Dossier : Monument à Balzac, Auguste Rodin PDF

Title Dossier : Monument à Balzac, Auguste Rodin
Author Axelle Cosset
Course Histoire De L'Art
Institution Université Rennes-II
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Summary

Dossier portant sur l'analyse artistique et historique de l'oeuvre Monument à Balzac d'Auguste Rodin....


Description

COSSET Axelle L1 Arts Plastiques

HISTOIRE DES ARTS

27/01/2019

Le Monument à Balzac est une des œuvres principales de la carrière artistique d’Auguste Rodin, qui fit couler beaucoup d’encre pendant et après sa réalisation. En 1891, La Société des Gens de Lettres 1 présidée par le romancier Emile Zola commande une sculpture en hommage à l’écrivain Honoré de Balzac, dont la mort remonte à plus de quarante ans, en 1850. En effet, le XIXe siècle connaît la réorganisation de la ville de Paris par le baron Haussmann, qui reconstruit l’espace urbain, nécessitant un processus de décoration et d’aménagement des rues, boulevards, places… C’est dans ce contexte de la fin du siècle que les commandes publiques se multiplient et que les monuments

Auguste Rodin, Monument à Balzac, Bronze, 1898, Paris Hauteur: 270 cm, largeur: 120,5 cm, profondeur: 128 cm. www.musee-rodin.fr

d’hommage fleurissent partout en milieu urbain, convoquant les artistes les plus renommés de l’époque. Le but d’Emile Zola et de la Société des Gens de Lettres est donc de glorifier le grand écrivain qu’était Balzac par un monument à son effigie, mais aussi de mettre en avant la Société en participant à l’ameublement de la ville de Paris. Pour réaliser ce projet, les commanditaires se tournent vers Auguste Rodin dont la renommée de sculpteur s’accroît considérablement ces dernières années. Cependant, l’artiste ne se contentera pas de répondre à des attentes précises, et choisira de développer sa propre créativité en sortant du cadre imposé, au grand désarroi de la Société des Gens de Lettres. A travers l’étude du Monument à Balzac, nous pourrons nous demander dans quelle mesure l’œuvre d’Auguste Rodin est à l’image de sa manière de travailler, et comment elle traduit le caractère novateur de l’artiste. Dans un premier temps, nous verrons que le sculpteur tente tant bien que mal de répondre aux attentes de ses commanditaires. Dans un second

1 La Société des Gens de Lettres a été créée en 1838 par plusieurs grands écrivains français, dont Honoré de Balzac, d’où la volonté de mémoire de la part de la Société en 1891. Elle a pour but de protéger les auteurs et leurs intérêts, et existe toujours aujourd’hui. Emile Zola est élu Président de la Société en 1891, puis démissionne en 1894 suite à l’échec de la statue de Balzac, et sera enfin réélu en 1898.

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temps, à la suite de cette tentative, nous étudierons l’émancipation de l’artiste et sa nouvelle appréhension du modèle, qui ne convient pas à la Société des Gens de Lettres. Le 14 août 1891, Auguste Rodin est choisi pour réaliser « la statue de Balzac », qui une fois terminée, prendra sa place dans la Cour du Palais Royal à Paris. Cette mission est prise très au sérieux par la Société des Gens de Lettres, qui a recours à un vote pour déterminer l’artiste qui aura l’honneur de sculpter le monument. Comme en témoigne la correspondance établie entre Emile Zola et Auguste Rodin entre 1889 et 1898 (ce qui correspond environ à la période de production du Monument à Balzac), retracée par Joy Newton et Monique Fol 2, les deux artistes sont amis et se connaissent déjà avant « l’affaire Balzac ». Cet échange met également en lumière les nombreuses tensions et désaccords qui découlent de cette affaire. Dans la lettre ci-dessous, l’expéditeur mentionne « la succession Chapu ». En effet, le premier choix de la Société des Gens de lettres pour réaliser « la statue de Balzac » était le sculpteur Albert Chapu, décédé en 1891 avant de pouvoir la réaliser. Le Président de la Société Emile Zola se tourne alors cette même année vers Rodin, qu’il fréquentait déjà, et dont il connaissait les talents de sculpteur, de plus en plus reconnus. Lettre de Emile Zola, Président de la Société des Gens de Lettres, au sculpteur Auguste Rodin, le 14 août 1891 à Paris https://gallica.bnf.fr

2 Newton Joy, Monique Fol. « L’esthétique de Zola et de Rodin, le Zola de la sculpture », Les Cahiers naturalistes

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Une fois sélectionné, Rodin se met en quête d’informations concernant Balzac, car il ne l’a pas connu et ne visualise donc pas précisément ses caractéristiques physiques. Ainsi, comme il l’avait fait précédemment pour son Monument à Victor Hugo en 1890, il se lance dans un long travail de recherche et d’ébauches préparatoires. Cette démarche correspond également au processus Auguste Rodin, Monument à

Victor Hugo, 1890,: Bronze d’écriture du modèle lui-même en effet, Honoré de

Balzac

H. 185 cm ; L. 285 cm ; P. 162 cm

Exposé Paris procédait à au Musée un Rodin, méticuleux

travail

d’observation et d’étude des populations qu’il souhaitait traiter

dans ses

romans, afin

de

retranscrire au mieux et le plus précisément possible ses sujets et leur milieu social. Dans un premier temps, il récupère des images de son modèle pour pouvoir les étudier dans de nombreux essais, qu’il conserve dans son atelier pendant toute la genèse de l’œuvre. Ces études lui permettent de nourrir son travail, de l’étoffer, de revenir en arrière, d’explorer plusieurs pistes… à l’image de toute sa carrière d’artiste. En effet, Rodin accorde une grande importance à son atelier, où il entrepose toutes ses recherches, ses moules, ses plâtres, ses ébauches, mais c’est également un espace où déambulent ses praticiens et ses modèles. Parmi sa collection de représentation de Balzac, se trouvent un médaillon en bronze du profil de l’écrivain réalisé par David d’Angers en 1843 (1), ainsi qu’une sépia d’Achille Devéria datée d’environ 1825 (2), une peinture de Louis Boulanger de 18363 (3) et un daguerréotype de Louis-Auguste Bisson, dont Nadar avait une copie (4).

(1) David D’Angers, (2) Achille Devéria, Balzac de profil droit, Portrait de Balzac, médaillon de bronze, Sépia, environ 1825 1843, conservé à la Conservé à la Maison de Maison de Balzac, Paris Balzac, Paris 3 www.parismuseescollecti esq www.parismuseescollecti dé t ons.paris.fr re ons.paris.fr tc

(3) Louis Boulanger, (4) Louis Auguste Bisson, Portrait d’Honoré de Portrait d’Honoré de Balzac, huile sur toile Balzac, daguerréotype, H. 61 cm. ; l. 50,5 cm 1842, Conservé à la Maison 1836, conservé au Musée de Balzac, Paris de Tours à partir de 1963 lza www.parismuseescollection urs s.paris.fr www.mba.tours.fr

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Ces quatre représentations en la possession de Rodin vont lui servir à se forger une image de l’écrivain et à produire des dessins et des ébauches préparatoires à la sculpture finale. Cependant, les images ne suffisent pas au sculpteur, celui-ci se met alors en quête d’un modèle vivant correspondant au portrait que les différentes représentations lui avait transmis. Il se rend dans la région de Tours (où Balzac est né en 1799) car selon lui, « une région, un terroir doivent produire un même

type

physique

qui

perdure

au-delà

des

Portrait d’Estager dit le Conducteur de Tours, 1892 www.musee-rodin.fr

générations4 ». Il finit par trouver un conducteur de diligence nommé Estager, à qui l’on donnera plus tard le surnom de « conducteur de Tours ». Celui-ci joue un rôle fondamental dans la production du Monument à Balzac, et prête son visage aux nombreuses expériences de Rodin. Ce modèle vivant permet à l’artiste de réaliser plusieurs études de têtes, car il ne faut pas oublier que pour l’artiste, la tête et le corps sont deux éléments autonomes, qu’il travaille séparemment. C’est donc un autre modèle que Estager qui va servir de point de départ pour le corps du Balzac, que nous étudierons plus tard. Premièrement, Rodin fabrique un portrait en terre cuite, un masque du « conducteur de Tours », qu’il photographie et retouche directement à l’encre (1). Il choisit de représenter le visage de manière très réaliste, bien que cela reste une ébauche. Cette photographie est un bon exemple de la manière de travailler du sculpteur, avec des éléments hétéroclites assemblés pour former un tout. La photographie est fragmentée, partagée entre l’objet capturé (un masque de terre) et les compléments de Rodin à l’encre, dans un tracé beaucoup plus rapide et imprécis, qui forme la chevelure. L’annotation « étude pour Balzac, conducteur de Tours », renforce la fonction de recherche de document, qui ne constistait pas une œuvre à part entière pour Rodin. Les Trois études de la tête d’Honoré de Balzac (2) réalisées en 1892 présentent un

4 Dominique VIEVILLE & Musée Rodin Paris, Rodin la fabrique du portrait [exposition, Paris, Musée Rodin, du 10 avril au 23 août 2009]. Paris: Skira Flammarion Éd. du musée Rodin, 2009, page 72.

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changement considérable dans la genèse de l’œuvre de Rodin. En effet, la tête en bas à gauche s’éloigne des deux autres, et tend vers la réalisation finale de 1898, que nous verrons plus tard.

(1) Auguste Rodin, Masque dit du Conducteur de Tours, 1891, Aristotype, photographie retouchée à l’encre (2) Auguste Rodin, Trois études de la tête d’Honoré de Balzac 1892, terre cuite

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Après

que

la

Commission

ait

séléctionné

la

représententation de Balzac en robe de 5

moine , l’artiste se lance dans un processus de recherches et d’études concernant le corps, à partir des descriptions physiques de l’écrivain par ceux qui l’ont connu. Il s’inspire notamment d’une description d’Alphonse de Lamartine6 : « Il était gros, épais, carré par la base et les épaules ; le cou, la poitrine, le corps, les cuisses, les membres puissants […] ce poids semblait lui donner de la force et non lui en retirer ». Rodin se lance alors dans un série d’études de nus, qu’il pourra ensuite habiller de la fameuse robe monacale. L’Etude du Nu C, réalisée en 1892, figure un Balzac puissant, en position debout et les jambes

Auguste Rodin, Balzac, étude de nu C 1892, Plâtre, H. 128,5 cm ; L. 52 cm ; P. 62 cm

écartées, un ventre imposant, les bras croisés et la tête haute. Le sculpteur, dans un soucis de réalisme, s’inspire d’un modèle vivant parisien7, présentant un physique « dont la ressemblance avec Balzac est bien connue »8, qui pose dans l’atelier de l’artiste pour le guider dans ses recherches. A travers cette représentation réaliste, Rodin souhaite retranscrire l’ampleur de la création de l’écrivain, tout en restant fidèle à son apparence physique. On remarque donc une transition dans la réalisation du Balzac : les représentations du corps sont toujours réalistes, mais elles sont au service d’un discours plus symbolique, vers lequel Rodin va pleinement se tourner par la suite. Ces exemples ne sont évidemment pas les seules expérimentations de Rodin, dont l’atelier est rempli de têtes et de corps de Balzac plus ou moins ressemblants au modèle de départ. Mais petit à petit, le sculpteur se lasse de sa tentative de représentation physique fidèle à l’écrivain, et met de côté ses ébauches « réalistes » pour s’orienter vers une approche plus symbolique du modèle. Jusqu’ici, le projet de Rodin paraissait convenir aux attentes des commanditaires, bien que ces derniers commencent à s’impatienter devant l’inachèvement de leur commande, le délai de 18 mois étant expiré.

5 Le 9 janvier 1892, Rodin présente trois ébauches à la commission, qui choisit de valider celle où l’écrivain est vêtu de sa robe monacale. En effet, Honoré de Balzac avait pour habitude de travailler la nuit dans cette tenue, et cette anecdote reprise par Rodin séduit la Société des Gens de Lettres. 6 Alphonse, DE LAMARTINE, Balzac et ses œuvres, Paris, Michel Lévy Frères, 1866, page n°16 7 L’identité de ce modèle n’est pas vérifiée : il s’agirait d’un libraire parisien nommé Féroux, ou Ferrou. 8 Le Temps, 19 août 1896

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Dans un premier temps, nous avons vu que Rodin tente de se calquer aux attentes précises de ses commanditaires, principalement basées sur la ressemblance physique entre la statue et Honoré de Balzac. Il fait d’ailleurs valider ses premières ébauches par Emile Zola lui-même pour que la production finale corresponde à la volonté du romancier. Cependant, ces multiples recherches prennent du temps, et au bout du délai de dix-huit mois imposé par Emile Zola, Rodin n’a pas achevé son œuvre. Il se justifiera dans La Presse du 10 Novembre 1894 : « J’ai eu tort, il est vrai, nous dit-il, de ne pas livrer la statue dans le délai convenu, mais je suis bien excusable. Dans ces choses de l’art, on ne sait jamais en effet le temps qu’il faut pour mener une œuvre de ce genre à bonne fin, car ce n’est pas tant l’œuvre en elle-même que sa conception qui exige des recherches longues et pénibles ». Cette dernière phrase de Rodin résume à elle-même la laborieuse production du Monument à Balzac, ainsi que l’ensemble de son œuvre. Le Balzac est d’ailleurs la dernière œuvre que l’artiste réussit à achever, après des années de lutte contre les commanditaires, les critiques d’art, et lui-même. Le côté trop « naturaliste » que réclame Zola et que Rodin a dans un premier temps suivi, commence à susciter le doute chez l’artiste. En effet, après la recherche acharnée d’un fonds documentaire pour reproduire à l’identique le physique de l’écrivain, il paraît absurde au sculpteur de convoquer tant d’efforts pour reconstituer les traits de son modèle disparu en 1850. Le sculpteur prend alors un tournant dans la réalisation du Balzac : il choisit de laisser de côté le programme imposé par Emile Zola pour se tourner vers une représentation plus symbolique, exprimant ainsi son caractère moderne et novateur. Son projet prenant une toute autre direction, Rodin change de méthode de travail pour poursuivre son œuvre. Il reprend alors le principe utilisé dans son œuvre La Porte de l’Enfer, véritable manifeste de son travail de sculpteur hors du commun. Il débute la réalisation de ce monumental groupe scuplté en 1880, et le retravaille sans cesse jusqu’à sa mort. Il en tirera de nombreuses sculptures célèbres, qu’il autonomise et fait exister de manière individuelle : Le Penseur, Les Trois Ombres et Le Baiser. Il réutilise donc le modelage libre de La Porte de l’Enfer

Auguste Rodin, La Porte de l’Enfer, bronze De 1880 à environ 1890 H. 635 cm ; L. 400 cm

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dans la réalisation du Monument à Balzac, altérnant entre les deux projets, le premier fonctionnant presque comme un « brouillon », un terrain d’essai et d’expérimentation (et ceci jusqu’à la fin de sa vie). Cette nouvelle manière de procéder favorise l’appel à l’imagination, et cherche à rendre compte du génie et de l’intelligence de Balzac plus que de son apparence physique. Cependant, les nouvelles intentions de Rodin ne sont pas au goût de Emile Zola, ce dernier ne comprenant pas l’élan de « création aventureuse et intuitive du sculpteur »9. Cette incompréhension est commune à beaucoup de membres de la Commission et autres contemporains, qui jugent le Balzac « artistiquement [in]suffisant ». Rodin expliquera qu’il a « voulu montrer le grand travailleur hanté la nuit par une idée, et se levant pour aller la fixer sur sa table de travail »10, en réponse à la multitude de critiques envers son Balzac tant controversé, bafoué et incompris. Enfin, après de nombreuses recherches depuis la commande de l’œuvre en 1891, Rodin approche de la forme finale que prendra son œuvre en 1898. Ses innombrables études de tête et de corps laissent place à une idée plus précise, en cohérence avec la volonté de l’artiste de retranscrire le génie de l’écrivain. Pour ce faire, il va jusqu’à déformer le corps et le visage, au service d’un représentation symbolique. Pour illustrer cette idée, nous pouvons nous pencher à nouveau sur l’étude mentionnée précédemment, qui constitue la version finale de la tête de la statue. On distingue clairement une rupture avec les premières études de têtes : celle-ci témoigne du talent créateur de Balzac plutôt que d’un portrait ressemblant. Les formes sont simplifiées, les surfaces moins lisses, les traits plus grossiers, voire inhumains, laissant apparaître les traces des doigts de Rodin qui travaillent la matière, ajoutant ou retirant de la terre jusqu’à obtenir une forme satisfaisante. Les yeux sont « profondément enfoncés », sa bouche est « crispée », et son cou est « puissant, un véritable cou de taureau »11, offrant un portrait peu flatteur de Balzac (au grand désarroi (1) Auguste Rodin, Balzac, avant-dernière étude pour la tête Terre cuite, 1896-1897 (2) Auguste Rodin, Tête du Monument à Balzac OPuS 1898, bronze

9 Guillaume GAUDET, « Le Balzac de Rodin. Le ciseau et la plume », 19), p. 101-123, consultable sur : https://www.cairn.info/revue-sociolog 10 Autour de la statue de Rodin : Salon de 1898, Revue illustrée, 15 décembre 1897 11 Camille MAUCLAIR Auguste Rodin, L’homme et l’œuvre, Paris, La Renaissance du livre

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d’Emile Zola). Cette tête massive et très contrastée exprime, selon Rodin, la force et la puissance intellectuelle de l’écrivain. Après avoir finalement choisi la tête du monument, il faut trouver un corps correspondant. Comme expliqué précédemment, Rodin conçoit la tête et le corps comme deux éléments dissociés, qu’il travaille indépendamment, délaissant ainsi la question de réalisme et de cohérence physique. Contrairement à ses premières études du corps, Rodin décide d’abandonner la corpulence « balzacienne » et réutilise un corps déjà conçu pour un des bourgeois de Calais 12. Fidèle à sa manière de travailler, le sculpteur assemble, associe, modifie la taille et la position des membres dans l’espace, constituant un ensemble fragmenté et non-proportionnel. Finalement, il sélectionne l’étude du nu F « en athlète » pour constituer le corps de Balzac, lui conférant une posture et une attitude de lutteur, à l’image de sa force créatrice, déjà mentionnée auparavant. Cependant, toutes ces recherches peuvent paraître vaines, puisque Rodin ajoute par-dessus ce corps athlétique une véritable robe de chambre, ensuite moulée en une masse recouvrant la totalité du corps. La volonté de Rodin était premièrement d’intégrer l’anecdote de la robe monacale, et deuxièmement d’opposer la tête puissante et contrastée au drapé plus doux et fluide sur le corps.

Auguste Rodin, Balzac, deuxième étude de nu F dite « en athlète », bronze, 1896

La lumière est également une composante très importante dans le Balzac de Rodin : elle se brise dans les creux et les bosses de la tête, alors qu’elle glisse uniformément sur la robe de chambre. D’ailleurs, on retrouve cette importance de la lumière dans le travail du photographe Américain Edward Steichen, qui immortalise le Balzac de Rodin vingt ans après le scandale de 1898. Il photographie le monument à la lumière lunaire, en une série de Balzac nocturnes dont Rodin est très satisfait : il assurera à Steichen que « vos photographies

Auguste Rodin, Balzac, étude de robe de chambre tissu et plâtre 1897

feront comprendre au monde mon Balzac ». En effet, 12 Les Bourgeois de Calais est une œuvre majeure d’Auguste Rodin : c’est un groupe en 1895 sous commande de la ville de Calais, représentant six personnages légendaires

selon le sculpteur, ces clichés mettent en lumière le génie et la transcendance artistique de l’écrivain, qu’il avait voulu transmettre dans son monument, et que ses contemporains n’avaient pas saisi, se livrant alors à de vives critiques et même un refus de la commande. Le Monument à Balzac est donc une œuvre essentielle dans le travail d’Auguste Rodin, qui traduit le clivage de la société française à la fin du 19e siècle. En effet, la contexte

Edward Steinchen, The Open Sky, 11 P.M. Tirages au charbon, 1908 www.musee-rodin.fr

de production est celui de l’affaire Dreyfus, et le scandale du Balzac y est étroitement lié. De la même manière que le dreyfusards et les antidreyfusards, les critiques favorables et défavorables au Balzac de Rodin s’opposent, et particulièrement dans la presse, moyen de communication très diffusé à l’époque. Malgré l’annulation d...


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