« Du rêve au cauchemar : de l’architecture utopique à la contre-utopie littéraire et cinématographique », Cahiers d’Artès n°11, Utopies concrètes, Elisabeth Spettel et Pierre Sauvanet (dir.), Université Bordeaux Montaigne, 2015, pp.65-80 DOC

Title « Du rêve au cauchemar : de l’architecture utopique à la contre-utopie littéraire et cinématographique », Cahiers d’Artès n°11, Utopies concrètes, Elisabeth Spettel et Pierre Sauvanet (dir.), Université Bordeaux Montaigne, 2015, pp.65-80
Author Natacha Vas-Deyres
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Summary

Natacha Vas-Deyres Du rêve au cauchemar : de l’architecture utopique à la contre-utopie littéraire et cinématographique Dès la création de l’utopie littéraire par Thomas More en 1516, le modèle utopique se confond avec celui de la cité idéale devenant « l’État-cité ». Les urbanistes des XVe et XVIe ...


Description

Natacha Vas-Deyres Du rêve au cauchemar: de l'architecture utopique à la contre-utopie littéraire et cinématographique Dès la création de l'utopie littéraire par Thomas More en 1516, le modèle utopique se confond avec celui de la cité idéale devenant « l'État-cité ». Les urbanistes des XVe et XVIe siècles, en quête de cette cité idéale, s'inspirent du manuel de Vitruve, De Architectura, publié pour la première fois en latin à Rome en 1486 : au delà du classique plan octogonal romain, Vitruve propose pour la première fois sous l'Empire d'Auguste des plans architecturaux reprenant la figure du carré ou du cercle. L'ambition du nouveau modèle urbain élaboré par More est d'être le cadre spatial le mieux adapté aux transformations sociales, politiques et économiques de son Utopia. Or cette représentation liée à une forme géométrique (l'île aux 54 cités se confond avec des cercles concentriques) projette les limites de la pensée utopique, voire son retournement : à la forme du cercle représentant une pensée close sur elle-même répond celle du carré exprimant l'égalité ; le module multipliable transcrit le concept utopien en se forgeant aux antipodes des principes de l'évolution darwinienne. Dès lors, l'architecture rêvée de l'utopie devient réversible en contredisant dans son espace même le principe de la différenciation et de l'unicité des individus. Dans la contre-utopie, une mise sous grille du réel s'opère pour réaliser la servitude des masses et l'arasement totalitaire : dès le XIXe siècle, les plans des cités idéales inspirées portent en germe une architecture contre-utopique, l'enfermement « mathématique » de Nous autres d'Eugène Zamiatine, l'écrasement des individus face aux monuments cauchemardesques de 1984, du Brazil1 de Terry Gilliam, ou du Procès de Kafka mis en scène par Orson Welles2 : l'image de l'acteur Anthony Perkins perdu dans les méandres d'une architecture onirique et absurde semble être la mise en abyme de l'espace contre- utopique. Le cercle et le carré : géométrie de l'utopie littéraire et architecturale L'Utopia de Thomas More, publiée en 1516 à Louvain, est la critique d'une situation existante alliée à un contre-modèle d'organisation de la société mais aussi de l'espace, réalisé sans assistance divine : ce sont les traits fondamentaux du genre utopique. En insistant sur l'environnement urbain de son monde imaginaire (dont il décrit la géographie, les peuples, les villes et les lois), More sous-entend que l'habitat dans une société détermine son organisation sociale et le comportement de ses citoyens. L'idée était loin d'être neuve à la Renaissance : la Grèce de l'époque classique avait déjà lié inextricablement système politique et cadre urbain dans un vocable unique, Polis, ou l'État-cité. La plupart des cités utopiques sont représentées dans un contexte citadin, la ville incarnant la domination de l'homme sur les forces de la nature, son plan le plus souvent géométrique renvoyant de manière implicite au dessein rationnel qui en régit l'organisation sociale et politique. Les 54 villes de More, uniformément réparties sur tout le territoire de l'utopie sont « toutes bâties sur le même plan et ont le même aspect »3 . À la Renaissance, utopie et architecture de la cité idéale se confondent en tant qu'objets intellectuels. L'architecture, en concevant des édifices et des projets urbains, libérée des contraintes imposées par la réalité du site, se séparait des maîtres bâtisseurs du Moyen- 1 Brazil, Royaume-Uni, Terry Gilliam, 1985. 2 Le Procès, Allemagne-France-Italie, Orson Welles, 1962. 3 Thomas More, L'Utopie ou le traité de la meilleure forme de gouvernement, GF Flammarion, Paris, 1987, Livre second, p. 139...


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