Lévinas, Totalité et infini PDF

Title Lévinas, Totalité et infini
Course Philosophie
Institution EM Lyon Business School
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Levinas, Totalité et infini V ERSION 1 (PLUS COURTE) Emmanuel Levinas est un des grands penseurs du XXè, mais la complexité de sa pensée empêche une réelle propagation/démocratisation de son œuvre. L’un de ses ouvrages les plus importants est Totalité et Infini : Un essai sur l’extériorité. Dans ce dernier, Levinas, selon une méthode phénoménologique, décrit comment la subjectivité naît de l’idée d’infini, et comment l’infini est un produit de la relation de soi à l’autre. Son projet, en définitive, est de poser le primat de l’autre sur soi, afin de poser une morale inconditionnelle et fondée sur l’épiphanie du visage. Autrui me constitue et me fait responsable de lui. L’infini, c’est autrui qui me rencontre. Autrement dit, l’infini est le point de départ de la morale, son fondement. Cet infini est irréductible à un savoir, à toute connaissance des principes. Levinas refuse tout intellectualisme moral. Pourtant, il admet que l’homme n’est pas spontanément moral, il doit être éveillé à l’éthique : c’est le désir d’autrui. Ainsi, Levinas fait de l’éthique, du rapport à autrui, la philosophie première. Il s’agit donc d’un renversement de l’approche ontologique du sujet. Mais la perspective ultime du projet lévinassien est celui d’une radicale transcendance, celle de Dieu.

Levinas, du même à l’autre Levinas affirme que l’ontologie édicte une relation avec l’être qui réduit l’Autre au Même. Au lieu de cela, il adopte une approche qui ne réduit pas l’Autre au Même, mais qui considère la séparation entre le Même et l’Autre comme inhérente à la relation avec l’Être. Selon Levinas, l’extériorité consiste à savoir comment l’individu fini se transcende dans l’infini. L’extériorité est une relation par laquelle le moi est séparé de l’Autre. L’extériorité est une relation où l’être de soi et l’autre ne peuvent pas être totalisés ou fusionnés à l’infini, car ils sont absolument séparés. L’extériorité est le produit de l’intériorité. L’Intériorité est un rapport subjectif dans lequel un être fait référence à lui-même. La subjectivité permet au soi de se considérer comme séparé de l’Autre. Le soi doit être séparé de l’autre afin d’avoir l’idée de l’infini. L’idée de l’infini est en soi une forme de transcendance de la relation à l’Autre. C’est l’idée de l’infini en moi qui me sauve du solipsisme et m’ouvre à l’extériorité. L’Autre est absolument autre que le Même. L’Autre est tout autre que soi-même. L’Autre est une réalité infiniment transcendante. L’idée de l’infini exige la séparation du Même et de l’Autre. Cette séparation est une chute du Même et l’Autre à partir de la totalité.

Levinas fait la distinction entre l’idée de totalité et l’idée d’infini. L’idée de la totalité cherche à intégrer l’Autre et le Même dans une totalité, alors que l’idée d’infini maintient la séparation entre l’Autre et le Même. Selon Levinas, l’idée de totalité est théorique, alors que l’idée d’infini est morale.

L’importance du visage Le visage de l’Autre est la manière dont l’Autre se révèle à soi-même. Le visage de l’Autre est l’extériorité de son être. Le visage à visage est une relation éthique, et appelle la liberté de soi à la responsabilité. Levinas explique que le visage de l’Autre parle à soi-même. La langue commence par la présence du visage, avec l’expression. La langue est un système d’interaction dans lequel la signification est dérivée du visage de l’Autre. L’Autre est le signifiant, qui se manifeste dans le langage par la production de signes, lesquels proposent la réalité objective ou thématisent le monde. Mais l’Autre lui-même ne peut pas être thématisé. La thématisation est une forme d’objectivation : or l’Autre est irréductible, définitivement sujet, infiniment autre. Le visage, cet absolument autre, n’est pas une négation de soi. La présence de l’Autre ne contredit pas la liberté du soi. Je peux tuer l’autre, mais son visage me renvoie à ma responsabilité. Chez Levinas, le visage c’est donc l’expressif d’autrui, qui me renvoie à ma responsabilité totale : je dois répondre de tous les autres. La subjectivité est investie chez lui d’une responsabilité totale, elle soutient le monde, au point de faire d’elle l’otage d’autrui. En quelque sorte, Levinas a radicalisé l’approche de Kant en incarnant la loi morale dans la figure d’autrui.

V ERSION 2 (PLUS COMPLETE) Levinas pense à nouveaux frais la relation intersubjective et la relation morale qui lui est consécutive. Penser la relation intersubjective, c’est penser la relation que peuvent entretenir deux subjectivités réflexives et irréductibles l’une à l’autre . Contre la tradition hégélienne du rapport à autrui vu comme synthèse ou totalité, Levinas cherche à montrer la relation que peuvent entretenir deux subjectivités qui conservent chacune leur caractère absolu. Le problème de Levinas est de montrer comment deux en-soi peuvent entrer en relation. La nature de cette relation est, comme on le montrera, éthique. La relation à autrui, la relation au visage est toujours-déjà une relation morale . La philosophie lévinassienne met en place une morale relationnelle. Avant d’envisager la relation intersubjective comme telle, il est nécessaire de montrer comment

une subjectivité peut s’extraire de son enfermement dans l’être pour atteindre un exister autonome. La subjectivité envisagée comme exister pur et séparé de toute subsomption est une condition nécessaire au développement d’une relation intersubjective forte, c’est-à-dire d’une relation entre deux subjectivités irréductibles l’une à l’autre. C’est la raison pour laquelle Levinas réfléchit en premier lieu aux conditions de formation d’une subjectivité indépendante ou séparée (au sens de séparée de sa soumission aux lois de l’être).

C’est dans la notion de jouissance que Levinas trouve le moyen pour le sujet de se séparer. La jouissance est le mode premier de l’exister du sujet. C’est elle qui permet au sujet de sortir de l’être, de se séparer de l’être pour acquérir une autonomie et une individualité. Mais la subjectivation du sujet n’est pas complètement achevée dans la jouissance. Il lui manque, pour atteindre à la réflexivité, la relation avec la transcendance. Le sujet de jouissance est animé, selon Levinas, d’un désir métaphysique qui le pousse à rechercher l’absolument autre . Cette altérité absolue, l’individu la trouve dans la rencontre du visage d’autrui. Nous l’aurons bien compris, la fonction de la jouissance est de préparer à la relation avec une transcendance absolue, celle d’autrui . « La présence d’un être n’entrant pas dans la sphère du Même, présence qui la déborde, fixe son « statut » d’infini. » La rencontre du visage d’autrui vient mettre un terme au règne de la subjectivité première de la jouissance. Le sujet, qui vit originairement de jouissance et donc de pouvoir est confronté à une expérience qui le dépasse infiniment et qui remet en cause son pouvoir de pouvoir. Car si l’intentionnalité est le pouvoir du moi, le visage est la mise en cause de ce pouvoir . Cette remise en cause des pouvoirs du moi est ce qui confère à autrui sa transcendance envisagée comme infini. Si autrui est infiniment transcendant, ce n’est pas parce qu’il est plus puissant que moi mais parce qu’il met en cause la puissance du moi. Il est le seul à ne pouvoir être thématisé par moi. Il me dépasse infiniment parce qu’il échappe à toute prise possible. La rencontre du visage d’autrui plonge le sujet dans la relation éthique. Cette relation est envisagée par Levinas comme la relation la plus originaire qui soit, au sens où avant la rencontre d’autrui, le sujet ne peut être considéré comme une subjectivité réflexive et morale.

C’est la rencontre du visage d’autrui qui parachève la subjectivation du sujet qui avait commencé dans la jouissance. Sans la jouissance et la séparation qui sont préludes à la rencontre d’autrui, le sujet n’aurait pu être confronté à la transcendance, mais c’est bien la confrontation avec la transcendance absolue qui permet au sujet d’être un sujet accompli . Le problème qui se pose à Levinas est celui de la relation que les subjectivités séparées peuvent entretenir entre elles. En effet l’épiphanie d’autrui comme visage met en présence d’une transcendance absolue, si bien qu’il faut interroger la possibilité de la relation avec autrui. Si autrui m’est infiniment transcendant, une relation avec lui est-elle possible ? Si oui, quelle est cette relation ? Levinas voit dans le discours, le mode de relation que peut entretenir autrui avec moi tout en conservant sa transcendance. Il écrit : « Le langage accomplit une relation entre des termes qui rompent l’unité d’un genre. Les termes, les interlocuteurs, s’absolvent de la relation ou demeurent absolus dans la relation. » Le langage possède ce caractère particulier d’être un mode de relation avec ce qui est transcendant. Mieux, il achève la transcendance qui prenait origine dans la rencontre du visage d’autrui. Le langage accroit la transcendance avec autrui tout en maintenant la relation .

Plus je m’exprime avec autrui, c’est-à-dire plus j’entretiens une relation privilégié avec lui, plus je me rends compte de l’abîme qui me sépare de lui. Creuser la relation par le langage, c’est creuser l’écart qui me sépare d’autrui. Si loin si proche, le langage apparaît comme le paradoxe et l’essence de la relation à l’altérité. Le langage comme mode privilégié de la relation à autrui prend source dans l’interpellation d’autrui. L’apparaître du visage d’autrui est en même temps un appel et une injonction à la relation. En se définissant comme ce qui remet en cause les pouvoirs du moi, l’épiphanie d’autrui comme visage est un appel à la discussion. Il est possible de refuser de répondre à cet appel mais il ne peut pas ne pas être entendu. Le langage est donc le mode de relation privilégié avec la transcendance puisqu’il accroit la transcendance en se développant. Mais l’apparaître du visage et le langage qui en découle induit une responsabilité envers autrui . Autrui est cet appel que je n’ai pas voulu et auquel je ne peux me soustraire, j’en suis responsable sans le vouloir. Je suis « élu sans assumer l’élection ! » Nous entrons ainsi dans la relation morale à autrui telle qu’elle est pensée par Levinas. L’épiphanie d’autrui comme visage se traduit par un appel à la responsabilité. Autrui est cette figure ambigüe qui conjugue en même temps maîtrise et servitude. Il m’est à la fois infiniment supérieur, car il remet en cause les pouvoirs du moi, et m’est inférieur car son apparaître prend toujours la forme d’un appel à l’aide. Autrui est en même temps le maître mais aussi l’étranger, la veuve et l’orphelin. Je ne peux fermer les yeux à l’appel d’autrui . Il est possible de ne pas satisfaire à cet appel, il est possible d’offrir pour seul réponse le silence mais cette éventualité est déjà une réponse. La relation originelle à autrui, passant par le langage, le silence est l’expression d’un refus de la relation et non pas négation pure de cette relation. Il est impossible de refuser l’appel d’autrui . L’épiphanie d’autrui comme visage, condition originaire de la subjectivation du sujet, place le sujet à l’état naissant immédiatement en face d’une responsabilité. Faire de la responsabilité la condition d’émergence du sujet revient à envisager le sujet comme sujet moral et relationnel . Dans l’appel d’autrui à la responsabilité, je suis « élu sans assumer l’élection ! ». Les deux développements que nous allons mener à présent ont pour objectif de montrer deux exemples de relations à autrui qui permettent d’éclairer le développement de la morale lévinassienne ainsi que sa conception de la subjectivation du sujet, les deux étant toujours liés chez lui. La possibilité de la guerre entre moi et autrui a pour fonction de dévoiler la temporalité du sujet.

La morale lévinassienne n’est pas seulement une morale de la responsabilité mais aussi de la temporalité. Il y a morale parce que le sujet est inscrit dans une temporalité qui se traduit par le repoussement de la mort. Expliquons-nous en faisant appel à l’exemple de la guerre. La guerre montre de façon paradigmatique la nature de la relation entre moi et autrui. Dans la guerre, l’ennemi est à la fois supérieur et inférieur. L’issue de la guerre ne peut jamais être décidée en fonction des forces en vigueurs. L’ennemi apparaît comme transcendant et imprévisible. L’ennemi est donc, à l’instar d’autrui, cette présence/absence. Il est indépendant et même transcendant et pourtant en relation

puisque dans la guerre les adversaires se cherchent. Pourtant le paradigme de la guerre n’a pas seulement pour fonction d’offrir une analogie entre l’adversaire et autrui mais aussi de dévoiler l’essence de la temporalité. « Dans la guerre se reconnaît ainsi la réalité du temps qui sépare l’être de sa mort, la

réalité d’un être prenant position à l’égard de la mort, c’est-à-dire encore la réalité d’un être conscient de son intériorité. » La temporalité du sujet prend source dans la possibilité de la mort que le sujet tente de repousser. Le temps c’est le « pas encore » de la mort, l’être contre la mort et non pas l’être pour la mort comme chez Heidegger. La guerre présente de manière hyperbolique la relation à autrui. Autrui n’en appelle pas seulement à ma responsabilité mais il est la condition même du temps. Dans la possibilité de la violence et l’imminence de la mort qui lui est corrélative, le temps prend forme. La possibilité de la guerre m’invite donc à entretenir une relation pacifique à autrui pour repousser le plus longtemps possible la mort. Pourtant la transcendance d’autrui peut être vécue comme un échec des pouvoirs du moi (ce qu’elle est de fait) si bien que la tentation du meurtre est toujours une possibilité. Le second exemple à présenter est celui de la volonté meurtrière. La responsabilité qui m’incombe à la suite de l’épiphanie d’autrui comme visage est une responsabilité à laquelle je ne peux échapper sauf peut-être dans le meurtre. C’est cette possibilité du meurtre que nous voulons interroger à présent. Le seul pouvoir que le moi peut exercer sur autrui passe par le meurtre. Le meurtre ne peut d’ailleurs s’exercer que sur autrui en tant que celui-ci est le seul capable de remettre en cause mon pouvoir. Rien, hormis autrui, n’est capable de contester mon pouvoir. Cette contestation du pouvoir par l’apparaître du visage et l’appel qui en est la conséquence, induit la parole originelle d’autrui qui est : « tu ne commettras pas de meurtre ». Levinas ne conteste évidemment pas la possibilité du meurtre qui est vue comme « l’incident le plus banal de l’histoire humaine » mais il montre que, même dans le meurtre, la transcendance d’autrui n’est pas anéantie. Autrui peut « m’opposer une lutte, c’est-à-dire opposer à la force

qui le frappe non pas une force de résistance, mais l’imprévisibilité même de sa réaction. Il m’oppose ainsi (…) la transcendance même de son être. » La transcendance d’autrui, l’infini qu’il incarne, paralyse la possibilité du meurtre, c’est-à-dire paralyse la possibilité de la négation totale . Le meurtre ne nie pas totalement la transcendance d’autrui, mieux, il l’exacerbe. Le meurtre se présente dans la contexture du monde comme la destruction d’un corps mais il ne met pas fin à l’altérité d’autrui. Autrui conserve sa transcendance jusque dans le meurtre. Le meurtre n’est pas une prise sur autrui. Dans le meurtre, autrui continue à remettre en cause les pouvoirs du moi. Je ne possède pas autrui parce que je l’ai tué, au contraire. En mourant, celui qui a été tué accroit sa transcendance, la mort étant la transcendance par excellence . Il n’y a aucun gain de pouvoir dans le meurtre, les pouvoirs du moi sont anéantis par le meurtre d’autrui. C’est la raison pour laquelle le meurtre, pensé comme négation totale de l’altérité et de la transcendance d’autrui, est une impasse. Le meurtre est impossible, non pas parce que le corps ne peut être détruit, mais parce que la transcendance d’autrui ne peut être détruite.

La solution qui semble se dégager à l’aune des exemples de la guerre et du meurtre est celle d’entretenir une relation non allergique à l’altérité. La transcendance d’autrui ne peut être niée et la remise en cause des pouvoirs du moi ne peut être contrecarrée. La difficulté ne se trouve pas dans la recherche de la nature de la relation morale, puisque celle-ci se fait obligatoirement dans l’interpellation d’autrui déjà présente dans son épiphanie comme visage. La difficulté est d’accepter cette remise en cause des pouvoirs du moi par autrui .

La morale n’est pas la recherche des liens à entretenir avec autrui mais l’acceptation de l’appel à l’aide et de l’injonction de réponse émanant du visage d’autrui. La morale doit être une morale de la responsabilité pour autrui . Conclusion : Le parcours que nous venons d’entreprendre nous a permis de voir comment un sujet séparé, vivant de jouissance, voit son existence totalement remise en cause par l’épiphanie d’autrui comme visage. Cette remise en cause complète des pouvoirs du moi à la première puissance invite le sujet à entretenir une relation « non allergique » à autrui qui passe par le langage. Le langage est le mode relationnel privilégié avec autrui car il creuse l’altérité par la relation, au lieu de la réduire, comme dans le système hégélien reposant sur la synthèse. Cette remise en cause des pouvoirs du moi peut n’être pas assumée par le sujet et la tentation du meurtre peut toujours être à l’œuvre. Mais le meurtre est une impasse car, au lieu de nier le pouvoir qu’exerce autrui sur le sujet, il l’exacerbe. La remise en cause des pouvoirs du moi ne peut trouver de terme si bien que la seule relation viable avec autrui est la relation morale qui passe par la réponse à son appel. La morale lévinassienne est une morale relationnelle qui invite à l’acceptation de la responsabilité vis-à-vis d’autrui. Le mouvement moral n’a pas de terme. L’individu a beau s’actualiser comme étant moral à la suite d’une action particulière, il n’est jamais totalement à l’abri. Il peut toujours retomber dans l’immoralité. La morale n’est jamais pleinement acquise et elle répond à un mouvement centripète. Plus on est moral, plus les exigences morales se creusent. En cela, la morale n’a pas de fin. Le sujet s’englue dans la morale sans jamais y parvenir. La morale n’est jamais un être ou un avoir mais un devenir. La morale est toujours un horizon, une terre dont la conquête est impossible et qui est pourtant la condition pour conquérir son humanité....


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