Essais sur \"Le grand Meaulnes\"d\'Alain Fournier PDF

Title Essais sur \"Le grand Meaulnes\"d\'Alain Fournier
Course Littérature française de la Révolution à la 2e Guerre mondiale
Institution Université de Sherbrooke
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Summary

Travail sur "Le grand Meaulnes" d'Alain Fournier dans le cadre du cours d'Hugo Chavarie...


Description

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Jacques Rivière, en 1913, fait part à un de ses bons amis l’envie de voir écrit un roman d’aventures, qui serait haut en action et en rebondissement. Il faut savoir qu’au début du 20 e siècle, la littérature est surtout tournée vers l’intériorité des personnages. Les différentes quêtes se produisent au niveau de la pensée et de la morale, plutôt que de se dérouler dans le monde extérieur. Peut-être est-ce en réponse à cette demande que la même année, aux Éditions Émile Paul, Henri Ablan Fournier, ou plus communément appelé, Alain Fournier, publie la première version du Grand Meaulnes, un roman qui assurera son succès dans le milieu littéraire. Ce livre, fort en péripéties, satisfera la demande de son bon ami et comporte plusieurs qualités. Cela dit, ce roman est aussi intéressant, car il s’inscrit parfaitement dans un genre très apprécié du public dans les années 1920, soit celui du roman d’apprentissage. Dans ce travail, je tâcherai donc de prouver l’appartenance du Grand Meaulnes au roman d’apprentissage. La première partie du travail sera consacrée à la mise en place des caractéristiques de ce genre, et montrera en quoi, la quête amène également une évolution psychologique. La seconde partie abordera l’amitié qui, dans le roman, agit comme élément initiateur de la quête. Et finalement, la dernière partie abordera le thème récurrent du passage de l’adolescence à l’âge adulte, à l’aide d’exemple tiré de trois personnages, soit ceux de François, d’Augustin et de Mme De Galais. L’évolution psychologique à travers la quête chez Augustin Meaulnes Le roman d’apprentissage, ou roman initiatique comporte plusieurs caractéristiques génériques importantes. Dans Le Grand Meaulnes, on retrouve ces particularités. Généralement, les héros du roman d’apprentissage évoluent dans le milieu scolaire. Ils sont souvent de jeunes adolescents pour qui le rapport à l’Autre sera un élément de transformation. Il faut préciser, d’ailleurs, que le roman initiatique montre le récit d’une quête qui se double généralement d’une évolution psychologique du personnage. C’est d’ailleurs une des caractéristiques premières du roman Le Grand Meaulnes qui se veut être le récit de deux héros dont la quête créer un changement identitaire. Le personnage d’Augustin Meaulnes en est un bon exemple. Pour bien montrer l’évolution du personnage, je me concentrerai sur les scènes où il se trouve à l’école. C’est en l’opposant à ses camarades qui ne changent que très peu, qu’il est possible de marquer l’évolution de Meaulnes de façon concrète. Lorsque le récit débute, on ressent un certain décalage du personnage de Meaulnes vis-à-vis ses compagnons d’études qui font des jeux. Lorsqu’il fait son entrée à l’école, il y a autour de lui une sorte d’aura d’aventure qui fascine les

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autres étudiants. On dit que lui que « son air de voyageur fatigué, affamé, mais émerveillé [fait] passer en nous un étrange sentiment de plaisir et de curiosité.1» (p. 80) Cela marque bien la différence qui se construit entre ce personnage et ceux des étudiants de même âge qui sont plutôt décrits comme ayant « apporté un panier d’écureuils gelé […] [et] essayait […] d’accrocher par ses griffes, au poteau du préau, [cette] longue bête raidie… » (p.79) Cette action, très enfantine, vient s’opposer au personnage du grand Meaulnes. Cela dit, celui-ci tient encore un rôle important au sein de cette communauté étudiante et s’y intègre relativement bien. On ressent par contre un désir fort chez Augustin de partir à l’aventure, ce qui le mènera sans doute à voler des chevaux pour aller chercher les parents de M. Seurel. Ce n’est que lorsqu’il revient de son aventure au domaine mystérieux que l’on peut réellement constater l’évolution du personnage de Meaulnes. Après son escapade, sur laquelle je reviendrai plus tard, le faussé qui existe entre son personnage et celui des autres étudiants est réellement accentué. Dans le chapitre Le bohémien à l’école, un nouvel élève amène en classe des objets qui font l’envie de tous les jeunes garçons. Cela dit, Meaulnes, trop préoccupé par sa quête, ne participe pas cet échange et s’obstine à terminer son travail. (P. 151) Son refus de participer à cet événement montre un certain changement au niveau de la personnalité de Meaulnes. Voulant, dans les premiers chapitres, être aimé et respecté de tous, il est plutôt question, dans cette scène, d’un Augustin qui n’a que faire de ces petits jeux d’enfants. La quête qu’il mène pour retrouver le domaine perdu est jumelée d’une quête initiatique et c’est à ce moment que, dans le roman, on perçoit un premier changement au sein de sa personnalité. On peut remarquer que Meaulnes a changé, car il est confronté à un environnement qui, lui, n’a pas évolué du tout. En opposition à ses camarades, Meaulnes a une figure d’adulte qu’il n’avait pas au début du roman. C’est à la fin du roman qu’il est possible de constater qu’Augustin a grandi et est devenu un homme. Encore une fois, si on le compare au personnage de Jasmin Delouche, on réalise que sa quête l’a transformé sur le plan psychologique. Le personnage de Delouche reste encore un adolescent, malgré son âge, qu’on qualifie de « vieux petit gars qui disposait de trésors d’amusement qui consacraient sur nous sa supériorité. » (p. 202) Le caractère matérialiste du personnage renvoie à l’enfance, où plus tu as d’objets, plus tu as de chance d’avoir des amis. Contrairement à Meaulnes, qui, dans une lettre à François dépeint sa peine et lui dit qu’il est « dans une grande détresse » (p. 195), Delouche est 1 ALAIN-FOURNIER. Le Grand Meaulnes, Coll. « Classique », Paris, Éditions Le Livre de Poche, (1ère édition 1913) 2008, 300 p. Puisqu’il s’agit de l’analyse de cette œuvre en particulier, seul le numéro de page sera, à l’avenir, indiqué.

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préoccupé par les filles et par sa bicyclette. Cela montre l’important chemin qu’a fait Augustin, car au départ, il n’était pas si différent de ses camarades. On peut envisager que la quête qu’il s’est donné de retrouver la femme qu’il aime, est jumelé d’une quête identitaire qui le mène de l’adolescence à l’âge adulte. Le rôle de l’amitié chez François Seurel Une seconde caractéristique du roman d’apprentissage est le rapport à l’Autre qui agit comme instigateur du changement chez le héros, et qui entraîne normalement le début de la quête initiatique. Dans le cas du Grand Meaulnes, cet Autre prendra racine dans la notion de l’amitié. C’est en effet de l’amitié que s’enclenche la quête initiatique des personnages. Pour illustrer cette idée, je me pencherai sur la notion de l’amitié chez le personnage de François, pour qui le lien qui l’unit à Augustin sera le moteur de sa quête personnelle. Lorsque le récit débute, François est un garçon isolé, dû à un handicap, et relativement timide. C’est grâce à son amitié avec Meaulnes qu’il prendra son destin en main et entamera une aventure qui le mènera vers l’âge adulte. La première présence de ce pacte d’amitié se situe lorsque Meaulnes, revenu de son aventure mystérieuse, promet à François de l’attendre pour repartir à nouveau. À partir de ce moment, le personnage de François connait une évolution constante. C’est grâce à l’amitié de Meaulnes qu’il parviendra à surpasser certaines de ses craintes et à devenir un homme. On retrouve cette idée dès le second chapitre où François dit que « l’arrivée de Meaulnes, qui coïncida avec [sa] guérison, fut le commencement de [sa] vie. » (P. 63) Il faut également se rappeler qu’au début du roman, François est très dépendent. Cela s’illustre bien dans le troisième chapitre, car c’est à ce moment que François doit se faire désigner un compagnon pour aller chercher ses grands-parents. Il ne peut le faire seul et ne connait encore le sentiment d’autonomie qu’Augustin lui apportera. Son évolution est marquante dans le chapitre intitulé À la recherche du sentier perdu, où François doit longer la lisière d’une forêt. Dans les premiers chapitres, jamais il n’aurait été laissé seul, cela dit, grâce à Meaulnes, il prend confiance en ses capacités et ressent l’appel de l’aventure. Il dit que « toute la matinée, est à [lui] pour explorer la lisère du bois, l’endroit le plus caché du pays, pendant que [son] grand frère aussi est parti à la découverte. » (P.179) Il fait référence à Meaulnes qui est à Paris et ressent une connexion avec lui. L’amitié qui unit les deux garçons pousse François à accomplir des choses qu’il n’aurait pas su faire par le passé. François va connaître une évolution tant sur le plan physique que sur le plan psychologique. Ayant plutôt un regard d’enfant

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dans les premiers chapitres, François deviendra un adulte, et ce, grâce aux gestes qu’il pose par amitié pour Meaulnes. Cela se manifeste de façon beaucoup plus marquée dans la troisième partie du roman. Un exemple qui montre bien le changement de position du personnage de François est lorsque celui-ci rencontre Franz dans les bois et que ce dernier demande à voir Meaulnes pour qu’il l’accompagne dans sa quête pour retrouver Valentine. François, ayant en tête le bonheur de son ami avec sa nouvelle femme, répond qu’il ferait le message à Meaulnes et que d’ici un an, il aurait retrouvé la fiancée de Franz, alors qu’ « en disant ceci, [il] ne pensait non pas troubler les nouveaux époux, mais s’enquérir auprès de la tante Moinel et faire diligence [lui]-même pour trouver la jeune fille. » (P.250) Cela montre l’évolution de François dans l’optique où au début du roman, il n’aurait jamais eu la confiance nécessaire pour partir seul. Son amitié étant cependant le motif de cette quête, il n’hésite pas à se proposer pour remplir une promesse que son ami a faite. Son altruisme est donc un trait qui évolue dans le roman. Au final, il ne remplacera pas Augustin dans sa quête, mais il continuera d’évoluer par amitié pour celui-ci. Cela dit, l’amitié pour un second personnage fera en sorte que François se trouve grandi. Un lien très intime va se créer entre François et Mme de Galais. Cette relation deviendra profonde et François affirme que le « jour [où il aurait] peut-être épousé une autre jeune fille,[…] c’est à elle [qu’il] aurait confié la grande nouvelle secrète… » (p.274) C’est ce lien qui conduira François, lors de la mort de son amie, à prendre soin de l’enfant qui venait de l’être. Au nom de l’amitié, il prendra des responsabilités énormes, comme celle de veiller à ce que Yvonne soit proprement honorée après sa mort. On verra aussi se dessiner en lui les traits d’un père, lorsque pendant un an, il prend soin de la fille d’Augustin et D’Yvonne. Il dira lui-même, en parlant du bébé de ses amis, que « malgré cette sauvagerie [mort d’Yvonne], [elle] sera […] un peu mon enfant. » (p. 298) On peut donc voir, dans la trajectoire du personnage de François, que l’amitié a été, non seulement l’objet de sa quête, mais a également été l’instigatrice d’une transformation identitaire chez le personnage qui passera d’adolescent timide, à homme de valeur prêt à se sacrifier pour ses amis. Le passage de l’adolescence, à l’âge adulte : un thème récurrent La dernière caractéristique qui représente le genre du roman initiatique dans Le Grande Meaulnes est la présence récurrente du thème du passage de l’adolescence à l’âge adulte. Pour illustrer cette présence, je me pencherai sur le travail d’écriture de l’auteur qui rend bien compte de ce thème. Par l’écriture, donc pas les termes et expressions qu’Alain-Fournier emploie, il est

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possible de voir cette dualité entre adolescence et âge adulte. Grâce aux mots, l’auteur parvient à créer une séparation avec l’enfance. Par exemple, un passage illustre cette idée lorsque le grand Meaulnes, alors au domaine mystérieux, dit « [ravaler] d’un coup cette peine d’enfant. » (P. 129) Le domaine mystérieux, qui est d’ailleurs le lieu où Meaulnes devient peu à peu un adulte a pour effet de le placer dans une position dans laquelle il rejette son enfance. Étant un endroit où les enfants sont traités en adulte, Augustin se laisse emporter et prend part à cette société où il part dans une rêverie qui l’amène à s’imaginer « qu’il était dans sa propre maison, marié, un beau soir, et que cet être charmant et inconnu qui jouait du piano, près de lui, c’était sa femme. » (P.117) Pendant un bref instant, Augustin n’est plus un adolescent perdu, il est un homme adulte. Cela contraste avec une description que l’on retrouve de Deloche, dont l’auteur dit qu’« il faisait l’homme. » (P.83). Par ce portrait, l’auteur accentue le fait que Deloche joue à l’adulte, mais ne l’est pas réellement, ce qui contribue à accentuer cet âge mitoyen. Le thème du passage de l’adolescence à l’âge adulte se trouve également représenté à la perfection dans les descriptions faites de Mme de Galais. La façon dont elle est décrite montre que le personnage est situé à un âge mitigé. Elle n’est pas encore une femme, mais n’est pas non plus une fille. Elle a un « air à la fois si sérieux et si enfantin. » (p.235) On dit également d’elle qu’elle est « la plus grave des jeunes filles, la plus frêle des femmes. » (p. 212). Ces extraits démontrent en quoi le personnage d’Yvonne incarne l’idée même du passage d’un âge à l’autre. On la décrit comme étant dans un état intermédiaire, ce qui évoque, encore une fois, la thématique du passage. Finalement, le discours de François vient parfaitement appuyer la thématique énoncée plus haut. À plusieurs reprises, il soulèvera ce changement, en mettant en évidence la fin de sa jeunesse. Il le dit clairement lorsqu’Augustin quitte pour Paris et qu’il voit « dans cette vieille voiture, [son] adolescence [qui] venait de s’en aller pour toujours. » (P. 187) Par la suite, François deviendra un homme, petit à petit. Sa réflexion exprime clairement l’idée que les deux garçons sont à un âge de grands changements. La transformation est terminée lorsque le roman se termine. On peut voir que François, suite à sa quête, réalise que « [sa] jeunesse était finie. » (p. 264) et qu’il accepte donc son nouveau rôle d’adulte. *** Le grand Meaulnes peut, comme illustré ci-dessus, très bien s’inscrire dans le genre du roman d’apprentissage. De nombreuses caractéristiques particulières du genre peuvent être observées,

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comme la quête initiatique, le rôle de l’amitié comme instigateur de changement, ainsi que le thème très présent du passage de l’adolescence à l’âge adulte. Cela dit, ce roman pourrait être étudié sous de nombreux angles différents. À mon avis, il serait tout à fait intéressant de faire une étude sociologique de l’œuvre, pour voir comment le roman a été reçu et qu’est-ce qu’on en retient. On pourrait également se pencher sur le contexte que production, qui comme nous le savons, est intimement liée à la vie privée de l’auteur. Étudier le livre en relation avec la vie de l’auteur pourrait être un point de vue pertinent qui permettrait de mettre en lumière certains traits qui sont invisibles à la première lecture....


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