Les bonnes conditions, analyse filmique sociologique PDF

Title Les bonnes conditions, analyse filmique sociologique
Author Ismael Sahari
Course Sociologie
Institution Université d'Évry-Val-d'Essonne
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Summary

Analyse du documentaire "les bonnes conditions", de Julie Gavras...


Description

Les bonnes conditions: immersion dans la jeunesse dorée française

Analyse de Sahari Ismaël

“Les bonnes conditions : immersion dans la jeunesse dorée française” est un documentaire réalisé par Julie Gavras, tourné entre 2003 et 2016 et diffusé sur la chaîne Arte (« une société de télévision commune et indépendante à vocation culturelle et européenne ») 1en mai 2018, il est aujourd’hui disponible sur Youtube sur la chaîne Arte. Avant de parler du contenu du long métrage il convient de parler de sa réalisatrice. Julie Gavras, française, fille d’un réalisateur et d’un productrice de cinéma, elle fait ses études dans les lycées parisiens du 7e arrondissement de Paris puis continue en école de cinéma.

Elle commence sa carrière en tant qu’assistante réalisatrice avec des films comme “La véridique histoire de Mme Petlet” (1994), réalisé par Camille de Casabianca ou “Petit Ben” (1998), réalisé par Ismaël Ferroukhi. En 2000 Julie Gavras réalise son premier documentaire : “De l'aube à la nuit : chants des femmes du Maroc” avec Arte. C’est surtout avec cette chaîne et également France 5 qu’elle travaillera et ce jusqu'à aujourd'hui. Elle commence, en 2003 ,à tourner un documentaire sur la jeunesse de son milieu, à savoir la bourgeoisie parisienne, en allant chercher les étudiants actuels de son ancien lycée grâce à une idée originale de leur professeure d’histoire géographie.

Le long métrage que nous étudierons ici est donc un reportage qui a été tourné sur l’espace de 13 années, 13 années au long desquelles le spectateur peut suivre l’évolution de huit lycéens, âgé de 15 ans donc, jusqu’à leur 30 ans presque. Le film est constitué quasiment uniquement d’entretiens filmés, les seuls moments qui y font exception sont des animations de quelques secondes dont nous parlerons plus tard. Cette approche n’a rien d’inhabituel en réalité, les années 2000 voient effectivement l'essor de l’entretien utilisé dans de plus en plus de contexte et la sociologie filmique n’y fait pas exception.

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https://fresques.ina.fr/jalons/impression/fiche-media/InaEdu05129/naissance-d-arte-television-francoallemande.html

L’entrée dans la vie adulte, les parcours scolaires, professionnels et la perspective des enquêtés sur leur évolution sont les thématiques qui seront abordés tout au long du film. On peut notamment lire dans la description de la vidéo sur Youtube la phrase d’accroche suivante : “Quelle est la part de déterminisme social dans leurs pensées, leurs aspirations, leur quotidien ? Que leur a-t-on transmis, que veulent-ils perpétuer ?”, le sujet se veut donc à priori sociologique mais pas nécessairement critique. La particularité du reportage, outre l’utilisation exclusive de l’entretien est la durée du tournage, presque 15 ans ! Ce projet faramineux rappelle celui encore plus impressionnant d’amplitude de Michael Apted et Paul Almond avec leur série de films documentaires “Up series” qui de la même manière, à travers l’utilisation de l’entretien, va nous montrer les trajectoires de 14 individus du même âge de 1964 jusqu’à aujourd’hui. L’oeuvre est également assez similaire à celle de Bertrand Blier dans son long métrage documentaire “Hitler, connais pas” qu’il réalise en 1963 ou ici aussi on invite des jeunes gens à se livrer sur leur vie personnelle à travers l’utilisation d’entretien filmé.

Julie Gavras réalise ces entretiens dans les chambres des enquêtés, dans leur domicile ce qui permet de rentrer immédiatement dans le vif du sujet à savoir l’intimité de ces individus. Si la caméra peut effrayer certaines personne selon les situations et d’autant plus lorsqu’il s’agit de parler de sujets personnelles on peut penser qu’étant entré dans la sphère familiale du foyer elle a ici eu l’effet inverse à savoir un effet catalyseur qui permet aux personnes interrogées de se livrer davantage. Il reste néanmoins difficile de déterminer l’exactitude de cette supposition.

Pour rentrer dans le sujet plus précisément le reportage fait donc intervenir huit adolescents issus de milieux bourgeois, ils étudient tous dans le même lycée que Julie Gavras 20 ans plus tôt, à savoir le lycée Victor-Duruy et sont tous filles et fils d’individus ayant de grand capitaux culturels, économique et symbolique (avocat, médecin, sculpteur, bijoutier, directeur commercial ou journaliste issus de science po ou l’ENA). C’est à travers trois parties que ces jeunes gens vont pouvoir exprimer leurs singularités mais surtout et malgré eux leurs similarités. La réalisatrice a réalisé ici un découpage très simple et qui fait sens, il s’agit simplement de séparer le documentaire en trois étapes de vie de manière chronologique, en l'occurrence il

s’agit des années lycée pour la première période (2003-2006), les années d’études supérieurs pour la seconde (2006-2010), puis l’entrée dans la vie active (2010-2016). Les transitions entre ces périodes sont les seuls moment du reportage où l’on verra autre chose que des entretiens, il s’agit de montage photographique représentant les moments forts, les moments significatifs de chaque temporalité. Il s’agira entre 2006 et 2010 par exemple de l’interdiction de fumer dans les espaces publics, de la visite de Kadhafi à l’elysée ou encore l’élection de Barack Obama . L’objectif ici est clair, il s’agit de replacer le spectateur dans le contexte du moment, qu’il puisse se remémorer à l’aide de ces événements du contexte politique et sociale qui existait. Julie Gavras va ensuite interviewer chaque année les enquêtés et les faire parler de leur quotidien et des problèmes auxquels ils sont confrontés, ce faisant ce découpage apparaît naturellement et nous offre une progression et une perspective globale sur la vie de ces jeunes. Les plans sont beaucoup découpés pour laisser uniquement les réponses et ne laissent que rarement des temps de silence. Le rythme du documentaire est donc assez soutenu avec les jeunes qui répondent aux mêmes questions les uns à la suite des autres, thématique par thématique.

Une jeunesse à part

Ce montage de plan successif s’accélère parfois pour permettre aux spectateurs de repérer des similarités entre les témoignages, par exemple l’obtention du bac avec mention, l’acquisition durant les études supérieurs d’un appartement sur Paris aux frais des parents ou les nombreux voyages à l’étranger (pour le tourisme et les études). La question du tourisme est d’ailleurs mis en scène de manière particulière et unique dans ce documentaire. Alors que les jeunes décrivent avec plus ou moins de nonchalance les différentes destinations auxquelles ils sont allés un montage laissant apparaître des cartes postales des différentes régions (Cuba, Seychelles, Andalousie ou l’Egypte), tout en ajoutant une musique légère

derrière l’énumération de pays et de villes à travers le monde. L’effet ici est de montrer comment ces voyages qui sont d’ordinaires une expérience forte pour le “commun des mortels” deviennent anodin et même ennuyant pour des jeunes qui ont les ressources économiques pour le faire chaque année plusieurs fois. En terme d’hexis corporel ces jeunes gens apparaissent droits et expriment une certaine aisance dans leurs gestes et leurs mots.

En effet on peut également remarquer de l’aisance dans les discours des jeunes devant nous, ils arrivent semblent-ils à articuler et développer des idées complexes de manière beaucoup plus fluide que la majorité des français de leurs âges. Cette disposition n’est à mon sens pas neutre, elle est représentative de l’ethos bourgeois. On retrouve également des idées de type bourgeoises, encore une fois mises en valeur par une succession de plan rapide entre nos protagonistes, dans le seul moment politique, politique au sens commun j’entends, du reportage avec la question des manifestations contre le CPE en 2006. On qualifie alors les manifestants de “mouton de panurge” qui veulent “glander et manquer les cours”, on ne comprends pas pourquoi “ils n’ont pas voulu l’essayer au moins”, on exprime l’idée que s’ancrer dans des positions c’est faire preuve de manque d’ouverture de l’esprit sans se rendre compte du caractère luxueux d’une telle position. En effet comme le rappelle Raphaël c’est une réforme qui ne les touchera pas eux qui vont dans les “grandes écoles”. Encore une fois une série de photographie ponctue ici les discours de nos jeunes réactionnaires, des unes de journaux qui montre la jeunesse dans la rue pour protester contre cette réforme, une jeunesse qui semble ne rien avoir en commun avec nos enquêtés.

Des jeunes commes les autres

Pour autant le documentaire va également nous montrer que ces jeunes sont en fait, en partie du moins, des jeunes commes les autres justement.

Premièrement l’image nous montre des chambres somme toute assez banale, on peut voir des poster de film d’animation sur les murs, des bibliothèque avec quelques livres, un bureau et un lit. Aucune extravagance n’est visible à l’écran donc, de plus la caméra ne sort jamais de cette pièce, on peut imaginer que ces personnes ne vivent pas dans un 15m² mais rien ne le montre réellement. Si cette technique est utilisé beaucoup au début, les conditions de logement de certains semblent cependant beaucoup s’améliorer au fil des années.

En outre si les images ont pu être utilisé comme on l’a vu pour donner un sentiment de ressemblance, elles vont aussi être utilisé pour s'intéresser aux spécificités de chacun. Le procédé est simple, lorsque Clotilde aborde par exemple le sujet de la maladie qu’on lui a récemment diagnostiqué la caméra va effectuer un zoom pour arriver sur un très gros plan de la personne, le rythme va énormément ralentir pour couper le moins possible l'interlocuteur et lui permettre dans ces moments de se livrer dans ses craintes, ses ressentis et sa vision des choses. Ces moments nous permettent d’apprécier toute la diversité qui existe chez les enquêtés, alors que certains semble avoir une confiance en eux débordante d’autres exprime du doute constamment. Certains manifeste une énergie et une bonne humeur rayonnante tandis que d’autres font preuve de morosité voir d’état dépressif. Nous sommes donc en présence de tout un panel de personnalité et d’ambitions extrêmement différentes.

C’est dans cet zone grise entre divergence et convergence que le reportage se place finalement, si le sociologue aguerri saura reconnaître les contours de la classe bourgeoise dans les discours de ces jeunes tout un chacun pourra apprécier des récits de vie aussi varié que touchant. Il s’agit maintenant de se demander ce qui se dégage de cette dichotomie à l’écran. Quel est finalement le propos de Julie Gavras ? France inter parle d’un reportage avec “compassion sans complaisance”, l’idée est que le film de Julie Gavras propose un aperçu réaliste de la jeune bourgeoisie, qu’il ne cherche à dresser un portrait ni péjoratif ni mélioratif. Le Monde lui voit dans ce film des émotions, des trajectoire unique qui nous renvoie tous à notre propre parcours, il serait question même de “s’attaquer à ce type d’idées reçues et de préjugés entourant ces enfants « biens nés » “. Il est difficile effectivement d’évaluer la portée critique de ce reportage tant les moments d’intimité et de confession sont nombreux, il me semble donc présomptueux d’en faire un

film engagé de critique de la classe bourgeoise. Julie Gavras explique elle même dans une prétention de son film qu’elle ne cherche pas avoir une lecture en terme de classe “Mon but n’est pas d’opposer deux catégories sociales” 2.

Les bonnes conditions est un film sociologique du fait de la présence d’une ligne structurante, Julie Gavras a sans doute mis au point une grille d’entretien portant sur plusieurs thématiques pertinente et sur le rapport aux enquêté de leur propre parcours. Il est également un film d’entretien dans le sens où l’entretien est constitutif de cette approche sociologique, que ce soit dans les propos des enquêtés ou dans la manière dont ils sont porté à l’écran après le montage.

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https://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20180518.OBS6853/madame-pourquoi-vous-n-avez-pas-fait -un-documentaire-sur-un-lycee-comme-le-notre.html...


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