Grands problèmes de l\'Union européenne PDF

Title Grands problèmes de l\'Union européenne
Author milo andriomenos
Course Grands problèmes de l’Union européenne
Institution Université de Montpellier
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Summary

cours de droit sur l'Union européenne dispensé en L2...


Description

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FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE

UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER

COURS DE GRANDS PROBLÈMES DE L’UNION EUROPÉENNE M. le Professeur Michel CLAPIÉ __

SOMMAIRE PREMIÈRE PARTIE (p. 2 à p. 53… texte inédit – non distribué en version papier lors du cours d’amphithéâtre – à partir de la page 34) DEUXIÈME PARTIE (p. 54 à p. 79) EN GUISE DE CONCLUSION… (p. 81-82) (Pour mémoire) INTRODUCTION (p. 83 à p. 97) PLAN DU COURS (p. 98-99) PROGRAMME DE RÉVISION (p. 100)

Année universitaire 2019-2020 – L. 2 – S. 2 1

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Première partie La difficulté de s’abstraire du paradigme de l’empire ___ Cette difficulté est le fait d’une sorte de myopie, c’est-à-dire une difficulté à voir clair loin, loin dans le passé... Comme le dit un proverbe africain, pour savoir où tu vas, regarde d’où tu viens ! Pourquoi une myopie ? D’abord parce que tant les artisans et concepteurs de la « construction européenne » – il y a 70 ans – que ses acteurs actuels, se font une idée fausse de l’histoire européenne en général, de ses constantes… et des enseignements à en tirer. Ensuite, parce qu’ils se trompent sur ce qu’est, non pas tant l’empire que la logique impériale, c’est-à-dire cette représentation d’un monde en ordre qui a des caractéristiques propres, qui la distingue de l’autre « cosmogonie politique »1 : la logique nationale… L’autre et pas les autres car il n’y en a que deux, il n’existe qu’une alternative. Enfin, parce que tout occupés à rêver à voix haute d’un empir e européen – et d’essayer de le bâtir –, ils succombent dans le même temps à l’impérialisme des Etats-Unis d’Amérique, autrement dit à l’empire des autres ou d’un autre qui baptise sa volonté de domination – il y a plusieurs degrés… – du doux euphémisme de leadership. Pourtant, si l’on regarde sans chausser ces lunettes idéologiques ou sans se laisser embrumer l’esprit par les rêves merveilleux que peuvent caresser les enfants, que peut-on observer ? Ce qui suit. L’histoire de l’Europe au fil des siècles, c’est d’abord l’histoire de la formation et de l’affirmation des nations qui la composent. « L’Europe privée de ses nations constitutives n’a pas d’identité première », écrit Bertrand de Viviès. « Elle ne leur préexiste pas », poursuit-il. « Elle est un espace de culture, ou bien une appellation géographique. Dans les deux cas, son centre est un peu partout et sa circonférence nulle part »2. Ce que confirme Edgar Morin quand il parle de l’Europe comme d’« une réalité culturelle polycentrique »3, celle-là même que le général de Gaulle, caustique, évoquait dans sa conférence de presse du 15 mai 1962 : « Dante, Goethe Chateaubriand, appartiennent à toute l’Europe dans la mesure même où ils sont respectivement et éminemment Italien, Allemand et Français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été apatrides et s’ils avaient pensé, écrit, en quelque espéranto ou volapük intégrés… »4.

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La cosmogonie, c’est « le système de la formation du monde » : gonos signifie « semence » et cosmos, « un univers considéré comme un ensemble organisé obéissant à des lois » ; en d’autres termes, un ensemble organisé obéissant à une logique propre. 2 Bertrand de VIVIES, « Histoire critique de l’unité européenne », revue Libertés politiques, n° 1, printemps 1997, éd. François-Xavier de Guibert, p. 113. 3 Edgar MORIN, Penser l’Europe, Le Seuil, 1987. 4 Charles de GAULLE, Conférence de presse du 15 mai 1962.

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L’histoire de l’Europe au fil des siècles, c’est aussi, mais seulement ensuite, l’histoire d’un rêve d’unité, un rêve d’unité qui procède du « vieux mythe de l’aspiration du genre humain à l’unité »5. Car c’est bien la volonté de faire l’unité de l’humanité que l’on retrouve à la source de tous les projets impériaux – les projets d’empire mondial comme les projets d’empire continental – depuis que le monde est monde, à commencer par les empires qui furent conçus en Europe. L’histoire de l’Europe au fil des siècles, c’est donc finalement l’histoire d’une perpétuelle tension entre l’affirmation de ses nations et l’aspiration à une unité qui les transcende. Cette tension se retrouve dans la permanence et la récurrence de l’affrontement des deux logiques irréductibles qui s’excluent l’une l’autre : la logique impériale et la logique nationale. Or, le projet conçu en 1950 dans le cadre des premières communautés européennes, puis de l’Union européenne (1992), s’inscrit dans la logique impériale, procède de cette cosmogonie. En cela, il méconnaît l’aspiration des peuples européens qui ont connu la soumission à l’empire, et il ignore ce que fut l’histoire de l’Europe, celle de cette tension entre liberté et unité. Cette fameuse « construction » se fonde surtout sur trois contre-vérités doublées d’au moins deux ambiguïtés… En tout cas, sur trois postulats qui ne résistent pas à l’analyse. 1- L’Europe – sous-entendu : « façon intégrée » –, c’est la paix ! Jean Monnet disait en effet : « Faire l’Europe, c’est faire la paix ». Mais comme le remarque malicieusement Jean-Dominique Merchet, « c’est un peu l’histoire de la poule et de l’œuf : laquelle est à l’origine de l’autre ? L’Europe a-t-elle apporté la paix sur le continent ? Ou ne serait-ce pas plutôt le contraire, la paix qui aurait permis de construire l’Europe ? Ce ne sont pas là des débats de pure scolastique, ajoute-t-il. « Car si la paix est à l’origine de l’Europe, qui est à l’origine de la paix ? », (J.-D. MERCHET, Défense européenne, la grande illusion, coll. "à dire vrai", Larousse, 2009, p. 92) 2- Le nationalisme, c’est la guerre ! Mais le nationalisme ne se confond pas avec le sentiment national (première ambiguïté) qui est l’amour naturel que l’on porte à sa patrie : le patriotisme. Le nationalisme est au contraire un impérialisme (deuxième ambiguïté) et… « l’impérialisme, effectivement, ce peut être la guerre ». 3- Le temps des nations est fini ; advienne celui des grands ensembles. Ce serait là « le sens de l’histoire »… Faux, trois fois !… Faux d’abord parce que l’histoire, dans une perspective horizontale, hors la dimension eschatologique, n’a pas de sens. L’histoire est tragique. Faux encore parce que des Etats-nation de taille moyenne voire très petits, « tirent leur marrons du feu » (la Corée du sud avec 49 millions d’habitants, Singapour avec 5,5 millions d’habitants sur 720 km²,…). Faux enfin, parce que l’histoire du XXe siècle fut celle de la fin des grands empires (dislocation, démembrement, dissolution,…), notamment coloniaux. Le nombre des Etats membres des Nations-Unies (ONU) a pratiquement quadruplé entre sa création en 1944 et la fin du XXe siècle. Il n’en demeure pas moins, et là est le paradoxe, que l’empire, la tentation impériale, l’attraction pour la logique impériale sont de retour. Et dans le même temps, comme si l’Union européenne et ses Etats membres étaient atteints de schizophrénie, l’Union et ses Etats membres succombent « le cœur léger » à l’impérialisme d’outre atlantique. 5

Bertrand de VIVIES, op. cit., p. 94.

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« La France rêvera parfois d’empire, écrivait Philippe de Saint-Robert, mais elle s’occupera surtout, tout au long de son histoire, de ne pas succomber à l’empire des autres »6. Cette observation, juste s’agissant de la France, devient fausse quand on la rapporte à l’Union européenne, à tel point qu’il faut, pour ainsi dire, en inverser la conclusion : L’Union européenne ne s’est jamais occupée de ne pas succomber à l’empire des autres, ou d’un autre. D’où les deux chapitres suivants : - La tentation de penser l’Union européenne comme un empire européen (chapitre 1) - La résignation à faire de l’Union européenne un vassal de l’empire états-unien (chapitre 2)

CHAPITRE 1 : La tentation de penser l’Union européenne comme un empire européen… Il va s’agir dans un premier temps d’analyser l’Union européenne en montrant qu’effectivement elle peut être perçue comme un empire, qu’elle l’était même, fût-ce inconsciemment dans leur esprit, dès le temps des premiers bâtisseurs. Aujourd’hui encore, certains souhaitent toujours qu’elle en devienne un, voire la perçoivent déjà comme un empire, s’en félicitent ou se désolent qu’elle n’en soit pas encore véritablement un – un empire s’entend. Bref, il va s’agir de montrer qu’il y a un tropisme impérial dans le projet européen des bâtisseurs. D’où une première section intitulée : La manifestation du tropisme impérial dans le projet européen des bâtisseurs (Section 1). Il conviendra ensuite de confronter ce qu’est l’Union européenne aux caractères profonds et constants de l’empire, de tout empire, ou plus exactement, de confronter l’Union européenne à ce qui détermine la logique impériale. D’où une deuxième section intitulée : La vérification du tropisme impérial du projet européen des bâtisseurs (Section 2).

Section 1 : Les manifestations du tropisme impérial dans le projet européen des bâtisseurs Ce tropisme, cette attirance, est très tôt perceptible pour peu que l’on y prête attention. Très tôt ? Dès l’origine devrait-on dire même si certains bâtisseurs, à commencer par « l’Inspirateur » – Jean Monnet –, comme l’appelait le général de Gaulle n’en avait pas vraiment conscience : son ignorance ou sa connaissance peu approfondie de l’histoire l’explique en grande partie : il avait quitté les études à l’âge de 16 ans pour s’occuper de la commercialisation dans les pays anglo-saxons de l’excellent Cognac que produisait son père… En tout cas, il y a dès l’origine une tentation non assumée, ou par défaut. Cette tentation est en filigrane. Au début, de manière plus ou moins inconsciente quoique l’on crée le fameux Prix Charlemagne dès 1950, en souvenir de l’empereur… qui, du reste, ne voulait pas le devenir. C’est ce qui transparaît du projet initial qui s’est continué jusqu’à nos jours… Où l’on voit que les bâtisseurs du projet européen furent face à l’impasse démocratique (A). Bien plus qu’à l’origine, cette tentation est aujourd’hui davantage affichée, assumée même, par des politiques et des intellectuels à l’origine du renouveau de l’idée impériale (B). 6

Philippe de SAINT-ROBERT, « De Gaulle et la tradition historique de la France », in De Gaulle et ses témoins, éd. Bartillat, 1999, p. 120.

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A- Les bâtisseurs du projet européen face à l’impasse démocratique Où l’on reconnaît les traits de la logique impériale… Car nul empire ne fau jamais démocratique. Premier constat à faire : de la première communauté – la CECA instituée par le traité de Paris du 18 avril 1951 – à l’Union européenne, à aucun moment, l’ensemble des peuples des Etats associés n’ont été invités à délivrer un « permis de construire » (l’Europe) en bonne et due forme ; ils n’ont jamais été invités à y consentir explicitement à l’occasion d’un référendum, notamment. A l’époque, au tout début de la construction européenne, le général de Gaulle était bien seul quand il le préconisait. - Il indiquait alors (7 août 1949) que « le premier acte de sa création doit être un référendum »7. - Un peu plus tard (14 novembre 1949), il récidivait : « l’organisation de l’Europe est une chose énorme, extrêmement difficile et qui, à mon sens, implique un acte de foi populaire. Les institutions de l’Europe doivent naître des Européens, c’est -à-dire d’une manifestation démocratique du suffrage universel »8. - Il le répétait encore à la veille de l’entrée en vigueur du traité de Paris créant la CECA (6 juillet 1952) : « On ne fera pas l’Europe si on ne la fait pas avec les peuples et en les associant »9. Mais il n’a pas été écouté. C’est peu de le dire. Le projet européen ne sera démasqué que tardivement (1) tandis que l’impasse démocratique dans laquelle il fourvoie les peuples d’Europe ne sera jamais vraiment assumée (2). 1- Un projet européen qui s’avançait masqué, tardivement démasqué Les dirigeants des Etats européens ont fait le choix délibéré d’avancer masqués ; ils ont agi sans mandat explicite. Et ce n’est qu’une fois l’Union européenne instituée, soit plus de quarante ans après le début du « lancement du chantier », que l’on trouve l’aveu des intentions dissimulées dans la bouche ou sous la plume de protagonistes de premier plan (Jacques Delors, Hubert Védrine, José Manuel Barroso). - Jacques Delors qui dix ans durant fut président de la Commission européenne (1985-1994), eut l’honnêteté intellectuelle de l’admettre lors d’une conférence prononcée en la Cathédrale de Strasbourg, le 7 septembre 1999. Il qualifia alors le processus d’intégration européenne de « construction à l’allure technocratique et progressant sous l’égide d’une sorte de despotisme doux et éclairé »10, celui de réputés experts11.

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Charles de GAULLE, Communiqué (Conseil de Direction du R.P.F.) du 7 août 1949. Charles de GAULLE, Conférence de presse du 14 novembre 1949. 9 Charles de GAULLE, Allocution de Saint-Maur, 6 juillet 1952. 10 Cité par Axel TISSERAND, « L’impossible élection ? », Revue Les Epées, n° 22, 2007, p. 19. 11 Les experts sont très exactement ce qu’en dit Philippe de Saint-Robert : des gens qui « n’ont aucun sens politique, aucune préoccupation des finalités de leurs actions, aucune appréciation de leurs conséquences », (Ph. de SAINT-ROBERT, Le secret des jours. Une chronique sous la V è république, J.-C. Lattès, 1995, p. 343). 8

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- Hubert Védrine (Secrétaire général de l’Elysée lors du second septennat de François Mitterrand, Ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002) l’avait écrit avant lui lorsqu’il évoquait les réactions négatives de Valéry Giscard d’Estaing, Helmut Kohl et John Major 12, après l’annonce faite par François Mitterrand, le 3 juin 1992, de soumettre au référendum l’autorisation de ratifier le traité de Maëstricht. Il notait alors : « tout en déplorant en public le "déficit démocratique", ils savent pertinemment que l’édifice européen n’a pu être monté aussi haut, depuis 1951 et le "Pool Charbon-acier" jusqu’au sommet de Maastricht, que par des "despotes éclairés" convaincus au fond d’eux-mêmes de la justesse de leur cause » (sic). Et d’ajouter : « cela fait quarante ans qu’ils biaisent avec la question de la démocratie »13. On ne saurait mieux dire. Et c’est sans doute là ce qui caractérise le mieux l’intégration supranationale. On peut y voir la dernière métamorphose de l’Empire – la dernière expression en date de la logique impériale –, celle de la domination de plusieurs peuples par leurs propres élites coalisées pour exercer effectivement et collectivement cette forme renouvelée du « despotisme éclairé » comme on le disait déjà au XVIIIè siècle14. - Plus récemment, lors de la conférence de presse qu’il tint à Strasbourg le 10 juillet 2007, l’un des successeurs de Jacques Delors à la présidence de la Commission européenne, le Portugais José Manuel Barroso, sans doute à la recherche d’une formule appelée à faire date – comme le sont toutes celles qui cherchent à marier les contraires –, comparaît l’Union européenne à un empire 15. M. Barroso devait alors comparer l’Union européenne à ce qu’il appela le premier « empire non-impérial » (sic) comme il devait le préciser. Un empire d’un genre inédit et le seul de son espèce. Un empire édulcoré qui n’utilise pas la force des armes mais seulement celle de la propagande et du droit. > La propagande rebaptisée communication ou pédagogie ; > Le droit également… Un droit conventionnel certes – fondé sur les traités successivement ratifiés –, mais jurisprudentiel plus encore, qui pour se vouloir commun et l’être effectivement, ne cesse d’affirmer sa primauté absolue sur le droit des nations... et ainsi une verticalité toute impériale. 12

A l’époque, respectivement, ancien Président de la République française, Chancelier en exercice de la République fédérale d’Allemagne et Premier ministre en titre du Royaume-Uni. 13 Hubert VEDRINE, Les mondes de François Mitterrand, Fayard, 1996, p. 555. 14 Ce que ne dément pas l’attitude et les propos de l’actuel Président de la République Française qui oppose les soi-disant « progressistes » aux supposés « nationalistes » et/ou « populistes », bref, aux ploucs et autres demeurés : « ceux qui ne sont rien » !... Mais que sont les « progressistes » de nos jours ? « Pour certains, écrit Bérénice Levet, le mot "progressiste" reste auréolé des prestiges de l’émancipation, mais cet héritage a été trahi. Le progressiste est ce qui reste de l’homme de gauche lorsqu’il ne croit plus qu’en une chose : le culte de la nouveauté, du mouvement, la marche ou plutôt la fuite en avant, car peu importe où l’on va, l’essentiel est d’y aller, d’avancer et d’enterrer le passé. (…). L’émancipation reçoit une définition toute négative, elle se confond avec la déliaison, le déracinement, la désaffiliation », (B. LEVET, Le crépuscule des idoles progressistes, coll. Les essais, Stock, p. 28). 15 Remarquons incidemment que tous ceux – et ils sont nombreux – journalistes, politiques et même juristes qui filent volontiers la métaphore pour parler des membres de l’Union européenne en termes de « bons ou de mauvais élèves » s’inscrivent précisément dans la logique de l’empire. Le drame est qu’ils n’en sont même pas conscients. Il faut bien voir en effet que si les peuples nationaux et les Etats à travers lesquels ils accèdent à l’existence et à la reconnaissance internationales, devaient être comparables aux élèves d’une classe d’école, cela signifierait alors qu’ils ont nécessairement un « maître » à qui ils doivent obéissance. Chose inconcevable dans un concert de nations, où il n’y a que des égaux et où prévaut le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (v. infra), mais chose semble-t-il acceptable dans la supranationale construction qu’est l’Union européenne, où le sort des peuples semble d’être à la disposition d’un maître sans visage – le Système – qu’ils ne se sont pas même donné, faute d’y avoir tous et explicitement consentis.

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Or, la primauté du droit de l’Union – précédemment de la Communauté économique européenne – sur celui des nations, il faut le dire et le redire, est une assertion jurisprudentielle sans fondement textuel exprès, (V. CJCE, 15 juillet 1964,Costa c/ ENEL aff. 6/64, Rec., p. 1141 ; Michel CLAPIÉ, Manuel d’institutions européennes, op. cit., p. 339342). Il n’est pas indifférent de remarquer que le premier traité européen qui l’a consacrée expressis verbis – le traité établissant une Constitution pour l’Europe du 29 octobre 2004, (article I-7) –, n’a pu être ratifié faute du consentement de deux des peuples fondateurs de la construction communautaire, les peuples français et néerlandais en l’occurrence 16. Quant au traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, il le fait certes, mais « hors texte » – cf . la déclaration n° 17 annexée – et seulement par le détour du rappel de la jurisprudence passée. Un droit qui tire aussi sa force d’une espèce d’autojustification hors du temps historique et des réalités politiques. Une auto-justification « incontournable d’un point de vue logique », mais en même temps « incontrôlable d’un point de vue démocratique », comme l’affirme Armel Pécheul 17. Et pour cause, redisons-le, nul empire ne fut jamais démocratique ! Toujours est-il qu’en osant cette comparaison, José Manuel Barroso, peut-être à son insu, s’inscrivait dans le sillage d’un ancien ministre français des Affaires européennes, devenu Commissaire européen, Pierre Moscovici, qui en 1998, s’interrogeant sur la nature et la finalité de l’Union européenne, déclarait alors : « Ce que nous visons à construire ressemble fort à la quadrature du cercle : c’est un empire parmi les plus divers qui aient jamais été conçus, un empire d’un type nouveau »18. Ce discours est commode mais il est un peu court. Qu’est-ce en effet qu’un « empire non impérial » sinon un empire qui a, tout à la fois – ou, comme dirait l’autre, « en même temps » –, la prétention d’être et de ne pas être ; un empire dont la singularité est de nier le principe même qui le fait être ce qu’il est. Le fait est cependant que la subtile rhétorique dont il s’enveloppe ne saurait masquer que c’est bien la logique impériale qui l’inspire et nulle autre : c’est la perspective d’un ordre impérial qu’elle dessine à l’échelle de l’Euro...


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