Fiche 11 - Corrigé dissertation « Le juge administratif, juge de la constitutionnalité. » PDF

Title Fiche 11 - Corrigé dissertation « Le juge administratif, juge de la constitutionnalité. »
Author Maria Zorkot
Course Droit administratif II 
Institution Université Paris II Panthéon-Assas
Pages 5
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Summary

Deuxième année de licence en droit Parcours numérique (2021 – 2022)DROIT ADMINISTRATIFThème XI : Les normes constitutionnelles Proposition de corrigé de la dissertation Séance n°1, semestre n°2 / Février 2022Dissertation : « Le juge administratif, juge de la constitutionnalité. »Remarques : Les élém...


Description

Deuxième année de licence en droit Parcours numérique (2021 – 2022) DROIT ADMINISTRATIF Thème XI : Les normes constitutionnelles Proposition de corrigé de la dissertation Séance n°1, semestre n°2 / Février 2022

Dissertation : « Le juge administratif, juge de la constitutionnalité. »

Remarques : Les éléments en couleur sont apparents dans la correction pour vous permettre de suivre les différentes étapes impératives d’une dissertation. Ce n’est pas à reproduire dans vos devoirs.

Accroche : « Si le Conseil constitutionnel a seul compétence pour déclarer une loi contraire à la Constitution, tout juge a le droit et le devoir d'appliquer la Constitution et, le cas échéant, d'interpréter la norme constitutionnelle » 1. Toutefois, le juge administratif et la Constitution ont longtemps entretenu des rapports distants. Eléments de contexte : D’un côté, la Constitution a longtemps ignoré le juge administratif. La Constitution peut se définir comme un texte (aujourd'hui la Constitution de la Vème République du 4 octobre 1958), élaboré selon des procédures spécifiques (aspect formel) et contenant des règles touchant l'organisation des pouvoirs publics et assurant la garantie des droits fondamentaux (aspect matériel). Dans la Constitution de la Vème République, peu de règles constitutionnelles concernent à proprement parler le juge administratif : le Conseil d'État est mentionné dans son rôle d'organe consultatif dans la procédure parlementaire (notamment aux articles 37, 38 et 39) mais non en tant que juge administratif comme l'est l'autorité judiciaire, « gardienne de la liberté individuelle» (article 66). D'un autre côté, le juge administratif a longtemps ignoré la Constitution. Il s'est d'abord construit en dehors de la Constitution. Certes, le Conseil d'État a été consacré par la Constitution du 22 frimaire an VIII, avec pour mission de rédiger les projets de loi ; mais, la justice administrative s'est consolidée du fait d'un long processus à partir de la loi des 16 et 24 août 1790, et du décret du 16 fructidor an III (séparation des autorités administratives et judiciaires) jusqu'à la loi du 24 mai 1872 (séparation de la justice administrative et de l’administration). Elle s'est structurée progressivement tout au long du siècle dernier (avec la création des tribunaux administratifs puis des cours administratives d’appel). Il s'est ensuite montré prudent, comme les autres juges, dans l'utilisation de la Constitution comme source de la légalité administrative. Document 4 de la fiche de TD : Renaud Denoix de Saint Marc, « De l'arrêt Koné à la QPC », AJDA, 2014, p. 107. 1 sur 5 1

Les rapports entre les deux ont toutefois profondément évolué et se sont largement intensifiés. Cette interaction s'explique essentiellement par le phénomène de constitutionnalisation qui touche aujourd'hui toutes les branches du droit. L'importante révision de 2008 a notamment renforcé le rôle du Conseil d'État dans sa fonction administrative (article 39 : avis sur les propositions de lois), mais aussi dans sa fonction juridictionnelle (article 61-1 : son rôle de filtre dans le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité). L'interaction est donc désormais réciproque : la Constitution s'est emparée du juge administratif et inversement. Délimitation du sujet, mise en tension : Si le juge administratif est aujourd'hui bien protégé par la Constitution, il s’agit de se demander dans ce devoir s’il est devenu son protecteur, en tant que juge de la constitutionnalité. En effet, le sujet oppose, d’un côté, un « juge administratif » opérant un contrôle de régularité des actes administratifs, guidé par la jurisprudence du Conseil d’État ; et de l'autre, un « juge de la constitutionnalité » opérant un contrôle de constitutionnalité de tout acte ou fait juridique, éclairé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Problématique : À la rencontre des deux, se dessine la question centrale soulevée par le sujet : le juge administratif peut-il opérer un contrôle de constitutionnalité ? Annonce de plan : Il s’agira de voir, dans un premier temps, que le juge administratif est très encadré dans son contrôle des actes au regard de la Constitution, ce qui ne permet donc pas de le qualifier de juge de la constitutionnalité (I), avant d’observer, dans un second temps, qu’il arrive au juge administratif d’agir en juge de la constitutionnalité de façon plus ou moins marquée (II). I. Un contrôle de constitutionnalité strictement encadré, limitant le rôle du juge administratif au regard de la Constitution Chapeau : Si le juge administratif est ostensiblement un juge de la constitutionnalité s’agissant des règlements autonomes et des actes administratifs pris sur le fondement d’une loi « transparente » d’habilitation (A), il n’est indéniablement pas un juge de la constitutionnalité s’agissant de la loi et des actes administratifs pris sur le fondement de celle-ci (B). A. L’admission du contrôle de constitutionnalité des règlements autonomes et des actes administratifs pris sur le fondement d’une loi « transparente » d’habilitation Lorsqu'aucune loi ne fait écran entre un acte administratif dont le juge contrôle la légalité et la Constitution, alors ce dernier peut contrôler directement sa constitutionnalité. Tel est le cas quand le juge administratif contrôle la légalité des règlements dits « autonomes », ceux qui n'ont pas de base textuelle législative (article 37 de la Constitution). C'est ce qu'affirme le Conseil d'État dans un arrêt de Section du 12 février 1960, Société Eky, où il constate que le pouvoir réglementaire, dans la détermination des infractions contraventionnelles, a fait une « exacte application de la Constitution ». Au demeurant, la Haute Juridiction administrative opère, dans cette espèce, un contrôle de constitutionnalité au regard des principes posés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, plusieurs années avant que le Conseil constitutionnel y procède également. 2 sur 5

Quand une loi se contente d'habiliter le pouvoir réglementaire à intervenir pour fixer les règles juridiques s'appliquant en un domaine particulier, sans poser aucun principe, ni aucune règle de fond, elle est regardée par le juge administratif comme étant « transparente ». Par conséquent, elle ne peut s'interposer entre l’acte réglementaire auquel elle sert d'habilitation législative et la Constitution, ce qui permet au juge administratif de confronter directement l'un à l'autre. Le raisonnement du Conseil d'État est clairement établi dans son arrêt du 17 mai 1991, Quintin, où des dispositions réglementaires prises sur le fondement d'une habilitation législative ne sont pas contraires à un principe constitutionnel (voir aussi CE. 10 oct. 1997, Fédération nationale des experts-comptables). B. Le rejet historique du contrôle de constitutionnalité de la loi et des actes administratifs pris sur le fondement de celle-ci par le juge administratif « Depuis leur création, les juridictions françaises de l'ordre judiciaire et administratif s'estiment incompétentes, au contentieux, pour examiner par voie d'exception un moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une loi » 2. Partant, le contrôle de constitutionnalité des actes administratifs n'a pas lieu d'être dans la mesure où, l'acte administratif étant pris sur le fondement d'un texte législatif, le contrôler au regard de la Constitution reviendrait à procéder à un contrôle de constitutionnalité de la loi. La loi fait donc écran entre la Constitution et l'acte administratif. Ainsi, le moyen d'inconstitutionnalité « n'est pas de nature à être discuté devant le Conseil d'État statuant au contentieux » (CE, sect., 6 nov. 1936, Arrighi - CE, 23 mai 1901, Delarue - CE, 16 févr. 1934, Cartier). Cette affirmation de principe fut maintes fois réitérée, en des termes dénués d’ambiguïté : « Il n’appartient pas au juge administratif d’apprécier la constitutionnalité (d’une) loi… » (CE, Ass., 20 oct. 1989, Roujansky - CE, Ass., 5 mars 1999, M. Rouquette, Mme Lipietz et autres). Historiquement, la justification d'un tel refus tient d’abord à la séparation des pouvoirs, garantie, du point de vue du contrôle de constitutionnalité, par l'article 10 de la loi des 16-24 août 1790 3. Elle tient, ensuite, à la tradition légicentriste française, la loi étant l'expression de la volonté générale et ne pouvant donc être imparfaite (DDHC, art. 6). Enfin, avec l'entrée en vigueur de la Constitution de la Ve République, le principe même du contrôle de constitutionnalité des lois confié entre les mains du Conseil constitutionnel (Const., art. 61) lui confèrerait un monopole en la matière, justifiant que les juridictions ordinaires ne puissent s'en prévaloir (CE, 5 janv. 2005, Deprez et Baillard).

J. Bonnet, Le juge ordinaire français et le contrôle de constitutionnalité des lois, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2009, p. 1. 2

« Les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l'exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l'exécution des décrets du Corps législatif, sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture ». 3 sur 5 3

Transition : Alors que le juge ordinaire, au premier rang duquel le juge administratif, oppose au justiciable l'inopérance du moyen tendant à contester la constitutionnalité d'un acte administratif, il a développé des techniques de contournement de cette théorie de la loi-écran. II. Un contrôle de constitutionnalité ajusté, attribuant un rôle protecteur au juge administratif au regard de la Constitution Chapeau : Le juge administratif pourrait être qualifié de juge de la constitutionnalité dans des cas précis, à savoir lorsqu’il contourne la théorie de la loi-écran afin de contrôler certains actes (A) ou lorsqu’il participe au mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité (B). A. Le contournement de la théorie de la loi-écran par le juge administratif, faisant de lui un juge de la constitutionnalité Le juge administratif a découvert plusieurs manières de contourner ce principe de la loi-écran. En premier lieu, la théorie de l’écran transparent constitue une première technique (CE, 17 mai 1991, Quintin). Dans une telle hypothèse, la loi ne détermine pas le contenu de l’acte administratif mais se borne à définir une compétence. Par exemple, l’article L. 2112-2 du code général des collectivités territoriales dispose que le maire est compétent pour assurer le maintien de l’ordre public dans sa commune. Mais ces dispositions ne prescrivent rien s’agissant du respect des libertés. Dès lors, si le maire porte atteinte à la liberté religieuse, la liberté d’expression, la liberté de réunion, le juge administratif accepte de contrôler l’acte administratif de police car cet article est sans incidence s’agissant des limites à apporter à ces libertés constitutionnellement consacrées. En deuxième lieu, la technique de l’interprétation neutralisante vise à vider la loi de son vice d’inconstitutionnalité. Un acte administratif est conforme à loi mais contraire à la Constitution, car la loi est contraire à la Constitution. Ainsi, le vice de constitutionnalité de la loi rejaillit sur l’acte administratif. Le juge administratif propose alors une nouvelle lecture de la loi pour la rendre compatible avec la Constitution. De fait, l’acte administratif qui, au premier abord, était contraire à la Constitution et conforme à la loi, devient contraire à la loi et contraire à la Constitution puisque la loi est lue à la lumière de la Constitution. Dans ce cas de figure, l’acte administratif est annulé et le problème de constitutionnalité de la loi ne se pose plus. Le Conseil d’État exerce parfois, en troisième lieu, un contrôle de l’abrogation implicite de la loi. Il décide alors qu’il peut exercer un contrôle de la compatibilité de la loi avec la Constitution en constatant l’abrogation implicite d’une disposition législative devenue incompatible avec le droit constitutionnel en vigueur. Le rôle protecteur du juge administratif au regard de la Constitution s’est encore accentué grâce à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ; la loi ne faisant potentiellement plus écran si le Conseil d’État décide de renvoyer une telle question au Conseil constitutionnel et si, le cas échéant, celui-ci abroge la disposition de loi ou la valide sous réserve d’interprétation. 4 sur 5

B. La participation du juge administratif au mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité, faisant de lui un juge de la constitutionnalité Comme précédemment vu, le Conseil d'Etat a toujours accepté de contrôler la constitutionnalité des actes administratifs à la condition toutefois qu’une loi ne fasse pas « écran » entre l'acte attaqué et la Constitution. L'entrée en vigueur de l'article 61-1 de la Constitution et de la loi organique adoptée pour sa mise en œuvre n'a certes pas remis en cause cette incompétence de la juridiction administrative pour contrôler la constitutionnalité des lois, mais la fait participer à ce contrôle préjudiciel de constitutionnalité. L'inconstitutionnalité de loi peut désormais être soulevée devant toutes les juridictions administratives qui sont alors tenues de l'examiner avant d'éventuellement la transmettre au Conseil d'Etat qui lui-même peut saisir le Conseil constitutionnel. Le juge, comme le Conseil d'État, doit s'assurer que trois conditions sont remplies : la loi contestée doit être applicable au litige, la question posée ne doit pas avoir d'ores et déjà fait l'objet d'un contrôle de constitutionnalité (sauf changement de circonstances) et la question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux. Il faut noter que lors de l'appréciation de cette condition, la juridiction administrative est appelée à interpréter la Constitution, l'essentiel de l'interprétation revenant toutefois au Conseil constitutionnel lorsqu'il se prononce sur la constitutionnalité de la loi.

Ouverture : Ainsi, le droit administratif, et donc son application par le juge administratif, a connu une certaine « constitutionnalisation ». Une autre évolution est remarquable, à savoir l’« internationalisation » du droit administratif. S'il s'avère qu'un acte administratif pris sur le fondement d'une loi est contraire à un engagement international, le juge administratif fera application de son contrôle de conventionnalité, ce qui implique de contrôler la loi à l'aune de l'engagement international. En cas de méconnaissance de cet engagement, l'acte administratif sera annulé. Ainsi, le juge administratif soumet également l'administration au respect des engagements internationaux de la France.

5 sur 5...


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