Histoires Grecques - Ulysse... EN Personne.... Time 12 2017 PDF

Title Histoires Grecques - Ulysse... EN Personne.... Time 12 2017
Author Oscar BARON
Course culture générale
Institution EDHEC Business School
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ULYSSE… EN PERSONNE… 1

Ulysse ? Qui c’est cet Ulysse ? Qu’est-ce que c’est que ce bonhomme ? C’est l’un de ces personnages qui, du fond des temps, est venu jusqu’à nous aujourd’hui parce qu’il est ce qu’on peut appeler un « héros » de la Grèce ancienne, l’un de ses personnages clefs. C’est le héros de l’Odyssée d’Homère… Ce mot, en français, Odyssée, est simplement le nom d’Ulysse. Ulysse, en grec, c’est Odusseús, par conséquent quand nous disons Odyssée, nous parlons à la fois d’Ulysse, Odusseús, et de ce retour d’Ulysse dans sa patrie, après dix ans d’errance, précédés des dix ans de combat au pied des murs de Troie que raconte l’autre grande épopée d’Homère : l’Iliade, du grec Ilion (Ίλιον), l’autre nom de la cité de Troie. Imaginez-vous que plus tard, trois ou quatre siècles après, au Ve siècle avant Jésus-Christ, à Athènes, tous les petits enfants qui allaient à l’école apprenaient par cœur les histoires d’Ulysse. Cela faisait partie des évidences. Ils connaissaient Ulysse comme s’il avait été leur copain. Comme un autre d’ailleurs, qui s’appelle Achille2, le grand héros de la guerre de Troie. Achille, c’est le guerrier par excellence, un type qui va mourir tout jeune parce qu’il n’a qu’une idée, c’est de se battre en combat singulier, sur le champ de bataille, à Troie3, où les Grecs sont venus faire une expédition pour prendre la ville. Lui, Achille, il a choisi, ce que les Grecs appelaient la belle mort. Il a choisi de mourir encore tout jeune, dans la fleur de l’âge, dans son maximum de vaillance et d’énergie, avec l’idée qu’en mourant ainsi au combat et en prouvant chaque jour, dans l’affrontement avec un autre grand guerrier, qu’il était le meilleur, qu’on ne faisait pas mieux comme héroïsme, comme courage, comme habilité aussi, au combat, 4 à la guerre. Et en faisant cela, il s’assurait une gloire immortelle, Kleos Aphthiton disaient les Grecs. Et donc aussi, disions-nous, la virilité, le courage, l’héroïsme…

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Ulysse (en grec ancien Ὀδυσσεύς / en latin Odusseús, Ulixes, puis par déformation Ulysses) est un des héros les plus célèbres de la mythologie grecque. Roi d'Ithaque, fils de Laërte et d'Anticlée, il est marié à Pénélope dont il a un fils, Télémaque. Il est célèbre pour sa métis (« intelligence rusée »), qui rend son conseil très apprécié dans la guerre de Troie à laquelle il participe. C'est encore par la métis qu'il se distingue dans le long périple qu'il connaît au retour de Troie, chanté par Homère dans son Odyssée. Chez le Pseudo-Apollodore, qui organise les récits de la mythologie grecque en un ensemble chronologique globalement cohérent, la mort d'Ulysse, annoncée par une prophétie, marque la fin de l'âge des héros. 2 Achille (en grec ancien Ἀχιλλεύς / Akhilleús) est un héros légendaire de la guerre de Troie, fils de Pélée, roi de Phthie en Thessalie, et de Thétis, une Néréide (nymphe marine). Sa mère le plonge dans le Styx, l'un des fleuves des Enfers, pour qu'il devienne invulnérable ; son talon, par lequel le tient Thétis, n'est pas trempé dans le fleuve et reste donc vulnérable. Il est éduqué par le centaure Chiron qui lui apprend les arts de la guerre, la musique et la médecine. Alors qu'il est encore adolescent, il choisit une vie courte, mais glorieuse, plutôt qu'une existence longue mais sans éclat. Caché par sa mère, qui veut l'empêcher de participer à la guerre de Troie, à la cour du roi Lycomède, le jeune homme est découvert par Ulysse et rejoint, avec son cousin Patrocle, l'expédition grecque. Lors de la dixième année du conflit, une querelle avec Agamemnon le pousse à quitter le combat : c'est la « colère d'Achille » chantée par l'Iliade. La mort de Patrocle le pousse à reprendre les armes pour affronter Hector, le meilleur des Troyens. Achille trouve la mort peu après l'avoir tué, atteint à la cheville par une flèche de Pâris guidée par le dieu Apollon. Achille est honoré comme un héros, voire comme un dieu par le monde grec. Beau, valeureux, champion d'une morale orgueilleuse de l'honneur, il incarne « l'idéal moral du parfait chevalier homérique. » (in Henri-Irénée Marrou, Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, Seuil, collection « Points », 1981, tome I « Le monde grec », p. 35.) 3 Troie (en grec ancien Τροία / Troía), aussi appelée Ilios (Ἴλιος) ou Ilion (Ίλιον), est une ancienne cité semilégendaire de Troade en Asie Mineure, située non loin de la mer Égée, à l'entrée de l'Hellespont. Mentionnée pour la première fois par Homère, elle est au centre de nombreuses légendes de la mythologie grecque, et notamment de la guerre de Troie à laquelle se rattachent les récits du Cycle troyen. 4 Gloire éternelle ou renommée impérissable : en grec Kleos Aphthiton, concept typique de la Grèce homérique.

2 Ulysse, c’est une autre paire de manche ! Il a ça aussi bien sûr : la virilité, le courage, l’héroïsme... C’est aussi un bon guerrier… Avec le casque, le plumet, la cuirasse, le bouclier, le javelot et le glaive... …Mais Ulysse, c’est surtout UN MALIN ! C’est un type incroyablement rusé. Il possède une qualité, qui s’appelle en grec la métis5, l’astuce, l’intelligence rusée. Cette astuce lui permet de se sortir d’affaire dans des situations où l’on peut penser qu’il est foutu. Il a tout contre lui, il se heurte à bien plus fort que lui et il trouve quand même le moyen, en malin, en rusé, en menteur, en fourbe, en dissimulant sa pensée, de trouver des astuces pour finalement l’emporter. Alors, cet Ulysse, à Troie, a déjà montré qu’il était un très bon guerrier mais - il se trouve aussi que, et ça, ça nous le rend plutôt sympathique - il n’avait pas tellement envie de partir à la guerre. Tous les Grecs se rassemblent pour faire cette expédition contre Troie ; on bat donc le rappel de tous les guerriers. Et par conséquent, on dit : « Il nous faut Ulysse ! » On envoie donc un vieux bonhomme, Nestor6, un personnage également héroïque mais vieux, sage, et qui sait bien parler, pour convaincre Ulysse de se joindre à l’expédition. Ulysse fait donc la guerre de Troie… Vous savez, ça dure longtemps, dix ans de guerre…, dix ans de siège…, et finalement Troie est prise. Hélas, les Grecs ne se contentent pas de prendre la ville et de gagner…, parce que quand les hommes font la guerre, ils sont toujours méchants et il leur arrive parfois de devenir fous ! Non seulement ils tuent tous les hommes, mais ils tuent les femmes, ils tuent même les enfants ! Ils se conduisent d’une façon souvent honteuse. Par exemple, il y a des temples où en principe on ne doit pas rentrer… Eh bien, ils entrent ! Ils arrachent les femmes et les enfants qui sont là et les emmènent comme esclaves. Bref, ils montrent que même les hommes, et les peuples qui sont civilisés, qui à bien des égards sont respectables, peuvent aussi perdre la tête quand la haine les habite et quand la guerre sévit. Et, nous-mêmes Français, nous savons cela puisqu’il nous est arrivé, dans certaines guerres coloniales par exemple, de nous comporter aussi parfois de façon scandaleuse, d’une façon que les Dieux grecs auraient condamnée, comme ils ont condamné les guerriers grecs. Donc, quand les Grecs repartent en bateau, ils ont la conscience lourde et les Dieux décident de les punir. Presque toute leur flotte est dispersée par des tempêtes. La plupart meurent. Et, Ulysse, lui, qui n’a pas été particulièrement affreux dans cette conquête de Troie, qui ne s’est pas illustré par sa cruauté, par la torture qu’il aurait infligée à ses ennemis, par le fait qu’il aurait tué des femmes ou des enfants et pas seulement des guerriers pour sauver sa vie, Ulysse est là, avec sa flottille… ; il est le roi d’une petite île, que vous connaissez au moins de nom et qui s’appelle Ithaque7.

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Métis (en grec ancien Μῆτις / Mễtis, littéralement « le conseil, la ruse ») est, dans la mythologie grecque archaïque, une Océanide, fille d'Océan et de Téthys. Elle est la personnification de la sagesse et de l'intelligence rusée. 6 Nestor, roi de Messénie, est le plus âgé et le plus sage des héros de la guerre de Troie. Ses conseils sont écoutés avec respect par tous. Dans l’Iliade et l’Odyssée il est le type même du vieillard encore vaillant sur le champ de bataille mais surtout écouté pour son expérience et ses conseils. C'est à lui que Ménélas demande conseil après l'enlèvement d'Hélène, et Nestor l'accompagne dans l'ensemble de la Grèce pour réunir les différents héros qui vont participer au conflit. Lui-même participe à la guerre avec un contingent de 90 navires. Il s'efforce aussi de ramener la concorde entre Achille et Agamemnon lors de la dispute entre les deux hommes. 7 Ithaque (en grec ancien Φεάκη ou Ιθάκη / Ithákē, en grec moderne Ιθάκη / Itháki, et Θιάκη / Thiáki pour les habitants de l'île) est une île de la mer Ionienne, à l'ouest de la Grèce continentale et au nord-est de Céphalonie. Elle fait partie de l'archipel des îles Ioniennes et compte près de 3 200 habitants pour une superficie de 96 km². Sa capitale est Vathy. D'après l’Odyssée d'Homère, Ulysse était le roi d'Ithaque, île qu'il retrouva après avoir erré en mer. C'est à Ithaque que sa femme Pénélope l'a attendu malgré des prétendants entreprenants comme Antinoos.

3 Ulysse part donc avec douze navires... Bien entendu, la navigation à cette époque n’est pas facile. Les bateaux n’aiment pas aller en pleine mer et n’ont pas vraiment de gouvernail. On gouverne avec une rame à l’arrière, on fait comme on peut, on bricole son retour... Comme il est naturel, de temps à autre, Ulysse essuie des tempêtes… Il descend sur les côtes de Thrace8 pour essayer de se ravitailler. Là, Ulysse et ses compagnons sont attaqués par les habitants du pays, ils perdent beaucoup de bateaux et d’hommes. Ils repartent et arrivent finalement au bout de la Grèce, à la pointe sud du Péloponnèse, à ce qu’on appelle le cap Malée9. Ce ne sont plus les eaux de Grèce, c’est déjà une mer plus vaste. Et quand ils passent le cap Malée, Ulysse se dit : « Ça y est ! L’affaire est dans le sac ». Il voit presque au loin les côtes de sa patrie, Ithaque, et il pense que tout est réglé. En fait, pas du tout !... À peine a-t-il passé le cap Mallet que, tout d’un coup, les Dieux, sans doute, déclenchent des orages, des ouragans, des espèces de lames épouvantables et pendant neuf jours de suite ce navire est entraîné… entraîné où ? Eh bien, écoutez, dans une espèce de monde, qui est un monde qui n’est plus le monde des hommes. Non seulement qui n’est plus le monde des Grecs, mais qui n’est plus un monde humain. Pourquoi ? Parce que, pour les Grecs, même s’ils sont ennemis, mêmes s’ils se battent, il y a des règles. Les hommes, Nous, qu’est-ce qu’on est pour les Grecs ? On est d’abord des hommes « mangeurs de pain » et « buveurs de vin ». Ça veut dire : on est des agriculteurs. Il y a des champs. Il y a des charrues. On cultive. Il y a des céréales et on mange le pain. Et, aussi, il y a des vignes qui sont cultivées. Ça n’est pas la terre sauvage. C’est la terre cultivée. Première chose donc, manger le pain, boire le vin, comme les hommes... Et, deuxièmement, les hommes reconnaissent les Dieux. Ils savent que tout n’est pas permis. Ils savent qu’il y a, au-dessus d’eux, des puissances qui les regardent, qui les observent, qui les jugent. Et par conséquent, si c’est à eux, les hommes, de décider de ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ils ne peuvent pas faire n’importe quoi. Et en particulier, il y a un point sur lequel tous les Grecs, tous les Troyens, tous les gens d’Asie Mineure, tous les gens de la Grèce continentale, de la Mer Noire, sont d’accord, c’est ce qu’on appelle l’hospitalité. Quand on est chez soi et qu’on voit arriver quelqu’un qu’on ne connaît pas, un étranger, quelqu’un d’autre, et qu’il vient vous demander appui, vous supplier de l’accueillir, alors la règle, c’est toujours qu’on l’accueille.

8 La Thrace (en grec ancien Θρᾴκη (Thrákê), en grec moderne Θράκη (Thráki), en bulgare Тракия (Trakiya), en turc Trakya) est une région de la péninsule balkanique partagée entre la Bulgarie (Thrace du nord), la Grèce (Thrace occidentale ou Thrace égéenne) et la Turquie (Thrace orientale). Elle doit son nom aux Thraces, peuple indo-européen qui occupait la région dans l'Antiquité. Selon la mythologie grecque, le dieu Dionysos et le héros Orphée en sont originaires. 9 Le cap Malée (en grec Ακρωτήριο Μαλέας, Akrotírio Maléas, ou Κάβο Μαλιάς, Kávo Maliás) est l'une des péninsules de l'extrémité méridionale du Péloponnèse, en Grèce. Il sépare le golfe de Laconie, dans la mer Ionienne, de la mer Égée. Il constitue le second point le plus au sud de la Grèce continentale, après le Ténare, à l'extrémité de la péninsule du Magne. Il est situé sur le territoire du nome de Laconie. Dans les temps anciens, le cap Maleas était sur une route maritime très fréquentée qui a perdu de son importance depuis l'ouverture du canal de Corinthe qui permet de traverser le Péloponnèse au lieu de le contourner. Dans la mythologie grecque, c'est aux abords du cap Malée qu'Ulysse, sur le chemin du retour dans sa patrie d'Ithaque a été pris dans une tempête et a dérivé vers le pays des Lotophages.

4 Et si on ne l’accueille pas, Zeus10, le plus grand des Dieux, Zeus, le protecteur des étrangers, Zeus l’Hospitalier, Zeus Xénios, disent les Grecs, ce Zeus est scandalisé !... Et, à partir du moment où ils ne sont plus dans ces eaux grecques, Ulysse et ses compagnons vont être dans un monde de fantasmagories où il n’y a plus d’hommes, proprement dit. Il n’y a plus de mangeurs de pain, de buveurs de vin et il n’y a plus de gens qui respectent l’hospitalité. Ou bien, on a faire à des espèces de Dieux, immortels, contrairement aux hommes qui sont d’abord mortels. On nait, on est un petit garçon ou une petite fille. On grandit, on est un adolescent, on devient un adulte et puis, on commence à ramollir… On devient vieillard, plus ou moins gâteux, affaibli, sans force, qui perd la tête. Ça, c’est la destinée des hommes. On monte, puis à un moment donné, on redescend !... Tandis que les Dieux - on les appelle les Immortels bienheureux - eux, ils ne sont pas dans le temps, ils n’ont pas à naître et ils n’ont pas non plus à mourir, ni à devenir plus grands. Ils sont ce qu’ils sont. Ils sont là et ils ne bougent plus. Et, bien entendu, les hommes se disent : « Eh ben, ceux-là, quand même !... Moi, j’arrive, puis je m’en irai. Je passe. Je suis simplement ce que les Grecs appellent un éphémère, ephếmeros (« qui ne dure qu’un jour »), comme les feuilles sur les arbres, qui tombent, et puis les autres qui viennent les remplacer. Tandis qu’eux, les Dieux, c’est du solide, c’est du costaud. Faut pas rigoler avec eux ! » Eh bien, dans cette espèce de monde où Ulysse est projeté, avec ses navires, c’est un monde où il y aura des gens de ce type, des Déesses Immortelles, dont je dirai tout à l’heure un mot, et les autres… Et les autres, c’est quoi ? Eh bien, c’est des gens qui ne sont pas franchement des hommes. Donc, lui, Ulysse, au fond, peut-être, pour expier le fait que ces Grecs n’ont pas su garder la mesure pendant cette guerre, qu’ils n’ont pas su se sentir proches de ceux-là mêmes qu’ils combattaient, qui étaient des ennemis, mais aussi des humains, des frères, Ulysse, lui, il va payer. Il est envoyé dans un monde, qui est la frontière de la nuit. Un monde où les puissances nocturnes, c’est-à-dire aux yeux des Grecs, tout ce qui s’appesantit sur nous, sont maîtresses. Et comment est-ce que ça se passe ? Au bout de neuf jours de tempêtes, Ulysse ne sait plus où il est. Avec ses navires, il aborde sur une côte qu’il ne connaît pas. Où est-ce qu’il est ? Il n’en sait rien... Il envoie trois de ses marins, pour se livrer à un travail d’exploration : « Allez voir où est-ce qu’on est, qui est-ce qui habite là, si ce sont des gens prêts à nous tuer ou si ce sont, au contraire, des gens qui vont nous ravitailler et nous aider ». Et, le pays où ils sont, s’appelle le pays des Lotophages11, étymologiquement les mangeurs de lotus. 12

Ce ne sont pas des mangeurs de pain, ce sont plus précisément des mangeurs de lôtos , qu’on traduit souvent à tort par lotus, le confondant fautivement avec le Nymphea lotus, le lotus du Nil. 10

Zeus (du grec ancien Ζεύς / Zeús) est le roi des dieux dans la mythologie grecque. Il règne sur le Ciel et a pour symboles l'aigle et le trait de foudre. Fils de Cronos et de Rhéa, il est marié à sa sœur Héra. Il est le père de plusieurs dieux et de très nombreux héros. La théogonie la plus consistante est celle recueillie par Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C.), contemporain d’Homère qui a aussi sa part d'invention. Zeus est apparenté à Jupiter dans la mythologie romaine. 11 Dans la mythologie grecque, les Lotophages (en grec ancien Λωτοφάγοι / Lôtophágoi) sont un peuple imaginaire cité dans l’Odyssée d'Homère. Les Lotophages, comme l'indique leur nom, sont des « mangeurs de lotus », une sorte de plante qui les rendait amorphes. Au cours de la deuxième étape de son périple après les Cicones, Ulysse envoie trois éclaireurs non armés reconnaître les lieux et prendre contact avec le prince éventuel qui règne en ces lieux afin de lui faire connaître l'identité des nouveaux arrivants ; mais, peine perdue, ces êtres humains ne vivent que de la cueillette des fruits de la nature : « Mais, à peine en chemin, mes envoyés se lient avec les Lotophages qui, loin de méditer le meurtre de nos gens, leur servent du lotos. Or, sitôt que l'un d'eux goûte à ces fruits de miel, il ne veut plus rentrer ni donner de nouvelles. » ( Odyssée, IX, 91-95, trad. Victor Bérard) 12 Le lotus, en grec λωτός, n'est pas une drogue, puisqu'Homère n'emploie pas le mot de Pharmakon, φάρµακον. Il s'agit bien d'une plante et elle est bien réelle, comme l'a démontré Alain Ballabriga (Les Fictions d'Homère. L'invention mythologique et cosmographique dans l'Odyssée, Paris, P.U.F. 1968). Une plante endémique pousse sur la côte, depuis la Tunisie jusqu'au Maroc, sous le nom de lôtos (nom trompeur qui crée la confusion avec le

5 Le lôtos, c’est une plante, et c’est une plante magique d’une certaine façon. Une plante qui, dès que vous l’avez mangée, vous fait tout oublier. Vous ne vous souvenez plus de rien, ni de qui vous êtes, ni des raisons pour lesquelles vous êtes là. Si vous voulez, ce monde où aborde Ulysse, c’est un monde qui est placé sous le signe de l’oubli 13. Alors, les trois gaillards arrivent là ; les Lotophages les reçoivent très gentiment : « Mais venez donc, vous allez bien boire un coup », etc. Et ils mangent le lôtos. Et, à peine le lôtos mangé, Pouf ! Ils ne se souviennent plus de rien ! Et, ils n’ont plus aucune envie de rentrer chez eux. Et quand ils retrouvent Ulysse, Ulysse leur dit : « Qu’est-ce que vous avez vu ? » « Lôtos, lôtos » « Ben quoi lôtos, lôtos ? » « Lôtos, lôtos » Ils ne se souviennent plus de rien ! Ulysse dit : « Bon, on rembarque ! » « Non, non, on reste là… » Ils n’ont plus de passé, ils n’ont plus d’avenir. Ils n’ont plus d’identité. Ils n’ont plus qu’une seule idée : on ne bouge plus ! On se met le derrière quelque part et on reste là ! Ulysse les prend par la peau du cou, Paf ! Il les refout dans les navires et en avant, ils repartent… Ils repartent et alors ils arrivent dès le lendemain soir, c’est la nuit, et c’est une nuit noire, pas le moindre rayon de soleil, mais pas de pluie non plus, pas de vent. Alors les types ont quitté les rames. Ils sont sur le bateau. Ils sont là, ils se demandent qu’est-ce qui se passe et le bateau avance tout seul. Il avance tout seul, c’est la houle, et en faisant avancer ce bateau, ils arrivent sur une île qu’ils n’avaient même pas vue. Tout d’un coup, le bateau fait un certain bruit, les bateaux devrais-je dire car ils sont plusieurs ; ça racle, et ils s’aperçoivent que le bateau est arrivé sur une grève, sur le sable... Bon, ils descendent de là. J’ai dit tout à l’heure que c’était les portes de l’oubli et bien maintenant c’est comme si les portes de la nuit, d’un monde nocturne, s’ouvraient devant eux et où ils ont été poussés tous seuls sans rien voir, sans rien comprendre, magiquement. Ils descendent. Ils sont sur un petit îlot, où rien ne pousse, aucune culture, pas de vignes, pas de céréales, des bois et des chèvres sauvages. Ils en tuent quelques-unes pour manger… Et le lendemain matin, quand le soleil se lève, ils aperçoivent une île plus g...


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