homme, le dommage était imputable, non pas au fait d’une chose, mais au fait de l’homme. Aussi, pour la Cour d’appel, la responsabilité du conducteur du camion ne pouvait être recherchée que sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. Il appartenait donc à la victime de rapporter la preuve d’une faute. Deuxième étape Dans un premier arrêt du 21 février 1927, la Cour de cassation censure la décision rendue par la juge du fond, estimant que l’article 1384, al. 1er avait bien vocation à s’appliquer, peu importe que la chose à l’origine du dommage ait été ou non actionnée par la main de l’homme (civ., 21 févr. 1927) La haute juridiction précisa néanmoins que « le gardien n’est responsable que s’il s’agit d’une chose soumise à la nécessité d’une garde en raison des dangers qu’elle peut faire courir à autrui ». Critique Bien que, par cette décision, la Cour de cassation soit revenue sur son refus de faire application de l’article 1384, al. 1er aux accidents de la circulation, sa position n’en a pas moins fait l’objet de critiques. Il a, en effet, été reproché à la haute juridiction d’avoir substitué à la distinction entre les choses actionnées par la main de l’homme et celles qui ne le sont pas une autre distinction : la distinction entre les choses dangereuses et les choses non dangereuses. Or il s’agit là d’une distinction qui, comme la précédente, n’est pas très heureuse pour plusieurs raisons : Quel critère retenir pour distinguer les choses dangereuses des choses non dangereuses ? La distinction opérée par la Cour de cassation apparaît ici pour le moins arbitraire. Qui plus est, le fait qu’une chose ait commis un dommage n’établit-il pas d’emblée qu’elle est dangereuse ? Par ailleurs, l’instauration d’une distinction entre les choses dangereuses et les choses non dangereuses conduit à restreindre le domaine d’application de l’article 1384 al. 1er, alors que si l’on se rapporte à la lettre du texte, la loi n’opère aucune distinction parmi les choses. Enfin, la solution retenue par la Cour de cassation traduit un retour au système de la faute pourtant abandonné dans l’arrêt Teffaine, puis dans l’arrêt du 16 décembre 1920, en ce sens que la Cour de cassation considère, en creux, que lorsque le dommage est causé par une chose non dangereuse, seul l’établissement d’un comportement fautif du gardien est susceptible d’engager sa responsabilité. Troisième étape La Cour d’appel de renvoi refuse de s’incliner devant la décision adoptée par la Chambre civile le 21 février 1927 Les juges du fond considèrent que la responsabilité du conducteur du camion ne peut être recherchée que sur le fondement de la responsabilité du fait personnel, la chose à l’origine du dommage ayant été actionnée par la main de l’homme. Quatrième étape Dans un arrêt du 13 février 1930 qui fera date, les chambres réunies de Cour de cassation censurent une nouvelle fois la décision des juges du fond. 3

La haute juridiction formule, dans cette décision, deux affirmations sur lesquelles est assis le droit positif de la responsabilité du fait des choses : En premier lieu, elle considère que « la présomption de responsabilité établie par cet article à l’encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui ne peut être détruite que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure ou d’une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable ; qu’il ne suffit pas de prouver qu’il n’a commis aucune faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue » En second lieu, la Cour de cassation décide que « la loi, pour l’application de la présomption qu’elle édicte, ne distingue pas suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée par la main de l’homme ; qu’il n’est pas nécessaire qu’elle ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de causer le dommage, l’article 1384 rattachant la responsabilité à la garde de la chose, non à la chose elle-même». ==> Analyse de l’arrêt Jand’heur Plusieurs enseignements peuvent être tirés de l’arrêt Jand’heur : Réaffirmation du principe général de responsabilité du fait des choses La Cour de cassation ne manque pas de réaffirmer le principe général de responsabilité du fait des choses en retenant comme visa de sa décision l’article 1384, alinéa 1er du Code civil. Consécration d’une présomption de responsabilité Dans l’arrêt Jand’heur, la Cour de cassation utilise l’expression « présomption de responsabilité» et non « présomption de faute ». Aussi, par cette expression, la haute juridiction entend-elle édicter la règle le gardien de la chose ayant causé un dommage ne saurait s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il n’a pas commis de faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue. La preuve de l’absence de faute est inopérante, de sorte que le seul moyen pour le gardien de s’exonérer de sa responsabilité est d’établir la survenance d’une cause étrangère dans la production du dommage (cas fortuit ou force majeure). En édictant, pour la première fois, une présomption de responsabilité, la Cour de cassation abandonne dès lors la faute comme fondement de la responsabilité du fait des choses. Il ne s’agit donc plus d’une responsabilité subjective, mais objective, dite encore responsabilité de plein droit. Extension du domaine d’application du principe général de responsabilité du fait des choses La volonté de la Cour de cassation d’étendre le domaine d’application du principe général de responsabilité du fait des choses s’est traduite par : Le rejet de la distinction entre les choses dangereuses et les choses non dangereuses Le rejet de la distinction entre les meubles et les immeubles Le rejet de la distinction entre les choses actionnées ou non par la main de l’homme Le rejet de l’exigence d’un vice inhérent à la nature de la chose. Mise en avant du critère de la garde, comme condition de mise en œuvre du principe général de responsabilité du fait des choses Dans l’arrêt Jand’heur, la Cour de cassation insiste particulièrement sur le fait que la mise en œuvre de l’article 1384, al. 1er est liée, pour l’essentiel, à la garde de la chose et non à sa nature. Autrement dit, pour que la responsabilité du gardien puisse être recherchée, seul compte que la chose à l’origine du dommage ait été placée sous sa garde, peu importe qu’il s’agisse ou non d’une chose dangereuse ou qu’elle présente un vice interne. Au total, il ressort de l’arrêt Jand’heur que, par une construction purement prétorienne, la responsabilité du fait des choses est devenue une responsabilité de plein droit ou objective, en ce sens que l’obligation de réparation naît, désormais, indépendamment de l’établissement d’une faute. Autrement dit, le gardien engage sa responsabilité, dès lors que la chose qu’il avait sous sa garde a concouru à la production du dommage. Pour faire échec à l’action en réparation diligentée contre lui, il ne disposera que de deux options :

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Rapporter la preuve d’une cause étrangère dont la survenance a rompu le lien de causalité entre le dommage et le fait de la chose Démontrer que les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du fait des choses ne sont pas réunies

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