Oeil pour oeil dent pour dent PDF

Title Oeil pour oeil dent pour dent
Course Philosophie contemporaine
Institution Université Bordeaux-Montaigne
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Dissertation : oeil pour oeil dent pour dent. ...


Description

lundi 23 octobre 2017 Oeil pour oeil, dent pour dent.

Lorsque quelqu’un nous fait du mal ou nous cause du tort, on peut prendre la décision de se venger en se basant sur la loi du talion, « oeil pour oeil, dent pour dent ». Cette expression affirme que si quelqu’un nous a blessé, volé ou a causé un affront envers notre personne, on se doit de lui faire endurer la même souffrance pour se venger. Néanmoins, une fois l’offense commise, la vengeance ne ramène pas à la situation initiale, le mal est fait. On peut alors se demander si la vengeance est vraiment utile. Si ce mal a été fait, cela signifie qu’on a subi une violence et que l’on est vulnérable, se venge-t-on pour récupérer un bien matériel ou une estime de soi ? Si en ayant, d’ailleurs, volé un de nos biens matériels, une personne est désormais capable de vivre, on devrait être satisfait de sauver cette personne et pourtant la loi du talion prend le dessus. On peut alors se poser la question de la vengeance dans sa dimension morale. Se venger, c’est aussi prendre le risque que la personne dont on se venge réplique à son tour. On peut alors être embarqué dans un cercle vicieux qui nous détermine toujours à être violent. Les enjeux de la loi du talion semblent par conséquent être la morale et la liberté. Pour arrêter cette violence à l’infini, on pourrait avoir recours à la justice qui rétablirait la paix, mais cette dernière semble fragilisée puisqu’on se résigne à se faire justice soi-même. S’il y a vengeance, c’est donc parce qu’il y a d’abord eu une violence. Alors au lieu d’en vouloir au criminel, ne devrais-je pas blâmer la société et sa discipline normalisante qui semble perdre de son pouvoir ? Dans un premier temps, nous expliquerons les origines et les causes du désir de vengeance. Ensuite, nous verrons les conséquences du crime et ce que le désir de vengeance engendre. Enfin, nous examinerons les enjeux de la liberté et de la morale dans le cadre de la loi du talion.

Tout d’abord, le désir de vengeance nait car on nous a fait du mal. Il faut donc se demander pourquoi la personne qui nous blesse a pris un telle décision. En effet, il semble tentant parfois de faire du mal lorsqu’on se concentre sur ses désirs et ses besoins sans prendre en compte ceux d’autrui. Si l’on pense de façon égoïste, en négligeant le fait que certaines choses sont la propriété d’autres individus, et si nos désirs surplombent alors 1

lundi 23 octobre 2017 l’appartenance de ces biens à quelqu’un d’autre, je ne vois pas ce qui m’empêche de commettre un vol. Le désir de vengeance nait donc d’un acte immoral. Néanmoins, la personne que je vole contestera mon action en affirmant qu’il n’y avait aucun accord entre elle et moi, et que je ne peux m’en tirer sans peine ou sans lui rendre ce qui lui appartient. De la même manière, si j’ai enfreint la loi, et qu’un autre individu est puni à ma place, je peux faire passer mon profit avant tout, et adopter au passage une attitude typique de l’âge néo-libéral, en laissant cet individu se faire punir à ma place par pur égoïsme. En revanche, cet individu confirmera n’avoir rien à voir avec le crime que j’ai commis et qu’il ne mérite pas la peine qui m’est initialement destinée. Cela va donc donner lieu à l’injustice. Comme l’explique Glaucon dans le mythe de Gigès, qui fait partie de La République de Platon, selon l’opinion commune, il est bon de commettre l’injustice, mauvais de la subir, et il y a plus de mal à la subir que de bien à la commettre. Par conséquent, le vol que j’ai commis me procurera un bonheur moins important que le malheur de la personne. C’est pour cela que cette dernière peut ressentir un besoin de se venger, sa douleur dépasse ma satisfaction et elle refuse de rester dans une telle situation. De plus, la chronologie a un rôle important dans la naissance du désir de vengeance. Lorsque je décide que désormais, c’est « oeil pour oeil, dent pour dent », c’est qu’après avoir envisagé toutes les possibilités pour faire disparaître ma peine, il n’y avait en fait aucun moyen de la faire partir puisque quoi que je fasse, je serai toujours la première victime. J’ai beau tout mettre en oeuvre pour oublier le mal que j’ai subi, la violence est irréversible et un retour en arrière est impossible. La vengeance semble alors inutile car elle ne permet pas de remonter le temps. Cette même chronologie montre également que la justice est fragile. Même si la justice intervient et rend au propriétaire son bien, ou condamne à des travaux d’intérêt général la personne qui m’a agressé, je resterai la victime et la réparation ne compensera pas la douleur causée. La justice prouve donc qu’elle peut ré-harmoniser la situation, en étant une justice corrective comme le dit Aristote, on soustrait un gain indu et on rajoute un moins indu. Elle a pour but d’éviter les conflits entre les citoyens, mais prouve aussi qu’elle n’est pas suffisante pour revenir à la vraie situation initiale, lorsque je n’avais pas encore subi le crime. Il est impossible de réellement réparer le crime. Il y a toujours un désir de vengeance qui dépasse la réparation. Par ailleurs, il y a bien une raison pour que cette violence et le désir de vengeance ne cesse. Malgré la présence de lois, de prisons et de châtiments, les individus n’ont pas peur de

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lundi 23 octobre 2017 commettre l’injustice et nous n’avons pas peur de nous venger. Il y a donc un problème de discipline dans la société. C’est ce que maintient Foucault, qui affirme que la discipline est un pouvoir normalisant. La discipline est supposée éduquer l’individu de façon à la faire rentrer dans la norme, à le faire agir conformément aux attentes des normes de la société. La norme devient l’outil principal du pouvoir et non plus la loi. Les individus qui commettent des crimes et ceux qui se vengent se rangent donc dans la même catégorie : ceux atteints de pathologie. Ils ne sont pas effrayés pas la loi puisque celle-ci n’est plus au centre de l’attention de la justice, c’est la norme qui l’est. La discipline et la société en général semblent donc fragiles car elles n’arrivent pas à empêcher les individus de commettre des violences, il semble que la justice n’arrive pas à rétablir l’ordre social. On peut alors penser qu’avant de blâmer le criminel, il faut blâmer la discipline qui n’a pas joué son rôle de pouvoir normalisant. La discipline est d’abord un art de contrôler les corps des individus qui a une double finalité : il s’agit, en contrôlant les corps individuels, de majorer l’utilité et la docilité de ces corps. En plus de parfois mal jouer son rôle, la discipline semble déterminer les hommes dans leurs actions et empêcher leur liberté. Donc, le désir de vengeance tient son origine dans une violence que l’on a connue antérieurement, qui est injuste et qui ne peut être réellement réparée à cause de la chronologie des évènements. Cette violence semble provenir d’une discipline fragile qui ne joue pas entièrement son rôle puisqu’elle ne normalise pas tous les individus. L’addition de tous ces facteurs donnent donc lieu au désir de vengeance qui a plusieurs conséquences.

Les violences que nous subissons et que nous voulons faire subir en retour ont plusieurs conséquences. En effet, le désir de vengeance et l’impunité sont étroitement liés. L’impunité exprime un état de fait quand on a affaire à un acte malfaisant sans punition. Elle est souvent vue comme inacceptable et s’apparente souvent à un désordre. Le désir de vengeance peut donc mener à la révolte à cause d’une impunité qui dérange. Quand il y a impunité, cela veut dire que la situation pourrait en être autrement, ce n’est donc pas un mal irrémédiable mais une justice permise, ce qui fragilise une nouvelle fois la justice qui parait absente dans cas-là. L’impunité donne aussi lieu à la méfiance. Par exemple, la République Démocratique du Congo est gangrenée par l’impunité,

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lundi 23 octobre 2017 ce qui entretient la méfiance et instaure un climat de violence puisque le désir de vengeance est omniprésent. L’impunité peut aussi définir la négation de justice, comme l’amnistie, le non-lieu etc… La personne qui m’a donc blessé se retrouve sans peine ni châtiment, ce que je trouve injuste, et peut susciter en moi le désir de me faire justice moi-même. Le scandale de l’impunité marque un écart entre la décision de justice et l’idéal de justice. Si on qualifie le jugement rendu par la justice d’injuste, cela peut donner lieu à un franc désaccord et même à la violence. Par exemple, si l’ami proche d’un dictateur organise un crime de masse mais n’est pas puni car il est immunisé, cela peut engendrer une révolution d’un peuple qui sombre dans le chaos. Le désir de vengeance suscité par l’impunité donne donc toujours lieu à de la violence, ou du moins à la révolte d’un peuple s’appuyant sur l’expression « oeil pour oeil, dent pour dent ». Ensuite, il n’y a pas de désir de vengeance sans colère. L’offense que l’on subit donne lieu à un désir de vengeance qui donne lui-même lieu à la colère. Un homme qui veut se venger est un homme en colère. On est en colère car on se sent vulnérable, l’estime de soi est blessée. C’est l’idée que soutient Aristote qui affirme qu’il y a un mépris fondamental qui produit une peine dans le sujet. Peine qui, selon lui, fait que l’image de soi est blessée. C’est la restauration de cette image qui est la finalité de la vengeance. On ne croit pas à l’image que l’autre semble nous condamner par son acte d’offense lui-même. On pense que si on a été victime, ce n’est pas lié à ce que nous sommes véritablement. On a le désir de se venger car on veut prouver que l’image qui nous a été attribuée dans l’affront que l’on a subi n’est pas la véritable représentation de ce que l’on est. Dans la vengeance, il y a la certitude que le statut de victime est seulement transitoire et n’est pas révélateur de ce que je suis réellement. Je n’ai pas l’intention de rester victime car ce n’est pas le regard que je veux qu’autrui porte sur moi. La loi du talion semble donc être moyen non pas de réparer les dégâts qui ont été causés mais de réparer mon image sociale qui est dégradée. Je n’ai pas la volonté d’appliquer la loi du talion pour faire du mal à une personne mais pour lui faire avouer la véritable valeur de l’image que je renvoie, qui n’est pas celle de la victime. Je ne recherche aucunement la justice mais la reconnaissance. Mais Tolstoï affirme avoir trouvé un moyen de stopper la discorde créée par la loi du talion. Il n’y a pas de but à s’intéresser à notre image sociale, à s’indigner face à l’impunité et donc à penser à la vengeance, puisqu’il imagine une société sans politique et condamne fermement la vengeance. Les lois, l’ordre social, les institutions, sont légitimes seulement si on y

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lundi 23 octobre 2017 adhère volontairement. Si cette adhésion est faite sous la contrainte, cette loi est illégitime. Notre société est donc une société violente puisqu’elle oblige les individus à adhérer à la norme, qu’ils le veuillent ou non. Il pense donc une société qui nous empêche d’être prisonnier dans l’engrenage sans fin de la violence et pour éviter un désir de vengeance qui ne cesserait jamais. Il affirme que par le pardon absolu, on peut mettre fin à la violence ainsi qu’à la vengeance. Donc lorsque quelqu’un nous fait du mal, au lieu de vouloir lui rendre la monnaie de sa pièce, on devrait pardonner cette personne et aller de l’avant, on ne s’embarquerait donc pas dans la régression à l’infini de la violence et éviterions de subir encore plus de mal. De cette façon, on ne se soucierait pas de notre image sociale et nous vivrions heureux et surtout libres, puisque la société ne déterminerait pas nos actions censées être en accord avec la norme. La seule solution pour mettre fin à la loi du talion, et tout ce qu’elle entraine, est de ne pas l’appliquer. Le désir de vengeance engendré par l’impunité peut donc donner lieu à la violence, à la révolte. Il instaure une méfiance, une peur de donner sa confiance. En suivant la loi du talion, on est entrainé dans le cycle de la vengeance qui entraine la colère. On veut changer le regard posé sur nous, notre statut de victime ne nous convient pas et on veut que la personne dont on se venge l’avoue. En réalité, tout serait plus simple si on établissait une société sans politique, et si on décidait simplement de pardonner pour mettre fin à toute la violence et la peine qu’entraine la loi du talion, ayant logiquement comme enjeux la morale et la liberté.

En effet, les enjeux de la vengeance sont la liberté et la morale. On se demande si la vengeance nous permet de revendiquer notre liberté ou de la perdre. Lorsqu’on se venge, rien ne nous en empêche, on fait le choix de se venger alors qu’on pouvait pardonner. En choisissant de faire endurer la même douleur que celle que j’ai enduré, je revendique ma liberté puisque j’aurais pu faire un choix. De plus, en me vengeant, j’échappe à la discipline et à son pouvoir normalisant qui est supposé déterminer mes actes. Mais en voyant la violence comme une réponse à une autre, je risque de m’engager dans une lutte sans fin avec la personne qui m’a blessé. C’est donc en revendiquant en fait ma liberté que je risque de la perde. Si je pardonne, je décide de refuser la violence et de me ranger dans les normes de la société et sa discipline qui me détermine, mais si je me venge, je ne suis pas plus libre et entame une

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lundi 23 octobre 2017 régression à l’infini de la violence. Pour accentuer ce paradoxe, Hegel, dans les Principes de la philosophie du droit, parle de la volonté subjective. La volonté subjective, c’est la volonté en tant qu’elle va permettre à l’individu de garder un bien. Elle détermine l’individu mais est aussi l’expression d’un droit. La vengeance est un exemple de volonté subjective. La volonté détermine l’individu pour l’acquisition d’un objet alors que la volonté est supposée prouver notre liberté. Cette volonté subjective fait que l’individu fait abstraction du contrat entre la volonté et les objets et commet l’injustice quand bon lui semble, il revendique sa volonté et donc sa liberté mais est déterminé à acquérir un objet. Je fais la même chose en me vengeant. La seule solution semble être celle de Tolstoï, une société sans lois, mais cela semble impossible. On peut aussi questionner la vengeance dans sa dimension morale. Par exemple, si je suis un riche empereur et qu’un mendiant qui a besoin de voler pour survire me vole du pain, vais-je vraiment trouver un intérêt à le voler en retour alors que le laisser partir permet de le sauver ? Kant affirme que l’impunité est une suprême injustice et qu’il est nécessaire de punir du point de vue de la société, du criminel et de la victime. Il est donc immoral de ne pas se venger. Il faut trouver une vengeance qui permettra de punir le criminel sans pour autant être immoral. La vengeance, si elle se veut morale, doit adopter une dimension conséquentialiste, tournée vers le futur. Ce qui légitimise la violence est sa finalité, on fait du mal seulement si on veut faire émerger du bien. Il s’agit de guérir le mendiant malade en exerçant cette violence. Le Protagoras dit que la punition n’est compréhensible que si on suppose qu’en punissant le coupable, on met fin à ce qui est la cause de la faute. La dimension morale est suffisante car le crime est une faute morale lui-même. Pour être moral dans sa vengeance, le prince peut condamner le mendiant à des travaux forcés dans les champs tout en lui autorisant à garder une partie de sa récolte. Mais lorsqu’on se fait justice soi-même, on a tendance à davantage penser à ses intérêts plutôt qu’à ceux de la personne dont on se venge. Donc, en commettant une vengeance, on pense revendiquer notre liberté puisqu’on choisit d’appliquer la loi du talion, mais en vérité on est déterminé à être violent. Par ailleurs, si on décide de pardonner, on se range dans les normes de la société et perdons notre liberté aussi. La vengeance ne nous rend donc pas plus libre que le pardon. Concernant la morale, le seul moyen d’être moral dans la vengeance est d’agir en voulant faire émerger ce qui est bon pour la personne

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lundi 23 octobre 2017 dont on veut se venger, ce que l’on a du mal à imaginer quand on prend la décision de se fier à l’expression « oeil pour oeil, dent pour dent ».

En conclusion, on décide de s’en tenir à loi du talion car on a subi une violence irréversible, ce qui remet en doute l’utilité de la vengeance. Mais quand une personne nous a blessé, notre malheur surpasse son bonheur et le désir de vengeance prend le dessus. Le contexte de la discipline accroit notre désir de vengeance puisque la société n’est pas capable de maintenir l’ordre social et je décide donc de me faire justice moi-même puisque les instances juridiques n’arrivent pas à empêcher les individus de commettre l’injustice. Mon désir de vengeance est aussi suscité par l’impunité, cette impunité qui dérange peut alors donner lieu à une révolte, le désir de vengeance mène à la violence quoi qu’il arrive. La colère entretient ce désir de vengeance et elle sera présente jusqu’à ce que j’ai réussi à prouver aux yeux d’autrui que le statut de victime qui m’a été attribué n’est pas celui qui me représente réellement. La solution pour arrêter toute cette violence et cette obsession de l’image sociale serait d’exercer le pardon absolu dans une société sans politique, on met fin à la loi du talion en n’y participant pas et en pensant une société sans ses lois et sa discipline déficiente. Lorsqu’on se venge, on pense revendiquer notre liberté mais quoi que l’on fasse, la loi du talion ne nous rendra pas plus libre car on est déterminés dans tous les cas, par la discipline ou par la dimension infinie de la violence. Si l’on veut être moral dans la vengeance, il faut se venger tout en voulant guérir la personne dont on se venge, en faisant émerger le bien pour cette personne, mais ce n’est pas notre première intention lorsque l’on se dit « oeil pour oeil, dent pour dent ».

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