Commentaire d\'oeuvre : la mosaïque d\'Alexandre PDF

Title Commentaire d\'oeuvre : la mosaïque d\'Alexandre
Author Léa Rommelaëre
Course Histoire de l'art antique
Institution Université Toulouse-Jean-Jaurès
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Summary

Partiel de L2 Histoire de l'art : commentaire d'oeuvre sur la Mosaïque d'Alexandre ...


Description

ROMMELAËRE Léa N° étudiant : 21 70 65 60

UE HA00301V : ANTIQUE : INITIATION A L’ART ROMAIN Commentaire d’œuvre

https://www.museoarcheologiconapoli.it/en/room-and-sections-of-the-exhibition/mosaics/

La mosaïque étudiée est intitulée Mosaïque de la bataille d’Alexandre ou Mosaïque de la bataille d’Issos. On ne connaît pas l’artiste qui l’a réalisée1. Mesurant 5,82m par 3,13m en comptant le cadre qui l’entoure, elle représente un affrontement entre Alexandre le Grand et Darius, le roi de Perse, en novembre -333. La mosaïque du IIième siècle avant Jésus Christ se situe dans la maison dite du Faune, une des plus somptueuses et des plus vastes villas antiques de Pompéi avec ses trois mille mètres carrés, construite vers le IIième siècle avant notre ère. Les mosaïques et les fresques sont les seuls éléments de décoration de cette demeure. L’opus vermiculatum2 fut découvert le 24 Octobre 1831 et est actuellement conservé au Museo Archeologico Nazionale à Naples. C’est une mosaïque qui transcrit une peinture grecque aujourd’hui disparue. Nous allons voir en quoi cette œuvre s’inscrit dans le programme iconographique de l’époque. Pour cela, nous observerons à travers sa description et son analyse qu’elle relate un fait historique, puis qu’elle suit les canons artistiques. 1 2

Ada COHEN, The Alexander Mosaic, stories of victory and defeat, Cambridge, 1997. Henri STERN, Histoire de la mosaïque, Annuaires de l’Ecole pratique des hautes études, 1976. technique de mosaïque consistant à organiser les tesselles en lignes ondulantes

Satrius, le propriétaire riche et cultivé de la maison du Faune s’est offert une majestueuse villa avec atrium, impluvium, tablinium et cubicula, de nombreux espaces ouverts comme des jardins, des potagers, des vergers, des péristyles, des thermes et d’autres espaces de repos. C’est effectivement entre deux jardins que la mosaïque de la bataille d’Alexandre se trouve. Elle recouvre le sol de l’exèdre, une salle de réception. C’est une mosaïque de pavement, c’est à dire réalisée au sol comme un carrelage. L’œuvre est composée d’environ deux millions de tesselles de trois millimètres de coté chacune3. Les couleurs ont une dominante ocre, marron, beige et brun. Du noir et du rouge apparaissent aussi par endroits. La mosaïque est endommagée sur quasiment toute la moitié gauche et à quelques endroits de la moitié droite. Il manque donc certains éléments dans la description. La disposition en lignes ondulantes des tesselles montre qu’il s’agit d’une mosaïque en opus vermiculatum. Quand on observe cette mosaïque, la première impression qu’elle dégage est celle d’une scène de combat d’une grande violence. Le premier plan est composé du sol en terre battue ocre jonché d’objets relatifs à la guerre. On y voit des armes perdues, des épées laissées tombées et des lanières en cuir arrachées. Une bande marron monochrome précède le premier plan. Il pourrait s’agir de la représentation d’une scène de théâtre comme on en voit dans d’autres mosaïques de Pompéi : Médée méditant le meurtre de ses enfants, Thésée et le Minotaure ou bien les musiciens ambulants. Le second plan est celui qui montre la scène de bataille. A gauche, une partie manquante devait certainement représenter l’armée d’Alexandre le Grand, roi de Macédoine, derrière son souverain, en train d’attaquer et de briser les lignes ennemies. On ne voit désormais plus que le buste de ce dernier ainsi que la tête de son cheval. A droite, la mosaïque est plus complète et montre les rangs de Darius, roi de Perse. Alexandre apparaît en armure sur Bucéphale, son majestueux destrier brun. Il est de profil et regarde avec détermination son ennemi. Ses cheveux bouclés, bruns avec des mèches plus claires sont décoiffés par la vitesse de son cheval au galop. Son nez aquilin est assez proéminent bien que ses traits soient fins. Une barbe légère encadre son visage. Son armure sublime est d’une finesse incroyable. Blanche et rouge, la cuirasse ressort de la cohue. Sur la chlamyde pourpre, le visage de la Gorgone Méduse est réalisé. Son casque à la grecque et son bouclier sont au sol. L’épée est dans un baudrier en sautoir. Bucéphale regarde vers le bas et semble être au galop. Sa crinière est rejetée vers l’arrière à cause de la vitesse. Il est harnaché d’or et de cuir clair. A peu près au centre de la mosaïque, nous voyons des soldats armés dotés de l’équipement hoplitique. Des chevaux cabrent et menacent les perses de leurs sabots. Puis se tient Darius, avec son arc et son carquois. Dans une forêt de lances, le roi perse est sur son quadrige luxueux. Casqué et apprêté, il fait un geste du bras droit pour inciter ses hommes à attaquer ou bien à se replier. Son visage le montre en plein désarroi et en pleine confusion : il est désemparé. On peut lire la colère dans ses yeux. Il vient de se rendre compte que la bataille était perdue car Alexandre a brisé ses rangs et préfère donc éviter un massacre en s’avouant vaincu. Le mouvement de son manteau clair prouve ce changement de trajectoire 3

Gilles SAURON, Les décors privés des romains : dans l’intimité des maîtres du monde, Picard, 2002.

brutal. Le char écrase quelques hommes sur son passage, surpris de cet itinéraire soudain. L’aurige derrière Darius est en train de cravacher les chevaux afin que ce dernier soit mis en sécurité le plus vite possible : Alexandre tente de l’atteindre de sa lance mais c’est un des soldats perses qui se jette sur l’arme du macédonien et qui se sacrifie pour sauver son roi. Un autre soldat offre son destrier au souverain perse pour éventuellement lui permettre de s’enfuir avec. Tout l’intérêt de la scène est concentré sur le personnage du soldat sacrifié qui agonise. Il tient la lance qui le tue de sa main droite, crispée autour du manche dans un mouvement de survie qui semble vain. On peut également penser que la main tendue de Darius est destinée à ce soldat qui lui sauve la vie. Plus loin derrière, un autre perse est blessé mais bien qu’il ait la tête ensanglantée, il est encore sur ses jambes et combat en puisant dans ses dernières forces. Autour, les chevaux se lancent dans une course effrénée pour s’échapper au loin. Sur le coté droit de la mosaïque, c’est le chaos total. Les lances entremêlées le prouvent. Les rangs perses sont désordonnés depuis l’attaque d’Alexandre et fuient sans se soucier de quoi que ce soit. Des montures sans cavalier se ruent, des soldats effrayés voient l’ennemi se rapprocher. Les rangs rectilignes d’Alexandre contrastent violemment avec ceux rompus et désordonnés de Darius. L’arrière plan vide montre une atmosphère pesante et poussiéreuse due au piétinement de la terre battue par les guerriers. Le seul élément de décor de la scène est un arbre mort mais assez imposant situé juste derrière Alexandre le Grand. Un effet de profondeur et de perspective est donné par les repoussoirs : les croupes des chevaux au second plan sous entendent qu’ils sont tournés vers l’action, et par les lances alignées qui signifient des rangs serrés et déployés. Dans les rangs perses, la défaite est annoncée par une bannière dépourvue de son insigne, signe marquant de honte. Darius a abandonné son manteau, son bouclier et son arc dans son char. Un soldat admire avec effroi son reflet dans son bouclier. Il y observe un homme qui s’est battu avec hargne pour voir son roi fuir. L’identité perse est omniprésente. Outre les tenues des personnages : la tiare, le pantalon oriental : l’anaxuris, la tunique à manche : la kapiris, et le pardessus sans manches : l’épiblêma, ornés de matières luxueuses : or, pierres précieuses, broderies, bijoux, parures, d’autres éléments prouvent leur origine. Des griffons, animaux purement orientaux, ornent leurs armures. Darius, paraît désormais ridicule. Se tenant pourtant droit et dominant toute son armée vaincu, sa posture semble inadaptée pour un roi qui vient de voir sa famille entière se faire capturer. La scène est entourée d’un cadre mesurant quelques centimètres. Il s’agit de frises de lignes horizontales et verticales blanches et ocres entourées de part et d’autre d’un cerne plus foncé. Aux quatre angles se trouvent des motifs ronds qui pourraient ressembler à des roues ou des fleurs4. Cette bataille s’est déroulée en novembre -333 dans la plaine de Cilicie, en actuelle Turquie5. Elle se clôt sur la chute de Darius et de l’empire perse et sur l’entrée d’Alexandre blessé et de ses troupes dans la ville de Babylone6. Il s’agit de la seconde plus grande bataille gagnée par le macédonien. C’est une étape dans sa conquête de l’empire 4 5 6

Paolo MORENO, Apelle : la Bataille d’Alexandre, Milano, 2001 Encyclopédia Universalis, Bataille d’Issos. Jacques LE GOFF, Histoire et civilisations, tome 3 : la fin de l’Egypte antique, National Geographic, 2014.

achéménide. Dans certains textes antiques, il est mention d’un cours d’eau qui aurait séparé les deux camps7. Alexandre aurait impressionné son adversaire en prenant la décision de le traverser, donnant ainsi un indice sur l’issue de l’affrontement. Bien que l’armée d’Alexandre ne soit formée que de trente cinq mille soldats, elle s’est montrée davantage organisée et donc plus convaincante que les cent mille hommes de Darius. L’endroit de la bataille est stratégique : le lieu est trop étroit pour les perses qui ne peuvent donc pas se déployer. On situe cette bataille à Issos du fait de la présence du tronc d’arbre sec. En effet, selon la légende, c’est un arbre mort qui délimiterait l’orient de l’occident sur le site d’Issos. La mosaïque serait inspirée d’une œuvre peinte attribuée à Philoxène d’Erétrie datant du IVème siècle avant Jésus Christ, soit contemporaine du roi macédonien. Apelle8 pourrait également en être le peintre puisque l’on retrouve beaucoup de ses marques de fabrique sur la peinture en question. En effet, il était le seul peintre à avoir l’autorisation d’Alexandre le Grand de peindre son portrait. Ils étaient proches et le peintre était l’artiste officiel du roi. L’utilisation de seulement quatre couleurs était aussi l’une de ses caractéristiques. On pense qu’il s’agit d’une peinture réalisée sur commande du roi Cassandre9pour son palais à Pella. La réalisation de la mosaïque a été faite hors de la ville puis elle a été transportée jusqu’à Pompéi. Il y a quelques curiosités qui pourraient être expliquées par le fait que la pièce ait été séparée en deux parties pour le transport. Par exemple, une patte de cheval n’est reliée à aucun corps, une lance est séparée en deux ou bien un soldat a un visage étrange. Elle a donc été endommagée lors de son déplacement et de son installation, et les retouches qui ont été faites sont d’une qualité médiocre comparé au reste de la mosaïque. De plus, le tremblement de terre de -62 qui a forcé les pompéiens à abandonner certaines de leurs villas, a également abîmé la mosaïque10. Additionné au fait d’avoir été endommagée dès son arrivée et son installation dans la villa, la mosaïque s’est vue détériorée lors de la Seconde Guerre Mondiale11. En effet, en août et septembre 1943, les anglais et les canadiens bombardent Pompéi et ses trésors afin d’anéantir les troupes allemandes installées près du site. La maison du Faune est reconstruite dès 1945. Les murs sont remontés, les mosaïques et les fresques sont décollées pour être envoyées au Musée National de Naples. C’est une œuvre qui était placée au sol dans une salle de réception, sa fonction principale était donc de décorer, d’embellir l’espace qu’elle occupait mais aussi de montrer la richesse et la puissance de son propriétaire lors des regroupements qu’il organisait. L’habitant de la maison du Faune était très cultivé. Il a organisé les décors de sa maison autour des thèmes dionysiaques : les faunes, les ménades, les satyres, les panthères, les masques de théâtre… Or, Alexandre le Grand est souvent comparé à Dionysos. La présence de la Bataille d’Alexandre est donc tout à fait cohérente dans le programme décoratif de la villa12, d’autant plus que la bande monochrome au premier plan a été interprétée comme une scène de théâtre. 7 8 9 10 11 12

Quinte-Curce, Diodore de Sicile Paolo MORENO, Apelle : la Bataille d’Alexandre, Milano, 2001 Margarete BIEBER, Alexander the Great in Greek and Roman Art, Chicago, 1964. Pompéi, National Geographic, 2017. Pompéi, National Geographic, 2017. Pierre BRIANT, Alexandre le Grand, collection Que sais-je ? Presses Universitaires de France, 2016.

D’autres mosaïques sont visibles dans la Maison du Faune. En effet, Le satyre s’accouplant avec une ménade ou bien les colombes sur une boîte à bijoux sont également des opus vermiculatum réalisés avec beaucoup de soin et d’une grande qualité. Le memento mori réalisé dans le triclinium de la maison I 5,2 à Pompéi mesurant quarante-sept centimètres de long sur quarante et un centimètres de haut actuellement conservé au musée de Naples est lui aussi fait en opus vermiculatum13. Il représente un crâne humain posé sur une roue de charrette, le tout surmonté d’un encart de tissus pendus à des baguettes en bois. Les couleurs dominantes sont le bleu, le blanc, le noir, le brun et le rouge. Là aussi, on a l’impression qu’il s’agit de la copie d’une peinture car les jeux d’ombres et de lumière sont réalisés à la perfection comme on peut l’observer dans les cavités du crâne par exemple. Les musiciens ambulants, une mosaïque du IIIème siècle avant notre ère de quarante six centimètres de haut et de quarante huit de large réalisée par Dioscoride de Samos dans la Villa de Cicéron à Pompéi est également un magnifique exemple d’opus vermiculatum rendant magnifiquement bien les effets d’ombres et de lumière, les impressions de mouvement et les expressions du visage des personnages14. La bataille d’Alexandre est donc une œuvre majestueuse. La mosaïque a retranscrit par des millions de tesselles de verre une peinture représentant un moment de la conquête d’Alexandre. L’œuvre devient un emblème de la Maison du Faune et l’une des représentations les plus utilisées pour figurer le roi macédonien. Elle s’inscrit dans un programme iconographique lié au dieu Dionysos relatif à la villa, mais se démarque par sa taille imposante, par ses détails impressionnants, sa technique atypique, son rendu remarquable, mais aussi son histoire mouvementée. Cependant, de nombreux autres opus vermiculatum sont réalisés dans Pompéi et aux alentours. On représentait régulièrement des mythes et des évènements historiques en mosaïque à cette période de l’Histoire. La mosaïque de la Bataille d’Alexandre est un véritable chef d’œuvre dont GOETHE parle en ces termes : « Présent et futur ne réussiront jamais à faire un juste commentaire de cette merveille de l’art, et nous devons toujours revenir, après avoir étudié et expliqué, à la notion de merveille pure et simple. »

12 13 Jean-Marc IROLLO, Pompéi, l’antiquité retrouvée, Edition Place des Victoires, Chine, 2014. 14 Jean-Marc IROLLO, Pompéi, l’antiquité retrouvée, Edition Place des Victoires, Chine, 2014.

SOURCES :



Margarete BIEBER, Alexander the Great in Greek and Roman Art, Chicago, 1964.



Pierre BRIANT, Alexandre le Grand, collection Que sais-je ? Presses Universitaires de France, 2016.



Catalogue de l’exposition Pompéi, Petit Palais, 13 janvier au 25 mars 1973.



Catalogue de l’exposition Pompéi, un art de vivre, du 21 septembre 2011 au 12 février 2012 Gallimard, Musée Maillol, 2011.



Maria CATAPANO, La fortuna del mosaico di Alessandro, 1996.



Ada COHEN, The Alexander Mosaic, stories of victory and defeat, Cambridge, 1997.



Encyclopédia Universalis, Bataille d’Issos.



Jean-Marc IROLLO, Pompéi, l’antiquité retrouvée, Edition Place des Victoires, Chine, 2014.



Jacques LE GOFF, Histoire et civilisations, tome 3 : la fin de l’Egypte antique, National Geographic, 2014.



Alain MAHUZIER, Philoxénos d’Erétrie, Encyclopédia Universalis.



Paolo MORENO, Apelle : la Bataille d’Alexandre, Milano, 2001



Pompéi, National Geographic, 2017



Gilles SAURON, Les décors privés des romains : dans l’intimité des maîtres du monde, Picard, 2002.



Henri STERN, Histoire de la mosaïque, Annuaires de l’Ecole pratique des hautes études, 1976.



Mortimer WHEELER, l’art romain, Thames and Hudson, Paris, 1996....


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