Technè chez Platon - Notes de cours 2 PDF

Title Technè chez Platon - Notes de cours 2
Course Philosophie
Institution Université de La Réunion
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Summary

Cours sur la technique chez Platon (Timée)...


Description

La question actuelle, suscitée par les progrès considérables effectués, du bon usage des techniques et des limites à assigner à leur développement repose sur l'idée d'un antagonisme entre nature et technique!: ensemble des moyens par lesquels l'homme tente de!maîtriser!la nature, la technique semble en passe de devenir ce par quoi l'homme!dénature!la nature, par exemple au moyen des manipulations génétiques.! Cette perspective n'est pas celle de Platon, parce que pour lui l'essence de la technique1!ne réside pas dans la maîtrise de la nature (non pas parce qu'il ignore cette dimension!: dans les!Lois, il prend l'exemple de la tempête, déchaînement naturel que l'art de la navigation doit pouvoir maîtriser2) mais dans le fait qu'elle est une imitation de l'activité divine!: dès lors, il n'y a pas foncièrement antagonisme entre la nature et la technique.! Pourtant, certains textes platoniciens tendent à suggérer cet antagonisme, puisque la!technè!y apparaît comme ayant pour fonction de pallier une déficience naturelle - c'est-à-dire de relayer la nature, et même, plus exactement, les dieux.! En effet, la!technè!est absente des temps mythiques où la divinité s'occupait elle-même de l'espèce humaine!: dans le mythe de Cronos, exposé dans le!Politique!(271c sqq.) et au livre IV des!Lois!(713a sqq.), les hommes étaient directement gouvernés par les dieux, l'abondance régnait et les arts, inutiles par conséquent, n'étaient pas encore constitués. La technique devient nécessaire lorsque le dieu s'est retiré et que les hommes sont livrés à eux-mêmes. Elle pallie donc l'absence des dieux en permettant de produire ce qui n'est pas ou n'est plus donné. Elle apparaît dans un monde purement humain, déserté par le divin désenchanté.! Or, le temps mythique du règne de Cronos n'est pas seulement un temps d'abondance!: il est aussi un temps prépolitique, où point n'est besoin de lois ni de constitutions, puisque les hommes sont sous la garde des dieux. Abondance et paix caractérisent donc cette époque révolue, tandis que le monde abandonné des dieux est un monde à la fois technique, politique et guerrier, trois caractéristiques indissociables. De fait, l'apparition des arts est concomitante, dans le livre II de la!République, et aussi dans le livre III des!Lois, de l'apparition d'une communauté politique, ainsi que de son extension, qui a pour conséquence une situation de conflit au moins potentiel entre les cités3.! Ce lien essentiel entre la!technè!et une vie politique est manifeste dans le mythe du!Protagoras!(320c sqq.). Créé par l'étourdi Épiméthée «!nu, sans chaussures, sans couvertures, sans armes4!», contrairement aux autres animaux qui ont été pourvus, les uns de griffes et de dents, les autres de vitesse et d'agilité, l'homme se trouve menacé dans sa survie (il ne peut se défendre contre les agressions des autres espèces), de sorte que Prométhée a dérobé aux dieux le feu et le «!savoir technique!» afin de leur en faire don. Grâce au feu et aux arts, les hommes ont fabriqué ce dont ils avaient besoin pour survivre (ce qui montre que la!technè!vise à combler une vacance) mais cela ne suffisait pas encore, puisque, pour se défendre contre les autres espèces, les hommes avaient besoin de s'assembler, ce qui suppose la capacité à constituer une communauté organisée - donc l'art politique, en l'absence duquel les différentes!technai!sont inefficaces!: elles ne peuvent réellement assurer la survie que dans le cadre organisé de la cité.! Mais bien que destinée à combler un vide, et bien qu'apparaissant dans un monde abandonné des dieux, la!technè!ne consiste pas cependant en une domestication de la nature par l'homme, et elle ne désigne pas non plus une activité strictement humaine!: elle est l'action par laquelle l'homme imite la divinité. La raison en est que la nature est elle-même le produit d'une technique - mais d'une technique divine. De fait, au livre X des!Lois, au moment où il réfute l'athéisme, Platon s'en prend à sa racine, qui réside pour lui dans l'opposition entre nature et hasard d'un côté, art de l'autre. Pour ces athées, dans lesquels on reconnaît un certain type de sophistes, la nature, ce qui est premier, est née du hasard!: le feu, l'eau, la terre, l'air sont apparus en vertu du hasard, et c'est aussi au hasard de leurs rencontres qu'ils ont fini par constituer le!cosmoset tout ce qui le compose (les animaux, les plantes, etc.). C'est seulement ensuite que sont apparus les arts, qui utilisent les choses naturelles pour fabriquer des choses artificielles. Parmi les arts, il faut distinguer ceux qui s'associent à la nature, et qui, pour cette raison, engendrent quelque chose de sérieux (la médecine, l'agriculture, la gymnastique), et ceux qui ne s'associent qu'à peine à la nature, et sont du côté du divertissement, de ce qui, n'ayant pas part à la réalité vraie et n'engendrant que des simulacres, n'est pas sérieux!: ainsi la peinture ou la musique, mais également la législation. Dans cette opposition, ce qui est produit par la nature est du côté de la réalité, tandis que ce que produit l'art (comme les dieux ou le juste, définis par les lois) n'est que convention.! À cette conception, qui valorise la nature contre l'art, Platon oppose la primauté de l'art sur la nature!: il montre que l'âme est première, et précède les corps, au moyen d'une analyse du mouvement, et il en déduit l'antériorité par rapport aux corps des attributs de l'âme, qui sont «!le jugement, la prévision, l'intelligence, l'art (technè) et la loi!» (892b). Dès lors, ce qui est véritablement nature, ce ne sont pas les réalités corporelles,

mais c'est l'âme, dont l'art procède - de sorte que l'art est en ce sens naturel!: «!L'âme étant du nombre des choses originelles, c'est de l'art que doit provenir ce qu'il y a de plus important et de primordial comme œuvres et comme activités tandis que ce qui est par nature et "Nature" [...] est postérieur et doit résulter, en tant que chose subordonnée, d'un art et d'une!intelligence5.!»!(Lois X) Le monde est donc le fruit d'une!technè!divine!: il est défini dans le!Timée comme le produit d'un Démiurge (artisan) divin6. Dès lors, la!technè!humaine n'est rien d'autre que!l'imitation!de la!technè!divine par laquelle le!cosmos vient à être. De fait, à la fin du!Sophiste!(265e sqq.), Platon distingue dans l'art de produire deux parties, l'une divine et l'autre humaine. Chacune de ces deux parties se trouve à son tour divisée en deux. Du côté de la production divine, Platon distingue la production des choses elles-mêmes, c'est-àdire des êtres vivants, et la production des simulacres que sont les rêves, les ombres, les reflets. Du côté de la production humaine, une division analogue est établie entre la production des choses elles-mêmes, en l'occurrence les êtres inanimés que sont les objets, et la production de simulacres, par exemple la production artistique. Il existe donc un parallèle entre l'activité divine et l'activité humaine, cette dernière se réglant sur la première et ne se comprenant que comme une imitation de la première.! C'est que la!technè!humaine est une activité essentiellement rationnelle, par laquelle l'homme imite l'action de la divinité produisant un monde rationnel, c'est-à-dire qui n'est pas le fruit du hasard.! La!technè!est en effet étroitement liée à la science (épistémè). Ainsi, dans le!Gorgias, à propos de la cuisine, à laquelle il compare la rhétorique, Platon déclare!: «!Un art (technè)!? J'affirme que ce n'en est pas un, rien qu'un savoir-faire (empeiria), parce que la cuisine ne peut fournir aucune explication rationnelle sur la nature du régime qu'elle administre à tel ou tel patient, elle est donc incapable d'en donner la moindre justification. Moi, je n'appelle pas cela un art, rien qu'une pratique, qui agit sans raison! (alogon)7.!» Un art est donc une activité capable de rendre raison d'elle-même, et qui, de ce point de vue, s'oppose à ce qui est produit par hasard!: cette opposition est suggérée dans le livre IV des!Lois!(709a sqq.), où l'Athénien qui mène le dialogue commence par déclarer que les affaires humaines sont gouvernées uniquement par le hasard et la fortune (tuchè), puis nuance cette position radicale en leur adjoignant le dieu et la!technè. Ainsi, s'opposant au hasard, à la fortune, la!technè!est du côté de la divinité. Autrement dit, la!technè!humaine agit sur le monde de la même façon que la divinité, c'est-à-dire en s'opposant au simple hasard. La!technè humaine introduit donc dans le monde de la rationalité de la même façon que le Démiurge du!Timée, qui met en ordre un chaos originel.! La technique humaine qui imite la technique divine la prolonge donc, et la maîtrise qu'elle instaure sur la nature va dans le sens de l'activité divine. Dès lors, il n'y a pas antagonisme entre nature et technique!:!technè!divine et technè!humaine poursuivent le même but, à savoir l'introduction d'un ordre et d'une rationalité dans la nature. D'une certaine manière, il n'y a donc pas de nature à proprement parler, si l'on entend par là quelque chose qui n'est pas fabriqué par un art!: tout ce qui existe, tout ce qui vient à être, vient à être en vertu d'une!technè!: «!Je soutiendrai cependant que ce que nous appelons "choses faites par nature" sont faites "par une technique divine", et que ce que les hommes combinent à partir d'elles relève d'une technique humaine8.!»!...


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