13. Esclaves et dépendants PDF

Title 13. Esclaves et dépendants
Author Eloïne Cdie
Course Histoire antique
Institution Université Lumière-Lyon-II
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M. Boillet...


Description

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Esclaves et dépendants I.

Les dépendants et les « inférieurs ».

Les esclaves ne forment pas un bloc dont tous les membres auraient connu la même situation. Il existe beaucoup de statuts intermédiaires entre la liberté et la servitude complète. Ainsi, la catégorie des dépendants regroupe des statuts variés, dont on retiendra quelques exemples : hectémores et pelatai dans l’Athène spré-solonienne, hilotes et statuts voisins dans le Péloponnèse, laoi plus tard en Asie hellénistique. 1. L’hilotisme et les systèmes assimilés. C’est l’hilotisme et les statuts proches de l’hilotisme qui rassemblent le plus grand nombre de dépendants. L’origine des hilotes, à Sparte, est claire pour les hilotes messéniens : ce sont les habitants de cette région de l’Ouest de la Laconie qui ont été réduits à une servitude collective par la conquête spartiate, lors des deux guerres de Messénie. En ce qui concerne l’origine des hilotes laconiens, la question est plus complexe et n’est d’ailleurs pas résolue. A l’instar des esclaves à Athènes, à Sparte, les Hilotes sont largement plus nombreux que les citoyens et les périèques réunis ; selon Xénophon, Helléniques, III, 3, 5, lors de la révolte de Cinadon en 399, les conjurés estimaient qu’ils pouvaient compter sur 99% de la population face aux seuls Spartiates. Les données sont certainement exagérées ; Hérodote, pour la bataille de Platées en 479, indique pour sa part qu’un Spartiate qui combattait était acccompagné de 7 hilotes (IX, 28-29). Que sont les hilotes ? Les hilotes constituent une communauté qui vit dans la dépendance des citoyens spartiates, pour assurer l’exploitation de la terre civique au profit des citoyens ; chaque hilote est affecté au kléros, au lot de terre attribué à un citoyen, mais les hilotes sont propriété de l’Etat lacédémonien. C’est la raison pour laquelle ils ne peuvent ni être affranchis ni être vendus par le détenteur du kléros, mais seulement par l’Etat. Maltraités et méprisés, ils inspirent inquiétude aux citoyens, peu nombreux face à cette collectivité hilotique. Pourtant, au début du IVe siècle, lorsque le corps civique est très diminué, Sparte n’hésite pas à donner l’éducation militaire à certains hilotes, qui reçoivent alors un statut de libres appelés néodamodes. Des catégories semblables aux hilotes existent en Crète (les périèques, à ne pas confondre avec les périèques lacédémoniens qui sont des libres), en Thessalie (les pénestes, propriété de leurs maîtres), à Mégare ou à Argos. En pays colonial, des catégories de dépendants sont apparus après la fondation des colonies : elles sont formées d’indigènes, établis sur place lors de la conquête et collectivement soumis aux colons. On les appelle à Syracuse les Kyllyriens, à Byzance ce sont les Bithyniens. 2. Le quotidien à Sparte : la peur de la révolte des hilotes. L’intégration des hilotes à la sphère militaire est attestée tout au long du siècle, avec une accélération au cours de la guerre du Péloponnèse. D’ailleurs, à partir de 425, sont mentionnés les hilotes « hoplites » : ce sont par exemple les 700 envoyés en Thrace sous le commandement de Brasidas (Thucydide, IV, 80, 2). L’affranchissement des hilotes pour fait d’hoplitisme ne s’accompagne jamais pour autant de l’octroi des droits civiques liés à la naissance. Paradoxalement, alors qu’ils les arment parfois, les Spartiates vivent dans la crainte d’une révolte hilotique et ne se déplacent en conséquence qu’avec leur lance et, lorsqu’ils

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déposent leurs boucliers, ils prennent soin de démonter la poignée mobile pour rendre l’arme inefficace. Mais la révolte de Messénie, qui suit le séisme de 464, est plus un soulèvement national d’un peuple vaincu par les Spartiates lors des guerres de Messénie et désireux de reconstituer son Etat, qu’une révolte servile. On trouve des traces continues de mouvements de révolte au cours du siècle : peut-être déjà en 490 au moment de Marathon (Platon, Lois, III, 692 d et 698 d-c) ; entre 470 et 465 où le complot hilotique est attribué à Pausanias. La peur d’un soulèvement généralisé n’est donc pas seulement imaginaire. La clause de la paix de Nicias en 421 où les Athéniens s’engagent à aider les Spartiates contre une éventuelle révolte d’hilotes (Thucydide, V, 23, 3) en est la preuve la plus manifeste. De même que du rite de passage de la cryptie, représentant en quelque sorte la chasse sauvage par opposition au combat hoplitique. 3. Vers l’esclavage. A Athènes, existe une catégorie d’habitants, au début du VIe siècle, qui s’est endettée, par des emprunts de semence après de mauvaises récoltes ; incapables de rembourser, ils sont réduits par leurs créanciers à la situation d’hectémores (qui doivent une redevance d’un sixième de leur récolte) ou de pelatai ; lorsque leur situation s’aggrave, ils peuvent être vendus en esclavage pour rembourser leurs dettes. Solon a voulu faire disparaître cet esclavage pour dettes. Le code de Gortyne (fin du VIe siècle), en Crète, fait connaître aussi une servitude pour dettes. Dans les deux cas, ce sont des membres de la communauté qui ont été progressivement réduits à un état de servitude ; cet asservissement récent provoque la réaction de Solon qui en gomme tous les effets et interdit à l’avenir qu’une semblable situation puisse se reproduire.

II.

Les esclaves, indispensables à la vie grecque. 1. La place des esclaves dans la société grecque.

La possession d’un esclave est la possession d’un corps identifié à une force de travail. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs l’esclave finira par être désigné, au IVe siècle, par le simple terme de soma, corps. Ce fait majeur oppose ainsi fondamentalement les esclaves aux hommes libres, fussent-ils de misérables thètes, ouvriers salariés. En effet, la possession d’un esclave entre dans la définition de l’habitant libre du territoire, qui, pour être idéologique, dénote néanmoins clairement la perception de leur rôle comme facteur d’identité. On comprend donc aisément que la loi athénienne assure la poursuite du meurtrier de l’esclave, coupable, par l’homicide, d’avoir privé un propriétaire de son bien. Protéger les esclaves revient en fin de compte à en garantir la possession, en faisant en particulier respecter les règles de la propriété. De même, certains propriétaires d’esclaves suite à la fuite de certains d’entre eux, peuvent faire appel à un chasseur d’esclaves, le drapétagôgos. A l’époque classique (ce sera encore le cas à l’époque hellénistique), les esclaves constituent souvent la majorité de la population, surtout dans les cités où se sont développés le commerce et l’artisanat. La situation est différente dans les zones rurales où l’acquisition d’esclaves n’est guère possible, sauf par la guerre ou la razzia. Si l’on manque de recensement fiable pour la population, même pour une cité comme Athènes, on peut estimer la population servile plus nombreuse que l’ensemble des libres, citoyens,

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étrangers et métèques réunis : ainsi, si le nombre de 400 000 esclaves avancé par Démétrios de Phalère à la fin du IVe siècle est certainement excessif, l’existence de 150 000 esclaves est admissible. Même le monde utopique de la comédie n’arrive pas à inventer une société sans esclaves (Aristophane, Assemblée des Femmes, 651), sinon repoussée dans un temps mythique où les objets sont automatisés. 2. Un ordre plus qu’une classe. On est frappé, en observant l’histoire sociale des Etats de la Grèce antique, de l’absence presque complète de révoltes serviles violentes, comme en connaît l’Italie du Sud au temps de Spartacus (Ier s. a.C.). Certes, les Spartiates vivent dans la crainte d’une révolte de leurs hilotes, mais une cité menacée n’hésite pas à armer ses esclaves, solidaires de leurs maîtres, pour la sauver d’un siège : c’est d’ailleurs ce que préconise Xénophon, Poroi, IV, 41-42. La population servile n’a donc pas conscience de former une classe sociale dont la solidarité aurait pu permettre la libération. D’ailleurs, les esclaves relevaient de nombreux statut différents, dont l’un des plus communs est celui de l’esclave-marchandise. Ce terme s’applique aux esclaves, souvent barbares, qui ont été achetés par des maîtres particuliers. En réalité, l’origine des esclaves est assez diverse : viennent, d’abord, les prisonniers de guerre et les victimes de razzias, comme Eumée dans l’Odyssée ; les cités commerçantes ont, à partir du VIe siècle, acheté des esclaves plus nombreux en Thrace et dans le Pont-Euxin ; c’est d’abord Chios, puis les cités de l’Isthme de Corinthe, celles de la côte d’Asie Mineure, mais également Athènes et les cités coloniales. Quand les marchés d’esclaves sont mal approvisionnés, les prix montent et les maîtres ont intérêt à encourager la naissance d’enfants d’esclaves qu’ils élèvent et vendent ou utilisent (enfants nommés oikogeneis). Ceci étant, au Ve siècle, la grande majorité des esclaves provient d’achats sur le marché. Ainsi, à la fin du siècle, en 413, sur les 53 esclaves recensés lors de la vente des biens des Hermocopides, seulement 3 sont oikogeneis, nés à la maison. L’achat dépossède l’esclave de son statut antérieur qui est le plus souvent celui d’un homme libre, fait prisonnier lors d’une guerre ou capturé par des pirates. C’est ainsi que dès la première moitié du Ve siècle, les guerres « impérialistes » sont pourvoyeuses d’esclaves : la victoire de l’Eurymédon en 469 serait par exemple accompagnée de la capture de plus de 20 000 personnes (Diodore de Sicile, XI, 62, 1). Ou encore la répression organisée à Samos par les Athéniens au lendemain de leur victoire en 440 : les Athéniens imprimèrent sur le front de leurs captifs samiens la chouette,, symbole de la cité athénienne, en réponse à la proue samienne pour les prisonniers athéniens. Mais le renouvellement du groupe passe essentiellement par l’achat d’esclaves barbares ; à la fin du Ve siècle d’ailleurs, les termes Barbares et esclaves sont devenus synonymes. La situation de l’esclave peut être relativement satisfaisante (domestiques, ouvriers « qualifiés » qui peuvent travailler dans l’atelier confié par le maître) ou terrible (essentiellement pour ceux qui travaillent dans les mines). Les esclaves, quelle que soit leur situation au quotidien, ne peuvent avoir directement recours à aucune autorité légale : seul un tiers peut intervenir en leur nom, par exemple leur maître, le kurios. Ce qui explique d’une loi athénienne prévoit que le maître doit réparer les dommages causés par ses esclaves, dépourvus de personnalité juridique. L’espoir de libération enfin ne sourit qu’à une très faible minorité : l’affranchissement, le plus souvent après versement d’une somme par le bénéficiaire, donne à celui-ci le statut d’étranger. Quant au décret de Thrasybule de 403, accordant le droit de cité aux esclaves ayant combattu au Pirée dans les rangs des démocrates, il a été annulé par une action en illégalité.

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3. Le rôle économique des esclaves. Les activités des esclaves sont très diverses, d’une région à l’autre comme d’une période à l’autre. La porcher Eumée, dans l’Odyssée, qualifié de doulos, dispose de sa maison, est marié et possède des esclaves qui sont à son service. En général, les esclaves sont affectés aux travaux que les libres refusent d’accomplir : c’est ainsi qu’à Sparte, où les citoyens sont constamment retenus par le service armé de la cité, leurs hilotes assurent totalement les travaux agricoles et fournissent aux familles de citoyens les produits nécessaires à leur alimentation. Il en va autrement en Attique, où les petits propriétaires sont citoyens et exploitent eux-mêmes leurs terres ; à partir du début du Ve siècle néanmoins, ils emploient de plus en plus d’esclaves comme main-d’œuvre. De nombreux esclaves travaillent également dans les ateliers d’artisans : le père de Démosthène (au début du IVe siècle) lui a laissé deux ateliers (fabrique de couteaux et de lits) avec 53 esclaves. D’autres encore servent sur les navires et la cité emploie un millier d’esclaves publics, notamment les archers scythes chargés du maintien de l’ordre à l’Assemblée et aux tribunaux. D’autres, plus misérables, travaillent dans les mines, notamment celles de plomb argentifère du Laurion, où Nicias dispose, au IVe siècle également, d’une troupe de mille esclaves. La location d’esclaves dans les mines devient en effet un modèle d’exploitation ; dans ces mines de plomb argentifère, propriété de la polis qui distribue les concessions, assurant à l’Etat des revenus permanents et lui fournissant l’argent pour le monnayage, travaillent en effet des dizaines de milliers d’esclaves, le plus souvent loués par des particuliers. Location également à compter du milieu du Ve siècle, soit à l’Etat athénien pour ses grands chantiers, soit à des propriétaires d’ateliers de grande taille regroupant plus d’une centaine d’esclaves. Location qui en fin de compte contribue à l’accroissement des rapports marchands par la distribution à l’esclave d’un salaire, misthos, récupéré par le propriétaire. Certains aristocrates et nouveaux riches construisent ainsi leur fortune sur le travail servile dans les mines : tels Callias d’Alopékè et son fils Hipponikos. Le rôle économique des esclaves est donc indéniable. Aristote précise d’ailleurs (Politique, I, 4, 3) que « si les navettes tissaient d’elles-mêmes et les plectres pinçaient tout seuls la cithare, ni les chefs d’artisans n’auraient besoin d’ouvriers, ni les maîtres d’esclaves ». L’affirmation d’Aristote permet de rejeter l’idée d’un blocage des techniques provoqué par l’existence de l’esclavage. Les Grecs manquaient de certaines connaissances scientifiques et de certaines techniques indispensables à la vie économique (système de biellemanivelle) ; les ressources naturelles d’énergie étaient faibles (cours d’eau intermittents, bois peu abondant). L’esclavage apparaissait ainsi comme une nécessité. Il faut également préciser que l’esclave est souvent jugé indispensable à l’accomplissement des hommes libres, en leur procurant assez de temps libre pour gérer les affaires de leur cité. Il est d’ailleurs frappant d’observer le lien entre esclavage et démocratie dans l’Athènes du Ve siècle, de la même façon que le genre de vie du citoyen spartiate repose largement sur le travail des hilotes.

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Conclusion. Dans l’ensemble, l’évolution interne des cités est marquée par un accroissement du nombre des citoyens. Pourtant, ils demeurent toujours très largement minoritaires par rapport au nombre total de la population : environ de 10 à 20% dans le meilleur des cas. La variable décisive est alors le nombre d’esclaves, essentiels au développement économique de la cité (au même titre que les Hilotes à Sparte), au même titre que les étrangers résidents à Athènes, les métèques, en charge essentiellement des activités commerciales, voire artisanales. Mais la catégorie des citoyens est elle-même également diverse ; ainsi Aristote distingue-t-il les citoyens au sens restreint, i.e. ceux qui participent directement à la vie politique de la cité, et les citoyens au sens large, désignés par le terme astos (citoyen de souche), qui constituent davantage une communauté de sang et de culte plutôt qu’une communauté politique....


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