Copie de Dom Juan ou la critique de la raison comique PDF

Title Copie de Dom Juan ou la critique de la raison comique
Course Littérature
Institution Sorbonne Université
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Summary

Littérature ...


Description

DOM JUAN OU LA CRITIQUE DE LA RAISON COMIQUE, PATRICK DANDREY L’œuvre fut bien reçue par le public lors de sa création, le 15 février 1665. Mais la pièce sera ensuite délaissée ou occultée par Molière. Il ne la reprendra jamais jusqu’en à sa mort en 1673. Dom Juan offre un nombre élevé d’irrégularités ou d’incongruités par rapport à l’esthétique de son auteur et de son époque : cinq actes de prose. Le sujet de Dom Juan, puisé par Molière dans un fonds d’origine légendaire mis en forme par des dramaturges espagnols, italiens et français, a depuis lors donné naissance à l’un des plus célèbres mythes littéraires du monde moderne. S’interpose donc entre la comédie et la lecture que nous faisons, l’ensemble des approches et des interprétations qui forment la nébuleuse du mythe donjuanesque, enveloppé dans l’aura de la perversité séductrice et du défi romantique de l’homme révolté contre son créateur. Certains choix esthétiques étonnent : discontinuité de la composition, irrespect des unités, désinvolture du ton. La vigueur critique et l’insolence morale de Dom Juan tiennent autant sans doute à son ton, à son écriture, à la fulguration de sa prose, qu’à la présence de scènes jugées blasphématoires. L’audace de la comédie est toute poétique. Subtile machine à produire de l’incertitude sans tomber dans le piège du dogmatisme sceptique, Dom Juan nous contraint de soumettre à l’épreuve du suspens critique non tant la certitude aventureuse des réponses que l’évidence trompeuse des questions.

1.L’esthétique du paradoxe Il est simple de rapporter cette étrange entrée en matière à une forme aujourd’hui trop oubliée du registre épidictique qui n’aura cessé de donner forme et matière au discours ironique dans la culture ancienne : il s’agit de l’éloge paradoxal. Sa présence au lever du rideau et sa présence récurrente et insistante à l’intérieur de la comédie, plus que dans toute autre œuvre de Molière, laisse à penser sur les dettes de Molière envers les formes anciennes de la rhétorique et envers l’héritage de la culture et de l’art antiques. Le principe consiste à jouer à la fois sur la parodie quant au discours et sur le paradoxe quant à la thèse ou l’objet choisis. Ce jeu demande une constante, le sujet traité : il suffit à celui-ci d’être incongru pour convenir au projet.

Le jeu entre le discours régulier et son sujet inapproprié suppose l’opinion universellement acceptée sur la thèse ou l’objet en cause, la doxa sur laquelle jour l’effet de paradoxe. L’écriture encomiastique constitue un chapitre plus abondant qu’il n’y parait de l’histoire du rire, dans lequel il semble que Molière ait inscrit pour une grande part sa version du mythe de Dom Juan. Dans Dom Juan, la fréquence des emprunts à la rhétorique du pseudoencomium est élevée (nombre de passages de la comédie lui doivent parfois leur structure, leurs thèmes et leur ton). L’empire oratoire s’exerce encore, sur la texture des œuvres littéraires classiques, sur l’exploitation topique de leurs thèmes et de leurs tons. Ainsi prononce-t-il deux pseudo-encomia de forme régulière sous forme de deux grandes tirades : - Celui de l’inconstance au premier acte, rattaché au genre des éloges de l’infidélité amoureuse ; - Celui de l’hypocrisie au dernier, rattaché à la catégorie de l’éloge des vices, à la fois satirique par la peinture qu’elle brosse de la société et cynique par le plaisir réel que prend le personnage à décrire la merveilleuse machination collective dans laquelle il compte jouer un rôle. On relève deux passages de tonalité pseudo-encomiastique dans le rôle de Dom Juan : - Un éloge emphatique de la beauté supposée de Charlotte sur un ton moqueur des blasons du corps féminin. Satire directe, ce trait sarcastique est fondé par Dom Juan sur un parallèle paradoxal. La manière pseudoencomiastique prête à Molière un ton moqueur et désinvolte. - Le portrait horrifique de Dom Juan par Sganarelle. Le tableau est paradoxal par l’excès même de la formulation.

1.1.Dom Juan et Sganarelle paradoxaux 1.1.1.L’éloge de l’inconstance : un topos mondain Dom Juan loue les bienfaits de l’inconstance et décline les sentiments partagés par la société mondaine du début du règne de Louis XIV. La constance n’est bonne que pour les ridicules.

Dom Juan rhéteur L’exagération enthousiaste du propos et sa rigueur de raisonnement placent cet éloge paradoxal de l’inconstance à mi-chemin entre la littérature badine et le débat savant.

Pour autoriser l’inconstance, Dom Juan la présentait volontiers comme un phénomène indispensable à la vie, source de renouvellement. Ce que la tirade de Dom Juan partage avec un texte encomiastique, c’est : - Une structure ferme et une continuité de raisonnement rigoureuse, - Une série d’allusions à la cosmologie, à l’histoire et aux sciences de l’âme humaine, demeurées plus discrètes dans la comédie, - Un tour piquant, brillant et moqueur. Cela cherche à exploiter toutes les possibilités rhétoriques d’un verbe clinquant pour aiguiser l’esprit du lecteur et du spectateur, le divertir et l’agacer, jusqu’à le faire douter si l’orateur prend à son compte la thèse paradoxale qu’il défend ou joue à en persuader son auditoire sans être lui-même convaincu ni peut être même désireux de convaincre. En faisant accomplir par son héros dans la suite de l’intrigue les promesses de cet éloge de l’inconstance, Molière a inclus le pseudo-encomium parmi les instruments de l’expérience ironique et critique tentée par sa comédie. Le genre de l’éloge paradoxal se trouve renoué avec la tradition intellectuelle d’investigation audacieuse. L’éloge de l’inconstance dans Dom Juan constitue une forme subtile de paradoxe inoffensif sur une question fondamentale de l’anthropologie classique, celle de l’infinitude angoissante du désir mû par un amour de soi immature et dévorant.

L’éloge de l’hypocrisie : un topos satirique Dom Juan présente l’hypocrisie comme un « vice à la mode » et « vice privilégié », or « tous les vices à la mode passent pour vertu ». L’hypocrisie est un bienfait du Ciel puisqu’elle est universellement révérée par les hommes. Dom Juan parade mais Molière s’indigne et enrage. Le poète trouve refuge dans une attitude paradoxale et provocatrice parce qu’il n’est pas d’autre réponse à la perversité du vice contre l’esprit. Les éloges paradoxaux de tradition comique. Molière développe l’étrange blâme de l’honneur de Dom Carlos sauvé par Dom Juan en une diatribe, hors de propos dans l’économique dramatique de l’œuvre.

1.1.2.Origines et fins de l’éloquence paradoxale Les effets de l’éloge paradoxal dans Dom Juan La traque d’une vérité dont on ne peut savoir assurément si elle est chrétienne, libertine ou seulement incertaine et inconnaissable est assumée par des éloges paradoxaux qui revêtent la forme du pseudo-encomium tantôt

satirique comme l’éloge de l’hypocrisie, tantôt facétieux comme celui du Moine bourru. L’effet de dérision que provoque dans cette comédie, contre le génie même de son sujet, le choix paradoxal d’une forme en l’occurrence si incongrue, éclaire d’une lumière trouve et vacillante l’intention de sens dévolue par Molière à Dom Juan.

Le prisme de l’Ironie Tout le rôle de Dom Juan vise à démoraliser la foi et à désorganiser l’ordre social et intellectuel fondé sur ses principes. Mais son génie n’est pas d’imposer une conception athée parfaitement cohérente en remplacement de la pensée religieuse. C’est plutôt d’introduire le doute ironique sur tout ce qu’il touche. Il nous prend au piège de sa séduction en nous rendant complices de nombre de ses propos parfaitement rationnels ou plaisamment railleurs, alors même que la conduite qu’ils inspirent, teintée de cruauté, de violence, de cynisme ou d’hypocrisie, peut et doit nous répugner. Son triomphe tient au fait qu’il nous empêche d’unifier notre regard et notre point de vue, sur lui et sur toutes choses. Il interdit à la comédie tout espoir de cohérence.

L’ironie critique On ne trouve donc dans Dom Juan guère d’éloges paradoxaux sur un sujet de morale ou de religion qui ne puissent être tenus indifféremment pour satiriques. Prononcés par des personnages eux-mêmes paradoxaux par leur attitude, le valet autant que le maître participent d’un balancement du sens, comme en suspens. Dom Juan constitue une comédie plus que problématique, une comédie critique dévouée à dégager une perspective ironique à partir de laquelle le poète aura tenté un jour d’aller observer son œuvre et le monde. Le doute sceptique introduit par Dom Juan dans le fruit comique prolonge et approfondit cette sensation intuitive du spectateur des grandes comédies de Molière.

2.Dom Juan mis au pas 2.1.Le processus de régulation Versifier est une affaire de style. Mais tout le processus de l’écriture est en fait engagé par les procédures de régulation du désordre que symbolise la mise en vers : - L’invention,

-

La composition, L’expression. De sorte que ces procédures de régulation relevées plus haut s’accordent parfaitement et communient en esprit avec le parti pris de clarté, d’univocité, de résorption des incertitudes qui sous-tend le processus d’édulcoration de la comédie jusque dans les strates les plus profondes : mettre en canon l’œuvre diverse et inquiétant de Molière, c’était la rendre classique et classable, acceptable. Le paradoxe veut donc que l’œuvre parasite, celle de Thomas Corneille, ait tâché de clarifier et de canaliser le message premier, celui qu’émettait la pièce de Molière, rendue confuse, elle, par la prolifération des intentions, des formes et des significations, et construite à partir de ces brouillages mêmes.

2.2.Poétique d’interférence C’est une des particularités de Dom Juan que d’être modelé sur la structure de la politique d’interférence, de double ou de triple manière : car chacune des deux composantes dont l’articulation constitue sa « maille » élémentaire, c’est à dire d’un côté la séduction des femmes et de l’autre le repas avec la statue de pierre, est organisée sur le modèle de l’interférence parasitaire, et de même l’articulation entre elles deux. En un premier temps du récit, on nous conte les exploits prodigieux d’un séducteur qui n’a pas son pareil pour perturber la relation de confiance entre deux fiancés, deux époux ou deux amants dont le bonheur excite la jalousie....


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