Dissertation la nomination du Premier ministre et des ministres PDF

Title Dissertation la nomination du Premier ministre et des ministres
Author Rébecca Lucas
Course Droit Public
Institution Institut d'Études Politiques de Paris
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La nomination du Premier ministre et des ministres...


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Rébecca Lucas

Droit public - dissertation

Sujet : “La nomination du Premier ministre et des ministres”

“Le Président de la République n'est pas un citoyen comme les autres dans notre pays, comme dans aucune démocratie”. Cette phrase de Jacques Chirac illustre bien la primauté du Président au sein de la Vème République. En effet, celui-ci est une des deux composantes du pouvoir exécutif, partagé avec le Premier ministre. Néanmoins, beaucoup s’accordent à dire que le Président possède un statut privilégié, et ce d’autant plus depuis l’élection au suffrage universel direct (apparue en 1962) qui renforce sa légitimité. Ainsi il semblerait que la bicéphalité de l’exécutif soit déséquilibrée, plaçant le Premier ministre en dessous, comme “aux ordres” du Président de la République. De Gaulle avait d’ailleurs dit lors de la conférence de presse du 11 Juillet 1964 : “ On ne saurait accepter qu’une dyarchie existât au sommet. Mais justement il n’en est rien. En effet, le président est évidemment seul à détenir et à déléguer l’autorité de l’Etat”. L’article 8 de la Constitution renforce ce déséquilibre. Il s’agit de l’article traitant de l’organisation de la nomination des membres du gouvernement. Il dispose ainsi que « le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. » Il s’agit donc ici d’une compétence du Président, qui nomme les ministres ainsi que le Premier ministre, il est donc placé “au-dessus” de ce dernier, plaçant presque la Vème République en régime monocéphale (où l'exécutif n’à qu’une tête). La question du monocéphalisme de l'exécutif ne se posait pas en 1958. De la conception parlementaire classique, la régime a hérité du bicéphalisme, distinguant un président de la République chef de l’Etat, garant d’une certaine continuité, et un président du Conseil, chef du gouvernement, responsable devant l’Assemblée. Néanmoins, le titre de “Premier ministre” n’existe que depuis la Vème République. Auparavant, sous la IIIème et IVème République, il était appelé “Président du Conseil des ministres”, terme qui semble lui conférer un rôle personnel plus restreint. Mais malgré l’évolution de sa désignation en “Premier ministre” et malgré la volonté des constituants de faire de la Vème République un régime parlementaire bien que rationalisé, certains estiment qu'il n’a en réalité pas de pouvoir face au Président, d’où l’expression de Georges Pompidou qui l’avait qualifié de “premier des ministres”. Le processus de nomination des ministres et du Premier ministre montre qu’il existe

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une grande latitude pour le Président dans l’exercice de son pouvoir, pouvant témoigner d’un déséquilibre à son profit au sein de l’exécutif. Néanmoins, les dispositions de l’article 8 n’excluent pas totalement le Premier ministre, qui se voit confier en partie la désignation des membres du Gouvernement. Ainsi, le Président de la République dispose-t-il d’un pouvoir supérieur au Premier ministre dans la composition du Gouvernement alors même que les deux sont censés être complémentaires au sein de l’exécutif? Nous verrons d’abord que la nomination du Premier ministre en tant que prérogative exclusive du Président joue un rôle important dans l’exercice du pouvoir exécutif puis nous montrerons que cette liberté absolue est à relativiser dans la mesure où le choix du Gouvernement est partagé. I) Parmi les nombreux pouvoirs propres du Président, la désignation du Premier ministre Le pouvoir exécutif est composé du Président de la République d’une part, et du Premier ministre d’autre part. Il existe dès lors des “pouvoirs partagés” entre les deux, mais aussi des “pouvoirs propres”. Ces derniers sont assez étendus pour le Président. La nomination du Premier ministre en fait partie, le plaçant comme au-dessus de lui (A), créant une hiérarchie au sein même de la dyarchie exécutive. Mais ce pouvoir devient relatif quant à la destitution du Premier ministre (B). A- La nomination du Premier ministre : une prérogative exclusive du Président La nomination du Premier ministre est un pouvoir discrétionnaire du Président de la République. Il semble donc que le Président soit libre de choisir qui il souhaite, l’établissant comme chef ultime du pouvoir exécutif. D’ailleurs, l’article 19 dispose que l’article 8 alinéa 1 est exempté de contreseing, ce qui appuie l’exclusivité de ce pouvoir. En période de cohabitation, le Président est plus contraint, il perd une partie de sa prérogative propre. Il est en effet obligé de choisir un Premier ministre au sein de la majorité à l’Assemblée nationale, et donc différente de la sienne. Au cours de la Vème République, il a existé trois périodes de cohabitation : la première entre 1986 et 1988 avec François Mitterrand en Président et Jacques Chirac en Premier ministre, la seconde entre 1993 et 1995 avec François Mitterrand et Edouard Balladur, et la troisième entre 1997 et 2002, avec Jacques Chirac et Lionel Jospin. Néanmoins, dans la pratique, les élections à l’Assemblée nationale ne provoquent pas le changement de Premier ministre, preuve que sa légitimité ne vient pas de là. En revanche, presque toute élection présidentielle provoque un changement de premier ministre, preuve que sa légitimité vient du président. Le fait qu’il est rare que le Premier ministre se trouve être la tête de la majorité à l’Assemblée nationale est lié à la réforme du quinquennat en 2000. Avec cette réforme a émergé la concordance des élections présidentielles et législatives, la tête de partie étant donc élue dès les élections présidentielles, devenant de fait le Président de

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la République. En toute logique, il n’existera jamais plus de cohabitation, attribuant au Président un pouvoir de nomination exclusif et incontestable. Dès lors, c’est ce dernier qui se trouve totalement libre de choisir, un pouvoir conséquent qui aura fait par exemple de JeanPierre Raffarin le Premier ministre sous Jacques Chirac de 2002 à 2005 alors même qu’il était inconnu du public et n'avait pas de rôle prépondérant au sein de son parti.

B- La destitution du Premier ministre : un pouvoir limité du Président Bien que le Président ait un pouvoir étendu, il ne peut pas destituer le Premier ministre comme il le souhaite. En effet, l’article 8 dispose qu’il “met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement.” Il est donc nécessaire que l’impulsion parte du Premier ministre lui-même. Néanmoins, le Premier ministre peut être changé en dehors des échéances électorales, ce qui atteste de l'étendue du pouvoir de décision présidentielle et la dépendance du chef du Gouvernement à l’égard du chef de l’Etat qui l’a choisi. Néanmoins, avec le fait majoritaire, la décision de la démission du Gouvernement vient bien souvent du Président. Ce fut le cas par exemple en avril 1962, quand Michel Debré à donné sa démission, il l’a fait lui-même conformément à la procédure, mais l’acte a été fait en accord avec le Président, De Gaulle. Puisque le Premier ministre a la possibilité de ne pas accéder à cette demande, il récupère ce pouvoir du Président en période de cohabitation. De même, il peut démissionner s’il le veut en cas de désaccord, comme l’a fait Jacques Chirac en 1976. Cependant, même en cas de cohabitation, il existe des mécanismes favorisant le Président, comme la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale, conformément à l’article 12 de la Constitution. Cela peut en effet constituer une tentative de changement de Premier ministre, si les élections législatives faisant suite à la dissolution établissent une majorité différente. Dans ce cas, le Premier ministre est obligé de démissionner. C’est ce qu’a tenté de faire Jacques Chirac en 1997, mais il n’a pas obtenu ce qu’il espérait. En effet, à la suite de la dissolution manquée de l'Assemblée nationale en 1997, il est contraint à une cohabitation avec Lionel Jospin, lors de laquelle a notamment lieu un référendum instaurant le quinquennat présidentiel : Jacques Chirac est ainsi le dernier président de la Ve République à avoir effectué un septennat.

Ainsi, même si le Premier ministre se trouve assez libre dans sa démission (et celle du Gouvernement), il demeure nommé par le Président dont il suit les idées et les avis dans la plupart des cas, le fait majoritaire étant quasiment systématiquement certain depuis la réforme de 2000.

II) La désignation des membres du gouvernement : une compétence partagée entre le

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Président et le Premier ministre L’article 8 de la Constitution porte d’une part sur la nomination du Premier ministre, mais également des ministres. La proposition des membres du Gouvernement vient du Premier ministre avec approbation du Président (A). Leur révocation semble néanmoins dépendre du Président seul (B). A- Le Gouvernement : le choix du Premier ministre et la nomination par le Président L’alinéa 2 de l’article 8 de la Constitution commence par “Sur la proposition du Premier ministre”. Dès lors, il est possible d’affirmer que le choix revient au Premier ministre, c’est lui qui compose le Gouvernement qu’il dirige. La seconde partie de cette alinéa dispose que le Président “nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions”. Ainsi, ce dernier peut décider ou non de valider la composition du Premier ministre. Il n’a néanmoins pas le pouvoir de nommer lui-même directement les ministres, comme en témoigne l’article 19 qui atteste qu’un tel acte doit obligatoirement être contresigné par le Premier ministre. Cela prouve donc que celui-ci a un pouvoir finalement prépondérant dans la désignation du Gouvernement, il choisit, il propose (article 8), et il contresigne (article 19), il a donc en quelque sorte le dernier mot. Néanmoins, le fait majoritaire atténue ce pouvoir, et en réalité, le Président peut choisir les ministres, ce n’est que pour l’acte officiel que le ministre propose seul. En effet, dans ce cas il apparaît logique que leurs choix de ministres concordent. De cette manière, il importe peu de savoir qui a fait le choix. En période de cohabitation, il est bien sûr moins évident que le choix du Président soit en accord avec celui du Premier ministre. Dans l’hypothèse où ils ne seraient pas d’accord, le Président peut en quelque sorte l’obliger en pratique à se conformer à ses attentes. En effet, le Président reste le détenteur du pouvoir de nomination et il lui reste le cas échéant la possibilité de l’article 12, qui menace le maintien du Gouvernement. B. La révocation du Gouvernement : un pouvoir semblant appartenir au Président Le Président est en capacité de révoquer les ministres, mais cet acte passe forcément par la révocation du Premier ministre et de tout le Gouvernement. Pour ce faire, il faut que le Premier ministre sur la demande du Président engage la responsabilité du Gouvernement dans son ensemble, déclenchant ainsi sa démission et celle des ministres. Cependant, un ministre sortant peut très bien faire partie du Gouvernement suivant. À l’inverse, un ministre mis en examen est contraint de démissionner. La révocation du Gouvernement n’est donc pas un pouvoir direct du Président mais du Premier ministre, bien que le premier puisse demander au second de poser sa démission. Le Premier ministre de même que tous les ministres individuellement peuvent démissionner d’eux mêmes, du fait d’un désaccord par exemple. C’est ce qu’a d’ailleurs fait Nicolas Hulot en direct, lors de son interview dans la matinale de France Inter le 24 août 2018, alors qu’il était ministre de la Transition écologique et solidaire. Ainsi, bien que les compétences soient partagées entre les deux têtes de l’exécutif, il semble bien qu’il se soit finalement ancré au sein d’un déséquilibre en faveur du Président 4

dans la pratique institutionnelle, avec un fait majoritaire systématique qui élargit ses pouvoirs et ce même lorsque ses actes sont contresignés par le Premier ministre. Le premier ministre occupe une position qui peut être qualifiée de “subordonnée” de par les conditions institutionnelles de son institution et de la fin de ses fonctions.

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