Devoir article 17 CEDH PDF

Title Devoir article 17 CEDH
Course Droit des libertés fondamentales
Institution Université d'Évry-Val-d'Essonne
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Libertés fondamentales Commentaire d’article : Article 17 de la CEDH « Cela restera toujours l’une des meilleures farces de la démocratie d’avoir elle-même fourni à ses ennemis mortels le moyen par lequel elle fut détruite »1 J.Goebbels. Cette citation de Goebbels met en exergue un impératif auquel la démocratie doit répondre, cet impératif est celui de mettre des « gardes fous » contre toutes les prérogatives qu’elle confère, des « gardes fous » contre les droits et libertés qu’elle proclame. Dès lors, c’est dans ce sens que les rédacteurs de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ont exprimé à l’article 17 de la convention que « aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention ». En substance cet article 17 de la CEDH prohibe l’abus de droit qu’on peut définir comme « tout acte par lequel une personne exerce un droit de manière malicieuse, de mauvaise foi ou en vue de nuire à autrui »2. L’interdiction de l’abus de droit par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est un corolaire des évènements s’étant déroulé lors de la 2 nde guerre mondiale. En l’occurrence, la Convention a été adopté en 1950 et est rentré en vigueur en 1953 en proclamant un certain nombre de droits devant être protégé et pour que ces droits ne soient pas utilisés à mauvais escient, les rédacteurs ont mis en place une interdiction contre l’abus des droits retenus par la Convention. Ainsi, l’enjeu de ce sujet est d’analyser la portée de ce « garde-fou » concurremment à l’exercice des droits et libertés, l’influence de cette protection à l’égard des usagers de ces droits et si cette limitation des droits n’est pas trop importante.

1 Traduction du texte: « Das wird immer einer der besten Witze der Demokratie bleiben, dass sie irhen Todfeiden die Mittel selber stellte, durch die sie vernichtet wurde », 2 Dictionnaire juridique du droit français, disponible sur [http://dictionnaire-juridique.jurimodel.com/Abus %20de%20droit.html].

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Le problème qui est soulevé dès lors est celui de savoir si l’article 17 de la CEDH ne constitue pas un frein trop rigide à l’exercice des droits et libertés exprimés par la convention ? En l’espèce, on constate que l’article 17 de la CEDH a pour effet un rejet clair d’une jouissance absolue des droits et libertés offerts par la convention (I) d’autant plus qu’on constate que la répression de manière coercitive de l’interdiction de l’abus de droit a pour effet une limitation, une aseptisation de l’exercice des droits et libertés (II). I-

Le rejet d’une jouissance absolue des droits et libertés découlant de la convention

Le Conseil de l’Europe rappelle dans l’article 17 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que les droits et libertés exprimés par la convention ne sont pas absolus. Ces droits et libertés d’une part doivent être conciliés avec les valeurs de la charte posant alors l’abus de droit comme un contrepoids (A) ; contrepoids permettant de protéger les sujets d’une utilisation déraisonnable de ces droits (B). A) L’abus de droit : un contrepoids aux droits et libertés de la convention À travers la lettre de l’article 17 de la CEDH on constate que les rédacteurs ont voulu poser un contrepoids aux droits et libertés exprimés par la convention. En effet, l’article 17 de la convention considère que « « aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ». En l’occurrence, la Convention énumère un bon nombre de droits dont les citoyens sujets des États signataires peuvent bénéficier, on peut notamment citer l’article 10 de la convention relatif à la liberté d’expression qui considère que « toute personne a droit à la liberté d’expression […] l’article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations ». On peut rajouter également l’article 11 de la convention relative à la liberté de réunion et d’association qui retient que « toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts ».

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En dépit de l’établissement de tous ces droits conférés par la convention l’abus de droit se manifeste comme un « rempart » contre une utilisation nuisible de ces droits, ces droits n’étant pas absolus. En effet l’article 17 exprime bien que les droits de la convention n’offre pas justement « un droit pour quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ».On peut prendre pour exemple un individu qui userait de l’article 10 de la convention relatif à la liberté d’expression pour nuire de manière grave à la dignité humaine, ou qui userait de cette liberté pour stigmatiser autrui en raison de son orientation sexuelle ou en raison d’éléments portant sur sa vie privée. Ainsi, les droits évoqués par la convention ne peuvent être utilisé par les sujets au détriment de l’esprit de la convention. C’est en ce sens que les rédacteurs de la convention ont introduit dans la convention cette article pour ne pas que les droits soient utilisés de manière à créer un déséquilibre entre les individus ou de manière à ce que ces droits soient utilisés dans le but de créer des atteintes aux droits ou/et à la dignité d’autrui. En conséquence, l’interdiction de l’abus de droit a pour but d’exclure de la protection de la Convention, tout comportement ou propos qui constitue une négation des valeurs fondamentales de la Convention. Ainsi l’abus de droit permet une protection contre une utilisation déraisonnable des droits concéder par la convention. B) L’abus de droit : une protection contre une utilisation déraisonnable de ces droits Dès lors l’abus de droit a été utilisé comme « pare feu » contre une utilisation déraisonnable de ces droits. En effet, la Cour Européenne des droits de l’homme chargé de faire respecter ces droits et libertés retient de manière régulière qu’il ne peut être fait une utilisation négative de ces droits et libertés. Dans une décision Seurot contre France la Cour retient qu’« il ne fait aucun doute que tout propos dirigé contre les valeurs qui sous-tendent la Convention se verrait soustrait par l’article 17 à la protection de l’article 10 »3.

3 CEDH Seurot c. France, décision sur la recevabilité du 18 mai 2004

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De plus dans une décision de la Commission Glimmerveen et Haqenbeek c. Pays-Bas 4 relative à des individus qui distribuaient des tracts s’adressant aux « Néerlandais de race blanche » et qui poussaient toutes les personnes qui n’étaient pas de race blanche a quitté le territoire néerlandais, la Commission a déclaré la requête irrecevable au motif que l’article 17 de la Convention empêche que l’article 10 soit invoqué pour tenter de répandre des idées tendant à la discrimination raciale. En conséquence l’article 17 a été pensé par les rédacteurs dans un but protecteur contre une utilisation déraisonnable des droits de la convention. Néanmoins, eu égard à cette volonté l’article 17 se manifeste comme une limitation trop rigide, trop préservative à l’exercice des droits et libertés qui y sont liés. II-

L’interdiction de l’abus de droit : une limitation des droits de la convention

L’interdiction de l’abus de droit a comme corolaire indirect une limitation des droits et libertés conférés par la convention. En effet, l’interdiction de l’abus de droit agit comme un cadre rigide dans lequel les droits et libertés peuvent être exercés (A) d’autant plus qu’on constate que l’abus de droit limite régulièrement de manière coercitive les droits et libertés (B). A) L’abus de droit : un encadrement des droits et libertés au regard des valeurs fondamentales de la convention L’interdiction de l’abus de droit exprimé par la convention tend vers une réelle limitation des droits et libertés exprimés par la convention et notamment la liberté d’expression exprimé à l’article 10. L’article 17 est d’une certaine sorte instrumentalisé dans le cadre de l’interdiction des «

hate speech » c’est-à-dire des discours haineux portant sur l’homosexualité,

négationnisme, racisme, haine raciale. En effet, on constate une activité constante de la Cour dans ce sens on peut notamment citer l’Affaire Norwood c. Royaume-Uni5 relative à un individu faisant parti d’un parti politique prônant la haine raciale. La CEDH s’est basé sur l’article 17 de la Convention et a retenu dans cette affaire qu’une :« attaque aussi véhémente, à caractère général, contre un groupe religieux, établissant un lien entre l’ensemble du groupe et un acte terroriste grave, est contraire aux valeurs proclamées et garanties par la Convention, à savoir la tolérance, la paix sociale et non-discrimination ». .

4 Décision de la Commission européenne des droits de l’homme, Glimmerveen et Haqenbeek c. Pays-Bas, 11 octobre 1979. 5 CEDH, décision Norwood c.Royaume-Uni, 16 novembre 2004.

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On retrouve également cet encadrement dans le cadre de l’interdiction des menaces pour l’ordre démocratique. En l’occurrence il s’agit d’une affaire Parti communiste d’Allemagne c. République Fédérale d’Allemagne6 dans laquelle le parti communiste d’Allemagne avait pour objectif d’établir un système communiste au moyen d’une révolution prolétarienne et de la dictature du prolétariat. La Cour dans cette affaire considère les demandes irrecevables en raison de la « menace pour l’ordre démocratique que représentent les idées « totalitaires » des auteurs. En l’espèce dans ces deux affaires la question de l’abus de droit exprimé par l’article 17 se retrouve confrontée à des questions politiques et clivantes. Dès lors, l’article 17 se retrouve plus comme une limitation « aseptisant » la parole et les idées, cette article a été pensé comme une limitation aux erreurs d’une passé notamment au regard des faits de la 2 nde guerre mondiale néanmoins cette article peut être une source d’abus. Néanmoins, « l’article 17 ne peut pas s’appliquer aux articles. 5, 6 et 7 de la Convention, il faut un lien entre les objectifs poursuivis par l’individu ou le groupement et les droits invoqués par ce dernier pour que l’article 17 prête à s’appliquer »7. En conséquence même si l’article 17 ne constitue pas une limitation de l’ensemble des droits et des libertés découlant de la convention celle-ci se manifeste tout de même comme un « arme » au service des valeurs de la convention. Néanmoins, cette arme qu’est l’article 17 agit de manière trop restrictive, trop coercitive notamment au regard de la liberté d’expression. B) Une limitation des droits et libertés singulièrement coercitive L’exercice de cet article 17 par les organes du Conseil de l’Europe notamment la Commission et la Cour met en exergue une certaine vision de ce que doivent être les droits de la convention et notamment le droit à la liberté d’expression. L’abus de droit est utilisé comme une arme comme un frein de manière trop rigide contre tout ce qui mettrait en danger les valeurs démocratiques ce qui a une incidence juridique certes mais éminemment politique et sociétale. On peut notamment citer l’affaire Dieudonné relative à l’humoriste qui était poursuivi pour injure publique envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion 6 Décision de la Commission européenne des droits de l’homme du 20 juillet 1957 7 Lucien Hürlimann, L'interdiction de l'abus de droit (art. 17 CEDH) et sa relation à la liberté d'expression (art. 10 CEDH) dans la jurisprudence de la CourEDH, p.7.

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déterminée, en l’espèce les personnes d’origine ou de confession juive. La CEDH a déclaré dans cette affaire la requête irrecevable en retenant qu’en vertu de l’article 17 l’humoriste ne pouvait arguer de la liberté d’expression car selon la Cour « il ne s’agissait pas d’un spectacle qui, même satirique ou provocateur, relèverait de la protection de l’article 10 de la Convention, mais en réalité, dans les circonstances de l’espèce, d’une démonstration de haine et d’antisémitisme, ainsi que d’une remise en cause de l’holocauste ». Dans cette affaire il est fait une interprétation assez large de l’article 17 de la Convention ce qui a pour effet des conséquences pratiques assez importantes. Ces décisions peuvent tendre à une dissimulation des discours ce qui peut être encore plus préjudiciable dans une société démocratique. À contrario, dans une affaire Dogu Perinçek contre Suisse, la Cour européenne des droits de l’Homme s’est penché sur les propos tenus par un homme politique qui refusait de qualifier de génocide les exactions contre la population arménienne. Dans cette affaire la Cour a retenu qu’il n’y avait pas abus de droit et que la Suisse avait porté atteinte à la liberté d’expression du requérant. Ainsi, cette décision est assez surprenante par rapport à la précédente car la Cour a considéré que « les propos du requérant n’étaient pas susceptibles d’inciter à la haine ou à la violence » la difficulté étant alors de savoir quand des propos sont susceptibles d’inciter à la haine ou non ce qui peut avoir pour conséquence un sentiment de « deux poids deux mesures ». Enfin, on constate qu’une liberté d’expression presque absolue n’est pas forcément contraire aux valeurs démocratiques. On peut retenir que la « loi américaine sur la liberté d’expression est très permissive, […] beaucoup d’institutions s’autocensurent plus fortement »8. Dès lors, il serait peut être intéressant de laisser une marge de manœuvre plus importante pour l’exercice des libertés et notamment la liberté d’expression. La question suite à cela serait alors de l’utilité de l’article 17 de la convention. -

8 Gaétan Mathieu, La liberté d’expression, un concept différent en France et aux États-Unis, 15 janvier 2015, disponible sur [https://france-amerique.com/la-liberte-dexpression-un-concept-different-en-france-et-auxetats-unis/]

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