Le roman et le réel - Notes de cours Histoire littéraire PDF

Title Le roman et le réel - Notes de cours Histoire littéraire
Course Théorie littéraire
Institution Université de Limoges
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M1 MEEF Lettres Modernes
Cours de Mme. BILLOT...


Description

Le roman et le réel Représentation et mimesis

Le réel est à comprendre comme le monde, la société, l’extérieur, à distinguer du vrai ou du vraisemblable.

Le roman est le genre qui est étroitement associé à cet objectif de représentation du réel, parfois plus que d’autres genres littéraires. C’est parfois aussi un paramètre qui structure l’histoire du genre. Souvent l’histoire du roman se confond avec sa relation avec la représentation du réel. Le personnage est un nœud de ce rapport au réel mais il s’agit là d’élargir cette perspective.

Autour de la notion de Réalisme deux écoles s’opposent : –

AUERBACH – Mimesis : Le réalisme est synonyme de mimesis. C’est une idée au fondement du genre. Idée que le roman, de tout temps, ambitionne de peindre le réel.



DUFOUR : Le terme de réalisme est lié à un contexte, celui du XIXème, et il insiste sur le fait de devoir utiliser le terme dans un sens précis, comme un moment de l’histoire littéraire, comme le moment où les romanciers ont le plus théorisé leur rapport au réel et ont appliqué cette théorie.

En effet, ce mot même de réalisme apparaît en 1826 dans un article du Mercure Français qui dit : « Cette doctrine littéraire, qui gagne toujours du terrain, pourrait s’appeler réalisme, la littérature du vrai ».

I. La mimesis romanesque comme caution de la crédibilité du genre L’objectif mimétique a toujours été présent, pas seulement pour la fiction narrative : « Dès l’enfance les hommes ont, inscrites dans leur nature, à la fois une tendance à représenter [...] et une tendance à trouver du plaisir aux représentations. » ARISTOTE Le représentation plus concrète du réel s’accentue à partir de la Renaissance. En effet, c’est un moment où l’expérience du réel comme étant l’expérience des voyages et des découvertes est plus concrète. Le réel, la terre, le monde, deviennent des objets à cartographier. Mais on ne peut pas parler de Réalisme comme on entend au XIXème mais plutôt d’ effet de réel avec l’usage de noms de lieux ou de personnages existants, apparition du trivial, du populaire, du corps. Ce sont davantage des notions provoquant l’image du vrai.

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Au début du Roman Comique de Scarron, on a un effet de réel par l’évocation de la ville du Mans mais en revanche, la ville n’y est pas décrite de manière réelle. Le personnage reste au centre, il est ancré dans un décor réaliste. Le lecteur sent qu’il est dans le vrai. Mais le contexte n’est qu’un contexte, il n’est pas l’objet premier du récit. Il n’y a pas la volonté première de donner à voir du réel. Et surtout, ce réalisme ne met pas encore en jeu des forces sociales. La société n’existe pas comme un objet sociologique. En effet, à l’époque Classique, réalisme veut surtout dire vraisemblance. La représentation du réel sert surtout à détacher le roman de formes anciennes plus figées et surtout à l’affranchir de tout ce qui peut discréditer le genre (être catalogué comme étant de la pure invention, de la pure fiction). Pour lui donner des lettres de noblesses, les romanciers de l’âge Classique vont rappeler qu’il sert aussi à représenter le monde réel, qu’il est donc crédible, ce n’est pas une fiction détachée de toute réalité. Pour pallier ce discrédit, le roman est contraint de se faire passer pour des textes documentaires. L’auteur fait semblant d’être un individu lambda qui a trouvé par hasard des documents qu’il va rendre compte par la suite. Ce qui est recherché c’est un soucis d’authenticité qui doit être retranscrit dans le roman. Le lecteur doit se reconnaître dans ces aventures, il faut donc de la vraisemblance. On a bien un soucis de réalisme mais qui n’a pas la même visée que celle du XIXème. Par la mimesis le roman acquiert une vertu morale, pédagogique, accède à une vérité. La représentation la plus convaincante sera celle qui pourra émouvoir le plus. D’où l’apologie du roman, le vrai, plus efficace que le romanesque lié au féérique. La mimesis romanesque existe bel et bien mais elle est soumise à une visée morale et suggère un réalisme psychologique plutôt que la vraisemblance des caractères. Tout cela passe par un travail sur le style. Les romanciers vont aussi revendiquer une langue plus simple, vectrice de réalisme. Auerbach évoque en particulier l’exemple de Manon Lescaut en soulignant que le réalisme est moins une manière de donner à voir le monde qu’une langue, et en particulier une langue correspondant à l’âge bourgeois. Manon Lescaut est écrit dans un style ni populaire ni tragique, c’est un style intermédiaire. Il souligne le fait que ce réalisme c’est cet entre-deux, à la fois social et esthétique. On a dès cette époque une affaire de style. On peut aussi parler de souplesse. Les romanciers, pour donner plus de crédit au genre, doivent trouver une langue qui correspond davantage aux contradictions et aux fluctuations du réel, une langue qui accompagne cette exigence de naturel. L’objectif mimétique va de pair avec un objectif stylistique.

Idée que le gage de vraisemblable valorise le genre romanesque : morale et esthétique.

Mais il faut attente le XIXème pour que le roman élabore systématique une théorie de la représentation. On passe d’un réalisme psychologique à un réalisme également sociologique. La perception du monde ayant changé, le monde, le réel et la société ne sont plus perçu comme des objets faciles à appréhender. Ce sont des phénomènes complexes qui nécessitent une méthode plus solide. Donc le basculement est que le réel devient un objet d’étude en soi. Le roman est à ce moment-là valorisé comme étant l’outil de cette étude.

II. La mimesis comme système : le roman rend compte de tout le réel 2

1. L’ambition scientifique Effet de rupture avec le roman du XIXème. Le réel extérieur passe du second au premier plan. Ce réel n’est donc plus un simple décor mais réellement un élément signifiant qui devient un objet romanesque, et non plus le décor où l’on plante les personnages. De ce fait on a un retournement. Ce n’est plus le réel qui sert la fiction, pour lui donner une caution, mais la fiction qui sert le réel. Le réel est une fin en soi. Ce basculement des visées explique le fait que certains grand romanciers réalistes du siècle (Balzac, Zola) revendiquent l’appellation d’historien, sachant que l’histoire est à l’époque signe d’actualité.  Balzac ne se revendique jamais comme romancier, mais comme historien, ou encore secrétaire de la société, comme un greffier, un copiste voire même comme un sociologue, en précisant que les romanciers sont des « collectionneurs de faits sociaux ». C’est une manière pour lui de souligner que sa démarche face au réel est celle d’un scientifique face à un objet.

Le genre du roman est ici clairement en compétition avec l’histoire, l’écriture de l’histoire, alors que dans le roman de l’âge Classique, le roman cherche dans le réalisme un critère de vérité. Modèle scientifique avec cette idée que si le réel est un objet à saisir, le roman est la méthode pour le faire. Il se réclame de plusieurs sciences : histoire, zoologie, médecine.  Balzac ne cherche pas ses modèles, il ne se situe pas dans un héritage littéraire, mais va prendre ses modèles dans d’autres disciplines, en particulier la science. Il souligne que le roman devient un outil épistémologique, un outil scientifique. Il déclare vouloir saisir ce qui est obscure dans les faits sociaux, il veut combler les lacunes du réel, expliciter les rouages de la société, en ce calquant sur la science, et en bénéficiant de la même notion de totalité. On va assister à une rationalisation de la mimesis. Balzac justifie son choix du roman par trois raisons : - L’aspect multiformes du roman : il peut tout contenir et donc raconter le monde dans sa totalité. - Son époque correspond à la mort de la Grande Histoire : l’histoire est devenue médiocre et est fragmentée en une foule de petits événements qui relèvent des mœurs. L’outil le mieux adapté est donc le roman - Il va doter le roman d’un système : ce système est la Comédie Humaine, ensemble romanesque où il va procéder au retour des mêmes personnages. Il va alors réussir à dresser une histoire complète du réel. C’est cette totalité qui va faire du romancier le secrétaire, le sociologue. Zola prend modèle sur Claude BERNARD, auteur de la Médecine Expérimentale, qui met en lumière le déterminisme des phénomènes de l’hérédité, le fait que tout dépend de l’état de l’organisme de l’homme. Zola, frappé par cette idée, la reprend et exprime que l’ensemble du comportement social détermine l’homme. Il aspire à un transfert de savoir, de la médecine au roman. Il cite Claude Bernard et dit « Vous remplacez médecine par roman et c’est la même chose ». Il va mettre en avant le fait que les romanciers sont des analystes qui « continuent la besogne du physiologique », les romanciers poursuivent la tâche du médecin. Il va en particulier transférer la notion d’expérience scientifique, en littérature, en définissant le roman comme une vraie expérience scientifique. « Le roman est une expérience véritable que le romancier fait sur l’homme »

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Le romancier est donc un expérimentateur qui a un point précis à démontrer, et soumet son personnage à une expérience. Il va le confronter à telle et telle épreuve, tel et tel milieu, pour prouver des lois médicales, en particulier les lois du déterminisme. Il ajoute la nécessité de la documentation, de l’enquête, qui prélude à toute création romanesque. On quitte le domaine de l’invention pour le domaine de l’exactitude. Le romancier n’est plus que celui qui classe la documentation qu’il a trouvée. L’effet qui est donné est que c’est le réel qui est le vrai metteur en scène de l’écriture. Le monde va se mettre, de lui-même, en organisation à l’intérieur du roman. Mythe de l’auteur comme un enregistreur du réel. Il faut que le roman rende le réel saisissable, il est valorisé comme le genre le plus efficace pour dire le réel.

2. Le roman, outil de déchiffrement  Description Volonté de tout décrire, de manière exhaustive, volonté allant dans la logique d’une dimension scientifique de la représentation. Idée qu’à travers la description on fait une sorte de recensement du monde nouveau, d’après révolution, esthétique de la liste, de la taxinomie. Chez Balzac et Zola ces descriptions sont toujours un réel réinterprété. Il ne s’agit pas seulement de donner à voir le réel mais déjà de l’expliquer  réalisme interprétatif. Le roman n’est pas uniquement un lieu de copie du monde, mais un lieu d’explication du monde. La mimesis est une sorte d’herméneutique. « Ne pas seulement dépeindre la société, mais la raison de son mouvement. » BALZAC

III. La mimesis comme invention, recréation : le roman avoue sa défaite face à la complexité du réel Même dans le roman réaliste on voit que la représentation s’affranchie d’un simple processus d’enregistrement. Ce qui est revendiqué est l’interprétation. Balzac précise aussi « J’ai mieux fait que l’historien, je suis plus libre ». Tout cela va de pair avec la dimension empirique du récit qui donne de la souplesse et de la nuance à la représentation. Le roman est forcément un lieu de représentation du réel par le langage, et le réaliste du XIXème est tout sauf documentaire (malgré ce qu’ont pu dire Zola et Balzac). Chez Balzac et Zola le pari est que le réel est représentable par l’adoption d’un système. Tandis que chez Stendhal et Flaubert, ce qui est suggéré est que le réel n’est de toute façon pas dicible. On va donc trouver un autre réalisme fondé sur la défiance. Le roman échoue à redire le monde. Stendhal et Flaubert vont exploiter cet échec là pour mettre en avant la notion d’invention, de recréation. La mimésis est vue comme le processus de sélection, de recréation, d’invention.

1. Insuffisance du roman face au réel Nécessaire intervention de l’invention. 4

« J’en conclu que les Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt des Illusionnistes » MAUPASSANT Maupassant fait le constat que le temps romanesque n’est jamais isochrone. Il n’y a jamais une parfaite équivalence entre le temps du réel et le temps du récit (contrairement au théâtre, ou plus récemment, au cinéma). Pour rendre compte du réel il faut donc une nécessaire stylisation. Pour atteindre le réel, le rendre accessible, il faut le condenser, le styliser.

2. Le réalisme subjectif Ce qui met en doute la mimesis systématique est la mise en avant de la dimension subjective de toute représentation. La variabilité de l’être humain et donc la variabilité de l’image du monde, empêchent leur représentation exacte.

« Mettez certains peintres devant la nature, ils la verront de la façon la plus baroque du monde. Chacun l’apercevra sous une couleur dominante [...] Chaque œil a ainsi une vision particulière. » ZOLA

Le roman rend compte non pas du réel lui-même mais de la façon dont on perçoit le réel.

Dans La Chartreuse de Parme (extrait 15), Stendhal propose lui une scène où le personnage n’a pas de sens. Ce qui est mis en avant c’est l’extrême singularité des phénomènes observés par Fabrice. Cette scène est plus réelle dans le sens où elle est plus proche de la manière dont on perçoit le réel.  Représentation fragmentée. Histoire un peu absurde qui rejette une vision épique du champ de bataille. Fabrice est dans la naïveté, ne comprend rien à ce qu’il se passe, et se pose comme le contraire du héros épic. C’est une histoire réduit ici au non-sens, qui permet de suggérer l’absurdité des événements historiques selon Stendhal. L’effet est travaillé pour restituer des perceptions fragmentées, fragmentaires, sans forcément les expliquer.

Stendhal est aussi celui qui, dans Le Rouge et Le Noir fait du roman « un miroir qui se promène sur une grande route ».

« L’écrivain [...] est obligé d’avoir en lui je ne sais quel miroir concentrique où, suivant sa fantaisie, l’univers vient de réfléchir. » BALZAC

3. Travail d’invention Une autre manière de remettre en cause cette mimesis est d’insister sur le travail d’invention, et en particulier sur la part d’invention du style.

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Insister sur le travail poétique, en accordant au texte plus d’autonomie. Zola définit l’œuvre d’art comme « un écran à travers lequel on aperçoit les objets plus ou moins déformés »

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