L\'inconscient et ses formations : l\'injection faite à Irma analysé par Didier Anzieu PDF

Title L\'inconscient et ses formations : l\'injection faite à Irma analysé par Didier Anzieu
Author Test Test
Course Anthropologie et psychanalyse
Institution Université de Paris-Cité
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Summary

Ecrit portant sur « La découverte du sens des rêves. Le rêve de l’injection faite à Irma (24 juillet 1895) » de l’ouvrage L’auto-analyse de Freud, par Didier Anzieu dont la première édition date de 1959....


Description

France Culture : La mort du vieux lion

2019/2020

L’INCONSCIENT ET SES FORMATIONS

Dans la préface de sa troisième édition, Anzieu révèle vouloir « rapprocher les fragments d’un même rêve dissimulés en lieux différents » (Anzieu, 1988, p. 12). En effet, selon lui, il est intéressant de voir – grâce aux éléments biographiques et autres documents témoignant de la vie de Freud – les éléments de l’inconscient du créateur de la psychanalyse. C’est donc à travers l’entièreté de l’Interprétation des rêves qu’Anzieu décide d’analyser Freud avec l’appui d’éléments connus au cours de sa vie et à déduire les non-dits, les messages cachés de l’inconscient de ce dernier. Parmi ces analyses, on retrouve le fameux rêve de « l’injection faite à Irma » dont Anzieu propose quelques interprétations comme celles par rapport à ses proches, en relations avec Fliess et Emma Eckstein et en relations à l’image du corps.

Par rapport aux proches Anzieu nous introduit différentes autres interprétations sur le rêve de Freud toujours en rapport avec les principaux thèmes de culpabilité et d’angoisse. C’est tout d’abord à travers une interprétation en relation avec les proches de Freud qu’Anzieu fait remarquer qu’en se limitant à sa vie professionnelle volontairement, Freud nous fait part de sa culpabilité, pour la plus grande partie, vis-à-vis de ses patients ayant une place toute aussi importante que ses proches, voire, plus importante. Ainsi, cette culpabilité découle de « sa gêne avec sa femme, sa dépendance envers Fliess, son indépendance envers Breuer ». De cette culpabilité naît une certaine angoisse de mort : « d’être cardiaque » mais de cette angoisse se forment des remords « d’avoir, par ses expériences, favorisé la cocaïnomanie » (Anzieu, 1988, p.53). LE CONTRE-TRANSFERT DE FREUD

Ensuite, Anzieu mentionne le contre-transfert de Freud, notamment sa volonté de ne pas répéter les « erreurs » de Breuer envers Anna O en référence à l’ « abandon » de sa patiente en plein traitement lorsque cette dernière lui révèle un certain attrait. De ce fait, Irma symbolise toutes les patientes hystériques que Freud a pu avoir. De la même façon, Irma peut aussi être le résultat de son fantasme paternel (en tant que père de la psychanalyse et des hystériques) au travers du fantasme hystérique de vouloir avoir des rapports avec leur père et cette projection faite sur leur thérapeute engendrant un désir venant d’elles. Ce contre-transfert est également observable à travers le dialogue, au début du rêve, animé de tension, notamment sexuelle, ainsi que de désir de savoir. De fait, Freud l’admet même plus tard – nous renseigne Anzieu – que le fantasme sexuel est visible à travers l’auscultation d’Irma de par la substance blanche et la texture effritée.

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FREUD ET FLIESS

Puis, Anzieu décrit la relation de Freud avec Fliess par une ambivalence d’admiration, de toute-puissance et de de rabaissement. Bien que Freud voie Fliess comme un être presque supérieur, il place un jugement de confiance plus important en Breuer lors de son diagnostic pour sa condition cardiaque. On peut alors se demander si Breuer n’a pas une position de père par rapport à Freud, le père déjà mort mais qui, parfois, renaît aux yeux de Freud et qui tient des paroles portées en estime, bien plus grandes que celles de Fliess. Dans ce cas, Fliess aurait un rôle fraternel : celui du grand frère qu’il admire et met sur un piédestal (même si, rappelonsle, Fliess est plus jeune). D’une autre part, il serait probablement intéressant de positionner Fliess dans un rôle maternel et donc de faire retomber Freud en plein complexe Œdipien. En admettant cette hypothèse, Fliess est admiré et aimé de Freud qui pousse ses expériences pour satisfaire sa mère symbolique. Dans une autre lancée, on pourrait également visualiser le triangle « amoureux » (Fliess, Freud, Breuer) comme la représentation de la médecine d’époque. Fliess représentant, bien-sûr, l’innovation, le nouveau, l’inédit, l’impensable, ce qui intéresse et Breuer symbolisant l’ancien, le déjà-vu, le passé mais d’un autre côté, la sûreté, la confiance dans ce qui a déjà fait ses preuves. Cette théorie est d’autant plus possible de par les écarts d’âge puisque Fliess est jeune et Breuer plus âgé que Freud. En outre, il pourrait être judicieux de penser à Freud à la place d’Irma et Fliess à la place de Freud. Peut-être est-ce un sentiment de remord de la part de Freud de ne pas avoir écouté son vieil ami lorsqu’il lui a annoncé que sa condition cardiaque était liée à son usage de tabac. De la même façon qu’Irma a décidé de refuser la solution de Freud, ce dernier a choisi d’ignorer celle de Fliess. Les plaintes d’Irma seraient un aveu de la part de Freud, une sorte de regret de ne pas avoir écouté son ami puisqu’il craint, une nouvelle fois pour sa condition cardiaque et sa mort à un âge prématuré. Cette interprétation de Freud incarnant Irma est d’autant plus plausible puisque Freud, lors de la rédaction de sa lettre pour son compère Breuer, se voit victime de la remontée d’un vieux rhumatisme à l’épaule gauche, même épaule où est découverte une matité et une infiltration chez Irma dans le rêve. De plus, cette épaule gauche nous rappelle bien évidemment le cœur, source de nombreux maux pour Freud.

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Bien qu’il ne soit pas présent, Fliess a une grande importance dans le rêve – et dans la vie – de Freud. C’est pourquoi Anzieu décide d’adopter un angle d’interprétation en relation avec Fliess et Emma Eckstein.

En relation avec Fliess et Emma Il est tout d’abord pertinent d’observer que le trio Fliess, Eckstein, Freud est uni par les liens poudreux de la cocaïne (et ses effets sur chacun d’entre eux). On observe bien de ces trois personnes qui est la victime, l’initiateur et le complice. Il semblerait que ce lien particulier à la cocaïne soit arrivé à atteindre le personnage d’Irma puisque Freud, lors de l’auscultation de la gorge, découvre des formations frisées et des eschares à l’image du cornet de son nez. De plus, on peut aussi observer une certaine concordance entre le cas d’Emma et le dialogue en début de rêve où Freud dit à Irma que sa condition actuelle n’est « réellement que de (sa) faute » (Anzieu, 1988, p. 47). De fait, la situation antérieure avec Emma ayant eu un poids sur la conscience de Freud et l’utilisation de l’adverbe réellement (non nécessaire) nous met en piste sur sa culpabilité mais aussi sur sa volonté de vouloir se convaincre de son innocence. Cette culpabilité est même relevée à travers le souvenir-écran dont Freud fait part de lui petit dans une prairie1. C’est donc par ce souvenir que se réitère les mêmes actions, celles de deux garçons défigurant une jeune fille innocente sous le joug d’accusations fausses et de faux-jugements. Cette interprétation d’Anzieu en relation avec Fliess et Emma est teintée de deux émotions. D’une part, la culpabilité envers Emma, victime des manipulations irresponsables par cocaïne de Fliess, mais aussi du manque de jugement (tant médical que moral) dont Freud a pu faire preuve. Cette culpabilité s’accompagne de regrets, Anzieu le met en avant lorsqu’il décrit l’épisode où Freud est nauséeux de honte et n’ose pas écrire à Fliess. D’une autre part, un ressentiment, originairement envers Fliess est retourné envers Freud luimême de par son admiration incommensurable pour son vieil ami. Ce ressentiment est en quelques sortes tourné vers son réel instigateur lorsque Freud annonce à Fliess ne pas vouloir suivre son conseil de ne plus fumer alors qu’il l’avait ausculté, s’en suit un reproche involontaire

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« Je vois une prairie carrée, un peu en pente, verte et herbue ; dans ce vert, beaucoup de fleurs jaunes, de toute évidence du pissenlit commun. En haut de la prairie, une maison paysanne ; debout devant la porte, deux femmes bavardent avec animation : la paysanne coiffée d’un foulard et une nourrice. Sur la prairie jouent trois enfants ; je suis l’un d’eux (âgé de deux à trois ans), les deux autres sont mon cousin, qui a un an de plus que moi et sa sœur, ma cousine, qui a presque exactement mon âge. Nous cueillons les fleurs jaunes et tenons chacun à la main un certain nombre de fleurs déjà cueillies. C’est la petite fille qui a le plus joli bouquet ; mais nous, les garçons, nous lui tombons dessus comme d’un commun accord et lui arrachons ses fleurs. Toute en pleurs, elle remonte la prairie en courant. ». Freud S. (2010). Névrose, psychose et perversion. Laplanche J. (trad.). Paris, PUF.

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et insidieux du cas d’Emma. Ainsi, on pourrait presque interpréter le changement de terme habituel « Mon chère Fliess » pour « Daimon » comme une révélation (inconsciente) de la part de Freud de l’ambivalence vivante qu’est Fliess à ses yeux. De fait, « daimon » au sens socratique du terme signifie SALUT, TENTATION, CHUTE, ORACLE, CONSEIL, GUIDE, INITIATION, PERTE, PRESAGE...2

En relation à l’image au corps Enfin, Anzieu décide de se lancer dans une interprétation se dédiant à l’association du contenu manifeste aux parties du corps et leurs propriétaires. Pour commencer, le pénis serait les seringues qui n’étaient pas propres et donc non protégé lors du rapport comme dit plus tôt. La gorge d’Irma, quant à elle, représente les parties génitales féminines. En outre, la « correspondance entre la topographie de la muqueuse nasale et la topographie des organes génitaux féminins » (Anzieu, 1988, p. 41) nous laisse penser à une référence faite à Fliess et ses nombreuses cautérisations et opérations du nez, notamment sur Emma Eckstein mais aussi Freud. Les parties génitales féminines peuvent aussi être représentées à travers le grand hall et les parties masculines de par les nombreux invités reçus. Elles ont dans le rêve une grande importance et une place centrale puisqu’elles seront présentes dans la première phrase et la dernière. Par ailleurs, il serait intéressant de s’interroger sur le rôle de la cavité nasale au sein de la relation Freud-Fliess. De fait, les deux hommes semblent entretenir une relation étroite par le lien de la médecine mais aussi par celui de la cocaïne et donc du nez. Freud fantasme de l’acte sensuel de la cautérisation subit par les mains de son ami Fliess. Il est également judicieux, dans le cadre de cette interprétation, de se pencher sur leurs lettres échangées mentionnant leurs symptômes respectifs et partageant leur douleur. Les rhumatismes à l’épaule de Freud, la matité sur l’épaule d’Irma représentent le cœur de Freud et son inquiétude à son sujet. En effet, les deux symptômes se trouvent sur l’épaule gauche, côté du cœur. Le cœur est un énorme sujet d’inquiétude chez Freud, en effet, de par ses inquiétudes mais aussi sous les conseils de Fliess, il se voit obligé d’arrêter le tabac un certain temps.

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Citation https://www.universalis.fr/encyclopedie/daimon/

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En conclusion, nous pouvons dire qu’Anzieu met finalement en avant le fait que les symptômes d’Irma représentent tous les symptômes dont Freud a souffert; Irma ne serait donc plus patiente mais pure projection des troubles passées ou présents de Freud. Cette révélation met en avant un second élément : le désir inconscient de Freud de vouloir s’examiner, de s’autoanalyser. Au-delà du fantasme d’auscultation par son grand ami Fliess, Freud désire être touché par ses propres mains, mis à nu par lui-même : lui qui est le père des hystériques, des veuves, de ses enfants (en particulier de Mathilde, sa fille aînée et d’Anna, sa dernière), de la psychanalyse, de sa conception, de son propre rêve.

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BIBLIOGRAPHIE Anzieu D. (1959). L'Auto-analyse de Freud et la découverte de la psychanalyse. Paris, PUF, 3e édition. Freud S. (1967). L’interprétation des rêves. Meyerson (trad.), Paris, PUF. Freud S. (2010). Névrose, psychose et perversion. Laplanche J. (trad.). Paris, PUF.

COMPLEMENT BIBLIOGRAPHIQUE Assoun, P. L. (1994). Freud et la femme. Payot. Dulck B. Houssier F. Khouri Naja C. Lecourt E. Marinov V. Matha C. De Mijolla-Mellor S. Missonnier S. (2018). Houssier F. (dir.). Sigmund Freud et ses transferts. Paris, inpress.

SITOGRAPHIE https://www.franceculture.fr/emissions/grande-traversee-moi-sigmund-freud/la-mort-duvieux-lion https://www.universalis.fr/encyclopedie/daimon/

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