Textes HLP parole PDF

Title Textes HLP parole
Author Al Bundy
Course Philosophie
Institution Université Sorbonne Paris Nord
Pages 10
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Summary

textes séquence Humanités...


Description

Textes HLP séquence 4 1- Classez ces formules / citations / références selon la force qu’elles attribuent à la parole. Est-elle puissante ou impuissante ? a- « Paroles paroles paroles » Dalida b- « Les Athéniens étaient de choisir de deux architectes à conduire une grande fabrique : Le premier, plus affété, se présenta avec un beau discours prémédité sur le sujet de cette besogne, et tirait le jugement du peuple à sa faveur. Mais l’autre en trois mots : Seigneurs Athéniens, ce que celui-ci a dit, je le ferai. » Montaigne c- « Les belles paroles ne beurrent pas les épinards » d- « la parole est l’ombre de l’action » Démocrite e- les poignards qui ne sont pas dans les mains peuvent être dans les paroles » f- « La parole n’est pas à nos yeux un obstacle à l’action : c’en est un, au contraire, de ne s’être pas d’abord éclairé par la parole avant d’aborder l’action à mener. » (Thucydide1) g- Paroles en l’air h- Se payer de paroles i- De belles paroles j- « assez de paroles, des actes » k- « il est aisé de dire, et autre chose est de faire » l- « cause toujours » m- 'Covenants, without the sword, are but words and of no strength to secure a man at all.' n- « avec des mots, un homme peut rendre son semblable heureux ou le pousser au désespoir » Freud o- "Pour persuader, souvent la parole a plus de poids que l'or". p- « Par la puissance de sa parole, le poète fait d’un simple mortel un Roi. » (Pindare) q- « La parole / le discours (Logos) est un tyran puissant ; cet élément matériel d'une extrême petitesse et totalement invisible porte à leur plénitude les œuvres divines : car la parole peut faire cesser la peur, dissiper le chagrin, exciter la joie, accroître la pitié. » (Gorgias, Eloge d’Hélène) r- « Parler c’est agir : toute chose qu’on nomme n’est déjà plus tout à fait la même, elle a perdu son innocence. » Sartre s- « les poignards qui ne sont pas dans les mains peuvent être dans les paroles » Shakespeare t- « La parole n’est pas à nos yeux un obstacle à l’action : c’en est un, au contraire, de ne s’être pas d’abord éclairé par la parole avant d’aborder l’action à mener. » (Thucydide2) u- « le pouvoir des paroles n’est autre chose que le pouvoir délégué du porte-parole » Bourdieu v- « On croit d’ordinaire que le langage dit les choses. La Commission n’est pas de cet avis. Le langage, discours et rhétorique, fait les choses. Il construit la réalité » Desmond tutu w- « Tout flatteur vit aux dépends de celui qui l’écoute » La Fontaine x- « les hommes, c’est comme les lapins il s’attrapent par les oreilles » y- « Là-dessus, au fond des forêts, Le loup l’emporte, et puis le mange, Sans autre forme de procès. » (La Fontaine z- « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, ce qui importe, c’est de le transformer »Marx 1"[…] la grave erreur des purs stylistes c'est de croire que la parole est un zéphyr qui court légèrement à la surface des choses, qui les effleure sans les altérer. Et que le parleur est un pur témoin qui résume par un mot sa contemplation inoffensive. Parler c'est agir : toute chose qu'on nomme n'est déjà plus tout à fait la même, elle a perdu son innocence. Si vous nommez la conduite d'un individu vous la lui révélez : il se voit. Et comme vous la nommez, en même temps, à tous les autres, il se sait vu dans le moment qu'il se voit ; son geste furtif, qu'il oubliait en le faisant, se met à exister énormément, à exister pour tous, il s'intègre à l'esprit objectif, il prend des dimensions nouvelles, il est récupéré. Après cela comment voulez-vous qu'il agisse de la même manière ? Ou bien il persévérera dans sa conduite par obstination et en connaissance de cause, ou bien il l'abandonnera. Ainsi, en parlant, je dévoile la situation par mon projet même de la changer, je la dévoile à moi-même et aux autres pour la changer; je l'atteins en plein cœur, je la transperce et je la fixe sous les regards ; à présent j'en dispose, à chaque mot que je dis, je m'engage un peu plus dans le monde, et du même coup, j'en émerge un peu davantage puisque je le dépasse vers l'avenir. Ainsi le prosateur est un homme qui a choisi un certain mode d'action secondaire qu'on pourrait nommer action par dévoilement. Il est donc 1 Historien grec, Ve siècle av JC 2 Historien grec, Ve siècle av JC

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légitime de lui poser cette question seconde : quel aspect du monde veux-tu dévoiler, quel changement veuxtu apporter au monde par ce dévoilement ? L'écrivain engagé sait que la parole est action : il sait que dévoiler c'est changer, et qu'on ne peut dévoiler qu'en projetant de changer." Sartre, Qu'est-ce que la littérature ? 2CALLICLES Il est beau d’étudier la philosophie dans la mesure où elle sert à l’instruction et il n’y a pas de honte pour un jeune garçon à philosopher ; mais, lorsqu’on continue à philosopher dans un âge avancé, la chose devient ridicule, Socrate, et, pour ma part, j’éprouve à l’égard de ceux qui cultivent la philosophie un sentiment très voisin de celui que m’inspirent les gens qui balbutient et font les enfants. Quand je vois un petit enfant, à qui cela convient encore, balbutier et jouer, cela m’amuse et me paraît charmant, digne d’un homme libre et séant à cet âge, tandis que, si j’entends un bambin causer avec netteté, cela me paraît choquant, me blesse l’oreille et j’y vois quelque chose de servile. Mais si c’est un homme fait qu’on entend ainsi balbutier et qu’on voit jouer, cela semble ridicule, indigne d’un homme, et mérite le fouet. 485c-486c C’est juste le même sentiment que j’éprouve à l’égard de ceux qui s’adonnent à la philosophie. J’aime la philosophie chez un adolescent, cela me paraît séant et dénote à mes yeux un homme libre. Celui qui la néglige me paraît au contraire avoir une âme basse, qui ne se croira jamais capable d’une action belle et généreuse. Mais quand je vois un homme déjà vieux qui philosophe encore et ne renonce pas à cette étude, je tiens, Socrate, qu’il mérite le fouet. Comme je le disais tout à l’heure, un tel homme, si parfaitement doué qu’il soit, se condamne à n’être plus un homme, en fuyant le cœur de la cité et les assemblées où, comme dit le poète 3, les hommes se distinguent, et passant toute sa vie dans la retraite à chuchoter dans un coin avec trois ou quatre jeunes garçons, sans que jamais il sorte de sa bouche aucun discours libre, grand et généreux. « XLIV. — Cet homme-là ne cessera jamais de baguenauder. Dis-moi, Socrate, n’as-tu pas honte, à ton âge, de faire la chasse aux mots, et si l’on fait un lapsus de langage, de considérer cela comme une aubaine ? 3Un Agneau se désaltérait Dans le courant d’une onde pure. Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure, Et que la faim en ces lieux attirait. – Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage : Tu seras châtié de ta témérité. – Sire, répond l’Agneau, que votre Majesté Ne se mettre pas en colère ; Mais plutôt qu’elle considère Que je me vas désaltérant Dans le courant, Plus de vingt pas au-dessous d’elle ; Et que par conséquent, en aucune façon, Je ne puis troubler sa boisson. – Tu la troubles ! reprit cette bête cruelle ; Et je sais que de moi tu médis l’an passé. – Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ? Reprit l’Agneau. Je tête encore ma mère. – Si ce n’est toi, c’est donc ton frère ! – Je n’en ai point. – C’est donc quelqu’un des tiens ; Car vous ne m’épargnez guère, Vous, vos bergers et vos chiens. On me l’a dit : il faut que je me venge. Là-dessus, au fond des forêts, Le loup l’emporte, et puis le mange, Sans autre forme de procès. » Jean de La Fontaine, Le loup et l’agneau 4La Génisse, la Chèvre, et leur soeur la Brebis, Avec un fier Lion, seigneur du voisinage, Firent société, dit-on, au temps jadis, Et mirent en commun le gain et le dommage. Dans les lacs de la Chèvre un Cerf se trouva pris. Vers ses associés aussitôt elle envoie. Eux venus, le Lion par ses ongles compta, Et dit : "Nous sommes quatre à partager la proie. " Puis en autant de parts le Cerf il dépeça ; Prit pour lui la première en qualité de Sire : "Elle doit être à moi, dit-il ; et la raison, C'est que je m'appelle Lion : A cela l'on n'a rien à dire. La seconde, par droit, me doit échoir encor : Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus fort Comme le plus vaillant, je prétends la troisième. Si quelqu'une de vous touche à la quatrième, Je l'étranglerai tout d'abord. " La Fontaine, La Génisse, la Chèvre, et la Brebis, en société avec le Lion

3 Homère, Iliade, IX, 441.

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5La force semble être l’injustice même ; mais on parlerait mieux en disant que la force est étrangère à la justice ; car on ne dit pas qu’un loup est injuste. Toutefois le loup raisonneur de la fable est injuste, car il veut être approuvé ; ici se montre l’injustice, qui serait donc une prétention de l’esprit. Le loup voudrait que le mouton n’ait rien à répondre, ou tout au moins qu’un arbitre permette ; et l’arbitre, c’est le loup luimême. Ici les mots avertissent assez ; il est clair que la justice relève du jugement, et que le succès n’y fait rien. Plaider, c’est argumenter. Rendre justice, c’est juger. Peser des raisons, non des forces. La première justice est donc une investigation d’esprit et un examen des raisons. Le parti pris est par lui-même injustice ; et même celui qui se trouve favorisé, et qui de plus croit avoir raison, ne croira jamais qu’on lui a rendu bonne justice à lui tant qu’on n’a pas fait justice à l’autre, en examinant aussi ses raisons de bonne foi ; de bonne foi, j’entends en leur cherchant toute la force possible, ce que l’institution des avocats réalise passablement. On trouve des plaideurs qui sont assez contents lorsque leur avocat a bien dit tout ce qu’il y avait à dire. Et beaucoup ne voudraient point gagner si leur tort était mis en lumière en même temps. Aussi veulent-ils que l’adversaire ait toute permission d’argumenter ; sans quoi le possesseur non troublé garderait toujours une espèce d’inquiétude. Et la fureur de posséder est une fureur d’esprit, qui craint plus une objection qu’un voleur. L’injustice est humaine comme la justice, et grande comme la justice, en un sens. Alain 6Car les lois de nature, comme la justice, l'équité, la modestie , la pitié, et, en résumé, faire aux autres comme nous voudrions qu'on nous fît, d'elles-mêmes, sans la terreur de quelque pouvoir qui les fasse observer, sont contraires à nos passions naturelles, qui nous portent à la partialité, à l'orgueil, à la vengeance, et à des comportements du même type. Et les conventions, sans l'épée, ne sont que des mots, et n'ont pas du tout de force pour mettre en sécurité un homme. C'est pourquoi, malgré les lois de nature (que chacun a alors observées, quand il le veut, quand il peut le faire sans danger), si aucun pouvoir n'est érigé , ou s'il n'est pas assez fort pour [assurer] notre sécurité, chacun se fiera - et pourra légitimement le faire - à sa propre force, à sa propre habileté, pour se garantir contre les autres hommes. Partout où les hommes ont vécu en petites familles, se voler l'un l'autre, se dépouiller l'un l'autre a été un métier, et si loin d'être réputé contraire à la loi de nature que plus grand était le butin acquis, plus grand était l'honneur, et les hommes, en cela, n'observaient pas d'autres lois que les lois de l'honneur; à savoir s'abstenir de cruauté, laisser aux hommes la vie sauve et les instruments agricoles. Et les cités et les royaumes font aujourd'hui ce que faisaient alors les petites familles, [cités et royaumes] qui ne sont que de plus grandes familles (pour leur sécurité), qui étendent leurs dominations, sous prétexte de danger, ou par crainte d'invasion ou de l'assistance qui peut être donnée aux envahisseurs, et qui s'efforcent, autant qu'ils le peuvent, d'assujettir ou d'affaiblir leurs voisins, par la force, au grand jour, ou par des machinations secrètes, tout cela avec justice, en raison d'un manque d'autre garantie, ce que les époques ultérieures honoreront dans leur souvenir, à cause de cela. Hobbes, Léviathan, chapitre XVII. 7Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir. De-là le droit du plus fort ; droit pris ironiquement en apparence, et réellement établi en principe : Mais ne nous expliquera-t-on jamais ce mot ? La force est une puissance physique ; je ne vois point quelle moralité peut résulter de ses effets. Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté; c'est tout au plus un acte de prudence. En quel sens pourra-ce être un devoir ? Supposons un moment ce prétendu droit, Je dis qu'il n'en résulte qu'un galimatias inexplicable. Car sitôt que c'est la force qui fait le droit, l'effet change avec la cause ; toute force qui surmonte la première, succède à son droit. Sitôt qu'on peut désobéir impunément on le peut légitimement, et puisque le plus fort a toujours raison, il ne s'agit que de faire en sorte qu'on soit le plus fort. Or qu'est-ce qu'un droit qui périt quand la force cesse ? S'il faut obéir par force on n'a pas besoin d'obéir par devoir, et si l'on n'est plus forcée d'obéir on n'y est plus obligé. On voit donc que ce mot de droit n'ajoute rien à la force, il ne signifie ici rien du tout. Obéissez aux puissances. Si cela veut dire, cédez à la force, le précepte est bon, mais superflu, je réponds qu'il ne sera jamais violé. Toute puissance vient de Dieu, je l'avoue ; mais toute maladie en vient aussi. Estce à dire qu'il soit défendu d'appeler le médecin ? Qu'un brigand me surprenne au coin d'un bois : non seulement il faut par force donner la bourse, mais quand je pourrais la soustraire suis-je en conscience obligé de la donner ? car enfin le pistolet qu'il tient est aussi une puissance. Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu'on n'est obligé d'obéir qu'aux puissances légitimes. Ainsi ma question primitive revient toujours. J.J. Rousseau, Du contrat social, Livre 1 chapitre III

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8« Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants ; la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et, pour cela, faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste. La justice est sujette à dispute, la force est très reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu’elle était injuste, et a dit que c’était elle qui était juste. Et ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. » 9Qui dispense la réputation, qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? Combien toutes les richesses de la terre insuffisantes sans son consentement. Ne diriez-vous pas que ce magistrat dont la vieillesse vénérable impose le respect à tout un peuple se gouverne par une raison pure et sublime et qu’il juge des choses par leur nature sans s’arrêter à ces vaines circonstances qui ne blessent que l’imagination des faibles ? Voyez-le entrer dans un sermon où il apporte un zèle tout dévot, renforçant la solidité de sa raison par l’ardeur de sa charité. Le voilà prêt à l’ouïr avec un respect exemplaire. Que le prédicateur vienne à paraître, si la nature lui a donné une voix enrouée et un tour de visage bizarre, que son barbier l’ait mal rasé, si le hasard l’a encore barbouillé de surcroît, quelques grandes vérités qu’il annonce, je parie la perte de la gravité de notre sénateur. Le plus grand philosophe du monde sur une planche plus large qu’il ne faut, s’il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n’en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer. Je ne veux pas rapporter tous ses effets. Qui ne sait que la vue des chats, des rats, l’écrasement d’un charbon, etc. emportent la raison hors des gonds. Le ton de voix impose aux plus sages et change un discours et un poème de force. L’affection ou la haine changent la justice de face. Et combien un avocat bien payé par avance trouve-t-il plus juste la cause qu’il plaide ! Combien son geste hardi la fait-il paraître meilleure aux juges dupés par cette apparence ! Plaisante raison qu’un vent manie et à tout sens ! Je rapporterais presque toutes les actions des hommes, qui ne branlent presque que par ses secousses. Car la raison a été obligée de céder, et la plus sage prend pour ses principes ceux que l’imagination des hommes a témérairement introduits en chaque lieu. Pascal 10 « Les cordes qui attachent le respect des uns envers les autres en général sont cordes de nécessité ; car il faut qu’il y ait différents degrés, tous les hommes voulant dominer et tous ne le pouvant pas, mais quelques-uns le pouvant. Figurons-nous donc que nous les voyons commencer à se former. Il est sans doute qu’ils se battront jusqu’à ce que la plus forte partie opprime la plus faible, et qu’enfin il y ait un parti dominant. Mais quand cela est une fois déterminé alors les maîtres qui ne veulent pas que la guerre continue ordonnent que la force qui est entre leurs mains succédera comme il leur plaît : les uns le remettent à l’élection des peuples, les autres à la succession de naissance, etc. Et c’est là où l’imagination commence à jouer son rôle. Jusque-là la pure force l’a fait. Ici c’est la force qui se tient par l’imagination en un certain parti, en France des gentilshommes, en Suisse des roturiers, etc. Or ces cordes qui attachent donc le respect à tel et à tel en particulier sont des cordes d’imagination. 11Vanité 13 (Laf. 25, Sel. 59) : La coutume de voir les rois accompagnés de gardes, de tambours, d’officiers et de toutes les choses qui ploient la machine vers le respect et la terreur fait que leur visage, quand il est quelquefois seul et sans ses accompagnements imprime dans leurs sujets le respect et la terreur parce qu’on ne sépare point dans la pensée leurs personnes d’avec leurs suites qu’on y voit d’ordinaire jointes. 12-

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La justice (l'équité) prend naissance entre hommes jouissant d'une puissance à peu près égale, comme l'a bien vu Thucydide (dans ce terrible dialogue des députés athéniens et méliens) ; c'est quand il n'y a pas de supériorité nettement reconnaissable, et qu'un conflit ne mènerait qu'à des pertes réciproques et sans résultat, que naît l'idée de s'entendre et de négocier sur les prétentions de chaque partie : le caractère de troc est le caractère initial de la justice. Chacun donne satisfaction à l'autre en recevant lui-même ce dont il fait plus grand cas que l'autre. On donne à chacun ce qu'il veut avoir et qui sera désormais sien, et l'on reçoit en retour ce que l'on désire. La justice est donc échange et balance une fois posée l'existence d'un rapport de forces à peu près égales : c'est ainsi qu'à l'origine la vengeance ressortit à la sphère de la justice, elle est un échange. De même la reconnaissance. – La justice se ramène naturellement au point de vue d'un instinct de conservation bien entendu, c'est-à-dire à l'égoïsme de cette réflexion : « A quoi bon irais-je me nuire inutilement et peut-être manquer néanmoins mon but ? » – Voilà pour l'origine de la justice. Mais du fait que les hommes, conformément à leurs habitudes intellectuelles, ont oublié le but premier des actes dits de justice et d'équité, et notamment que l'on a pendant des siècles dressé les enfants à admirer et imiter ces actes, il s'est peu à peu formé l'illusion qu'une action juste est une action désintéressée ; et c'est sur cette illusion que repose la grande valeur accordée à ces actions, valeur qui, comme toutes les autres, ne fait encore que s'accroître continuellement : car ce qu'on évalue très haut se recherche, s'imite, se multiplie à force de sacrifices, et s'augmente du fait que vient encore s'ajouter à la valeur de la chose tellement appréciée la valeur de la peine et du zèle que lui voue chaque individu. – Que le monde paraîtrait peu moral sans cette faculté d'oubli ! Nietzsche 13 Spinoza « Si les hommes étaient ainsi disposés par la Nature qu'ils n'eussent de désir que pour ce qu'enseigne la vraie Raison, certes la société n'aurait besoin d'aucunes lois, il suffirait abso...


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