Les méfaits des traductions du Coran (Maurice Bucaille : 1989) PDF

Title Les méfaits des traductions du Coran (Maurice Bucaille : 1989)
Author ع. بوطالب Boutaleb
Pages 8
File Size 106.9 KB
File Type PDF
Total Downloads 704
Total Views 857

Summary

Les méfaits des traductions du Coran Maurice Bucaille Histoire du texte On sait que le texte du Coran fut définitivement établi durant le califat de Uthman (644-655), à la suite d'une recension d'un nombre important de ses parties déjà consignées par écrit. Il est primordial d'être éclai...


Description

Les méfaits des traductions du Coran Maurice Bucaille Histoire du texte On sait que le texte du Coran fut définitivement établi durant le califat de Uthman (644-655), à la suite d'une recension d'un nombre important de ses parties déjà consignées par écrit. Il est primordial d'être éclairé sur les dates précises de la confection du texte, puisque l'on va rapprocher certains de ses passages de connaissances établies à l'époque moderne : le sens que l'on donne à cette comparaison n'a de valeur qu'en fonction de la certitude de la conformité du texte actuel avec le texte ancien. Or, on peut être assuré que le texte actuel est, comme l'on dit, « d'époque » · J'ai longuement traité de ce sujet dans La Bible, le Coran et la Science1. Je ne veux pas me répéter d'un ouvrage à l'autre, mais je tiens à insister sur le fait que les garanties d'authenticité sont formelles : le Coran fut reçu par le prophète Muhammad, par parties, pendant une période de vingt ans. Il fut aussitôt communiqué par le Prophète autour de lui, appris par cœur et récité par les fidèles, en même temps que s'opérait une fixation par écrit avec les moyens du temps. Par conséquent l'écrit et la mémoire des récitants contribuèrent ensemble à la conservation du texte. On cite des recensions antérieures au califat de Uthman, pendant le califat de Omar, mais c'est le corpus établi du temps de Uthman qui assura la pérennité. Cette recension a en effet conduit à la confection d'exemplaires dont des parties existent de nos jours à Tachkent, en Union soviétique, et à Istanbul. A la Bibliothèque nationale à Paris il existe des fragments de texte des VIIIe et IXe siècles de l'ère chrétienne. La multitude des textes anciens montre de strictes concordances, à de très minimes variantes près qui, d'ailleurs, ne changent rien au sens général. Pour ce qui nous concerne ici, il est certain que l'on possède des copies rigoureusement conformes à celles qui circulaient au Moyen Age. Les méfaits des traductions En Europe occidentale, il semble bien que la première traduction fut effectuée à l'initiative de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, mort en 1156, qui demanda à Pierre de Tolède de lui fournir une traduction en latin. Il semblerait 1

pp. 129 à 134

1

qu'il ait fallu attendre 1543 pour voir la traduction éditée à Bâle et un peu plus tard à Zurich. La première traduction française aurait été celle du Sieur du Ryer au milieu du XVIIe siècle. Une traduction française eut une grande faveur durant près de deux siècles, celle de Savary ; éditée en 1783, elle fut rééditée, semblet-il pour la dernière fois, en 1951. Celle de Kasimirski apparut en 1840 ; on la trouve encore en librairie. Les toutes premières traductions sont marquées par de très grandes libertés prises avec le texte, les auteurs ayant plus le souci de « combattre l'hérésie » que d'être fidèles au contenu du Coran. Du point de vue très particulier qui nous préoccupe ici, les traductions qui circulent de nos jours sont le plus souvent inutilisables. Lorsque je connus suffisamment d'arabe littéral pour me faire une opinion quant à leur valeur en vue d'une confrontation avec des connaissances profanes, je m'aperçus que nombre d'auteurs étaient passés complètement à côté du sens, en fournissant des interprétations singulières de certains mots, interprétations d'ailleurs souvent très différentes selon les auteurs. Ceci explique que celui qui méconnaît l'arabe littéral et ne peut que recourir qu'à des traductions est complètement incapable d'avoir une opinion valable sur le sens d'un verset coranique offrant des allusions à des connaissances profanes. Si je n'avais pas appris l'arabe littéral, je n'aurais pas pu faire une étude valable du Coran à la lumière de la Science. Une première question vient à l'esprit : cette manière inexacte, et souvent différente selon les auteurs, de traduire certains passages viendrait-elle du fait que le texte coranique manquerait ici de clarté, et pourrait légitimement donner lieu à des variations dans les traductions ? A cela je réponds que, s'il n'est pas douteux qu'il existe un nombre non négligeable de versets traitant de sujets d'ordre religieux sur lesquels l'accord n'est pas fait quant à leur sens précis, les sujets envisagés ici sont d'un tout autre ordre, des phénomènes de la nature le plus souvent, évoqués en termes simples qui ne devraient soulever ni malentendus ni discussions. Les divergences dans les traductions de ces passages relèvent de tout autres causes, générales tout d'abord. On ne traduit bien que ce que l'on comprend. Ne nous étonnons donc pas que des traducteurs ou commentateurs possédant une culture littéraire soient incapables de saisir le sens de versets qui, en raison d'allusions à la science, ne peuvent être compris que par ceux qui ont une culture scientifique. En outre, tout particulièrement en nos pays occidentaux, les traductions inexactes peuvent relever d'une explication plus subtile encore. En effet, il est 2

de distingués arabisants qui font passer avant toute autre considération leur conception, que rien ne pourrait ébranler, du Coran-œuvre humaine ne pouvant pas de ce fait contenir une notion découverte par la science moderne et qui aurait été totalement ignorée jadis. Alors, même devant le texte arabe le plus explicite à ce point de vue, ils refusent d'accepter le sens qui s'impose, et s'ils donnent une traduction, celleci est orientée par des idées préconçues. Je me souviens, entre autres circonstances similaires, avoir un jour cité devant un universitaire parisien deux courts passages du Coran sur la traduction desquels nul spécialiste objectif ne devrait avoir de doute. Comme je faisais remarquer que ces deux passages étaient mentionnés dans mon premier livre parmi les versets démonstratifs de mes thèses, il refusa avec beaucoup de suffisance de suivre les traductions que je donnais. Qu'avais-je à répondre quand il invoquait le prétexte qu'un de ses maîtres en arabe avait jadis donné du mot un sens tout à fait différent de ce que je prétendais, ce qui naturellement rendait caduque mon argumentation ... Que pouvais-je faire, si ce n'est m'incliner ... pour un temps. Pour réputé qu'il eût été, ce grand linguiste auquel référence était ainsi faite avait, en un passage du Coran, traduit correctement le mot, et en un autre passage donné une traduction complètement aberrante : il était impossible que mon contradicteur ne s'en soit pas rendu compte et il avait compris, j'en suis certain, que les deux passages traduits par moi, on va le voir plus loin, faisaient apparaître, formulée très simplement par le Coran, une notion de botanique moderne : la notion de l'existence d'une sexualité dans les végétaux. A l'intention de mes lecteurs arabophones et arabisants, je précise que Je mot en question était azwâj (au singulier zawj) traduit par le grand expert par « espèces », alors qu'en réalité tous les dictionnaires d'arabe ancien comme d'arabe moderne donnent les sens d' « éléments de couple», d'« éléments d'une paire». L'expert cité était le professeur Régis Blachère. Je recommande de se reporter à sa traduction du Coran pour le Verset 36 de la Sourate 36 (p. 471 de l'édition de 1966) où le mot est traduit par « espèces », tandis que pour le Verset 13 de la Sourate 3, la traduction donnée était bien « éléments de couple » (même édition, p. 271). Je rappelle que le Verset 35 de la Sourate 36 se termine par une évocation des êtres humains ; dans le verset qui suit, ils sont toujours évoqués, en même temps que le mot « éléments de couple » suggère la similitude des plantes avec eux du point de vue considéré, notion qui n'apparaît pas si l'on 3

traduit le mot par « espèces. » Ainsi un mot mal traduit occulte la portée du verset ! Et que d'exemples comme celui-là je pourrais donner ! A l'opposé, j'ai observé que des auteurs - qui eux ne sont pas des islamologues- pouvaient être à ce point envahis par la conception, erronée pour moi, du Coran - « livre de science », qu'ils découvrent dans son texte des affirmations qui apparaissent ridicules et qu'ils prétendent justifier scientifiquement. Certains livres contiennent un grand nombre de ces erreurs manifestes. En voici un exemple : la prétendue affirmation que Dieu « donna à la terre la forme d'un œuf » (S. 79, V. 30), alors que la traduction exacte me semble être : Dieu « a étendu la terre », ce qui évoque l'extension des terres qui émergent, je suppose, mais qui n'a rien à voir avec l'autre interprétation. Et, comble de l'inexactitude, le responsable de cette traduction précise que «la science de l'espace a bien montré récemment que la rotondité (sic) de la terre n'est pas sphérique mais en forme de poire ou d'œuf. » L'auteur de cette réflexion authentique docteur ès Sciences de l'Université de Paris avait-il quelquefois vu que les photographies de la terre prises de l'espace la montrent effectivement sphérique ? Avait-il su que l'on a mesuré l'aplatissement aux pôles qui représenterait pour une sphère d'un mètre vingt de diamètre une diminution d'un millimètre environ par rapport au diamètre équatorial. Voici le type d'affirmations dont le Dr Kamal Hussein, cité avec faveur au chapitre suivant, aurait pu souligner le caractère inadmissible. Autre facteur qui malheureusement intervient : c'est par fidélité aux interprétations des exégètes anciens que sont souvent répétées des interprétations de mots à propos desquels les anciens commentateurs ne pouvaient pas, faute de posséder les connaissances nécessaires, discerner la correspondance avec des phénomènes de la nature étudiés et analysés bien après eux. Ils ont laissé des traditions de commentaires que certains répètent sans même se demander, je le crois, s'ils ne seraient pas révisables. En voici un exemple : les versets présentés comme appartenant à la première révélation faite au Prophète, évoquent selon le sens que je leur donne : Dieu « façonna l'homme de quelque chose qui s'accroche » (S. 96, V. 2). La dernière expression est la traduction du mot arabe ‘alaq que je rends d'après le sens primitif que lui donnent les dictionnaires d'arabe ancien. Mais il faut savoir qu'au cours de l'évolution de la langue, se sont constitués, à partir de ce sens primitif, des sens dérivés : « ce qui s'agglutine, se colle », la « boue », la « sangsue, et enfin le « sang » surtout le « sang épais » le « grumeau de sang 4

». Malheureusement la majorité des auteurs musulmans de traductions a, par fidélité, suivi les commentateurs traditionnels d'une époque encore reculée qui ne savaient rien de l'embryologie et ont cru bien faire en choisissant parmi des sens dérivés une interprétation en rapport à leurs yeux avec la vie, d'où le choix de « caillot de sang », voire même de « sangsue » dont l'homme serait pour eux venu ! Ils ne se rendaient pas compte qu'il n'était pas nécessaire d'aller si loin et que le sens primitif répondait parfaitement à une réalité toute simple. Cela n'a d'ailleurs pas échappé à d'éminents spécialistes de l'arabe à notre époque. Ainsi, pour R. Blachère, ce n'est pas exact de prétendre que le Coran dit que l'homme provient d'un « grumeau de sang », de « sang coagulé » : ceci est « fondé sur une interprétation des exégètes sujette à caution, » écrit-il, et il traduit par « adhérence » soulignant que « ce terme semble bien être, à l'origine, un nom verbal de ‘alaqa « s'accrocher » « adhérer ». II est remarquable de constater que R. Blachère, faute de connaissances scientifiques ne peut aller jusqu'au bout de son raisonnement : il écrit en définitive « adhérence », ce qui n'est pas loin du sens exact d'« accrochage » exacte expression de ce qui se passe lorsque Je tout jeune embryon, quelques jours après la fécondation, va « s'accrocher » littéralement à la muqueuse de l'utérus maternel, précision sur Je début réel de la grossesse acquise par la science moderne. Il eût fallu que la connaissance de cet « accrochage » lui parvienne pour qu'il discerne, s'il l'avait bien voulu, que son raisonnement linguistique était en parfaite concordance avec l'embryologie. Placé devant l'expression de notions qui n'étaient pas c'est le moins qu'on puisse dire - courantes à l'époque du prophète Muhammad, Je scrutateur impartial du Coran est d'autant plus frappé de leur présence dans le Livre, qu'en lisant le texte original il y trouve la qualification de Prophète illettré » (S. 17, V. 157 et 158). J'ai dit plus haut qu'une des nombreuses manières de réagir à ces évocations à rapprocher de connaissances scientifiques modernes est de prétendre qu'elles n'y existent pas. Une autre est de soutenir- sans la moindre preuve- que Muhammad n'était pas du tout l'illettré que l'on dit, mais qu'il avait été instruit par des rabbins, moines ou autres détenteurs de savoirs profanes dans sa ville de La Mecque ou dans ses voyages de caravanier. A l'appui, prétend-on, le Prophète n'est pas appelé « illettré » dans Je Coran ; rapportons-nous à une grande traduction : les textes de la Pléiade ne font-ils pas tous autorité ? L'édition de 1976, pour ces deux versets, rend par 5

« Prophète des Infidèles » ce qu'un arabophone ou arabisant impartial comprend comme « Prophète illettré ». Dans l'édition Folio de 1980 du même éditeur (Gallimard), ce n'est plus ce sens, mais un autre encore, car l'expression avait dû choquer ; c'est ici « le Prophète des Gentils ». Rappelons que Gentils désignait chez les juifs et les chrétiens ceux qui ignoraient les Écritures. On se demande vraiment ce que « Gentils » vient faire ici pour corriger « Infidèles » qui n'avait pas plus de motif de se trouver là. En outre, lorsque l'auteur de cette traduction traite, pages XXXIV à XXXIX de son Introduction, des « 'Traits caractéristiques de la personnalité de Muhammad d'après le Coran », aucune allusion n'est naturellement faite à la qualité d' « illettré ». Or, le mot aurait dû retenir l'attention, car il est évident que Muhammad, communiquant à La Mecque aux fidèles autour de lui qu'il était qualifié par Dieu d' « illettré», ne pouvait pas se faire l'écho d'une fausseté, puisque ses concitoyens le connaissaient bien dans cette ville depuis plusieurs décennies. Mais on ne doit pas s'étonner de l'existence d'une telle contre-vérité dans cette traduction, puisque l'auteur écrit, page LXIX de son Introduction : « La révélation coranique, tout orientée sur des perspectives eschatologiques, ne s'appesantit pas sur la valeur morale des actes humains. » Or, tout lecteur du Coran, même de la plus déplorable des traductions, s'aperçoit que cette affirmation est démentie avec éclat à de multiples reprises dans le texte. Je ne voudrais pas m'étendre sur les méfaits des traductions du Coran sur des points qui ne concernent pas strictement les objectifs de mon exposé, bien que je pourrais en citer de très nombreux. J'aimerais donner un seul exemple que je crois démonstratif : dans les commentaires sur le règne végétal, j'ai précédemment insisté sur l'intérêt du Verset 36 de la Sourate 36 traitant de la sexualité dans les plantes. Que le lecteur veuille bien s'y reporter et comparer ce qu'est la traduction évidente pour tout arabisant avec celle que nous propose la Bibliothèque de la Pléiade de ce même verset :

ِ ِ ﴾٣٦﴿ ‫ض َوِم ْن أَنْ ُف ِس ِه ْم َوِِما ََل يَ ْعلَ ُمو َن‬ ُ ِ‫اج ُكل َها ِما تُْنب‬ ُ ‫ت ْاْل َْر‬ َ ‫ُسْب َحا َن الذي َخلَ َق ْاْل َْزَو‬ l. « Gloire à celui qui créa toutes les espèces 2. celles qui sortent spontanément de la terre 3. celles que les hommes font eux-mêmes pousser 4. et celles qu'ils ne connaissent pas. » 6

Qui pourrait découvrir dans ces lignes la moindre allusion à cet enseignement du Coran ? Ce texte a occulté cette notion, d'abord par l'introduction du mot « espèces » à la place d'« éléments de couple, (ligne l), puis une addition pure et simple de l'auteur qui brouille les données avec une allusion à une végétation spontanée (ligne 2) et à une végétation provoquée par l'action de l'homme (ligne 3), notion totalement inventée2. Des faits comme ceux-là expliquent pourquoi le lecteur de beaucoup de traductions modernes du Coran n'a pas de chance de trouver dans une littérature manifestement orientée ou qui pèche par une absence de culture scientifique des auteurs, des notions exactes sur ces questions alors que de telles correspondances avec des connaissances modernes sautent aux yeux lorsque les traductions restent fidèles au texte coranique. La prise en considération de tels problèmes à propos des traductions inexactes du Coran que j'ai contribué, je crois, à mettre en évidence, a eu des conséquences pratiques. Des organisations musulmanes m'ont à plusieurs reprises invité à leur faire part de mon expérience dans des colloques internationaux où ces questions étaient évoquées. J'ai suggéré de soumettre les traductions des passages ainsi concernés du Coran à l'avis de scientifiques de diverses disciplines. Mais il s'avère que ces problèmes sont difficiles à résoudre, car, pour avoir une efficacité certaine, il faut que le scientifique concerné connaisse de façon satisfaisante l'arabe littéral, et j'ajouterai l'arabe ancien, renseignant seul sur le sens primitif des mots, sens apparaissant ici indispensable à bien saisir pour effectuer une traduction exacte qui ne donne pas aux mots des sens dérivés, plus actuels mais inexacts. Or, si j'ai rencontré, lors de visites dans des pays arabes et en d'autres circonstances, des scientifiques et des linguistes de grande valeur, je n'ai pas eu le plaisir d'avoir des contacts avec des hommes de science nombreux ayant en outre une connaissance approfondie de l'arabe littéral, et encore moins d'éminents spécialistes de cette merveilleuse langue possédant une culture scientifique étendue. Dans la partie de cet exposé consacré aux points les plus significatifs du texte coranique sous ce rapport, je pense avoir donné des exemples de réussite dans la recherche d'une symbiose entre le linguiste et celui qui se préoccupe d'appliquer tout élément de connaissance profane à l'examen des 2

La traduction exacte est donnée p. 185.

7

enseignements que l'Ecriture présente, et ce dans le but de projeter quelque lumière sur des traductions et commentaires du Coran. Extrait de l'ouvrage : « Réflexions sur le Coran » Par le Prof. Mohamed Talbi et Dr. Maurice Bucaille

8...


Similar Free PDFs