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Author Hélène Noel
Course Littérature et photographie
Institution Sorbonne Université
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Cours magistral de J.-F. Louette...


Description

Université de la Sorbonne – UFR de Littérature française – L6LM34FR Cours magistral de J.-F. Louette sur L’Éducation sentimentale

Séance du 12 février 2021 Il s’agit toujours, dans un premier temps, de présenter ce qui a fait la nouveauté de L’Éducation sentimentale, avant d’étudier la manière dont il traite de l’Histoire. Après « la contestation du sentiment », voici :

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2) La contestation du héros et des personnages

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1/ La contestation de la figure du Héros.

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Point bien analysé par Zola et par Malraux. o Zola en 1875 : le romancier naturaliste (qui revendique Flaubert pour maître) « tue les héros, s’il n’accepte que le train ordinaire de l’existence commune. Par héros, j’entends les personnages grandis outre mesure, les pantins changés en colosses ».  ≠ Balzac, qui ne croit jamais faire ses héros « assez gigantesques » (Balzac, Écrits sur le roman, Livre de Poche, p. 149-150). o Malraux dans L’Homme précaire et la Littérature, Gallimard, 1977 : Fl aurait le projet de « désinfecter Balzac du romanesque » – cad de ne pas se laisser épater par ses propres personnages (Balzac est manifestement épaté par Vautrin, sa créature). Voir en effet telle lettre de Fl à George Sand, vers le 31 décembre 1875 : « Pas de monstres, et pas de Héros ! ». Le temps en est passé. Le Bourgeois, qui règne, est l’opposé de cette affirmation triomphante de l’individu qui se repère encore chez Stendhal ou Balzac. o À preuve, trois scènes du roman.  L’incipit : le jeune héros ne quitte pas sa famille provinciale pour monter à Paris et y triompher. Non : il retourne à Nogent (!!). Cad : nulle part. Et dans sa famille ! Il remonte le fleuve (la Seine), mais c’est pour redescendre dans sa famille. On lève l’ancre, mais « ce n’est pas pour découvrir d’incroyables Florides [à la Rimbaud], c’est dans l’insignifiance d’un cabotage d’eau douce et la sécurité industrielle qui ramène à la maison » (Ph. Berthier).

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La scène du meurtre manqué : Fr songe à occire son rival, Arnoux, qui dort, son fusil sous l’aisselle, III, 1, p. 422. Il en rêve, mais il ne le fait pas. Au moment où cette idée va « se résoudre en action », une « grande peur le saisit » (puis angoisse, effroi…). Fr ne saurait faire couler le sang. La très célèbre scène finale, la conversation entre Fr et Deslauriers. Cinq remarques. • 1. Phénomène très curieux : cet épilogue nous conduit vers un moment de la vie de Fr (en 1837, alors qu’il a 15 ans, chez la Turque, « il devint très pâle ») antérieur au point de départ du récit, à savoir 1840 selon la première phrase ! (Dans le vocabulaire de Gérard Genette, Figures III, c’est une analepse externe). Comme s’il s’agissait d’annuler in extremis tout ce qui s’est passé entre 1840 et 1868, voire entre 1837 et 1868 ! Ainsi, « cette adolescence qui est déjà passée au début du livre […] se révèle, à la fin, avoir été le but du voyage » (Arthur Adamov et Marthe Robert, « L’art et la vie de Gustave Flaubert », Cahiers Renaud-Barrault, n° 59, Gallimard, 1967, p. 91). • 2. En fait, cette visite ratée au bordel est la scène originelle, préfiguration de toute la vie de Fr. C’est la « défaite initiale où s’amorce l’espèce de distanciation par rapport au réel, le glissement perpétuel à la rêverie » qui va marquer toute son existence (Duquette, p. 75). Ce qui explique pourquoi Fl fait d’un épisode apparemment mineur la fin de son roman. Cette visite chez la Turque n’est en fait pas sans lien avec l’amour de Fr pour Mme Arnoux : o Déjà le goût pour le type de la femme orientale, que Mme Arnoux incarnera aussi, avec ses bandeaux noirs, son air d’Andalouse selon Hussonnet… o Déjà l’inaccomplissement sexuel plus ou moins voulu… • 3. Que découvrent Fr et Deslauriers ? Quelque chose de mystérieux. o Voir le roman de Giorgio Bassani, Le Jardin des Finzi-Contini, 1962 : « ce qui comptait, c’était, plus que la possession des choses, le souvenir qu’on avait d’elles, le souvenir en

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face duquel toute possession ne peut, en soi, apparaître que décevante, banale, insuffisante » (Folio, p. 285). o Mais ici de plus : « Le seul souvenir précieux est le souvenir du désir sevré de tout objet, le souvenir, donc, de ce qui n’a pas été » (Jean Borie, p. 275), de ce qui aurait pu être. o Leur souvenir est aussi « comme un point d’interrogation : sait-on bien ce que c’est qui n’a pas été ? En ne le sachant pas bien, comment pourrait-on le regretter, ou même le préserver ? » (Jean Borie). 4. Quelque chose qui touche au rapport entre désir et jouissance. o Voir I, 5, p. 127, Frédéric obsédé par Mme Arnoux : « il tournait dans son désir, comme un prisonnier dans son cachot ». Le désir comme obsession… Et l’accomplissement du désir, alors ? Une prison plus petite encore ? o Fl à Louise Colet, 21 mars 1853 : « c’est par là que nous valons quelque chose, l’aspiration. Une âme se mesure à la dimension de son désir ». Paul Bourget l’avait bien vu : chez Frédéric, la jouissance n’accomplit pas le désir : elle le rétrécit et l’appauvrit. Ce dont Emma Bovary faisait l’expérience à ses dépens : tombant de Rodolphe en Léon. Le désir non satisfait et revécu par le souvenir serait meilleur que le désir satisfait. C’est ce que Fr comprend une fois que son désir – cad le désir romantique (celui qui apporte un bouquet de fleurs !) – est passé à l’épreuve du réel, cad que le héros romantique a été confronté à des fonds réels, à des conditions concrètes (et non pas au fond grandiose, montagnes neigeuses, landes brumeuses, caps rocheux et vagues écumantes). « Le désir est toujours plus large que la jouissance » (Jean Borie, p. 158). 5. Ce qui se découvre aussi comme lieu ou mot de la fin : le bordel et la prostitution. Clés pour comprendre tout l’univers que peint le roman ? Voir Jeanne Bem, 1974, p. 105 : pour Flaubert la

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société « a depuis toujours été symbolisée par le bordel ». o Idée dont Aragon saura s’inspirer, dans son roman Les Voyageurs de l’impériale. Fl serait selon Malraux « le premier romancier français à éprouver l’absurdité de la condition humaine » – après la fin de la foi chrétienne, devant la sottise de la raison positiviste, etc. Mais il montre des personnages qui ne sont pas conscients de cet absurde, et qui donc ne peuvent lui faire face par leur action.  Ou du moins qui ne font que frôler cette conscience. Voir p. 418, la question que se pose Fr : « Quel est le sens de tout cela ? » – qui stricto sensu ne concerne que la conduite versatile de Rosanette. Mais en fait, valeur plus large : • Fr est sorti de Sens, ville dont le nom fournit à Hussonnet l’occasion d’un jeu de mots satirique : « Un jeune homme du collège de Sens et qui en manque » (II, 4, p. 324). Mais n’est-ce pas le monde tout entier qui manque de sens ? • « Le monde, dans L’ES, est déjà moins un bien à conquérir [comme pour Rastignac] qu’une apparence à élucider. Mais Fr n’est pas taillé pour le conquérir, et il est trop veule pour se livrer aux difficultés d’un déchiffrement » (Michel Raimond, 1981, p. 101) – tant en ce qui concerne Mme Arnoux, que la Révolution. • Il y a donc le sens vide – et face à lui la parole pleine, lourde, épaisse de la bêtise (celle qui par exemple s’exprime au Club de l’Intelligence, ainsi nommé par antiphrase à visée satirique).

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2/ Le problème des personnages centraux.

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Il faut souligner la grande originalité de Fl : un roman sans héros. On peut appliquer à L’ES ce que Barthes écrivait en manière d’éloge dans une lettre à… Jean Cayrol (vers 1954) : « Tous les romans, en général, pensent aux hommes comme une réserve de séduction ; le roman élit des créatures désirables, réussies, intéressantes, passionnées, exemplaires dans le Mal ou dans le Bien, bref un matériel humain choisi, qui fait rêver » (Album, Le Seuil, 2015, p. 169). Mais les personnages de L’ES ne sont pas aimables et font-ils rêver ? On peut en douter…

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Flaubert veut bien peindre le banal, bien peindre le médiocre. o Yvetot vaut Constantinople : « il n’y a ni beaux ni vilains sujets » (à Louise Colet, 16 janvier 1852), ce n’est pas le sujet qui compte, c’est la forme, le style. o Soit. Mais quand même… Il se doute, lucidement, que ses personnages risquent de ne pas intéresser des lecteurs formés par Balzac et Hugo. Il écrit à Jules Duplan, 24 novembre 1864 : « Les héros inactifs sont si peu intéressants ! » ; il évoque « ces minces particuliers » (à George Sand, 5 juin 1868), et il se demande (lettre à la même, 30 octobre 1867) : « Des caractères aussi mous intéresseront-ils ? ». La médiocrité donc prend le risque de l’ennui. o Un mot  qui apparaît dès le premier ch., p. 46, pour désigner comme une atmosphère générale, sur le fond de laquelle se produit l’apparition de Marie Arnoux.  Puis qui revient p. 67-68, appliqué à Fr, qui souffre de désœuvrement, voir aussi p. 72, et encore la même association p. 121.  Ennui encore de tous les hommes lors du bal chez les Dambreuse, p. 233. o Fl à Louise Colet, 20 décembre 1846 (il n’a que 25 ans !) : « J’ai en moi, au fond de moi, un embêtement radical, intime, âpre et incessant qui m’empêche de rien goûter et qui me remplit l’âme à crever ».  Peut-être que la préoccupation fondamentale de Flaubert, et aussi de Frédéric, est l’ennui – comme le suggérait Paul Bourget, p. 188, « un ennui profond, absolu, irrémissible » ; et le roman flaubertien serait une recherche des distractions, ou des tentations, qui désennuieraient. Pour lutter contre l’embêtement, railler la bêtise… o Stendhal aussi était fort sensible à l’ennui.  Selon lui, les deux choses sur lesquelles on ne saurait mentir : le courage à la guerre, et l’ennui qu’on éprouve dans la conversation… L’ennui comme critère de la justesse, de l’authenticité dans la relation sociale…  Mais les romans de Stendhal font leur place à l’élan, à l’allegro… Le début de La Chartreuse, qui n’a aucun équivalent chez Flaubert. o Voir Guy Sagnes, L’Ennui dans la littérature française de Fl à Laforgue (1848-1884), Armand Colin, 1969. La médiocrité prend aussi le risque de la vulgarité.

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o Fl l’écrit lui-même, parlant de son « interminable roman » : « Les vulgarités de la vie sont assez écœurantes sans que l’Art les reproduise ! Pourquoi ne pas se maintenir dans les hautes régions ? Pourquoi ne pas rêver tout ce qui nous manque ? » (à la comtesse Primoli, 27 août 1866). o Quant à la critique de son temps…  Réaction d’un grand écrivain, Barbey d’Aurevilly (le futur auteur des Diaboliques, 1874), à la parution de L’ES : « Le médiocre jeune homme dont ce livre est l’histoire est vulgaire, et tout autour de lui l’est comme lui, amis, maîtresses, société, sentiment, passion – et de la plus navrante vulgarité. A-t-on vraiment besoin d’écrire des livres à prétention sur ces gens-là ? […] Selon nous, il y a dans le monde assez d’âmes vulgaires, d’esprits vulgaires, de choses vulgaires, sans augmenter encore le nombre submergeant de ces écœurantes vulgarités » (Le Constitutionnel, 19 novembre 1869, cité par Pierre Cogny, p. 7- 8 ; voir aussi notre édition GF, p. 558-559).  Plusieurs critiques contemporains de Flaubert estiment, comme Barbey, dégradant de se complaire dans la description de la médiocrité. L’un d’entre eux dénonce, dans le Journal des débats, la « rage de tout rabaisser » de Flaubert. On oppose l’amoralisme de L’Éducation à la fin plus morale de Madame Bovary (malgré le procès) : Emma a au moins le bon goût de se suicider… -

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Dernières réactions dans cette veine : Henry James, Flaubert (1902, trad. L’Herne, 1969), Alain, Propos de littérature (1934), et Julien Gracq. Je les présente à rebours de la chronologie. Gracq, En lisant en écrivant, Corti, 1980 : o « La volonté de dégoût avec laquelle Fl traite presque ses personnages les mécanise et les fait grimacer : que de fantoches dans cette chronique ! » (p. 79) o Par exemple : « le ménage Dambreuse, quel ectoplasme ! sans un seul trait un peu incisif qui réussisse à le faire sortir de l’indistinction grande bourgeoise ! » (p. 81). o Ou bien même, Mme Arnoux. Voir plus bas. Alain écrit en 1934 – à propos de Bouvard et Pécuchet, mais son propos est transposable : « Cette puissance de nier, qui est proprement diabolique, laisse pourtant échapper tout l’humain, qui existe fortement. On peut voir le médiocre en tout, mais rien n’est médiocre en ce corps pensant. Il y a une vérité de la vie agricole et provinciale [Nogent !] ; il y a des passions fortes [Louise Roque !] ; il y a des

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pensées, dans l’homme le plus ordinaire, qui rassemblent le ciel et la terre » (Propos de littérature, LXV). o Bref, Alain reproche à Fl de n’être pas Balzac, et de mépriser l’humain, ce qui pour un penseur radical-socialiste comme lui est une très grosse erreur. De façon plus profonde, Henry James (né en 1843, écrivain américain, naturalisé britannique en 1915) relève les trois grosses erreurs de Flaubert (peintes néanmoins avec une critical tenderness, p. 88, une tendresse critique, puisque James admire Fl, et qu’il voit même en lui le romancier des romanciers, p. 90, cad cher aux écrivains, parce qu’il a la religion de son métier). o 1. James s’étonne que Fl ait pu choisir un specimen humain aussi inférieur et vil (abject) que Frédéric Moreau. On pourrait dire aussi : vil et vide, veule et velléitaire… Inconstant et inconsistant comme un brouillard… Faux héros ou anti-héros, sans qualité ni volonté, sans aucun prestige. Disqualifié de cinq manières, si l’on veut.  1. Par lui-même, explicitement : « Je suis de la race des déshérités » (p. 61). • Un destin intériorisé et surtout un rôle romantique joué, puisqu’il y a là une allusion au sonnet de Nerval, « El desdichado » (Les Chimères, 1854). • Et pas exempt de narcissisme, voir la scène du miroir en rentrant du premier dîner chez les Arnoux, p. 104, « Il se trouva beau ». La beauté dans le malheur : Byron, Baudelaire… o Mais aussi, parfois, sans tristesse, par pur contentement de soi, ainsi p. 239, après une soirée chez les Dambreuse. o Ou bien se rêvant en costume de député, p. 401.  2. Par les autres personnages : • Deslauriers le trouve « fainéant », p. 114, raille ses « nerfs de mademoiselle », p. 116, et sa « bibliothèque de petite fille », p. 215 (mais il exerce sur lui « un charme presque féminin », p. 337). – Dans son journal Hussonnet le représente en « obscur nigaud » (p. 324). – Mlle Louise s’extasie : « Comme vous êtes coquet ! » (II, 5, p. 343). – M. Dambreuse le tient pour « un jeune homme inoffensif » (III, 1, p. 404). – Arnoux le traite de « mollasse », p. 421. – Et Rosanette de même, p. 514. Il n’est donc point un parangon

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d’intelligence, et pas non plus de virilité. • Comme à un enfant, ou à une fille (ainsi Hussonnet avec une ancienne, p. 133), on lui passe la main sous le menton : ainsi font Arnoux (p. 95), la Vatnaz (p. 348), Rosanette (p. 439) et Deslauriers. • Fr ne domine rien, il est dominé à la fois par les hommes (Deslauriers, puis Arnoux) ; et par les femmes (sa mère, quelque peu ; Mme Arnoux, entièrement ; Mme Dambreuse qui le force à l’accompagner à la messe : « Il obéit, et porta le livre », p. 507), bien loin de se servir d’elles comme savent le faire les héros de Balzac ou Stendhal. Pierre Cogny va jusqu’à parler de « l’écrasement de Fr entre les personnages féminins » (1975, p. 92), et il soutient que « du premier chapitre au dernier, Fr est absorbé » en Mme Arnoux.  3. Par le narrateur, qui le condamne : • Un naïf (p. 150), « homme de toutes les faiblesses » (p. 402) ! • Un égoïste : « Un homme d’un égoïsme moins réfléchi », etc., II, 6, p. 353. • Fl note plusieurs fois sa peur ou lâcheté : o p. 101, F aurait eu « peur d’écrire une ligne » sur l’album des hommages à Mme Arnoux, il se sent inférieur ; o p. 102, « il n’osait lever ses paupières pour la voir plus haut, face à face » ; o p. 222, « sa prodigieuse couardise » (!!) ; o p. 249, seul avec Mme Arnoux, ils en sont venus au stade des confidences, mais « il était encore plus lâche qu’autrefois » ; o p. 266, « le sentiment de sa lâcheté envers son ami » Deslauriers, puisqu’il lui avait promis 15 000 Francs pour le journal mais les a prêtés à Arnoux ; o p. 295, devant la tentante Maréchale, qui vient pourtant d’outrager publiquement Madame Arnoux au Champ de Mars, et de flirter avec Hussonnet et Cisy, « Toute sa vertu, toute sa rancune sombra dans une lâcheté sans fond » ;

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o II, 4, p. 329, embarrassé chez les Dambreuse : « Il avait envie de partir. La peur de sembler lâche le retint » ! Il n’en sort pas… o p. 354, « une lâcheté immense l’envahit », et il n’ose pas parler franchement avec Deslauriers de Mme Arnoux. • Évidemment, peur face aux femmes, o Louise qui s’offre (p. 345) – elle n’a pas peur, marque même une « bravoure de sentiment », fait des avances (la grange) o Avec Rosanette, ne saisit pas l’occasion (II, 6, p. 352), par peur d’une nouvelle humiliation. o Devant Mme Arnoux qui s’offre, naît en Fr « comme l’effroi d’un inceste », et la « crainte d’en avoir dégoût plus tard » (p. 545). • Mais attention : o L’épisode du duel avec Cisy (II, 4). Après lui avoir lancé une assiette au visage, parce qu’il a insulté Madame Arnoux, Fr « éprouvait alors comme un orgueil de virilité » (p. 311), est « pris d’un paroxysme de bravoure » (p. 314). Ce duel reste quand même une épreuve qualifiante, pour dérisoire qu’elle soit : la noblesse du duel n’est plus possible, Cisy est un « fils de preux », p. 133, qui s’évanouit sur le terrain, au bois de Boulogne ! Et le duel sera narré en blague dans le journal du bohème Hussonet (p. 324). Il sert néanmoins à montrer qu’il n’y a pas chez Fr lâcheté physique, mais morale (velléitaire…). – De plus, chez les Dambreuse, Fr prend la défense de Sénécal, arrêté avec des bombes incendiaires, donc accusé de crime politique : « emporté par la bravoure qui saisit quelquefois les plus timides, il attaqua », etc. (II, 4, p. 331). o D’autre part, l’absence de peur (p. 337) conduit parfois à l’impudence, ainsi de Deslauriers tentant sa chance auprès de Madame Arnoux avec grossièreté.

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o Enfin la peur a aussi suscité chez Fr une « réserve si charmante » (p. 544) aux yeux de Madame Arnoux, et peut-être chez elle aussi – elle qui avoue avoir eu peur et de lui et d’elle, p. 542, cad de leur amour et de leur désir. • Parfois la cruauté du narrateur tient simplement à la description des gestes, si communs. o Ainsi « tête nue, poitrine ouverte » à la fin de I, 4, p. 103, c’est la « posture du héros romantique communiquant avec les forces de l’univers » (Biasi). o Ou bien postures, gestes d’amour convenus : Fr tombant à genoux devant Mme Arnoux, II, 6, p. 365 ; mais ensuite se mettant encore à genoux devant une autre, Mme Dambreuse, et lui jurant un amour éternel, III, 3, p. 482. o Ou bien III, 5, p. 343 : « si bien qu’il écarta les deux bras, en se renversant la tête »… • Parfois la condamnation, quoique réelle, est moins vive, d’une ironie plus discrète o « Il trouvait que le bonheur mérité par l’excellence de son âme tardait à venir » (p. 44), c’est l’emphase qui ici vaut comme signe de l’ironie du romancier. Mais phrase d’une grande profondeur : d’une part, elle marque l’opposition entre le héros stendhalien (très exigeant pour lui-même, sévère), et le héros qu’est Fr (complaisant à soi). D’autre part et surtout, elle indique en quoi Fr est représentatif d’une génération, voire de l’homme moderne : le bonheur lui est un dû, « la vie lui doit quelque chose à lui, personnellement » (Jean Borie, p. 129). (Contre quoi, Alain dans Mars ou la guerre jugée : cette planète à éruptions ne nous a rien promis). o Ou bien : « Il se demanda, sérieusement, s’il serait un grand peintre ou un grand poète » (p. 104), ici l’adverbe démystifie comme une plaisanterie la grandiloquence du dilemme (et Fr ne sera ni l’un ni l’autre). o Ou enfin, Fr rompant avec Rosanette : « Si tu

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me connaissais mieux, tu saurais que ma décision est irrévocable ! » (p. 532), réplique mélodramatique, que le lecteur, qui a vu Fr aller de revire...


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