Exposé La journée des Bricoles PDF

Title Exposé La journée des Bricoles
Course Histoire Contemporaine
Institution Université Rennes-II
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Histoire contemporaine L3 histoire ...


Description

Léa Baslé

9 avril 2018

La journée des Bricoles à Rennes

Plusieurs événements se disputent le titre de moment fondateur de la Révolution française. Parmi eux se trouvent la journée des Bricoles, à Rennes, qui désigne les événements qui se sont déroulés dans cette ville bretonne les 26 et 27 janvier 1789. Ils ont eu lieu dans un contexte très particulier. En effet, les États généraux de Bretagne se sont ouverts le 29 décembre 1788 mais les discussions sont bloquées depuis que la noblesse refuse d’accorder, entre autre, le vote par tête aux représentants du Tiers-État. Ces deux journées sont donc des sommets de violence, qui ont eu pour conséquence des blessés et même des morts. Leur nom vient des lanières de cuir que portaient autour du cou les gens de livrée qui traînaient les voitures pendant les États généraux. Pendant cette période, ils endossaient ce nouveau rôle pour les juristes ou encore la noblesse de robe. La Journée des Bricoles a la particularité d’être bien renseigné. Il est le sujet de nombreux témoignages de personnes l’ayant vécue, l’extrait des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand étant l’exemple le plus célèbre. Il existe également de nombreux témoignages présents dans les archives du procès qui a été lancé après les débordements violents qui se sont produits. Enfin, les documents officiels qui ont été rédigés sont également des sources importantes de renseignements. Les deux documents que nous allons étudier sont justement des documents officiels, produits par le Parlement de Bretagne. Ce sont des arrêts de remontrance, datés du 26 et du 27 janvier 1789. Le premier document peut être découpé de la façon suivante : des lignes 1 à 10 nous lisons l’exposé des motifs et la présentation des différentes présentes. Des lignes 11 à 24, l’épisode de la remise des papiers aux commissaires est relaté, puis des lignes 24 à 36 ce sont les troubles dans la rue. Des lignes 37 à 42 sont énumérées les interdictions du Parlement. La reprise des troubles est expliquée des lignes 43 à 52. Enfin, des lignes 53 à la fin, il y a le compte-rendu de la cour. Le deuxième document peut être découpé en trois parties : des lignes 1 à 24, le récit des événements de la journée est déroulé, puis des lignes 24 à 39 la décision du Parlement d’instruire un procès est annoncée, tandis que les lignes 40 à la fin nous annoncent que des personnalités rennaises vont être envoyées en ambassade à Versailles pour prévenir le roi des troubles. Avec ces deux documents, nous pouvons nous poser la question suivante : en quoi cette révolte urbaine à Rennes en 1789 révèle-t-elle l’incapacité des autorités à maîtriser la violence des tensions sociales naissantes ? Dans un premier temps, il faut voir que les causes de ces jours sont difficiles à établir. Mais il est certain que les autorités ont tenté de maîtriser les débordements, sans grand résultat toutefois. Finalement, il semble que la montée des oppositions sociales soit la caractéristique principale de ces journées.

I)

Des causes difficiles à établir A) Le blocage des États généraux

Les États généraux, ouverts depuis le 29 décembre 1788, sont bloqués depuis le 7 janvier 1789. Dans cette situation, le peuple rennais semble tout acquis à l’Ancien Régime. Aux lignes 13 et 14, nous pouvons lire que « le peuple en foule » a crié dans les couloirs du Palais du Parlement : « Vive le roi, vive la noblesse et vive le Parlement ! ». Les tensions ne viennent donc pas de cette partie du Tiers-État mais plutôt du haut Tiers-État, c’est-à-dire de la bourgeoisie. Mais les débordements qui vont animer les 26 et 27 janvier 1789 rennais sont tout de même perçus comme une menace pour « la ville de Rennes et la province entière » (l.40 et 41) par les autorités, ici les conseillers du Parlement. C’est suffisamment le cas pour qu’un appel soit lancé au roi et aux députés à Versailles à travers l’envoi d’une ambassade, composée de Messires de Verdy de Catuelan et de Guerry. Toutefois il ne faut pas oublier qu’étant donné la nature de ce document, c’est-à-dire un arrêt de remontrance, il était destiné à être envoyé au roi de toute façon. L’envoi d’une ambassade en plus de l’envoi de l’arrêt montre bien que la situation est critique pour les autorités de la ville. Les événements de ces deux jours sont qualifiés de « péril imminent » ligne 40. Il est intéressant de constater que la fidélité des auteurs de cet arrêt est réaffirmée dans le dernier paragraphe de l’arrêt du 27 janvier puisque les membres du Parlement promettent de tout faire pour maintenir « l’autorité du roy et (…) la tranquillité publique », ligne 45. B) Un enchaînement incontrôlable d’événements Malgré ces bonnes volontés, les journées du 26 et 27 janvier 1789 peuvent être définies comme un enchaînement incontrôlable d’événements. Les revendications sociales et économiques affichées le 26 janvier sont détournées. Lignes 17 et 20 sont évoqués des « papier[s] non-signé[s] ». Leur remise au Palais du Parlement est l’occasion d’un attroupement « défendu » (ligne 15). Mais les débordements sont surtout ceux qui se passent dans la rue : il s’agit d’une véritable chasse à l’homme qui vise les étudiants après une altercation. Elle commence au café de l’Union, cité ligne 30, lieu de réunion des étudiants en droit. Selon le document, il s’agit d’abord d’une « querelle », ligne 32. Quand les troubles recommencent (cf ligne 44), le trouble s’est répandu puisque les autorités ont été obligées de se répartir « dans les différents quartiers », ligne 45. Cela prouve bien que les actes de violence se sont répandus dans la ville. La situation s’anime de plus en plus le lendemain : les lignes 3 et 4 du deuxième document nous apprennent que quelqu’un a été blessé : « un particulier venoit de recevoir un coup de couteau ». Il l’a été car il a été vu par les gens de livrée, à l’origine des violences contre les étudiants, en compagnie de ces mêmes étudiants. La foule de ce jour est désormais violente et n’hésite pas à utiliser des armes puisque des coups sont même entendus, ligne 11 du document 2. Les termes utilisés dans les deux arrêts montrent bien la montée de la violence. Le terme émeute est utilisé cinq fois. Le terme d’attroupement, ligne 11 document 1, définit d’abord les événements, puis celui de querelle ligne 32, jusqu’au terme de sédition ligne 12 du deuxième document.

C) Des revendications économiques et sociales ? Une des causes de ces journées pourrait être des revendications de nature sociale ou économiques. Nous avons déjà mentionné les placets non signés déposés au Palais du Parlement. Si leur nature n’est pas évoquée dans ce document, nous savons à présent qu’i l s’agit d’un placet revendiquant une baisse du prix du pain. Ces placets sont des conséquences d’une mobilisation d’environ 600 à 1500 personnes le 26 janvier réunis pour protester contre le prix du pain. Ils sont donnés « au nom de tous », ligne 17. Cela serait une preuve d’une solidarité du bas Tiers-État contre la misère liée au prix des denrées alimentaires de base. En réalité ces revendications ne sont pas la cause principale de la Journée des Bricoles. Il suffit de constater que l’ordre des commissaires de dissiper l’attroupement (lignes 15 et 16) ne donne pas lieu à des contestations et que la remise des papiers se fait dans un calme relatif. De plus, ces revendications économiques sont probablement nées à la suite d’une manipulation des gens de livrée par une partie de la noblesse. Parmi les personnes haranguant la foule le 26 janvier se trouvait par exemple Helaudais, l’ancien domestique du conseiller doyen du Parlement. Le lien entre les différents groupes sociaux était donc étroit et la responsabilité des uns et des autres reste difficile à établir. En tout cas, c’est la rencontre avec les étudiants, dans la rue, qui conduit à des violences. Elles sont, et cela est certain, une initiative du groupe sortant du Parlement après la remise des papiers. Cela n’était pas prévu. La Journée des Bricoles est donc un événement dont les circonstances restent floues. Elle résulte sûrement d’une tension latente, présente depuis plusieurs jours voire plusieurs semaines à Rennes, et qui s’est exprimée lors d’une rencontre entre deux groupes, les gens de livrée et les étudiants, dont les relations étaient loin d’être calmes. Pour faire face à la situation, les autorités de la ville ont essayé d’apporter des solutions. II)

Les tentatives de maîtrise des autorités A) L’échec des arrêts du Parlement

Ces deux documents sont des arrêts de remontrance. Leur but est donc d’expliquer la situation et de définir des décisions à prendre pour la régler. Ils doivent ensuite être envoyés au roi. Il s’agit donc d’un rapport officiel. Plusieurs indices formels nous le confirment : le premier document expose des lignes 1 à 10 les motifs justifiant cet arrêt et la liste des personnes responsables. Messire de Catuelan est cité lignes 3 et 4. C’est le président du Parlement, le premier breton à être nommé à ce poste. Il appartient à la vieille noblesse. On peut également citer messire Euzenou de Kersalaun, conseiller au Parlement de Bretagne depuis 1739. À la date des événements, il a 75 ans. Les mesures prises sont évoquées des lignes 54 à 68 dans le premier document et des lignes 25 à 39 dans le deuxième document. Pour le 27 janvier, la décision est prise d’instruire un procès : « pour en son procès lui être fait » (ligne 39, concernant celui qui a donné un coup de couteau au premier blessé du 27 janvier). Le Parlement s’oppose aux violences et les condamne comme contravention à « la tranquillité publique », ligne 45 du deuxième document. Malgré cette sévérité affichée, les nombreuses interdictions promulguées sont toutes contournées. Des lignes 38 à 43 dans l’arrêt du 26 janvier, nous pouvons lire : « leur fait

défenses de se rassembler au plus grand nombre que quatre pendant le jour et trois pendant la nuit », et plus loin : « defend le port d’armes, cannes et bâtons sous les p eines de droit ». Les interdictions sont donc explicites et des rappels verbaux sont même faits par les commissaires : « Que les commissaires s’etant fait faire silence, leurs ont representés qu’il etoit defendu de s’attrouper. », lignes 14 et 15. Cette répétition prouve bien que l’interdiction n’était pas respectée, tout comme le montrent les mentions lignes 30, 36 du premier document et 6 et 16 du deuxième dans lesquelles sont indiquées des attroupements. De même, l’utilisation d’arme se situe lignes 31 et 32 du premier document et ligne 11 du deuxième document. Enfin, ligne 58 de l’arrêt du 26 janvier, l’arrêt du 8 janvier est cité, qui interdisait les réunions. La multiplication des interdictions prouve leur inefficacité, malgré la menace d’une « punition exemplaire », ligne 59. B) Une maréchaussée débordée La maréchaussée est donc appelée en renfort, puisque les arrêts du Parlement n’ont pas d’effets. Mais elle n’est pas assez nombreuse pour maîtriser la situation. Aux lignes 63 et 64 est mentionnée « la milice bourggeoise », présente pour seconder la maréchaussée dans ses efforts. L’organisation se fait en patrouilles pour quadriller la ville et tenter de calmer les esprits échauffés. L’intervention du comte de Thiard est également présente : il est cité aux lignes 13, 15 et 22. Mais si l’on se réfère au témoignage de Chateaubriand, cette personnalité aurait été particulièrement inefficace dans la gestion des troubles. À la lecture des deux arrêts, on peut effectivement se demander si la maréchaussée a eu une utilité face aux violences qui ont secoué la ville. Son action est citée lignes 28, 33 et 36 puis ligne 14 dans le second document mais elle ne paraît avoir à chaque fois pour ordre que de séparer la foule. On peut par exemple noter que si les émeutiers utilisent abondamment leurs armes pendant la journée du 27 janvier, la maréchaussée ne semble pas en faire usage. De même, le 27 janvier, elle a été chargée de former un cordon de sécurité autour du couvent des Cordeliers, où se trouvent les députés nobles, mais il n’empêche pas les affrontements armés décrits dans les Mémoires d’outre-tombe. Les autorités sont donc dépassées par ces violences qui traversent la ville et opposent des groupes sociaux à d’autres. Elles ne savent pas gérer cette foule et ne savent sans doute pas quelle attitude adopter face à des tensions sociales exacerbées.

III)

Le rôle des oppositions sociales A) Quels camps ?

Il faut d’abord se demander quels étaient les groupes impliqués dans ces événements. Le « peuple » ou la « foule » sont évoqués plusieurs fois (lignes 13, 21 ou 35). Leur constitution n’est pas détaillée dans le texte mais il s’agit des domestiques, et donc du bas Tiers-État. Les « jeunes gens » sont également évoqués, ligne 39. Ce sont les étudiants, cités ligne 47. Leur lieu de rendez-vous est le café de l’Union, où se déroulent les premiers affrontements, et leur chef est un dénommé Moreau. Enfin, le troisième groupe est celui des gentilshommes (ligne

46). Ce sont les nobles qui sont réunis dans le cadre des États Généraux. Toutefois les groupes sont toujours évoqués de manière imprécise, «foule », « particuliers » sans caractérisation sociale. Avec les faits et les connaissances du procès nous pouvons les reconstituer. Le peuple est le bas Tiers-état, les gens de livrée et les domestiques donc. Les jeunes gens ne sont pas seulement les étudiants, mais aussi les avocats, les négociants, généralement donc des bourgeois. Quant aux nobles, aucune difficulté : ce sont les députés participant aux États de Bretagne. Des lieux spécifiques sont rattachés à ces groupes pendant ces journées. Le quartier général des étudiants est le café de l’Union, tandis que les nobles se réunissent au couvent des Cordeliers pour discuter. B) Une révolte menée par la jeunesse La première altercation a lieu entre les domestiques et les étudiants. En effet, les relations sont tendues entre eux : les jeunes bourgeois se moquent des nobles, et leurs domestiques sont des cibles plus accessibles. Les quolibets dont ils sont l’objet créent donc une rancœur chez ces gens de livrée qui voient dans la rencontre au café de l’Union une occasion de se venger. La première altercation n’a donc pas de motif réel, tandis que le 27 janvier a une cause plus concrète. Les étudiants veulent effectivement obtenir réparation pour l’homme qui a été blessé parce qu’il a été vu en leur compagnie (lignes 1 à 7 du deuxième document). Mais malgré ces explications la question des responsabilités est difficile à résoudre. Les nombreux témoignages ne concordent pas et il est difficile de savoir qui a provoqué qui. C’est d’autant plus difficile avec ces deux documents puisqu’ils ont été rédigé le jour même, avant le procès et donc avant toute enquête. Les lignes 10 à 12 du deuxième document, relatant les bagarres du 27 janvier, sont très floues et ne désignent aucun coupable. De plus ce document ne relate pas un événement pourtant raconté avec beaucoup de détails par Chateaubriand, celui de la sortie, racontée héroïquement, des nobles du couvent des Cordeliers, et qui serait une initiative personnelle car ils étaient « las d’être bloqués dans [leur] salle ». C) Une violence inattendue L’élément frappant de ces journées est la violence démontrée par les acteurs. Déjà, nous pouvons constater la hausse de l’armement entre les deux jours, aux lignes 30 et 32 du premier et 10 et 11 du deuxième, avec plus d’armes, à feu ou blanches, le 27 janvier. Cela témoigne donc d’une véritable préparation des habitants. De plus, le port pour les nobles était une évidence puisqu’ils le considéraient comme un de leurs privilèges et ne pensaient même pas à tenir compte de l’arrêt du Parlement qui le leur interdisait. Un autre élément montrant la gravité inhabituelle du moment est le tocsin, sonné le 27 janvier (ligne 18, document 2) par des particuliers qui sont délogés par Monsieur de Thiard. C’est un signe de la tension dans la ville, presque occupée par une guerre. La situation exceptionnelle est signalée par ce tocsin qui est sonné pour attiser les fortes tensions. Cette journée a été effectivement exceptionnelle par son lourd bilan : une soixantaine de blessés et trois morts, un boucher et deux nobles, dont un camarade de Chateaubriand.

La gravité nouvelle de ces deux journées est accompagnée d’une nouvelle forme de violence, qui n’a pas pour but de revendiquer la suppression de mesures fiscales ou la remise en cause d’un régime seigneurial. Il s’agit de la concrétisation d’oppositions sociales de plus en plus fortes.

Pour conclure, nous pouvons dire que cette révolte est caractérisée par trois éléments. Dans un premier temps, les incertitudes autour de la responsabilité et les causes de la Journée des Bricoles restent à définir. Un mélange de manipulations de la foule, de tensions sociales et un arrière-plan politique à ne pas négliger entrent en jeu. Ensuite, les autorités ont clairement été débordées par une situation jamais vue auparavant. Le manque de réaction de la maréchaussée indique clairement qu’ils n’ont pas su quelle attitude adopter. On peut d’ailleurs se demander quelle réaction aurait été appropriée face à un peuple en colère et surtout armé. Enfin, des tensions sociales se sont révélées, entre un petit Tiers-état et un haut Tiers-état qui souhaite bouleverser l’ordre social établi en sa faveur. L’ambiguïté de la noblesse pendant ces jours doit aussi être soulignée, tout comme l’union des étudiants. Elle s’illustre d’ailleurs dans l’appel lancé aux étudiants de la région, et ce jusqu’à Nantes....


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