La représentation de la guerre dans \"Les Paravents\" de Jean Genet PDF

Title La représentation de la guerre dans \"Les Paravents\" de Jean Genet
Author Clara Dlp
Course Littérature XVIème : témoignage de la guerre
Institution Université Sorbonne Nouvelle
Pages 5
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Summary

La représentation de la guerre dans "Les Paravents" de Jean Genet ...


Description

Les Paravents est montée au Théâtre de l’Odéon par Roger Blin en avril 1966 et a provoqué un scandale dès la première représentation. Certains critiques n’y ont vu qu’une atteinte à la morale et une insulte à l’armée. Si la pièce a suscité de vives réactions, André Malraux, alors ministre de la culture a calmé cette discorde en rappelant : « quiconque a lu cette pièce sait très bien qu’elle n’est pas anti-française. Elle est antihumaine, antitout ! ». Genet a lui, dit dans un entretien « Si ma dernière pièce n’est pas jouée en France, c’est que les français y découvriraient ce qui ne s’y trouve pas mais qu’ils croiraient y trouver : le problème de la guerre d’Algérie ». Ce qu’il nous dit, c’est que penser à la guerre d’Algérie est légitime mais qu’il s’agit d’une mauvaise lecture. Ainsi, il s’agirait d’une représentation piégée. Nous sommes en effet informés, par divers référents culturels et historiques de la présence de l’Algérie mais son nom n’est jamais mentionné dans les dialogues. Mais il semble que le propos des Paravents, comme l’œuvre de Genet, ne soit pas politique ni idéologique mais plutôt esthétique. L’image même de la guerre est irreprésentable. Son lien à la mort, au sexuel, au viscéral relève de ce qui est hors de la skènè, c’est à dire obscène. De fait parler de la dramaturgie de la guerre revient à parler de la dramaturgie de l’obscène, de quelque chose qui dépasse la représentation. Le théâtre ne peut se réduire à la transposition d’une réalité extérieure. Genet dit dans L’Étrange mot D’… : « Chercher les origines du théâtre dans l’Histoire, et l’origine de l’Histoire dans le temps, c’est con. On perd son temps ». La pièce, achevée avant la fin de la guerre, développe une réflexion sur la révolution sans se soucier du cours de l’Histoire. La guerre d’Algérie n’est qu’un prétexte, un point de départ au geste théâtral car ce geste prend forme selon ses lois propres et la représentation n’est pas une chronique. La colonisation et ses acteurs sont évidemment mis en cause sur un mode brutal et clownesque. Genet crée un monde où les valeurs sont inversées, où, comme le dit Hugo « le comique est de l’ordre du laid ». Nous nous attacherons à montrer en quoi la lecture unilatérale des Paravents comme pièce de guerre est mal avenue afin de montrer qu’il s’agit bien d’un théâtre profond qui réunit et abolit les antagonismes. En quoi cette représentation est-elle piégée ? Tout d’abord, l’étude du cadre spatio-temporel ainsi que de plusieurs indices dramaturgiques montrent que nous ne pouvons pas caractériser de manière unanime Les Paravents de pièce de guerre. Toutefois, le conflit algérien et les problématiques inhérentes à la guerre sont présents. Finalement, la pièce ainsi que les propos de Genet elle mettent au jour le fait que la guerre est une toile de fond nécessaire à l’avènement de son théâtre de la mort et de la fête, qui dissout les antagonismes. *** I.

Un cadre spatio-temporel et des indices qui ne permettent pas de caractériser de manière unanime les Paravents de pièce de guerre

1. Un espace indistinct On lit dans les commentaires du 13ème tableau : « la réalité historique ne doit se manifester que d’une façon lointaine, presque effacée ». Un flou temporel : notables habillés en style de 1850, le nom de Taroudant qui est une ville marocaine, la présence d’un général de l’époque de Bugeaud (gouverneur d’Algérie de 1840 à 1847). Il n’y a pas de champ de bataille défini, mais plein de lieux différents, en somme tous les lieux qui puissent accueillir des combats. Genet a investi cet espace invisible : dans le onzième tableau, le Lieutenant dit : « ils nous attendent derrière la casbah » puis « On va essayer de les bloquer entre la casbah et le cimetière » (pp. 136-137). Dans le quatorzième tableau, Malika dira pour l’autre camp : « Je reconnais que là-haut sur les collines, ils savent travailler » (p. 197). La situation locale de l’affrontement crée un espace dans l’imaginaire du spectateur. C’est par le visuel que Genet matérialise cette situation : il n’y a plus de repère spatiaux : la 1 ère borne indiquait précisément : « Aïn-Sophar : 4km » et au tableau XIII « une borne réelle sur laquelle on ne peut rien lire ». On peut peut-être voir dans cette utilisation de l’espace invisible un moyen de digérer l’obscène que constitue la représentation de la guerre, de faire sentir sa présence en même temps qu’elle n’y est pas.

2. Il n’y a rien dans le titre qui permette d’établir un lien entre la pièce et la guerre, dont le premier titre était Les Mères. De plus, le dramaturge a fait des choix qui nous engagent à mettre en doute le statut de pièce de guerre. La pièce débute avec Saïd et la Mère, ils parlent du mariage et introduisent Leïla, et se referme sur Saïd qui est « dans une chanson », ces deux choix laissent de côté la guerre. Ce trio apparaît en effet au spectateur comme le nerf de la pièce, ces personnages ont des particularités : La relation de Saïd et Leïla n’a aucun rapport direct avec la guerre (on le voit au tableau 11 dans la prison). Eux seuls n’iront pas chez les morts, indice de leur particularité. Seules la Mère et Leïla ont des longs monologues (le Lieutenant lui s’exprime en longues tirades) et cela leur donne de la consistance, consistance dont sont dépourvus les autres personnages. Ce sont enfin les 3 seuls personnages à agir véritablement. Les autres ne font que discourir, les morts commentent la scène, les actions des soldats ne sont pas représentées et celles des terroristes sont dessinées, alors que la Mère et Leïla aboient, crient, volent, se déplacent de lieux en lieux (le cimetière, la prison, la maison, la place du village, la forêt, le collecteur) contrairement aux autres personnages qui n’évoluent que dans un espace restreint. Enfin, Saïd commet l’acte de la plus haute importance dans la mythologie de Genet, la trahison. À ce titre, on peut dire que la guerre n’apparaît que comme une toile de fond nécessaire au développement du drame et des thèmes chers à Genet. Saïd et les autres se définissent « en creux » par rapport aux valeurs guerrières et à leur modèle d’héroïsme et aussi parce qu’ils n’ont pas de qualités, parce qu’ils n’ont rien et ne sont rien. 3. La représentation du conflit est évitée et elle est ambiguë On compte 5 morts liées au conflit sur scène : la petite communiante, Kadidja, le Général, le Lieutenant (morts par balles) et Pierre étranglé par la Mère. Or, le Général et le Lieutenant sont mort sans que le combat ne soit représenté. La mort de la petite communiante et celle de Pierre n’ont pas de rapport avec la guerre car la Mère n’appartient pas au camp des révoltés et Pierre n ’est pas une figure importante dans l’armée. Quant à Kadidja, assassinée par le fils de Sir Harold, c’est seulement une fois morte qu’elle pousse véritablement les Arabes à la révolte. La représentation qui ressort de toutes ces morts est celle des conséquences du conflit et non son « moteur » : la représentation de la guerre d’Algérie est difficile à saisir pour toutes ces imprécisions et ces détours. Lorsque les Arabes rapportent sur scène le récit en dessin de leurs exactions, ce moyen peut être considéré comme une façon d’éviter encore une fois le réalisme, les actes sont des dessins en acte. La lecture polémique de la pièce comme transposition de cette guerre est due à une vision historicisante qui est à la fois légitime et réductrice. II.

Toutefois, le conflit algérien est largement présent 1. La progression de la pièce suit celle de la guerre d’Algérie

Au début de la pièce, la guerre n’est pas encore installée. Lorsque les ouvriers agricoles incendient l’orangeraie au tableau 10, cela correspond à la radicalisation du mouvement contestataire lorqu’il s’oriente vers la guérilla. Au 2ème tableau, Habib, un ouvrier au service de Sir Harold, dit à Saïd « Il se passe des choses. Le pays a la chair de poule. » p.53 On a la même prémisse au tableau 7 lorsque le Cadi dit : « On dirait que tu t’affoles, que tu sens venir un temps où tout va changer » p.80 L’armée intervient au 11ème tableau et les actions terroristes sont rapportées au tableau 12. Sir Harold montre son amertume à l’égard de l’armée au tableau 10, sa réplique évoque les dissensions entre l’armée et la population européenne : « l’Armée s’amuse avec elle-même. Elle se préfère à tout…(Amer)…et surtout à vos roses ». Au tableau 14 débute l’assimilation entre oppresseurs et oppressés : le Soldat arabe tient un discours qui ressemble à celui de l’armée française et Ommou, l’âme de l’insurrection, qui rend hommage à Saïd accuse les révolutionnaires d’adopter, quand ils sont en position de force, la même attitude que les colons, dont ils auraient incorporé l’image : c’est au tableau 14 p. 203 : « Parce que vous autres, vous en êtes déjà au stade de la tenue, de la

discipline, des jolies marches et des bras nus, des parades et de la mort héroïque en chantant Madelon, Marseillaise et la beauté guerrière ». Cela annonce l’institutionnalisation du conflit : c’est au moment que la victoire semble être du côté des Arabes, le tableau précédent ayant montré la fuite du gendarme et de sa femme, de la Vamp, du fils de Sir Harold, l’assassinat de Pierre par la Mère. La guérilla est ensuite dépassée, ce que montre l’image des soldats Salem, Ahmed, Srir et Bachir qui sont « tous éclopés, ou défigurés ». La figure symbolique du soldat anonyme vient la relayer : « on ne fait déjà plus la guerre pour le plaisir mais pour la gagner » Le propos, est dénoncé par Ommou au 11ème tableau : « La guerre, l’amour ! ». Cette problématique est à la fin de la pièce, lorsque la victoire est confirmée, Saïd jugé et exécuté sur la place publique. 2. Les problématiques inhérentes à celle du conflit sont présentes : la déterritorialisation Selon Deleuze et Guattari, les hommes ne se définissent ni par leur être profond ni par leurs relations familiales, mais par leur absence de territoire et leur trajectoire. L’homme ère dans un espace « ouvert et multidirectionnel ». Cette déterritorialisation est perceptible au niveau de l’agencement scénique ainsi qu’au niveau des personnages qui sont constamment sortis de leur ancrage. La consistance des personnages est en fuite (ne serait-ce que parce que les mêmes acteurs jouent des rôles différents). Les hommes sont nomades, sans ancrage, en marche dans le désert dès le début et par la suite où Saïd et Leïla mangeront les chardons et les pierres. Exemple : « moi, je sais depuis mon enfance que j’appartiens – par les filles peut-être, et Saïd par moi – à la famille des Orties. Près des ruines, mêlés aux tessons » : Cette dénomination vient du monologue de la Mère pour signaler l’affinité de sa famille avec ce qui est sans territoire, vagabond. La maison de la mère évoquée au premier tableau est le symbole de ce « rien », avec la répétition du verbe « passer » : « nous y vivions, dormions, dans ce tambour, comme au grand jour, qui laissait passer notre vie à travers des planches pourries où passaient nos sons, nos bruits » p..22. Cette maison sans ancrage amène les personnages à errer sur les routes. Dans le deuxième mouvement du monologue, la Mère s’oppose à cet ancrage terrien qui inclut le nom et les valeurs héroïques, elle n’en a pas besoin et une certaine force en ressort : « vous croyez m’avoir parce que vous avez mis le feu à mon taudis, ma poubelle » dit-elle qu’avec ses « deux avantbras de lutteur », elle est capable de « couper en deux la mer Rouge » et d’« arranger un chemin pour le Pharaon » 3. Le rapport de force instable entre les colons et les arabes, un rapport qui se renverse Commentaire du deuxième tableau : « Le légionnaire, comme tous les soldats et tous les européens, sera très grand, monté sur des semelles et des talons de vingt ou trente centimètres. Épaules très larges. Uniforme très ajusté et très soigné. Maquillage du visage : bleu, blanc, rouge. Quatrième tableau : « lui aussi doit avoir un physique très caricatural : épais cheveux roux, grosse moustache très dure, menton rouge » : hautement ridicule aux yeux du spectateur, tout comme Mr. Blankensee qui porte un coussinet sur les fesses pour se donner de la prestance. Les personnages sont clownesques, incapables d’évolution, qui tendent vers une image caricaturale qu’ils veulent incarner parfaitement. « il sera très grand et les arabes auront le dos courbé. Ils marcheront pieds nus, parleront d’une voix fragile, qui se brise par instant », les Arabes rampent, sont agiles : ils sont prisonniers de l’image que leur inflige les Blancs et sont rabaissés : p.102 « On est venus chez vous avec la civilisation et vous continuez à vivre en vagabonds. Même pas sous les ponts ! Au pieds des ruines. » La mère entraîne le gendarme dans une joute verbale burlesque : la maîtrise du langage dont les colons sont censés faire preuve ne permet plus de garder le pouvoir. Scène du rire partagé entre le gendarme, Leïla et la Mère lorsqu’ils passent du « vous » au « tu » : sans s’en rendre compte immédiatement, le gendarme s’est fait avoir et passe pendant un court moment, du côté, ou du moins sympathise avec ceux qu’il abhorre, ou qu’il est censé, par on statut, abhorrer. Le gendarme tient à garder le « vous » pour garder sa supériorité, il est un peu provocateur à le rapport de force, par l’humour, s’adoucit mais c’est une stratégie pour Leïla

pour ne pas être. Le rire désarme le gendarme. à le gendarme se ressaisit. Significatif des rapports de force entre colons et arabes mais aussi significatifs des rapports humains en ce qu’ils se rejoignent dans le rire. p.99 L’image des colons vacille lorsque qu’éclate l’insurrection et Genet transpose la misérable image que renvoyaient les Arabes. Mr. Blankensee se rend compte que son gant géant ne fait plus peur. Quand les colons sont en fuite, ils apparaissent loqueteux : les habits de Sir Harold sont en lambeaux, l’uniforme du gendarme est déchiré et couvert de boue, le lieutenant est boiteux : ils ressemblent dans leur posture aux Arabes. De plus, Genet fait porter au Gendarme la même valise vide et rouge que celle que portait la Mère au tableau I, significatif du renversement des rapports de force. Aussi, la famille des Orties qui concentre tous les éléments de pourriture, de crasse, de pouillerie, de laideur contamine peu à peu les autres personnages, et les européens : la femme du gendarme est menée comme un cheval au 13ème tableau et rejoint la Mère et Leïla dans la déshumanisation, Pierre est aidé par la Mère à vomir, jusqu’à la mention des troubles du ventre. Si la violence ressort grâce aux caricatures de l’armée française et de la population arabe, la caricature sert à une fin qui la dépasse. III.

Un théâtre métaphysique et non didactique

1. Le conflit algérien est une toile de fond nécessaire à l’avènement de la guerre des images On peut lire dans les commentaires du tableau 10 : « Sans être la caricature des colons, mais renvoyant au public une image profonde de lui-même (…) Les Arabes serviles et les Arabes incendiaires ayant la même fonction que Sir Harold et que Mr Blankensee » : ils ont la même fonction c’est-à-dire qu’ils renvoient des images exacerbées, fantasmatiques, du pouvoir et de l’asservissement, images qui appartiennent de manière plus ou moins consciente à la société dont fait parti le public. Au 10ème tableau en effet, Sir Harold dit : « et d’ailleurs, même si nous en avions le désir, comment ferionsnous, nous, la subtile distinction : un arabe voleur et un arabe non voleur ? Eux-mêmes, comment s’y prennent-ils ? Si un français me vole, ce Français est un voleur, mais si un Arabe me vole, il n’a pas changé : c’est un Arabe qui m’a volé, et rien de plus » p.115 : Genet met en scène un personnage Arabe qui contient tous les clichés de la métropole raciste, qu’est-ce qu’un arabe aux yeux de la France, et cela permet de renvoyer au public sa propre image, peu flatteuse, sans que le déroulement de la révolution y soit pour quelque chose. Dès lors, l’enjeu du conflit s’est déplacé vers le domaine des images, vers une guerre des images et de la Beauté, comme l’exprime les propos du lieutenant et du général : p. 181 : « Ce n’est pas d’intelligence qu’il s’agit : mais de perpétuer une image qui a plus de dix siècles (…) et qui nous conduit tous, vous le savez, à la mort » p.182 : « Que les profils se renvoient des profils et que l’image que vous offrirez aux rebelles soit d’une si grande beauté, que leur image qu’ils ont d ’eux ne pourra pas résister. Vaincue. Elle tombera en morceaux. Cassée ». « Beauté, beauté, ciment pour nous mais pour eux aussi. Je me le demande, après 28 ans de service, si je n’avais pas admiré ma prestance dans une glace, est-ce que j’aurais eu assez de courage pour la défendre ? Si jamais, en face, il leur tombe un miroir entre les pattes » et le lieutenant répond p.188 : « J’ai donné l’ordre qu’on tire d’abord sur les glaces ». Un combattant justifie la fin de la lutte en disant « pour l’efficacité du combat » et Ommou rectifie : « Pour l’esthétique du décès » L’enjeu de la pièce se situe bien au-delà de la problématique guerrière. 2. Des thèmes de la mythologie Genetienne qui dissolvent les antagonismes : l’amour, le ventre et la mort Le théâtre, c’est une question de face à face entre spectacle et spectateur, la guerre et l’amour aussi : la sexualisation est précisée dans le maquillage au 11ème tableau : « il faut que le maquillage indique plus de sexualité que de beauté » et les gestes sont « exagérés dans la brutalité » : et le lieutenant dit dans le onzième

tableau : « Vos lits d’amour, c’est le champ de bataille. À la guerre comme à l’amour ! » « Je veux : la guerre est une partouze du tonnerre. Éveil triomphant ! Faites reluire mes bottes ! Vous êtes le chibre terrible de la France qui rêve qu’elle baise ! Plus éclatantes mes bottes. Preston ! Je veux la guerre et l’amour au soleil ! Et les tripes au soleil ! » et Malika la prostituée qui remarque à propos des soldats à qui elle offre ses services : « Quand ils remontent du gouffre, c’est pour aller à la mort » (p. 199). Ainsi, la guerre, en étant rapprochée à l’amour montre qu’elle est un face-à-face et une union des deux camps. Ce qui rapproche les hommes c’est, au-delà du sexe, qu’ils ont tous leur centre de mort dans le ventre. Le rire, le tragique, la mort, est une affaire de tripes. Le motif du ventre est central, on l’a vu avec le rire, en ce qu’il est le centre vital des individus et ainsi la métaphore de son centre de mort. On voit que la guerre chez Genet est aussi représentée dans les différents états du ventre, des tripes, du désir sexuel, de la défécation, et je cite : « culs foireux » de soldats, la fameuse scène des pets. Dans cette scène où les soldats s’adonnent à cela en hommage à leur général mort au champ d’honneur, on peut établir un rapport entre leurs bruits triviaux et les sonneries des trompettes martiales. Comme l’écrit Paul Germain dans un article célèbre, « La musique et la psychanalyse » le clairon et la trompette de guerre ont leur origine dans la flatulence, les cuivres exprimant en musique l’agressivité du stade sadique-anal. La mort du sergent est un emblème de ce système métaphorique : p.237, le sergent rejoint les morts et rit avec eux : « Mais moi, figurez-vous que je suis mort en chiant » la défécation est associée au rire et déshéroïse le guerrier et, au-delà de cela, mourir à la guerre pourrait signifier être rattrapé par son propre ventre qui lâche, la guerre est une affaire de tripes, ce n’est « que cela » et le fait de l’associer à la défécation en donne la véritable non-existence, la non-signification. 3. Théâtre métaphysique, de la mort et de la fête Dans Comment jouer le Balcon, pièce dont l’arrière plan est la guerre d’Espagne Genet dit : « que le mal sur la scène explose, nous montre nus, nous laisse hagards » « L’artiste n’a pas pour fonction de trouver la solution pratique des problèmes du mal. » Donc il n’y a pas de solution à lire dans Les Paravents et le propos est négatif dans le sens où les opprimés et les oppresseurs sont les mêmes et se rejoignent dans la mort. Aucune solution, dans un cadre politique et historique n’est donnée au spectateur ni même esquissée, sinon celle du mal dans le personnage de Saïd. Le but du dramaturge n’est pas de dénoncer ni d’éclairer la guerre, d’où son refus du réalisme et ...


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