Les modalités X4FRAN #8 - Notes de cours PDF

Title Les modalités X4FRAN #8 - Notes de cours
Course Méthodologie Français - Linguistique
Institution Université Sorbonne Nouvelle
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Cours sur les modalités
Professeur: Valérie DELAVIGNE...


Description

X4FRAN La subjectivite dan s le discour s UNIVERSITÉ DE LA SORBONNE NOUVELLE DÉPARTEMENT DE LANGUES ÉTRANGÈRES APPLIQUÉES

Les modalités Dans un énoncé, on peut distinguer d'une part, ce qui est dit, le contenu du message, et d‘autre part, la façon de l’exprimer ou, plus précisément, la position du locuteur par rapport à ce qui est exprimé. Cette attitude, cette prise de position de l'énonciateur par rapport à ce qu’il dit ou par rapport à L2 sont repérables dans l’énoncé. C’est ce qu’on appelle la modalisation, c'est-à-dire le processus par lequel l’énonciateur nuance son discours, s’implique dans ce qu’il dit. Quand on parle, on apporte une information, on demande une information, on établit une contrainte sur L2…. Repérer la modalisation, c’est donc reconnaître les formes linguistiques d'une appréciation, les marques de jugement de L1, autrement dit, dire l’expression de sa subjectivité. Cette subjectivité est investie de diverses manières : par la présence ou l’absence de déictique, par le choix des mots, le choix de la tournure de phrase… La notion de modalité est un terme issu de la logique, la logique modale, qui distingue le nécessaire et le possible et les fait correspondre à des opérateurs logiques issus des travaux en philosophie analytique de Gottlob Frege et Bertrand Russel. En linguistique de l’énonciation, la notion prend un autre sens. Selon Charles Bally (1982), une proposition peut s’analyser en deux éléments : un contenu, le dictum, et une modalité, un modus qui indique la position de L1 par rapport au dictum. Cette modalité peut être explicite comme dans Il arrive sûrement jeudi.

dans lequel sûrement exprime la probabilité que L1 confère à son énoncé, ou intégrée au dictum comme dans Il viendra jeudi.

où c’est le futur du verbe qui exprime cette probabilité.

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Modalisation : processus par lequel l’énonciateur s’implique dans ce qu’il dit. Modalisateur : marqueur par lequel l’énonciateur affiche son attitude face à son énoncé, à son interlocuteur et à la situation d’énonciation. Ce peut être un mot, une expression linguistique, un procédé typographique, un phénomène prosodique, qui marque le degré d’engagement, une appréciation, un jugement

Modalités d’énoncé vs modalité d’énonciation On distingue modalités d’énoncé (les modalités à proprement parler) et modalités d’énonciation1. Modaliser consiste à prendre parti sur ce que l’on dit. Les modalités d'énonciation sont la marque du rapport entre l’énonciateur et son coénonciateur. Par ces modalités, L1 ordonne, conseille, suggère, demande... à quelqu'un d'autre de faire quelque chose. Ces modalités laissent transparaître la présence d'une communication intersubjective entre des locuteurs : elles renvoient au sujet de l'énonciation en marquant l'attitude énonciative de celui-ci dans sa relation à son allocutaire. Les modalités d'énoncé marquent l’attitude de L1 par rapport à ce qu'il dit, au contenu de l’énoncé. C’est un rapport entre L1 et le dictum.

Modalités

Modalités d’énonciation

Modalités d'énoncé

L2

Contenu

Les modalités d’énonciation Considérons le corpus suivant : Il fait beau ! Fera-t-il beau ? Peut-être qu'il fait beau Est-ce qu’il fait beau? Je suis sûr qu’il fera beau C’est bien qu’il fasse beau ! Je crois qu’il fait beau Il faudra qu’il fasse beau Je me réjouis qu’il fasse beau J’aimerais qu’il fasse beau

1

Meunier (1974 : 12-13), Le Querler (1996 : 63)

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Ces types de phrases concernent les relations entre le destinateur et le destinataire impliquées par les grandes fonctions de la langue (affirmer, questionner, ordonner). Ce sont là différentes modalités d’énonciation. Si l’on part du dictum suivant : [Pierre] [obéir] [à son père]

Déclaration (modalité déclarative) Pierre obéit à son père

Interrogation (modalité interrogative) Est-ce que Pierre obéit à son père ?

Exclamation (modalité exclamative) Comme Pierre obéit à son père !

Injonction (modalité injonctive) Obéis à ton père !

La modalité d'énonciation intervient obligatoirement et donne une fois pour toutes sa forme déclarative, interrogative, injonctive à un énoncé2. Un énoncé ne peut recevoir qu'une seule modalité d'énonciation (alors qu’il peut présenter plusieurs modalités d'énoncé).  Attention ! Ne pas confondre mode et modalité. Le mode concerne les conjugaisons : - Mode impératif - Mode subjonctif - Mode infinitif

Par exemple, la modalité injonctive peut être au mode impératif, infinitif ou subjonctif : Sois gentil ! Ne pas fumer. Qu’il obéisse !

Les modalités d’énoncé On regroupe sous le terme de modalités d'énoncé les moyens linguistiques par lesquels L1 nuance ce qu’il dit, manifeste son attitude, ses émotions, ses sentiments par rapport au contenu de son énoncé. Les modalités d'énoncé font varier la perspective sur ce que dit L1, son jugement, la manière dont il situe son énoncé par rapport à la vérité, à la nécessité, à l'obligation, au savoir, au possible, au permis (et à leurs contraires). On a donc un même contenu représenté (dictum) sur lequel peuvent porter divers jugements, sentiments, volontés (modus). Dans toute langue, la subjectivité de ce qui est dit est présente sous différents aspects. DICTUM unique – MODUS varie

2

Meunier (1974 : 13).

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Si on analyse les deux énoncés suivants : Pierre viendra. Pierre devrait venir.

On a une modalité « probable », mais assumée en 1, alors qu’elle ne l’est pas dans l’énoncé 2. Nous distinguerons dans ce cours trois types de modalités d'énoncé : l'épistémique, le déontique et l'aléthique. La modalité épistémique

La modalité épistémique est relative à la croyance de l'énonciateur. Du grec epistêmê « science, connaissance », la modalité épistémique renvoie au savoir, à la croyance de L1 et à ses différentes connaissances du monde. Ces connaissances sont repérables dans l’énoncé par divers éléments grammaticaux et lexicaux : des modalisateurs épistémiques, qui peuvent être situés sur une échelle allant de l'incertitude absolue à la certitude complète. Je suis certain qu’il va venir Je ne crois pas qu’il vienne Il viendra sûrement Il est peut-être arrivé Il est possible qu'il soit arrivé Il serait arrivé Il est arrivé, sans aucun doute I may be late Nous savons qu’il va venir Le conflit paraît inévitable Bien entendu, nous évoquerons ce sujet La modalité déontique

La modalité déontique est relative au devoir, à l'obligation et à la permission. Le mot déontique dérive du grec ta deonta qui signifie « ce qu'il faut ». La modalité déontique concerne l’obligation, mais elle implique son contraire, l’interdiction, ou la permission, le facultatif. L’énonciateur présente l’action comme obligatoire ou permise en fonction du contexte. Vous devez présenter votre carte d’étudiant. Il est interdit de stationner ici. Il faut qu'il vienne. Les fruits et les légumes sont essentiels à une alimentation équilibrée. I must go to school. Vous passerez obligatoirement par le secrétariat. Il sera forcément là. Je lui ai donné la permission de minuit.

Les signaux routiers d'interdiction et d'obligation sont déontiques.

La modalité aléthique

La modalité aléthique est relative à la possibilité et à la vérité.

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Le mot aléthique vient du grec alêthês « réel, vrai ». Ce sont des indices linguistiques qui permettent d’exprimer le possible et l’impossible, le plausible et le contestable, le nécessaire et le contingent (ce qui peut se produire ou non). L'eau bout à cent degrés. Il neige. La neige est blanche. Il est nécessaire de manger des légumes L’été sera sans doute chaud

Un test pour déterminer si on a affaire à une modalité aléthique est d’utiliser « Je trouve que X » : Je trouve que la neige est belle/ ?Je trouve que la neige est blanche

Ces trois types de modalités font varier la perspective sur ce que dit L1. Ce sont les formes linguistiques du jugement de L1 qui exprime sa subjectivité. La subjectivité Toutes ces modalités expriment la subjectivité. On voit qu’elle est multiforme. Toute unité lexicale est subjective : pour toute activité langagière, une forme est imposée au contenu. « Nous découpons la nature selon les lignes établies par notre langue (…) ; en fait, il nous est impossible de parler sans souscrire au mode d'organisation et de classification du donné que cet accord a décrété (...). Aucun individu n'est libre de décrire la nature avec une impartialité absolue, mais contraint au contraire à certains modes d'interprétation alors même qu'il se croit le plus libre. » (Benjamin Lee Whorf, 1956, Language, Thought and Reality)

Un discours dit « objectif » tente de gommer toute trace de son énonciateur ; un discours dit « subjectif » montre explicitement : Je trouve sa maison vraiment belle

ou implicitement la trace de son énonciateur : Cette maison est vraiment belle

Cette opposition objectif vs subjectif n’est pas dichotomique, mais graduelle. C’est une classe floue3 :

Objectif

• Célibataire • Bleu • Petit

Subjectif

3

• Beau

Kerbrat-Orecchionni Catherine, 2012 : 81.

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Célibataire est plus « objectif » que beau. La modalité affective Certains termes concernant les sentiments, les affects, les émotions, les passions : Cette pénible affaire La triste réalité Le pauvre homme !

La modalité évaluative On distingue la modalité non axiologique, autrement dit sans jugement de valeur, ni d’engagement affectif de L1, qui peut mettre en œuvre : -

Des adjectifs Petit, grand, long, court, loin, chaud, nombreux…

-

Des adverbes Naturellement, bizarrement, gravement, éperdument, curieusement…

Et la modalité axiologique du type bon/mauvais qui montre l’a ppréciation ou la dépréciation, la valorisation ou la dévalorisation de ce que L1 énonce : Aimer, détester, préférer Bon, bien, mauvais Mal Normal, anormal…

Ces modalités peuvent s’exprimer aussi bien par des substantifs, des adjectifs, des verbes que des adverbes. -

Des substantifs : C’est mon voisin vs C’est un génie/un imbécile

Le jugement de L1 se laisse montrer selon le mot choisi qui va porter ou non le trait /subjectif/. Les supports de l’appréciatif peuvent être soit :  Le signifié : baraque vs maison, bestiole vs animal  Le signifiant, qui peut être dépréciatif comme chauff-ard, blond-asse, porté ici par le formant -ard ou –asse, ou, à l’inverse, mélioratif : amour, beauté. Selon le contexte, il y a une forte variabilité. C’est ainsi que tout terme peut devenir une injure ou, à l’inverse, être valorisant : gentil, raciste, sexiste, réactionnaire… Ces mots sont implicitement énonciatifs: user d’axiologique, c’est parler de soi. -

Des adjectifs qui peuvent être :  Affectifs, exprimant une action émotionnelle de L1 drôle, effrayant

Inhérente à l’adjectif ou solidaire d’un signifiant prosodique (l’intonation), typographique, position syntaxique particulière (antéposé) Le pauvre homme (vs l’homme pauvre)

 Évaluatifs, qui à leur tour peuvent être 1- Des évaluatifs non axiologiques sur une échelle graduée : chaud/froid

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La route est large, très large, plus large que… Son appart est assez grand.

Cette évaluation dépend de la norme de L1 : j’approuve, je critique. C’est une appréciation éthique ou esthétique : bon, beau 2- Des évaluatifs axiologiques pour lesquels la subjectivité s’exprime à fond. Ils permettent de porter un jugement de valeur positif ou négatif selon les normes de L1. Ils marquent nettement une prise de position de L1 et leur usage varie en fonction de la compétence idéologique de L1 C’est un mauvais film

Ces évaluatifs axiologiques sont absents des énoncés scientifiques et des énoncés des dictionnaires. Le cotexte joue un rôle pour leur donner une orientation argumentative. -

Des verbes.

Il faut là distinguer la personne qui porte le jugement évaluatif. Est-ce L1 ? Est-ce un actant du procès (l’agent, qui peut coïncider avec L1) ? Sur quoi porte l’évaluation ? Le procès luimême ? L’objet du procès ? Quelle est la nature du jugement évaluatif ? Est-ce bon/mauvais ? vrai/faux/incertain ? On va trouver ici, utilisé avec je, des verbes de sentiment comme aimer, détester, craindre, des verbes de perception, comme sembler, paraître, des verbes d’opinion : penser, croire, estimer, être sûr que, des jugements de vérité : avouer, prétendre. -

Des adverbes et des locutions.

Ce peut être des modalisateurs qui impliquent un jugement comme évidemment, certainement, peut-être, sans doute, probablement, heureusement…, des commentaires sur l’énoncé : à mon avis, en toute franchise, à vrai dire… D’autres indices permettent également de marquer une modalité évaluative : des interjections, comme hélas, bravo, l’intonation à l’oral, la ponctuation à l’écrit comme le point d’exclamation, les points de suspension, les guillemets qui permettent une mise à distance. Certains auteurs y ajoutent le choix du registre, l’emphase… Mais on voit alors toute la difficulté qui se pose dans la mesure où la classe des modalisateurs recouvrerait alors celles de l’énonciation. On peut classer l'ensemble de ces modalisateurs dans un tableau :

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Modalité

Modalité d’énoncé

Modalité d’énonciation

Modalité assertive

Modalité interrogative

Modalité injonctive

Modalité logique

Modalité affective Déontique (permis, interdit, obligatoire, facultatif)

Aléthique (possible, impossible, nécessaire, contingent)

Modalité Appréciative/ évaluative

Axiologique

Nonaxiologique

Épistémique (certain, probable, exclu, plausible)

 Exercices Les deux énoncés suivants sont modalisés par devoir et pouvoir. Proposez des reformulations qui font apparaitre les interprétations possibles de la modalité d'énoncé

Les enfants doivent arriver à 5 heures Le représentant du magasin peut vous appeler à tout moment

Dans les énoncés suivants, identifiez les différentes modalisations :

Il m'est agréable de vous rencontrer ici L'accident aurait fait beaucoup de blessés Elle doit être malade Il doit venir me voir immédiatement Il me semble qu'elle arrivera à temps Je pense qu'elle rentrera jeudi Elle semble être en bonne santé Il a nécessairement rencontré cet agent Ces paroles sont difficiles à supporter Heureusement qu'il a pris ses précautions.

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