Le télégraphe et internet PDF

Title Le télégraphe et internet
Course Problématiques professionnelles du champ
Institution Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis
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Prof Gregory Levis...


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LE TÉLÉGRAPHE : CONSIDÉRATIONS SUR L'UBIQUITÉ ET L'INSTANTANÉITÉ DE LA COMMUNICATION MODERNE Anne-Claude Ambroise-Rendu Nouveau Monde éditions | Le Temps des médias 2012/1 - n° 18 pages 281 à 286

Article disponible en ligne à l'adresse:

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2012-1-page-281.htm

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Pour citer cet article :

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Ambroise-Rendu Anne-Claude, « Le télégraphe : considérations sur l'ubiquité et l'instantanéité de la communication moderne », Le Temps des médias, 2012/1 n° 18, p. 281-286. DOI : 10.3917/tdm.018.0281

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ISSN 1764-2507

CHRONIQUE PASSÉ-PRÉSENT

Anne-Claude Ambroise-Rendu* Internet n’a pas le monopole des débats que suscite toute invention pesant d’un tel poids dans la vie quotidienne des individus, sur leur rythme de vie et leurs conditions de travail et d’échange.Avant lui le télégraphe a été salué, moqué, interrogé. On lui a reproché les mêmes travers qu’à la connexion permanente et aux réseaux sociaux.

1- Quand les moyens de communication modernes, en facilitant les rapprochements adultères, suscitent la satire… Le Figaro, 29/08/1839 Signaux télégraphiques Il y a trois jours, mon épicier reve-

nant de faire des emplettes en gros, rue de la Verrerie, s’arrêtait la bouche ouverte, le regard fixe, l’air étonné devant le télégraphe placé au sommet de l’une des tours de l’église Saint-Eustache. Mon épicier est très désireux de s’instruire mais en vain contemplait-il le télégraphe, s’agiter et se tordre comme un clown du Cirque-Olympique. Mon épicier n’y comprenait pas plus qu’à la lecture d’un feuilleton-Cassagnac. Vint à passer un des co-locataires de mon épicier. Ce locataire s’est relégué, par manie de solitude, dans une étroite mansarde du sixième étage. Ce monsieur porte toujours un habit noir râpé, des livres sous le bras et de la crotte à l’extrémité de son pantalon il enseigne les principes des langues française, grecque et latine, mais a horreur de l’économie politique.

* Maître de conférences HDR en histoire contemporaine à l’Université Paris-Ouest Nanterre La Défense ; co-rédactrice en chef du Temps des médias. N °1 8 – Printemps 2012

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Le Temps des Médias

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Le télégraphe : considérations sur l’ubiquité et l’instantanéité de la communication moderne

- Vous me paraissez là, mon voisin, plongé dans une bien caverneuse méditation, dit-il en s’adressant à l’industriel de détail, et lui frappant sur l’épaule vous êtes en admiration devant le télégraphe, n’est-ce pas? - Ah ! mon cher docteur (l’épicier n’appelait jamais autrement le monsieur en noir). Avouez que c’est là une superbe invention. - D’accord, mais… - Ah toujours vos mais N’allez-vous pas encore la dénigrer et prétendre qu’elle n’a rien de plus nouveau, de plus extraordinaire que les divertissements du Casino. Où diable a-t-on pu s’ingérer de faire une semblable mécanique ? - Je ne veux, mon voisin, rien dénigrer du tout: tenez, permettez-moi de vous accompagner, et pendant le trajet, je vous développerai mes idées. «Vous êtes émerveillé du langage télégraphique, rien de mieux mais regardez donc autour de vous dans la nature et vous rabattrez de votre étonnement. La grammaire a dit Les mots sont les signes des idées le télégraphe a dit, lui J’exprimerai mes idées par des signes et il n’a pas dû courir bien loin pour déterrer son invention. - Allons donc! - Écoutez plutôt ceci. « Lorsque votre jolie enfant si rose, si fraîche, si riante vous envoie, placée sur les bras de sa mère, un baiser de sa petite main blanche et potelée, vous comprenez ce muet langage, cette enfantine correspondance, n’est-ce pas trouvez-moi un signe télégraphique qui vaille celui-là ? (…) 282

Je ne vous parle pas de nos acteurs, auxquels les signes télégraphiques sont d’une si grande ressource. A l’aide de gesticulations, on essaie de dissimuler, aux yeux du public, ses distractions, ses manques de mémoire, et la honte de rester court au milieu d’une pompeuse tirade. (…) L’on ne finirait pas si l’on voulait rappeler tous les signes télégraphiques. M. Louis Collet lisant à haute voix et à grands renforts de gestes, les affiches annonçant la première représentation du drame de madame son épouse. Signes télégraphiques - Apologie de l’auteur et de son ouvrage. Un illustre dramaturge faisant frapper et distribuer une médaille en l’honneur d’une très mauvaise pièce. -Signe télégraphique Réclame. (…) Mais l’épicier, mon voisin, n’écoutait plus le docte interprète, son esprit et son attention étaient fixés sur une fenêtre de laquelle partaient des signaux d’autant plus inquiétants pour lui, que cette maudite fenêtre était placée visà-vis l’appartement qu’occupait madame son épouse. En s’approchant de plus près pour examiner, l’épicier jeta un cri et fut sur le point de s’évanouir. Un jeune et beau freluquet envoyait,par dépêche télégraphique, une brûlante déclaration d’amour à sa brune voisine qui lui répondait par la même voie. Frappé de la pâleur de son compagnon de route, le savant allait, lui en demander la cause, lorsqu’il aperçut lui-même ce qui se passait Eh ! quoi ! madame votre épouse aussi ?.. je ne vous avais pas encore parlé de ce signe télégraphique.»

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CHRONIQUE PASSÉ-PRÉSENT

2- Des effets du télégraphe sur la production littéraire Le Figaro, 13/05/1873 De l’influence littéraire et morale du télégraphe Propos d’un conservateur « Il y a quelques jours, Eyma et moi nous causions d’un politique fort distingué qui est en même temps un écrivain fort remarquable devinez. Eyma me faisait observer que son style, autrefois entaché de vague, avait acquis une précision qu’il fallait attribuer à la pratique et culture du télégramme, cet ennemi-né des enjolivements et des fioritures; sa réflexion me frappa et je me dis que le télégraphe attendait encore son Aristote ou son Quintilien ; je n’ai pas la prétention d’usurper ce rôle ; ce qui est certain, c’est que l’usage du télégraphe ne manquera pas d’exercer sur notre façon d’écrire une influence sensible et que même il est déjà permis d’apprécier. Alexandre Dumas fils, avec son, tour serré et son insigne ladrerie de fleurs de rhétorique, ne se comprendrait pas avant le télégraphe. Il me paraît impossible que l’on soit, dans le train ordinaire de la vie et pour les besoins de tous les jours, astreint et formé à emprisonner sa pensée en quelques mots, à lui mettre, pour ainsi dire, une camisole de force sans que la plume contracte d’involontaires habitudes de laconisme, sans qu’elle arrive d’elle-même à courir droit aux faits et aux chiffres, en méprisant les périodes 283

bouffantes et les phrases à volants ou à traîne. Elles peuvent n’être pas sales; mais elles tiennent de là place, comme dit mon compatriote. Le télégraphe n’a pas été inventé pour transmettre des brochettes de tropes ou d’adjectifs. En tout cas, il y aurait à les payer. Pour les EtatsUnis, par exemple, quelques métonymies et quelques antonomases reviendraient aisément à cinq ou six cents francs. Les petites bourses y regarderaient à deux fois avant de s’offrir le luxe d’une catachrèse. Les prosopopées ne seraient accessibles qu’aux gros millionnaires. 0 Boileau, du haut du ciel, tu dois être content! Ton fameux vers a prévalu il sera le roi ou le président de notre avenir littéraire. « Qui ne sut se borner ne sut jamais écrire. » On vante beaucoup dans les collèges le Veni, vidi, vici de César. La phrase en effet est courte, savamment frappée, bien sonnante mais je ne mets pas en doute que si César avait été un contemporain et un familier du télégraphe, il ne se fût borné au seul vici qui dit tout ce qui était essentiel à. dire. Veni et vidi sont de surérogation et de pose. César a tenu à faire ses embarras. Le télégraphe a d’autres effets. J’ai connu un très aimable et très spirituel préfet, qui avait été préfet dans les époques anté-télégraphiques, et qui l’était resté dans les époques post-télégraphiques. Il me disait: « Le télégraphe a tué notre métier. Jadis, une fois que le courrier de Paris

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CHRONIQUE PASSÉ-PRÉSENT

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au rang des meilleurs morceaux de notre littérature. Les chemins de fer et le télégraphe ont donné à cette génération-ci une fébrilité effroyable et presque doublé là mobilité française. On s’en rendra compte plus tard, et on expliquera de la sorte la fréquence et la soudaineté de nos révolutions de plus en plus précipitées. Nous sommes comme des gens qui auraient toujours peur de manquer le train et qui ne savent rien faire qu’à la course. Un homme qui va de Paris à Marseille en quinze heures et qui n’a jamais pratiqué d’autre manière de cheminer, ne saurait penser, sentir, agir comme nous, qui mettions, dans le vieux temps, six jours et six nuits à faire le même trajet. Ah ! le dernier mot n’est pas dit sur les inventions modernes. Dieu me garde de blasphémer contre elles! Mais qu’elles me permettent de leur faire entendre quelques vérités. Lés chemins de fer ont fait hausser partout le prix du boire, du manger, du loger. Les chemins de fer ont fait de Paris un vaste Capharnaüm cosmopolite. Les chemins de fer ont créé l’Internationale, c’est-à-dire le fléau qui peut-être nous dévorera. Les peuples, trop activement mêlés et de niveaux différents, tourbillonnent rebondissent écument comme des torrents qui conflueraient à une cataracte.

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m’était arrivé,j’avais devant moi vingtquatre heures de sécurité, d’étude, de réflexion. Avant vingt-quatre heures, je ne pouvais plus rien recevoir de la rue de Grenelle. Aujourd’hui, je suis a perpétuité sur le gril. Le télégraphe me relance et me fait soubresauter à toute minute. Je n’ai pas deux heures à donner de suite à un travail important. Il m’est interdit de rien approfondir. Avec son fil, le ministre me sonne,comme avec ce cordon je sonne mon huissier. Il me demande je ne sais quoi ; pour tromper sa faim, je lui réponds la première chose venue : « Etudes terminées dossier complet; mémoire par courrier. » Et dare dare, je brusque tout; je fais à demi, et j’envoie à Son Excellence, qui n’y pense plus, un rapport qu’elle ne lira point, parce qu’elle est embesognée à télégraphier aux quatre bouts de la France. » Le télégraphe a mis à néant la diplomatie. Un ambassadeur n’est plus qu’un commissionnaire qui va porter des dépêches à un Foreign-Office quelconque et qui dit au concierge : « On attend la réponse.» Vous vous rappelez, lecteurs, la tapageuse question du Luxembourg, en 1867, laquelle faillit hâter l’inévitable conflit franco-prussien. Qu’en reste-t-il ? Un paquet de télégrammes secs et crus. Autrefois, les affaires traitées avec maturité et en grand style léguaient à l’histoire des pièces mémorables. Les correspondances diplomatiques de d’Ossat, de d’Avaux, du marquis de Torcy, du duc de Choiseul, de Guizot sont à mettre

3 -Des effets du télégraphe sur la confidentialité de l’information et la sécurité des individus Le Figaro, 21/05/1909 On a vainement prétendu que le rayonnement en toutes directions des postes de télégraphie sans fil donnait à l’étranger toute facilité pour connaître le sens des dépêches échangées. On conçoit tout naturellement que les radiotélégrammes confidentiels sont écrits en langage secret, suivant des codes dont la clef peut changer chaque jour d’après un ordre quelconque et convenu entre les divers correspondants. Dès qu’une dépêche destinée à passer par le télégraphe avec-fil revêt un caractère confidentiel, on n’agit pas autrement et cela depuis longtemps, car on sait bien que sans cette précaution le caractère confidentiel ne pourrait être sauvegardé, à cause du grand nombre d’intermédiaires qui lisent les communications. L’exemple donné par les grandes nations du monde qui ont toutes établi chez elles un réseau de télégraphie sans fil prouve en quelle estime elles tiennent ce mode de transmission des dépêches. (…) Mais on peut affirmer aujourd’hui que le rôle de la radiotélégraphie n’est pas exclusivement militaire. Il est prouvé que le public se familiarise très vite avec les radiotélégrammes ainsi, les postes Popp, installés au Maroc par la Compagnie Française de Télégraphie sans fil, fonctionnent continuellement et ces 285

postes transmettent un nombre considérable de dépêches officielles, privées ou de presse. A l’heure actuelle, les transmissions par télégraphie sans fil sont sûres et d’une parfaite régularité. D’application de laboratoire, la « Sans Fil » est devenue « industrielle » à la fois par la sécurité offerte par les appareils employés et par le mode d’organisation des stations. (…) II est évident que pour les communications entre les côtes et les navires en mer, la télégraphie sans fil a réalisé des prodiges qui lui sont bien personnels, puisque dans ce domaine, aucune concurrence n’était possible. Les navires munis d’appareils de radiotélégraphie sont en relation continuelle avec d’autres navires et avec les ports; on n’admettrait plus aujourd’hui qu’une flotte de guerre n’eût pas la télégraphie sans fil sur tous ses bâtiments. Le jour est proche où l’on n’admettra pas davantage que les paquebots et la plupart des navires de commerce n’aient pas un poste à leur bord. C’est dire également que l’on considérera comme désolée et inhospitalière une côte qui laissera sans réponse les demandes des navires du large. Grâce aux postes de bord, les passagers restent en relation avec leurs parents et amis ils continuent de surveiller leurs affaires, de donner des ordres à leurs employés, ils savent le cours de la Bourse, ils ne cessent de prendre part la vie active des Continents. Ils se sentent en sécurité puis-

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qu’ils n’ont plus la crainte de l’isolement. Une avarie se produit-elle à la machine ou au navire, on renseigne les côtes ou les bateaux voisins, on peut appeler au secours en cas de danger. Qu’il nous suffise de rappeler que sans la télégraphie sans fil,les 750 personnes qui se trouvaient sur le paquebot Republic auraient infailliblement péri, lors de l’abordage du 23 janvier 1909. Mais nous pouvons demander davantage encore à la « Sans Fil » qui nous procure aussi des moyens préventifs sûrs et de la plus grande simplicité. Les Compagnies de Télégraphie sans Fil ont établi de petits postes dits « de sécurité » d’une portée d’une dizaine de milles, auxquels on a donné le nom de « phares hertziens » ou de « sirènes hertziennes».

Tout navire muni d’un pareil poste signale sa présence aux autres navires qui se trouvent dans ce rayon et peut même leur indiquer sa direction de marche. Les côtes munies de postes semblables renseigneront les bateaux, qui connaîtront ainsi leur point d’arrivée et pourront éviter la proximité des rochers dangereux.Les sinistres maritimes analogues à ceux de la Bourgogne et du Drumont Castle, pour ne citer que les deux plus récentes catastrophes, seront rendus désormais impossibles. Grâce aux signaux hertziens émanant de postes placés à proximité des rades, il sera possible de donner par tous les temps des indications aux navires et de leur faciliter la manœuvre pour entrer dans les ports. »

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