La perspective au service de la représentation : deux pionniers du Quattrocento : Masaccio et Uccello PDF

Title La perspective au service de la représentation : deux pionniers du Quattrocento : Masaccio et Uccello
Course Histoire de l'art
Institution Université de Strasbourg
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En quoi Masaccio et Uccello ont-ils initié la mise en œuvre d’un nouveau dispositif de représentation ? Comment la mise en œuvre de la perspective fait-elle évoluer la représentation dans la peinture ?
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Description

LA PERSPECTIVE AU SERVICE DE LA REPRÉSENTATION : DEUX PIONNIERS DU QUATTROCENTO : MASACCIO ET UCCELLO Introduction : À partir du XIVème, l’Italie va constituer le berceau de ce qui s’apparente à un bouleversement artistique. En effet, initié par Giotto, durant le Trecento (le XIVème siècle), ce bouleversement laisse présager une nouvelle conscience du monde et de l’homme, et dès lors un renouveau dans la représentation. Ce renouveau s’illustre particulièrement avec les prémices du recourt à la perspective notamment avec Giotto ou encore Ambrogio Lorenzetti. Mais c’est un siècle plus tard, que la perspective monofocale centralisée va complètement bouleverser les scènes de la représentation. C’est ce qu’on appelle le Quattrocento, un mouvement de la première renaissance qui commença à Florence, ville alors tenue par les Médicis. On peut dire que c’est avec la perspective, que l’art se détache de l’art byzantin avec l’acquisition d’une troisième dimension. Dans Histoire de peintures, Daniel Arasse évoque la perspective comme étant : «la construction de proportions harmonieuses à l’intérieur de la représentation en fonction de la distance, tout cela étant mesuré par rapport à la personne qui regarde, le spectateur ». Bien-sûr la perspective n’est pas apparue immédiatement, et n’est pas le fait d’une seule personne, toute on peut toutefois considérer Brunelleschi, notamment avec son expérience au baptistaire de Florence, et Alberti (qui a théorisé le concept dans son ouvrage De Pictura) comme les initiateurs, véritablement les inventeurs de cette révolution. Durant le Quattrocento de nombreuses recherches sont menées. Deux artistes explorent ce nouveau mode de représentation, et semble aller toujours plus loin dans leurs tentatives et leurs recherches : Masaccio et Uccello.

En quoi Masaccio et Uccello ont-ils initié la mise en œuvre d’un nouveau dispositif de représentation ? Comment la mise en œuvre de la perspective fait-elle évoluer la représentation dans la peinture ?

I.

La perspective, « une vision du monde commensurable à l’homme » (cf. Daniel Arasse) : le point de vue du spectateur

1) Naissance de la perspective -

Brunelleschi et son expérience de 1415 à la place San Giovanni à Florence. -explication de la démonstration avec la lentille, le miroir et la tavoletta- Il a démontré les

principes de la perspective irréelle, la perspectiva artificialis, qui permet de construire sur une surface plane l’image d’objets en volumes, par opposition avec la perspectiva naturalis qui désignait alors la science de l’optique. L’image du baptistère ici est peinte selon les règles de cette « perspective artificielle » et de la perspective dite « centrale » : c’est-à-dire qui suppose un seul point de vue, de fuite, correspondant ici au petit trou de la lentille.

Alberti est celui qui théorisa scientifiquement le principe de la perspective dans son De Pictura en 1435, en plein dans l’essor grandissant de la perspective, notamment à Florence. La peinture est « une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire ».

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2) Masaccio Né près d’Arezzo en 1401, il commença sa carrière extrêmement tôt : il déménagea à Florence alors qu’il avait 18 ans pour rentrer dans l’atelier de Bicci di Lorenzo où il côtoya Donatello, Brunelleschi… Il fut très actif et participa à de grands projets, mais il fut arrêté brutalement dans son élan par son décès prématuré à 27 ans lors d’un voyage à Rome. Il s’efforce de rendre la force expressive des visages dans ses œuvres, et sera un grand précurseur de la Première Renaissance et donc du début de l’ère de la perspective. Sa première œuvre connue est le triptyque de Saint-Juvénal, il avait 20 ans ; retable relativement traditionnel, dorures, vierge plus grande que les autres… Mais ébauche d’innovations : certaine profondeur dans l’espace, crosse des évêques convergent vers l’emplacement de l’autel et dirige œil du spectateur (ébauche de perspective ?).

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Ses deux œuvres majeures sont le cycle de fresques de la vie de Saint-Pierre à la chapelle Brancacci réalisé avec Masolino di Panicale (dont nous parlerons plus tard) et la fresque de La Trinité dans l’Eglise Santa Maria Novella de Florence.

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3) Trinité Fresque réalisée en 1425 à la cathédrale Santa Maria Novella. Considérée comme la première perspective aussi achevée. Avec cette œuvre de Masaccio on rentre de plainpied dans la Renaissance. Deux grandes parties : un autel et un sarcophage. Une des premières expressions picturales de l’ascension humaine vers le divin. Dimension très humaine par les proportions des corps qui sont cohérentes. Fresque truffée de symboles Personnages : sont échelonnés en profondeur et en hauteur selon leur importance. D’abord le squelette, puis les deux donateurs, puis Marie et Saint-Jean, puis le Christ et enfin Dieu le père. Toutefois les proportions restent naturelles, ce qui marque un détachement considérable par rapport aux anciennes techniques de représentation.

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II.

La perspective au service d’une symbolique « La perspective ça ne montre pas seulement, ça pense » , Hubert Damisch

a) La perspective au service d’une nouvelle image de l’homme

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Florence, avec Bruges, est le berceau de l’humanisme : dont on peut percevoir les prémices avec Dante et Giotto, l’homme assure une responsabilité dans l’histoire et dans la société ≠ fin d’une sorte de déterminisme mystique. Le Quattrocento instaure donc une nouvelle image de la destinée humaine : elle n’est plus seulement envisagée sub specie aeternitatis, du point de vue de l’éternité et de la métaphysique ; mais aussi sub specie humanitatis, du point de vue de l’homme luimême et de son devenir historique On peut voir dans la diffusion de la perspective une transformation humaniste qui s’opère.

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b)

La chapelle de Brancacci :

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La chapelle de Brancacci se trouve à Florence, dans l’église Santa Maria del Carmine . Haut lieu de l’art Florentin du Quattrocento, de nombreux artistes y ont exercé leurs talent : Filippino Lippi, Masolino ou encore Masaccio.

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À propos de Masaccio : « Il sut conserver de la tradition de Giotto ce qui était durable, les amples draperies, les gestes majestueux, les compositions frappantes, si bien qu'il réunit dans la petite chapelle Brancacci, au Carmine, ce que devait plus tard réunir Raphaël : la pensée du XIVe siècle et la science du XVe.» ÉMILE BERTAUX, article "Italie" de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Paris, Société anonyme de «La grande encyclopédie», [191-?]. Tome vingt-et-unième, p. 1113

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Adam et Ève qui ont enfreint les règles édictées par Dieu sont chassés du jardin d'Éden (Genèse, chapitres 2 et 3) menés par l'archange Michel chef de la milice déleste et divinité guide psychopompe, contrôlant les entrées et sorties au Paradis et en Enfer. Théorie picturale des mouvements du corps servant à faire comprendre les

mouvements de l’âme. Figures extrêmement expressives : les deux personnages viennent d’être chassés par Dieu, ils incarnent le désespoir. L’ange les chasse armé d’une épée et leur désigne le chemin (il gardera l’entrée de l’Eden dès lors). Masaccio représente une puissante dignité propre malgré le pathos de la scène 

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Adam et Ève chassés de l'Éden ( 1424-1425) :

La résurrection de Tabitha et la guérison de l’infirme :

Géométrisation de l’espace, visible par l’architecture. La rue, représenté en perspective précise, est bordée de maisons florentines généralement médiévales. Mais le splendide palais en pierre rustique ressemble Palazzo Vecchio dans la partie inférieure Dans résurrection de Tabitha, dans la fresque, on a même retrouvé le clou qu’avait utilisé Masaccio pour tirer les lignes de fuite se ses bâtiments



Le paiement du tribut

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Alors qu‘ils se trouvent dans la cité de Capharnaüm, le Christ et les apôtres sont abordés par un collecteur d’impôt. Il leur réclame le paiement de l’impôt du temple. Le Christ s'adresse alors à Pierre : « va à la mer, jette l'hameçon, tire le premier poisson qui montera ; puis, lui ouvrant la bouche, tu y trouveras un statère; prendsle et donne-le-leur pour moi et pour toi. » À droite, Masaccio a représenté Pierre

payant le tribut au collecteur d'impôt.

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Cette fresque illustre les trois moments d’un même épisode. Il y a donc unité de lieu, mais pas de temps. Un même espace englobe trois moments de l’épisode biblique. Le groupe central est mis en avant. En effet le point de fuite se trouve sur la gorge du Christ. Ils sont solidement plantés au sol (là ou souvent les figures gothiques donnaient une impression de flottement). L’effet de groupe donne un effet de dignitas. La gestuelle est très importante, ils occupent l’espace par leurs gestes. Leurs gestes, les mains aident à la lecture de l’image.

c) Dans la Trinité : usage moral du dispositif : -

La ligne d’horizon se trouvant au niveau des yeux du squelette s’il était debout : memento mori Pour Panofsky, la perspective est une forme symbolique : Avec la perspective, les hommes du temps construisent une représentation du monde ouvert à leur action et à leur intérêt. Le monde s’organise en fonction de la position du spectateur.

III. Nouvelle définition du champ de l’image Uccello 1) Uccello et la perspective -

Paolo Uccello né en 1397, donc a +/- même âge que Masaccio. Néanmoins sa carrière s’étendra d’avantage (forcément). Il débute dans les ateliers de Ghiberti dès l’âge de 10 ans. À la fois influencé par le gothique international (Gentile da Fabriano) et très intéressé aux nouveautés de ce qui sera la Première Renaissances (artistes du Quattrocento, Ghiberti, Donatello, Masolino, Brunelleschi…).

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Plusieurs sources +/- pertinentes. Dans Vies, Vasari rapporte plusieurs anecdotes du peintre dont cette phrase : « Oh quelle douce chose que cette perspective ». On observe dans son travail une fascination pour la géométrie, l’étude des formes... ; « perspective artificielle ».

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C’est avéré qu’il fit beaucoup d’expériences et d’études sur la perspective. Il s’est beaucoup penché sur la nature et la validité de la nouvelle méthode de représentation. Il étudie ses propres expériences sensibles et les compare à la peinture.

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Exemple de ce dessin d’Uccello. Il maîtrisait à merveille la perspective qui devient pour lui une passion, voire une obsession.

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Autre exemple : La prédelle Le miracle de l’hostie profanée, entre 1467-1469. Ici les deux premiers panneaux. Uccello utilise la perspective bifocale latérale qui permet de donner l’impression que les bâtiments « trouent le mur ». 2) La bataille de San Romano

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La bataille de San Romano opposa siennois et florentin en 1432, et Florence gagna Trois panneaux qui sont aujourd’hui séparés, mais ils étaient à l’origine commandés pour le palais Médicis en 1456.

1- Niccolo Mauruzi da Tolentino à la tête de ses troupes -

Uccello utilise ici deux perspectives différentes : le fond du tableau a une perspective « médiévale » avec ses divisions et son cloisonnement ; et le premier plan obéis à une perspective « fuyante » vers Niccolo Mauruzi da Tolentino. Attention focalisée vers le cavalier central, en outre lui seul semble garder une apparence humaine. Lances brisées constituants lignes de fuites

2. La contre-attaque décisive de Micheletto Attendolo da Cotignola -

Mouvement général de la droite vers la gauche, sensation d’accélération À gauche on distingue cinq lances qui s’abaissent progressivement, un enchevêtrement confus des cavaliers, mais seulement un cheval. Sentiment presque oppressant de masse. Dans les deux derniers panneaux, Uccello représente ces couvre-chefs : le mazzocchio, (dont nous allons reparler après). Dans le premier tableau on n’en distingue pas mais à la place il y a le couvre-chef du cavalier.

3.

La défaite du camp siennois illustrée par la mise hors de combat de Bernardino della Ciarda...


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