La représentation de la guerre dans \"Les Paravents\" PDF

Title La représentation de la guerre dans \"Les Paravents\"
Author Clara Dlp
Course Littérature XVIème : témoignage de la guerre
Institution Université Sorbonne Nouvelle
Pages 4
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Summary

La représentation de la guerre dans "Les Paravents"...


Description

La représentation de la guerre dans Les Paravents « Si ma dernière pièce n’est pas jouée en France, c’est que les français y découvriraient ce qui ne s’y trouve pas mais qu’ils croiraient y trouver : le problème de la guerre d’Algérie »  Légitimation de la présence de l’Algérie mais la trouve nulle et non avenue = une représentation piégée La pièce s’ancre dans une réalité sociologique et historique qui a manifestement marqué Genet (origine de la pièce point de départ = anecdote chez des amis du maçon algérien qui s’est fait piquer ses économies) : le statut précaire de la population arabe d’Algérie donne les prémisses du conflit. La présence de l’Algérie : on est informés de sa présence mais son nom n’est jamais mentionné dans les dialogues, une fois il est dit à propos du Cadi qu’il porte le « costume traditionnel algérien », qui rend la justice « sous un énorme Coran » Référent culturel avec le mariage, la rencontre de Saïd et Leïla a été faite sur le mode d’une transaction, selon la loi de l’offre et de la demande, poussé à son paroxysme. De plus le vol est considéré comme hautement honteux. La guerre comme référent historique : La progression de la pièce est en lien avec l’évolution du conflit : au début de la pièce, la guerre n’est pas encore installée. Lorsque les ouvriers agricoles incendient l’orangeraie au tableau 10, cela correspond à la radicalisation du mouvement contestataire et celui-ci s’oriente vers la guérilla. Au 2ème tableau, Habib, un ouvrier au service de Sir Harold, dit à Saïd « Il se passe des choses. Le pays a la chair de poule. » p.53 On a la même prémisse au tableau 7 lorsque le Cadi dit : « On dirait que tu t’affoles, que tu sens venir un temps où tout va changer » p.80 L’armée intervient au 11ème tableau et les actions terroristes sont rapportées au tableau 12. Sir Harold montre son amertume à l’égard de l’armée au tableau 10, sa réplique évoque les dissensions entre l’armée et la population européenne : « l’Armée s’amuse avec elle-même. Elle se préfère à tout…(Amer)…et surtout à vos roses » Au tableau 14 débute l’assimilation entre oppresseurs et oppressés : le Soldat arabe tient un discours qui ressemble à celui de l’armée française et qui annonce l’institutionnalisation du conflit : c’est à ce moment que la victoire semble être du côté des Arabes, le tableau précédent ayant montré la fuite du gendarme et de sa femme, de la Vamp, du fils de Sir Harold, l’assassinat de Pierre par la Mère. La guérilla est dépassée, ce que montre l’image des soldats Salem, Ahmed, Srir et Bachir qui sont « tous éclopés, ou défigurés » La figure symbolique du soldat anonyme vient la relayer : « on ne fait déjà plus la guerre pour le plaisir mais pour la gagner » Le propos, transformé, est dénoncée par Ommou au 11 ème tableau : « La guerre, l’amour ! ». Cette problématique est à la fin de la pièce, lorsque la victoire est confirmée, Saïd jugé et exécuté sur la place publique. La pièce étaient achevés avant la fin de la guerre : pour Genet, le théâtre ne peut se réduire à la transposition d’une réalité extérieure. La pièce développe une réflexion sur la révolution sans se soucier du cours de l’Histoire. Il dit dans L’Étrange mot D’… : « Chercher les origines du théâtre dans l’Histoire, et l’origine de l’Histoire dans le temps, c’est con. On perd son temps ».

La guerre d’Algérie n’est qu’un prétexte, un point de départ au geste théâtral car ce geste prend forme selon ses lois propres et la représentation n’est pas une chronique. La fiction : Il n’y a rien dans le titre qui permette d’établir un lien entre la pièce et la guerre, dont le premier titre était Les Mères. De plus, le dramaturge a fait des choix qui nous engagent à mettre en doute le statut de pièce de guerre. -

Hiérarchie dramaturgique entre les personnages : elle débute avec Saïd et la Mère, ils parlent du mariage et introduisent Leïla. Elle se ferme sur Saïd qui serait « dans une chanson », laissant là aussi de côté la guerre. Ce trio apparaît au spectateur comme le nerf de la pièce. La relation de Saïd et Leïla n’a aucun rapport direct avec la guerre (on le voit au tableau 11 dans la prison). Eux seuls n’iront pas chez les morts, indice de leur particularité. Seules la Mère et Leïla ont des longs monologues (le Lieutenant lui s’exprime en longues tirades) et cela leur donne de la consistance, consistance dont sont dépourvus les autres personnages. Ce sont enfin les 3 seuls personnages à agir véritablement. Les autres ne font que discourir, les morts commentent la scène, les actions des soldats ne sont pas représentées et celles des terroristes sont dessinées, alors que la Mère et Leïla aboient, crient, volent, se déplacent de lieux en lieux (le cimetière, la prison, la maison, la place du village, la forêt, le collecteur) contrairement aux autres personnages qui n’évoluent que dans un espace restreint. Enfin, Saïd commet l’acte de la plus haute importance dans la mythologie de Genet, la trahison.

 À ce titre, on peut dire que la guerre n’apparaît que comme une toile de fond nécessaire au développement du drame et des thèmes chers à Genet. -

Imprécision déterritorialisation de la guerre + temporelle : notables habillés en style de 1850, le nom de Taroudant qui est une ville marocaine, la présence d’un général de l’époque de Bugeaud

Transposition dramaturgique du conflit : On est tenté d’appeler la « guerre » un conflit, ce qui correspond à ce qu’on appelait pudiquement les « évènements d’Algérie ». On lit dans les commentaires du 13ème tableau : « la réalité historique ne doit se manifester que d’une façon lointaine, presque effacée ». La représentation du conflit est évitée et elle st ambiguë : On compte 5 morts liées au conflit sur scène : la petite communiante, Kadidja, le Général, le Lieutenant (morts par balles) et Pierre étranglé par la Mère. Or, le Général et le Lieutenant sont mort sans que le combat ne soit représenté et la mort de la petite communiante et celle de Pierre n’ont pas de rapport avec la guerre car la Mère n’appartient pas au camp des révoltés et Pierre n’est pas une figure importante ni dangereuse dans l’armée, la communiante n’a elle rien non plus d’un soldat. Quant à Kadidja, assassinée par le fils de Sir Harold, c’est une fois morte qu’elle pousse véritablement les Arabes à la révolte. La représentation qui ressort de toutes ces morts est celle des conséquences de la guerre et non son cœur : ainsi la représentation de la guerre d’Algérie est difficile à saisir pour l’imprécision dont on a déjà parlé et pour ce fait

là, que la guerre en elle-même n’est pas représentée de manière nette. Lorsque les Arabes rapportent sur scène le récit de leurs exactions, ca passe par le dessin, par le langage et les dessins peuvent être une façon d’éviter encore une fois le réalisme, les actes sont des dessins en acte : ainsi ce n’est qu’une fois la pièce terminée que le spectateur fait avec de manière certaine le rapprochement avec la guerre d’Algérie. La lecture polémique de la pièce comme transposition de cette guerre est beaucoup due à une vision historicisante qui est à la fois légitime et réductrice en tant qu’elle est unilatérale et dont a découlée la violence que l’on connaît. Le règne des images Cette violence est exaltée bien sûr d’une part par le rendu en un sens caricatural de l’armée française et de la population arabe. Mais la caricature sert pour Genet à une fin qui la dépasse. Par exemple au 10 ème tableau, Sir Harold dit : « et d’ailleurs, même si nous en avions le désir, comment ferions-nous, nous, la subtile distinction : un arabe voleur et un arabe non voleur ? Eux-mêmes, comment s’y prennent-ils ? Si un français me vole, ce Français est un voleur, mais si un Arabe me vole, il n’a pas changé : c’est un Arabe qui m’a volé, et rien de plus » p.115 : Genet met en scène un personnage Arabe qui contient tous les clichés de la métropole raciste, qu’est-ce qu’un arabe aux yeux de la France, et permet de renvoyer au public sa propre image, peu flatteuse, sans que le déroulement de la révolution y soit pour quelque chose. Cette image renvoyée au public n’est pas une satire mais une image profonde et c’est ce que dit Genet dans les commentaires du tableau 10 : « Sans être la caricature des colons, mais renvoyant au public une image profonde de lui-même (…) Les Arabes serviles et les Arabes incendiaires ayant la même fonction que Sir Harold et que Mr Blankensee » : ils ont la même fonction c’est-à-dire qu’ils renvoient à des images de fantasmes véhiculés par le pouvoir et l’asservissement, fantasmes qui appartiennent à la société dont fait parti le public. Dès lors, cette question de l’image devient très importante et l’enjeu du conflit s’est comme déplacé vers le domaine des images, comme un conflit, une guerre des images et de la Beauté, ce dont parlent les personnages du lieutenant et du général par exemple : p. 181 : « Ce n’est pas d’intelligence qu’il s’agit : mais de perpétuer une image qui a plus de dix siècles (…) et qui nous conduit tous, vous le savez, à la mort » p.182 : « Que les profils se renvoient des profils et que l’image que vous offrirez aux rebelles soit d’une si grande beauté, que leur image qu’ils ont d’eux ne pourra pas résister. Vaincue. Elle tombera en morceaux. Cassée » Le général dans le 13ème tableau : « Beauté, beauté, ciment pour nous mais pour eux aussi. Je me le demande, après 28 ans de service, si je n’avais pas admiré ma prestance dans une glace, est-ce que j’aurais eu assez de courage pour la défendre ? Si jamais, en face, il leur tombe un miroir entre les pattes » et le lieutenant répond p.188 : « J’ai donné l’ordre qu’on tire d’abord sur les glaces ». Cela rejoint notre idée selon laquelle l’enjeu de la pièce se situe au niveau de l’esthétique : dès lors on comprend mieux que Genet se soucie peu que ce soit la guerre d’Algérie ou tel personnage précisément puisque la guerre lui permet en fait de parler de l’antagonisme des images. Ce sont bien elles qui infléchissent le cours du conflit. On pourrait aussi parler du bordel en tant que lieu théâtral où se joue cette problématique de l’image. L’image de la pourriture fait de ce théâtre un théâtre subversif La famille des Orties concentre tous les éléments de pourriture, de crasse, de pouillerie, de laideur et ces éléments contaminent peu à peu les autres

personnages, et les européens : la femme du gendarme est menée comme un cheval au 13ème tableau et rejoint la Mère et Leïla dans la déshumanisation, Pierre est aidé par la Mère à vomir, jusqu’à la mention des troubles du ventre. Un théâtre métaphysique Le but du dramaturge n’est pas de dénoncer ni d’éclairer la guerre, d’où son refus du réalisme et toute implication politique ou donnée didactique. Genet ne veut pas éduquer son public ni faire de politique et se place en opposition par rapport à Brecht dont il fait railler une réplique par la bouche de Blankensee : « Dans une opérette allemande, je ne sais plus laquelle, j’ai entendu cette réplique : ‘Les choses appartiennent à ceux qui ont su les rendre meilleures’ Qui a rendu meilleures vos orangeraies, qui vos forêts et vos roses ? Mes rosiers c’est mon sang » La pièce de théâtre désignée sous le terme ici péjoratif d’opérette est Le Cercle de craie caucasien de Brecht, et une autre allusion est faite par le Cadi : « Les choses cessent d’appartenir à ceux qui ont su les rendre plus belles » : en passant de meilleures à belles, le message de Brecht a changé, Genet se fiche de l’éveil moral ou de la prise de conscience du spectateur : au théâtre, c’est l’esthétique seule qui règne. On pense à la réplique d’Ommou : « pour l’esthétique du décès » Dans Comment jouer le Balcon, pièce dont l’arrière plan est la guerre d’Espagne Genet dit : « que le mal sur la scène explose, nous montre nus, nous laisse hagards » « L’artiste n’a pas pour fonction de trouver la solution pratique des problèmes du mal. » Donc il n’y a pas de solution à lire dans Les Paravents et le propos est négatif dans le sens où les opprimés et les oppresseurs sont les mêmes et se rejoignent dans la mort. Aucune solution n’est esquissée pour le spectateur, sinon celle du mal dans le personnage de Saïd, en tout cas dans un cadre politique et historique. Un théâtre de la mort et la fête théâtrale Dans les lettres à Roger Blin, Genet écrit : « Si vous réalisez les Paravents, vous devez aller dans le sens de la fête unique, et très loin en elle. Tout doit être réuni afin de crever ce qui nous sépare des morts ». « Les pièces habituellement, diton, auraient un sens : pas celle-ci. C’est une fête dont les éléments sont disparates, elle n’est la célébration de rien » De même, les paravents crevés par les morts apparaissent comme l’illustration de l’acte qu’effectue la pièce toute entière. C’est chez les morts que les antagonismes s’effacent, la mort n’est pas quelque chose d’inquiétant dans les paravents, au contraire les personnages rient beaucoup, elle participe de cette idée de fête, tel que Saïd le dit p.25 : « Et pour une seconde, le vent qui s’arrête pile, qu’il regarde, la fête est là »...


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