CM11 ethnographie de la communication PDF

Title CM11 ethnographie de la communication
Course Théories linguistiques et communication
Institution Université Paul-Valéry-Montpellier
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CM11 de Communication E11SL5...


Description

Communication CM Emmanuelle Laboureyras lundi 9h15-10h45

23 /11/2020

Plan : XI. Ethnographie de la com Rappel 1) Le débat autour de la grammaire générative 2) Avènement de l’ethnographie de la com 3) Un point sur la méthodologie 4) Un objet de recherche : le modèle SPEAKING 5) Un autre objet : la notion de compétence de com 6) Critiques de Hymes 7) John Gumperz 1. Les cadres d’analyse de Gumperz 2. Méthodes de recherche 3. Une approche interprétative de la com XI. Ethnographie de la com Rappel Lors des trois précédents cours, nous avons vu les prolongements de l'École de Chicago. Parvenant à la quatrième et dernière partie du cours, nous nous intéresserons maintenant aux travaux menés dès le milieu des années 60 en ethnographie de la parole et de la communication.

Un contexte scientifique particulier D'un côté (plutôt sociologique et anthropologique), on note, au milieu des années 60, un regain d'intérêt pour les enquêtes de terrain ( « ethnographies ») qui permettent de « ne pas négliger la situation » (cf. Goffman). On peut citer, sans toutefois les opposer : • D'un côté l'interactionnisme symbolique (qui regroupe principalement des sociologues) • De l'autre l'anthropologie de la communication (« nouvelle communication ») La communication, le langage, le temps, l'espace apparaissent comme des phénomènes insérés dans des processus sociaux et culturels.

1) Le débat autour de la grammaire générative Qu’est-ce que la grammaire générative ? La grammaire générative a été initiée par le linguiste Noam Chomsky. Elle a pour objectifs principaux de rendre compte de la compétence linguistique des sujets parlants, mais aussi des universaux du langage. Du point de vue de la méthodologie, elle se caractérise par un travail sur un corpus de

phrases créé par le chercheur. 2 grandes catégories d'analyse sont développées par Chomsky : la compétence et la performance3: • Compétence : la capacité à construire et reconnaître des énoncés grammaticalement corrects. • Performance : l'actualisation de la compétence par la réalisation d'énoncés «3grammaticaux3»

Contre Chomsky ? Dans le prolongement des travaux menés en interactionnisme symbolique ou en anthropologie de la communication, l'anthropologue et linguiste Dell Hymes remarque qu'il est nécessaire de pouvoir développer un cadre d'analyse qui ne soit pas strictement «3logocentré3» (c'est-à-dire uniquement centré sur le langage), et qui prenne en compte «3la situation3»3: • car une langue ne peut se résumer à son système linguistique • car elle n'existe qu'en contexte, entre partenaires donnés dans une situation donnée • car elle répond de règles linguistiques mais aussi de normes et de règles socio-culturelles propres à la communauté qui la parle. A l'initiative de Dell Hymes, a donc lieu la création d'une association de recherche pluridisciplinaire regroupant linguistes, sociologues, anthropologues (certains faisant partie de l'interactionnisme symbolique et de l'anthropologie de la communication) Cette association scientifique se positionne contre Chomsky et déploie ses analyses dans plusieurs publications remarquées : • Une première publication collective : Ethnography of communication (1964) avec des contributions de D. Hymes, J. Gumperz, B. Bernstein, S. Ervin-Tripp, J. Fisher, C. Frake, E. Goffman, E.T. Hall et W. Labov • Un second ouvrage collectif : Directions in sociolinguistics. The Ethnography of communication (1972) avec les mêmes auteurs ainsi que R. Birdwhistell, H. Garfinkel, H. Sacks, E. Schegloff, J. Fishman.

2) Avènement de l’ethnographie de la com C'est un courant de recherche issu de l'anthropologie sociale et culturelle qui aura été principalement développé par Dell Hymes et John Gumperz. Il s’agit d’une analyse de l’act° pratique, c’est-à-dire de ttes les petites manifs sociales qui participent de la forme sociale (le voc est emprunté à H. Garfinkel en ethnométhodo). Tout agissement d'un acteur humain est socialement marqué3: lorsque ces agissements reçoivent une réponse ou une réaction d'un autre participant, on se trouve dans une forme sociale Exemple3: • « X entre dans une cabine téléphonique, il introduit sa carte et tape son numéro : on a là

une action pratique • mais si Y attend à la porte de la cabine, X et Y signaleront d'une manière quelconque leur présence mutuelle : on assiste alors à une forme sociale ».

Méthode Les recherches sont construites à partir de l'observation d'interactions sociales ou de rencontres (plus petites unités interpersonnelles d'une communauté humaine). Ces rencontres peuvent s'accomplir entre des membres d'une même communauté sociale et linguistique, mais aussi entre des membres de communautés différentes. → Dans ce cadre, il n'est pas rare que l'attention soit focalisée sur des interactions de la vie quotidienne et ordinaire. (Cet intérêt ne relève pas seulement d'un souci d'humilité, il est lié à une volonté d'efforts portés « sur un objet fluctuant et souvent évanescent qui se signale par des arrivées et s'efface au moment du départ des participants » (Goffman, 1974)

3) Un point sur la méthodologie Comme son nom l'indique, ce courant de recherche s'appuie principalement sur des méthodes d'enquête qualitative, de terrain, supposant des ethnographies approfondies. → Dans ce cadre, plusieurs modalités de recueil de données sont mobilisées3: • Observations participantes • Observations instrumentées : enregistrements sonores d'interactions authentiques/ naturelles dans le cadre d'interactions monolingues ou plurilingues • Transcriptions des activités interactionnelles relevées.

Le point de vue émique Cette méthodologie permet de faire ressurgir le point de vue émique de la situation. → Le point de vue « éthique », c'est le point de vue de l'analyste sur une situation → Le point de vue « émique », quant à lui, est le point de vue des participants permettant de rendre compte des éléments pertinents pour eux dans le cours de leurs interactions. NB : Dans le texte d'E.T Hall (TD10), le point de vue émique apparaît à travers le regard de l'informateur noir qui choisit de photographier des éléments interactionnels importants pour lui et ses partenaires, mais invisibles pour l'analyste (Hall, 1966 : p. 206-207).

4) Un objet de recherche : le modèle SPEAKING Dans « Models of Interaction of Langage and social Life », Hymes (1972) présente un modèle des différentes composantes de toute communication, sous la forme mnémotechnique de SPEAKING, chacune des lettres renvoyant à une composante de l'interaction et, donc, à un objet de recherche : • S : Setting -> cadre spatio-temporel de l'interaction • P : Participants -> les participants à l'échange (les interlocuteurs, mais aussi les tiers) • E : Ends -> les objectifs (correspondant tout autant aux intentions qu'aux résultats) • A : Acts -> les actes de langage (action ou activité que la production d'un énoncé

engendre ; e.g. promesse, jugement, prise de contact, assertion, etc.) • K : Key -> la tonalité de l'échange (intonation/registre/ton de voix), le registre de langue mais aussi les aspects paraverbaux (prosodie et gestuelle notamment) • I : Instrumentality -> à la fois le code (la langue), le/les sens (vue, ouïe, odorat, etc.) et le canal de la communication (écrit/oral) • N : Norms -> es normes de la communication au sens de règles langagières et sociales de comportement • G : Genre -> le genre auquel se rattache l'interaction étudiée (ex : conférence, conversation ordinaire, jeu dans une cours, débat télévisé, etc.).

5) Un autre objet de recherche : la notion de compétence de com En contrepoint de l'analyse de Chomsky proposant de travailler à partir des notions de compétence grammaticale et de performance, Dell Hymes suggère de s'intéresser plutôt à la compétence de communication mobilisée par chaque locuteur en interaction. Schématiquement, on pourrait la représenter ainsi :

Elle met en œuvre tous ces aspects et dépasse donc la seule maîtrise des outils grammaticaux.

6) Critiques de Hymes Bien qu’intéressantes, les propositions de Dell Hymes, vues lors du cours précédent, ont fait l'objet de nombreuses discussions relativement critiques.

 Critiques du modèke SPEAKING Le modèle SPEAKING apparaît pour beaucoup comme un modèle encore trop descriptif, au sein duquel certains concepts –parce qu'ils manquent d'être clairement définis (comme ceux de norme ou de genre) – sont difficilement utilisables. La question du contexte semble encore trop liée à un contexte langagier.

 Autres critiques faites à Hymes • Les notions de culture, de situation ou d'action, alors qu'elles font partie intégrante des échanges interpersonnels, manquent d'être pleinement intégrées dans l'analyse de Hymes • La notion de « compétence de communication » requiert du chercheur qu'il soit

principalement centré sur le « locuteur ». Or, les échanges interpersonnels impliquent l'action coordonnée du locuteur et des co-locuteurs !

7) John Gumperz Il est né en 1922 en Allemagne. Il effectue ses premiers travaux en Inde, puis en Norvège principalement (mais aussi autres pays3: Autriche, USA…). Il effectue l'essentiel de sa carrière au département d'anthropologie de UC Berkeley. Ses recherches offrent un contrepoint intéressant au système d'analyse développé par Hymes.

Contre la grammaire générative Gumperz se positionne contre l'approche de la grammaire générative. Si, tout comme Hymes, Gumperz consent que s'interroger sur la « compétence » des locuteurs engage un point de vue intéressant, il est en revanche pour le moins problématique d'aborder le problème en terme de grammaticalité ou d'agrammaticalité. Pour Gumperz, interagir avec autrui ne se résume pas au fait de produire des phrases grammaticalement correctes. Les méthodologies employées par Chomsky (phrases inventées et créées par lui-même ou d'autres collègues chercheurs) lui semblent particulièrement problématiques et manquer de rigueur scientifique. Il est important de ne plus rester centré sur un individu, « locuteur idéal introspecté », mais sur des ensembles d'individus.

1. Les cadres d’analyse de Gumperz  Une première piste : les communautés linguistiques • Faisant écho à d'autres recherches menées au même moment sur ce sujet, Gumperz décide de s'intéresser aux « communautés linguistiques », entendues alors comme des « ensembles langagiers », portés chacun « par un groupe social et repérables selon certains descripteurs sociologiques stables » (exemple, le bilinguisme, le bidialectisme (diglossie)…) → Mais très vite, Gumperz s'aperçoit que rien n'est stable • On n'observe que rarement une superposition géographique entre une langue et une population formant une entité structurellement fermée, culturellement cohérente et socialement cohésive. • Le concept de « communauté linguistique » est d'autant plus fragile qu'il n'y a pas de superposition entre système grammatical, sentiment linguistique et espace socio-historique et politique.  Seconde piste : la signification dans la conversation • « Quiconque a pris le temps d'observer des groupes naturels en pleine conversation se rend

compte que l'information sur les schémas d'interprétation est transmise à la fois par le contenu de la phrase et par des questions de forme telles que le choix de la prononciation, du dialecte ou le style de discours. On peut écouter un groupe de locuteurs sans comprendre les mots proprement dits, et se faire une idée relativement précise de ce sur quoi porte la conversation et de ce qui se déroule. Ce faisant, on s'appuie sur une connaissance des valeurs symboliques attachées aux variantes du discours, de la même façon qu'un écrivain compte sur la capacité du public à interpréter le sens de ses choix stylistiques » (Gumperz, 1989 :19) • « L'observation détaillée des stratégies verbales a montré que les styles langagiers que choisit un individu, ont une signification symbolique et impliquent des effets de sens qu'on ne peut simplement expliquer en corrélant des variantes linguistiques et des variantes sociologiques contextuelles indépendantes » (ibid.)

2. Méthodes de recherche Dans le prolongement de Goffman, Gumperz souligne qu'il est important de ne pas « négliger la situation ». Cela donne lieu à plusieurs conséquences méthodologiques :  S'appuyer sur des enquêtes de terrain (et notamment des observations participantes)  Et donc, travailler sur la base de données empiriques qui laissent intacts tous les indices communicationnels dont le verbal n’est qu’une part  Enfin, s'intéresser à des données « ouvertes » issues de situations ou de « rencontresclefs » qui, dans un itinéraire individuel, s'avèrent décisives (recrutement d'embauche, décision de justice, rituels publics) → Gumperz observe, en effet, que : • dans ces situations spécifiques, les protagonistes déploient des stratégies discursives chargées de sens3; • ils mobilisent alors tout un ensemble de ressources qu'ils puisent dans leur répertoire social et langagier3; • selon le jeu ainsi joué dans l'ici et maintenant, c'est au delà de la situation beaucoup plus qui se joue. D'un point de vue méthodologique, cela va aussi amener Gumperz à s'intéresser à des situations de langues en contact (et dès lors de cultures en contact). Parce que les individus qui vivent en coprésence ces situations sociolinguistiques tendent à être, plus que d'autres, confrontés à des problèmes d'intercompréhension. Méthodes de recherche (Principe) 3 plans méthodologiques font découvrir les éléments comportementaux qui mènent à la réussite de l'interaction interculturelle3: l'incompréhension survient au moment où les trois types de signaux conventionnels et informels ne sont pas partagés par les participants : • macro-signaux kinésiques : mouvements des yeux, contractions des muscles faciaux

• macro-signaux proxémiques : posture, mouvements de mains et orientation du corps • signaux formels et codés explicitement : clin d'oeil, poignée de main, mouvements de tête, etc. La réussite interactionnelle dépend de la coordination discrète de ces signaux qui ont, le plus souvent selon Gumperz, un effet subconscient dans la coordination des échanges. Illustration des méthodes de recherches Exemple de la cigarette (de de Salins) où les éléments kinésiques, gestuels et proxémiques se joignent au langage pour faire aboutir la communication3: • A: - Vous avez du feu, s'il vous plaît? • B: (tend son briquet qui se trouvait sur la table de la terrasse de café) • A: (fait un premier essai négatif; au deuxième essai, il arrive à allumer sa cigarette) - Ça y est ! C'est bon ! (en rendant le briquet à B et en s'éloignant). Le verbal ne pouvait pas suffire pour la compréhension de cette interaction à laquelle il faut ajouter des informations sur les règles du rituel de la communication face à face : l'interlocuteur n'a pas été obligé de répondre verbalement, alors que le demandeur utilise “Ça y est !” comme acte rituel (je n'ai pas été trop long. J' ai fini d'empiéter sur votre territoire) et, comme marque de satisfaction, en tant que valeur rituelle de remerciement, “C'est bon !”.

3. Une approche interprétative de la com S'intéressant dès lors à des échanges interpersonnels (impliquant le plus souvent des rencontres-clés en situation de langues en contact), Gumperz va porter son attention3: 1. sur le locuteur mais aussi sur l'auditeur interprétant les interventions de l'autre en fonction d'indices perçus 2. sur les processus d'interprétation mis en œuvre pendant l'interaction : «3(il est important) de regarder les échanges verbaux comme impliquant des inférences au niveau des discours fondés sur la contextualisation, plutôt que simplement organisés selon des suites d'actes de discours reliés en séquences3» 3. et les indices de contextualisation produits et perçus en surface : « j'entends par contextualisation l'emploi par des locuteurs/auditeurs de signes verbaux et non verbaux qui relient ce qui se dit à un moment donné et en un lieu donné à leur connaissance du monde » Selon Gumperz, les différences/divergences d'interprétations proviennent de ce que, dans les contacts sociaux quotidiens, les interactants en présence appartiennent à des univers symboliques différents même si en apparence, ils parlent la même langue, partagent les mêmes compétences langagières et communicationnelles.

Pour comprendre la raison et le fonctionnement de ces incompréhensions/ malentendus/ divergences, il est donc important d'analyser de façon très détaillée le cours des interactions afin de dégager : • Les indices culturels qui cadrent les processus interprétatifs • Les indices de contextualisation qui marquent un ancrage dans l'ici et maintenant de l'échange • Les indices de coordination verbale et non verbale (gestuelle, kinésique) qui permettent aux interactants de se rendre visibles la compréhension (ou le manque de compréhension) de l'activité conversationnelle en cours....


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