Cours 5 - SOL1013 - Christoph Stamm PDF

Title Cours 5 - SOL1013 - Christoph Stamm
Course Sociologie générale
Institution Université de Montréal
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Christoph Stamm...


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Cours 5 (15 février 2021) Interactionnisme symbolique L’interactionnisme symbolique est une autre approche qui s’insère un peu dans le paradigme de l’action. On essaie d’y comprendre les motivations des actions des acteurs. L’accent est un peu moins mis sur les explications. En effet, c’est plutôt une approche qualitative pour laquelle l’observation en situation est essentielle. On peut penser un peu à l’observation participante ou même l’observation dissimulée (qui n’est plus pratiquée de nos jours). C’est l’étude des interactions face à face entre individus. On peut effectuer ces études dans différents contextes : école, travail, institut de santé mentale, contextes de hiérarchies sociales marquées ou non, etc. Cette approche se voit contre le behaviorisme radical. Ce dernier fait l’analogie avec le monde animal où une réponse au stimulus suit presque automatiquement le stimulus. L’interactionnisme symbolique considère plutôt qu’il y a un certain « élément médiateur » entre le stimulus et la réponse au stimulus, comme une certaine perception/analyse de la définition. En effet, les acteurs interprètent ce qui se passe et c’est seulement après cette interprétation qu’ils donnent une réponse. L’interactionnisme symbolique est d’avis que le moment essentiel du comportement humain est localisé dans la manière dont l’individu interprète la situation. C’est la signification que l’individu donne à la situation qui détermine la réponse, qui n’est pas une réponse automatique, comme on l’a mentionné plus tôt. L’approche de l’interactionnisme symbolique se voulait aussi comme étant différente du fonctionnalisme et de l’approche quantitative très en vogue dans l’après-guerre aux États-Unis. Certains auteurs qui s’insèrent dans l’approche de l’interactionnisme se voulaient même contre l’approche du fonctionnalisme, ou du moins, ils souhaitent proposer une alternative.

Conceptions de l’interactionnisme symbolique L’être humain vit dans un environnement symbolique et peut être « stimulé » dans ces actions par des symboles et communique lui-même par des symboles. Ces symboles correspondent à tout ce qui est véhiculé lors de la communication (langues, concepts et tout ce qui fait partie de la langue). L’apprentissage des symboles à lieu lors de la socialisation. « Le monde social est constamment créé et recréé par les interactions à travers des interprétations mutuelles suscitant un ajustement des acteurs les uns par rapport aux autres » (LeBreton, 2012). Ainsi, plusieurs chercheurs de cette approche s'intéressent à la socialisation, les différentes étapes de la socialisation et comment l'enfant apprend à s'orienter dans cet environnement symbolique. On retrouve, entre autres, les auteurs suivants sous cette approche :

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George Herbert Mead (1863-1931), Mind, Self, and Society Herbert Blumer (1900-1987) donne le nom au courant Erving Goffman (1922-1982), The Presentation of Self in Everyday Life Howard Becker (1928-), Outsiders

Goffman et le modèle dramaturgique des interactions Erving Goffman est un sociologue qui fait l’ensemble de sa carrière aux États-Unis. Il invente un modèle issu du théâtre afin d’analyser les actions issues du quotidien. Il écrit « La mise en scène de la vie quotidienne » (1956) sur le sujet, qui voit l’interaction face à face comme un « système social en miniature » qui agit comme un acte de représentation théâtrale. Selon lui, c’est la société qui se crée et se recrée lors des interactions en face à face. Son idée est donc de comparer le tout à une pièce de théâtre avec des acteurs. Nous jouons donc un certain rôle dans nos performances. Il définit l’interaction comme étant « l’influence réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions respectives lorsqu’ils sont en présence physique immédiate ». C'est donc vraiment le va-et-vient entre les interactions qui est important

28 pour lui. Il y a tout de même une certaine marge de manœuvre entre les acteurs, mais ils doivent quand même s'adapter pour ne pas faire de « rupture » entre les interactions. Il définit aussi la représentation comme étant « la totalité de l’activité d’une personne donnée pour influencer un des autres participants ». La personne qui est l'acteur fait une représentation pour essayer de paraître bien, de contrôler l’impression qu’elle laisse sur le public, pour essayer de dire qu'il y a une certaine normalité sociale et essaie de répondre aux attentes (si la personne veut bien jouer le jeu). Chaque individu est donc un acteur et un personnage : « L’acteur donne une expression de lui-même (son personnage) pour susciter une impression ». En tant qu'acteur, on choisit différents rôles ou personnages selon la situation. En face de l'acteur, il y a un public, mais les rôles peuvent toujours changer. Il y a aussi des observateurs, qui n'interviennent pas, mais qui observent l'action de loin. L'acteur peut aussi avoir des partenaires, être en équipe. Goffman définit le rôle ou la routine comme étant un modèle d’action préétabli que l’individu développe durant une représentation et qu’il peut utiliser lors de différentes occasions. Le rôle change d’une interaction à l’autre, selon le public. Ainsi, parent, fils de quelqu’un, travailler et étudiant peuvent être plusieurs rôles d’une même personne. Goffman mentionne tout de même le caractère semi-conscient de la mise en scène, mais insiste sur le fait que l’acteur garde ou retrouve une certaine réflexivité dans son rôle.

Goffman : l’analyse des techniques de représentation On réalise que, selon les cultures, les interactions peuvent être très différentes et on doit apprendre les nouveaux modèles d'action pour pouvoir devenir un bon public ou un bon acteur. Voici différents termes utilisés par Goffman : 

La façade: décor, vêtements, attributs physiques, façon de parler, mimiques, gestes.



Les régions: lieux qui déterminent certaines attentes face au comportement (région antérieure: où se déroule la représentation; région postérieure: la zone de coulisse, séparée du public). Un peu comme les régions qui délimitent la représentation.



Idéalisation: comportement qui souhaite donner une image valorisante.



Représentations frauduleuses: utilisation de moyens tels que le mensonge ou la dissimulation afin de se présenter comme quelque chose que l’acteur n’est pas.



Cohérence de l’expression: l’acteur cherche à éviter les maladresses pour ne pas « perdre la face ».



Fausse note lors de la représentation et échanges réparateurs : Une fausse note équivaut à une rupture. Les échanges réparateurs, quant à eux, sont des éléments qui permettent à l'acteur de retourner dans une situation interactive qui fonctionne. L'acteur peut s'excuser, le public peut accepter les excuses afin de pouvoir continuer avec l'échange.

Sociologie des réseaux sociaux En sociologie, les réseaux sociaux ne se limitent pas aux réseaux sociaux numériques. C'est une approche utilisée pour analyser différentes thématiques. On l’appelle aussi « l’approche relationnelle ». Un réseau social est :   

Constitué d'unités sociales et des relations que ces unités sociales entretiennent les unes avec les autres Unités individuelles ou organisations avec structures formelles. Les relations sont les interactions sociales qui peuvent prendre différentes formes et avoir différents contenus: communication verbale, gestuelle, physique, monétaire (échanges d’argent), bien, service, information, participation commune à des évènements, etc.

29 Avant de pouvoir parler d’un réseau social, il faut minimalement ce qu’on appelle une « triade » : un groupe de trois individus. Il est important de mentionner aussi que les unités sociales sont souvent des individus, mais qu’on peut aussi analyser un réseau d'entreprises ou d'organisations et analyser comment les organisations sont reliées entre-elles. On peut aussi tracer, par exemple, un réseau de citations mutuelles entre chercheurs. On définit l’analyse de ces réseaux comme suit : étude des relations et des régularités pour décrire les réseaux sociaux, rendre compte de leurs formations/transformations et analyser leurs effets sur les comportements individuels. Les objets de ces études ne sont pas les attributs des unités sociales (comme l’âge et la profession), mais plutôt leurs relations. La structure du réseau de relations émerge des interactions et, une fois mise en place, exerce une contrainte qui pèse sur les individus.

Analyse des réseaux sociaux : deux approches 

Réseau personnel ou égocentré: On commence avec une unité sociale, une personne individuelle, et on analyse son réseau. On peut commencer en analysant son capital social, le nombre de personnes que la personne connait. On peut ainsi analyser l'intensité de ses cercles (par exemple : réseau actif = 150 personnes, ce sont les personnes avec qui on a des interactions semirégulières). On étudiera aussi les formes de sociabilité de la personne ainsi que ses relations affinitaires. On peut, par exemple, analyser le soutien social dont bénéficie la personne (est-ce qu'il y a des personnes dans son réseau qui peuvent lui offrir du soutien)



Réseau complet (analyse structurale, théorie des graphs): C’est une analyse de l’ensemble des relations d’un groupe d’acteurs, c’est le chercheur trace les frontières de ce qu’il veut évaluer (classe d’école, organisation, village, communauté). On peut prendre, par exemple, les relations affectives dans un groupe ou la circulation de l’information dans une entreprise.

Exemples de réseaux personnels

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Pour l’étoile, on regarde juste les relations directement reliées à l'égo. Pour les zones, on regarde aussi les relations entre les relations. Le réseau A et le réseau B sont des (petits) exemples de zones d’égo plus complet.

Origines de l’analyse des réseaux sociaux Plusieurs auteurs s’inscrivent dans l’histoire des origines de l’analyse des réseaux sociaux. En voici quelques-uns : 

Georg Simmel, sociologue (1858-1918) o Approche relationnelle: la sociologie comme science des formes de l’action réciproque. o Il s'intéressait aux formes de réseaux: comment se forme une triade, quelles sont les interactions, etc.



Jacob Lévy Moreno, médecin (1889-1974) et Helen Hall Jennings, psychologue sociale (1905-1966) o Fondateurs de la sociométrie et du sociogramme: étude des relations entre les membres d’un groupe.



John Barnes, anthropologue (1918-2010) o “Class and Committees in a Norwegian Island Parish” (1954). o Le premier à utiliser le terme de « réseau social ».

Exemple d’un sociogramme On a ici un sociogramme provenant d’une étude faite sur une classe d’élèves de 11-12 ans. Les élèves avaient un critère à respecter : ils doivent dire à côté de qui ils aimeraient s’assoir, en faisant le choix entre deux personnes au maximum. On remarque ici que le groupe est séparé en deux, sauf deux traits qui traversent entre les groupes. En fait, on peut même identifier que les deux groupes représentent les garçons et les filles. Ça reste une étude très vieille (1934), mais on pourrait très probablement observer quelque chose de semblable dans le même groupe d’âge à notre époque.

Le problème du petit monde L’expérience du « petit monde » est une expérience menée par Stanley Milgram en 1957. Le nom de l’expérience vient de l’expression qu’on utilise quand on rencontre quelqu’un qu’on connait de près ou de loin un peu par hasard et qu’on dit « le monde est petit ». L’expérience a pour but d’évaluer l’existence et la longueur des chaînes de relation entre les individus dans une société. Un des résultats de l’expérience démontre que pratiquement tout le monde est relié avec n’importe quelle autre personne. On détermine le nombre d’intermédiaires comme étant d’environ 5 juste aux États-Unis (à l’époque).

31 À voir : un film documentaire de Vali Fugulin (2000) :  

« Vali Fugulin se lance sans filet à l'assaut de la théorie des six degrés de séparation selon laquelle il y aurait tout aux plus six personnes entre chaque habitant de la planète. » https://www.onf.ca/film/www_six_lemondeestpetit_ca/

La théorie de la force des liens faibles (Granovetter, 1973) C’est une théorie basée sur la difficulté de lier les interactions microsociales et les phénomènes macrosociaux. Selon cette théorie, c’est par le biais des réseaux que les interactions micro se traduisent par des phénomènes macro (et rétroaction). « Notre démarche consiste à choisir un aspect assez limité des interactions de faible échelle - à savoir, la force des liens interpersonnels – et à montrer alors comment l’analyse de réseaux permet de relier cette caractéristique des liens à des macrophénomènes très divers, comme par exemple la diffusion, la mobilité sociale, l’organisation politique et la cohésion sociale en général. » (Granovetter, 1973)

Comment évaluer la force d’un lien? Il existe différentes façons, combinaisons de différentes caractéristiques qu’on peut mesurer :    

La quantité de temps passé ensemble L’intensité émotionnelle L’intimité (confiance mutuelle) Services réciproques

Bien évidemment, ces différentes caractéristiques sont cumulatives, on peut donc en avoir plusieurs en même temps. Afin de simplifier le tout, il est important de noter qu’il existe bien plus que seulement des liens forts ou faibles; il y a plusieurs degrés d’intensité.

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L’homophilie et la transitivité  

Homophilie : les amis nous ressemblent. Transitivité de l’homophilie : les amis de nos amis nous ressemblent également.

En prenant en considération ces deux propriétés, il s’ensuit que les amis d’ ego se connaissent et qu’il y a des chances que ceux-ci deviennent également amis. On nomme cette relation la triade interdite.

Équilibre structural Dans les triades, un équilibre se crée pour éviter une dissonance cognitive (rationalité des comportements relationnels). Les relations dans une triade n'ont pas toutes le même pourcentage de possibilité, sinon il y a un problème de dissonance cognitive, donc certaines triades sont peu probables. Voici quelques exemples de triades :    

« Les amis de mes amis sont mes amis » « Les ennemis de mes amis sont mes ennemis » « Les amis de mes ennemis sont mes ennemis » « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis »

On dit d’une triade qu’elle est équilibrée quand le nombre de liens négatifs y est de 0 ou de 2. Il est beaucoup plus probable que mes amis soient eux-mêmes des amis (plutôt que des « ennemis »). L’homophilie, la transitivité et l’équilibre structural font que les cercles d’amis (et de parents proches) forment des cliques d’amis unis par des liens forts.

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Pont et pont local Un pont est un lien entre deux points dont l’absence augmenterait le nombre de composantes en « passage obligé ». Un pont est le seul lien entre deux sous-réseaux. (Exemple A des zones d'égo).

Dans les plus grands réseaux, il est rare qu'il y ait un pont. On y retrouve plutôt ce qu’on appelle un pont local, qui est le passage le plus court entre deux groupes, c'est un passage qu’on considère plus efficace. Quand on juge que les passages plus longs ne « fonctionnent » pas vraiment, alors on peut le prendre comme étant un pont au sens plus strict. Les ponts jouent un rôle essentiel dans la diffusion de l’information et ils apportent de nouvelles informations à des zones fermées. Un lien fort n’est jamais un pont, puisqu’un pont est toujours un lien faible (mais les liens faibles ne sont pas tous des ponts). On considère les triades comme étant généralement des liens forts.

Exemple de vrai pont

Exemple de pont local

Les ponts sont donc les liens faibles qui relient les groupes et qui font passer l’information. Les liens faibles servent donc à sortir d’un milieu afin d’accéder à des informations ou des contacts qui se trouvent dans un autre milieu.

La force des liens faibles et la recherche d’emploi Cette étude de Granovetter est faite dans une banlieue de Boston à l’aide de questionnaires et d’entretiens, ainsi que de cols blancs. Cette étude détermine que, lors de la recherche d’un nouvel emploi, 56% des emplois sont trouvés par relation personnelle. Les gens évaluent que la fréquence des contacts qu’ils ont avec la personne avec qui ils sont en relation pour leur nouvel emploi est distribuée de cette façon :   

Souvent : 16,7% Occasionnellement : 55,6% Rarement : 27,8 %

Cette étude obtient deux résultats assez intéressants :  

D’abord, on remarque que les liens faibles ont plutôt tendance à offrir des opportunités et une intégration dans la communauté, alors que; Les liens forts apportent plutôt des risques de fragmentation sociale.

Liens faibles permettent donc d'obtenir plus opportunités et sont essentiels dans une société. Bien sûr, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas de liens forts. Il faut simplement trouver un bon équilibre. On confirme partiellement les résultats de cette étude dans d’autres études : Langlois, 1977, Degenneet al. 1991.

34 En effet, on remarque que le réseau des relations professionnelles à tendance à s’agrandir avec l’âge. Pour les nouveaux emplois en tant qu’employé ou cadre, on confirme l’hypothèse de Granovetter comme quoi les liens faibles sont plus importants que les liens forts pour trouver des emplois dans ces domaines. Par contre, on remarque que les professions libérales (docteur.e.s, avocat.e.s) sont souvent le produit de liens forts (par exemple : les parents travaillent dans le milieu et trouvent des offres d’emploi pour leurs enfants). Pour ce qui est des jeunes ou des personnes peu qualifiées, la famille joue un rôle très important :   

Népotisme : lorsque la personne est embauchée dans l’entreprise paternelle. Caution : quand un autre membre de la famille est déjà un employé de l’entreprise et qu’il cautionne l’embauche de la personne. Intervention auprès de quelqu’un qui a de l’influence.

Théorie des trous structuraux (Ronald Burt, 1992) C’est une théorie qui cherche à déterminer une manière synthétique de rendre compte de la différence entre liens forts et liens faibles. Exemple: l’accès à certaines informations pour atteindre un but. Les informations « sont dans le réseau ». L’acteur doit solliciter d’autres acteurs de son réseau, ce qui implique que les résultats vont être différents selon la structure du réseau et la position de l’acteur. Il existe donc deux types de réseaux : un premier type avec aucun lien redondant et un deuxième type avec liens redondants.

Plus spécifiquement, dans cette image, le premier réseau correspond au premier type, et le deuxième réseau correspond au deuxième type. Ce deuxième réseau n’a qu’un seul lien non redondant, car on pourrait, par exemple, couper 2 liens sur 3 qui mènent à ego et rester tout de même connecter à A, B et C. Toutefois, en coupant certains liens, on obtiendrait ce que Burt nomme des trous structuraux. Ces derniers ont lieu en l’absence de lien redondant entre deux contacts d’ ego. L’ego devient alors le « courtier ». Deux choses sont donc à retenir ici :  

Augmenter le nombre de contacts, si ceux-ci sont redondants, ne change rien. Le capital social d’ego est d’autant plus grand que son réseau dispose de moins de redondance. En d’autres mots, le capital social d’une personne est plus important si son réseau est varié et pas entremêlé. On remarque justement la différence sur la prochaine image.

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Dans le cas de A, il est en position centrale et est indispensable au réseau. S’il coupe un lien avec une des trois triades, il n’a pas de chemin de « secours ». Dans le cas de B, même si on coupe un (ou même plusieurs) des liens qui le rattachent aux autres, il sera encore en contact avec tous les autres éléments du réseau. Il n’est donc pas indis...


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