Litt 19e - Les Contemplations PDF

Title Litt 19e - Les Contemplations
Course Littérature
Institution Université de Brest
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Cours de Littérature du XIXe siècle du Master 1 Recherche en Lettres Modernes, (LICE) portant sur les Contemplations de Victor Hugo...


Description

LITTERATURE XIXe SIECLE :

Les Contemplations de Victor Hugo

Lire les poèmes de la quatrième partie, le premier, le dernier, l’avant dernier. Avoir une lecture anthologique.

08/01/19

Cours n°1 : Genèse et architecture du recueil I-

La genèse des Contemplations

Les Contemplations sont publiées par Victor Hugo le 23 avril 1856 à la fois à Paris et à Bruxelles. A ce moment-là, c’est le Second Empire de Napoléon III, Victor Hugo est exilé à Jersey (1852-1855) puis à Guernesey (1855-1870) car c’est un opposant au régime.

Dans une lettre à Pierre-Jules Hetzel le 31 mai 1856, Victor Hugo écrit : « Les Contemplations seront ma grande Pyramide ». Par Pyramide, Hugo pense à la pyramide de Khéops, il pense donc à un monument poétique qui resterait pour les siècles, à l’image des grandes pyramides égyptiennes. Mais une pyramide c’est aussi une tombe, c’est un monument qui protège le corps et la mémoire d’un pharaon défunt, enfermé en son centre. Et au centre des Contemplations il y a Léopoldine, sa fille défunte. 4 septembre 1843 c’est la date de la noyade de Léopoldine. Au centre du recueil, il y a un poème qui n’apparait pas dans la table des matières. 7 mois avant sa mort, Léopoldine s’était mariée avec Charles Vacquerie. Et le frère de Charles, Auguste Vacquerie était un poète, grand ami de Victor Hugo. Le 4 sep. 1843, Léopoldine et Charles partent en bateau sur la Seine, un coup de vent renverse le bateau, Léopoldine est prise dans les voiles et elle se noit. Son mari Charles plonge plusieurs fois pour essayer de la sauver et finit lui aussi par périr. Victor Hugo, quand il apprend ce drame, ne va plus pouvoir écrire. Les 11000 vers des Contemplations constituent une pyramide en hommage à Léopoldine. Mais au centre de ces 11000 vers, il y a un creux, c’est le poème vide intitulé « 4 septembre 1843 ». Les Contemplations est son plus grand et son plus fort recueil du point de vue lyrique.

L’idée même des Contemplations apparait chez Victor Hugo avant 1843. Le plus ancien poème des Contemplations c’est le dixième poème de la deuxième partie ; il date de 1834. Certains poèmes sont antérieurs d’une dizaine d’années à la mort de Léopoldine. On a retrouvé un projet de recueil poétique intitulé Les Contemplations d’Olympio. Les meilleurs spécialistes de Victor Hugo pensent que ce projet aurait été fait entre 1840 et 1845, mais il n’est pas daté. Il est probable que ce recueil ait été antérieur à 1843. Olympio c’est un personnage que Victor Hugo a inventé, qui est une sorte de double poétique que l’on retrouve dans deux poèmes d’Hugo ; « Tristesses d’Olympio » qui est publié le 21 octobre 1837 dans Les Rayons et les Ombres adressé à Juliette Drouet, femme qu’il a aimé. Olympio a été créé au moment où Victor Hugo était dans une tristesse et une nostalgie de son amour passionné avec Juliette Drouet. A priori Olympio est un personnage qui n’a pas de lien avec la mort de sa fille. Victor Hugo aurait récupéré un projet antérieur pour sa fille. Il est intéressant de voir comment le deuil de l’amour passionné va lui servir pour exprimer le deuil de sa fille défunte. Sur le même volet où apparait le titre, il y a aussi une préface dans laquelle il dit que le poète sent que son moi est une limite qui l’empêche de s’ouvrir aux questions du monde. Il faut donc créer un double qui va être plus vaste et permettre de s’ouvrir à plus de choses. Le deuil de sa fille va lui faire se poser des questions sur Dieu, sur la destinée, sur le sens du monde, le sens de l’homme. Il va partir de son propre deuil pour éclairer la condition de l’homme dans un monde où le but lui échappe.

 4 septembre 1843 : C’est le moment où Léopoldine, sa fille, se noit à Villequier avec son mari Charles Vacquerie. Elle a 19 ans. Mais ils ne se noient pas que tous les deux, Léopoldine était enceinte. Victor Hugo ne parle pas beaucoup du mariage de sa fille, il ne parle pas non plus de l’enfant à venir. Victor Hugo ne voulait pas de ce mariage avec Charles Vacquerie, il était très proche de sa fille ainée et il a l’impression qu’un homme lui vole sa fille. Voir poème « 15 février 1843 » (p.273). C’est comme s’il avait perdu une première fois sa fille, de son vivant. On a l’impression qu’on lui arrache sa fille « Ici l’on te retient, là-bas on te désire ». « Fille, épouse, ange, enfant, fait ton double devoir ». Victor Hugo est très possessif avec sa fille.

De 1843 à 1853, Victor Hugo ne publie plus rien. En 1853, il publie Les Châtiments qui est un recueil contre Napoléon III. Pendant 10 ans, Victor Hugo est sous le choc, il n’écrit plus rien et va se consacrer à la politique. En 1845, il est nommé pair de France (sous la monarchie de Juillet). De 1830 à 1848 c’est la monarchie de Juillet, dirigée par Louis-Philippe. Victor Hugo est proche de Louis-Philippe, il le soutient.

Les choses vont se compliquer en 1848 car la Seconde République est instaurée (1848-1852), son représentant politique est Alphonse de Lamartine (président provisoire). En 1850, LouisNapoléon Bonaparte arrive, et Victor Hugo le soutient au début. Mais quand il va vouloir se faire élire président à vie, Victor Hugo comprend son erreur. On voit un engagement de plus en plus radical vers la gauche de Victor Hugo. En 1852, il est à Jersey, de là il va exercer une guerre idéologique contre Louis Napoléon Bonaparte. 1852-1870 c’est le Second Empire avec Napoléon III (qui s’est fait sacrer empereur).

La première occurrence du titre « Les Contemplations » apparait dans une note de Victor Hugo le 11 mars 1848, c’est juste après la révolution de février 1848. Initialement, le projet des Contemplations, englobait ce qui va devenir Les Châtiments et Les Contemplations dans une sorte de dyptique. Ce serait un recueil qui aurait comporté à la fois du lyrisme, à la fois du châtiment. Les Châtiments (1853) et Les Contemplations (1856) sont comme des recueils jumeaux. Le premier est un recueil politique, le second un recueil lyrique. Les Contemplations c’est le tombeau de sa fille mais c’est aussi le tombeau de la république. Dans ce recueil il y a l’exil politique (exil à Jersey et à Guernesey) et l’exil intérieur (exilé dans ce monde puisque sa fille n’y est plus). En 1855, dans une lettre à Jules Michelet (qui est son ami et qui a perdu sa fille en 1855), Victor Hugo écrit : « Perdre son enfant, c’est là le malheur. Il n’y a d’autres déserts dans la vie ni d’autres exils ». Lui qui est en exil politique, il écrit à Michelet pour lui dire que l’exil politique n’est rien, que le vrai exil est d’avoir perdu celui ou celle qu’on aime et qui se trouve dans un autre monde. L’exil politique devient la métaphore de l’exil intérieur. Le dernier poème des Contemplations « A celle qui est restée en France » est adressé à sa fille car elle est enterrée en France et lui ne peut plus y aller car il est exilé. Pour Victor Hugo, les deux exils sont imbriqués. Victor Hugo a finalement publié deux recueils au lieu d’un seul. Il veut une poésie politique qui a un effet direct d’attaque pour attaquer Napoléon III, c’est pour ça qu’il veut d’abord publier un premier recueil en 1853 Les Châtiments. Mais pour lui les deux recueils gardent un lien. Il écrit dans une lettre à Paul Meurice en 1854 : « Les Contemplations après Les Châtiments, après l’effet rouge, l’effet bleu ». Par le combat politique, Victor Hugo s’est remis à écrire et à vouloir publier, mais il y a eu un autre déclic, qui est personnel. Le 21 juin 1846, il se passe un nouveau drame dans la vie de Victor Hugo, et encore plus dans celle de Juliette Drouet ; elle perd sa fille Claire Pradier. Juliette Drouet qui était une actrice, avait eu une fille, Claire, avec un grand sculpteur romantique James Pradier. Claire Pradier, le 21 juin 1846, meurt à 20 ans. Trois ans après la mort de sa fille, Victor Hugo perd aussi Claire, qu’il considérait comme sa fille. Cela réactive tout son drame personnel. Il éprouve à nouveau pour Claire ce qu’il a éprouvé pour Léopoldine. Voir poème « Claire P. ». Ce poème est daté de juin 1854. On

constate que Victor Hugo commence à écrire la plupart des poèmes des Contemplations à partir de juillet 1846. Et ça on le sait à la page 578. C’est donc la mort de Claire qui le pousse à réécrire car cela réactive son drame personnel.

En 1853, Lamartine, l’ami mais aussi le grand rival poétique et politique de Victor Hugo, publie un grand poème métaphysique Les Visions. Victor Hugo sent qu’il faut qu’il aille dans cette voie-là, qu’il publie une forme d’autobiographie poétique, et ça va être Les Contemplations.

Un autre élément va le pousser à publier : Le 11 septembre 1853, Victor Hugo est à Jersey et une amie à lui, Delphine de Girardin, vient lui rendre visite. Delphine de Girardin est férue de spiritisme. Elle s’ennuie à Jersey et fait une séance de spiritisme. Mais Victor Hugo n’y croit pas du tout, il est l’un des seuls auteurs du 19e avec Michelet à ne pas avoir été baptisé. Mais au cours de cette séance, Delphine fait appel aux esprits et le nom de Léopoldine apparait. Victor Hugo est choqué. Il fait ensuite des séances de spiritisme tous les jours. Dans la seconde partie des Contemplations, il y a toute une partie mystique, spirituelle.

En même temps qu’il va écrire Les Contemplations, Victor Hugo a un autre projet. Depuis 1845, il écrit un grand roman qu’il intitule d’abord Les Misères, puis Les Misérables. Les Misérables est publié en 1862. La rédaction de ce roman se fait en parallèle des Contemplations. Cela explique aussi l’importance accordée aux misérables dans Les Contemplations.

Voir p.346, le poème « Le Mendiant ». C’est un poème de la Ve partie En marche. C’est un des plus célèbres des Contemplations. Dès le premier vers, la scène est vue par le poète, c’est une focalisation interne. Dans le premier vers il dit « un pauvre homme », le point de vue du poète est plein de compassion pour l’homme. Il y a une volonté d’attendrir le lecteur sur le sort de cet homme. C’est un pauvre homme et il passe dans le givre et le vent. Victor Hugo suggère beaucoup de choses. La description prend une dimension symbolique. Il attend à la fois la générosité de Dieu et à la fois la générosité des hommes. Le poème de Victor Hugo est bâti sur une opposition entre l’intérieur et l’extérieur. A l’intérieur c’est la cheminée, l’âtre qui chauffe, le chaud, à l’extérieur le froid, le givre. A l’intérieur l’humanité, le bonheur, la générosité, à l’extérieur l’inhospitalité, la solitude, l’ignorance. Victor Hugo d’une certaine façon, pense que le mendiant est envoyé par Dieu pour tester la générosité de celui qui va le recevoir.

L’homme est un homme sans nom « Je me nomme/ Le pauvre » (v. 11-12), mais il devient « brave homme » (v. 12). Il devient « brave homme » car il y a une main tendue entre les deux hommes, il y a de l’humanité qui fait que le pauvre retrouve sa dignité d’homme. A la fin, il y a la métaphore filée du manteau en constellation. Avant le manteau était bleu et représentait le ciel bleu, mais à cause de la misère il est devenu d’un noir étoilé. Le mendiant est un homme « plein de prières » (v.24) et il porte une bure qui est une étoffe dure, mais la bure c’est aussi l’habit des moines.

15/01/19

II-

L’architecture du recueil

Les Contemplations est divisé en deux parties « Autrefois » (1830-1843) et « Aujourd’hui » (1843-1855). L’édition originale était en deux volumes, un pour chaque partie actuelle. Le dernier mot de la préface de Victor Hugo est le mot « tombeau ». Tout s’organise autour d’une date centrale qui est le 4 septembre 1843 qui est la date de la mort de Léopoldine. La première partie représente les 14 ans de la vie de Victor Hugo avant la mort de Léopoldine et la deuxième partie représente les 14 ans après sa mort. Il y a 6 livres ; 3 dans la première partie et 3 dans la deuxième. Partie 1 : Aurore, L’âme en fleur, Les luttes et les rêves. Partie 2 : Pauca Meae, En marche, Au bord de l’infini. Pauca meae signifie « quelques vers pour celle qui m’est chère ». C’est vraiment le livre pour Léopoldine. Pauca Meae est une formule que l’on trouve dans les Bucoliques de Virgile.

Malgré l’abime qui sépare les deux livres, la numérotation se poursuit. Ce qui veut dire que le présent d’aujourd’hui s’inscrit dans le prolongement du passé d’autrefois. 1830 c’est l’année où le romantisme triomphe sur la littérature avec Hernani de Hugo. Le plus ancien poème des Contemplations c’est le dixième poème de la deuxième partie, composé en 1834 soit 22 ans avant la publication. 1856 c’est quasiment la date de la publication. On voit que le temps raconté rejoint le temps de la rédaction. Les Contemplations retrace une destinée (…) « Aurore » comporte des poèmes qui parlent de l’enfance et de l’adolescence. Poèmes heureux. « L’âme en fleurs » c’est le temps des amours.

« Les luttes et les rêves » c’est (…), c’est l’évocation des misérables, des mendiants, des souffrances des hommes. « Pauca Meae » est le livre sur sa fille morte. « Aujourd’hui » commence par le souvenir de sa fille morte. L’évocation de la mort vide le présent de sa substance. Dans « Pauca Meae », Hugo a pris soin d’alterner des poèmes longs avec des poèmes courts pour créer un rythme. Le livre 5 « En marche » c’est le livre de l’exil, la vie intérieure de l’exilé, sans évocation directe de la lutte politique. Le livre 6 « Au bord de l’infini » est le livre de Dieu. Evocation d’une présence divine dans l’univers. Il présente sa vision métaphysique du monde. Le dernier mot du dernier poème et donc du recueil c’est « commencement ». Ce livre se termine donc par une ouverture vers l’au-delà. Cette deuxième partie est constamment creusée par l’absence. Entre la préface et le livre 1, il y a un premier poème liminaire. A la fin il y a aussi un poème qui est hors numérotation qui est intitulé « A celle qui est restée en France ». Le poème liminaire a vraiment été écrit en 1839 « Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants ». Au début on a un poète qui se présente debout au bord des flots mouvants, et à la fin il se présente au bord de l’infini.

Les dates indiquées par Victor Hugo pour ses deux parties (1830-1843 et 1843-1855) ne sont pas les dates de ce qui est raconté. Ce sont les dates des compositions des poèmes. Autrement dit, cette autobiographie poétique est faite d’un collage de discours de dates différentes. Ce n’est pas un récit rétrospectif mais une série de poèmes écrits entre 1830 et 1855. Au centre du recueil il y a un « poème » ou une absence de poème (p.191), qui n’apparait pas, qui correspond à une date mais qui représente l’indicible. Ce jour-là défie l’expression. Dans la table des matières ce poème n’apparait pas. On peut se demander s’il faut considérer cette absence de poème comme un poème ou non. Dans l’édition originale, ce vide matérialisé par ces points de suspension, était rendu encore plus flagrant puisque le poème était sur une « belle page » c’est-à-dire une page impaire, le vide était donc très visible. Le poème « 4 septembre 1843 » n’est pas strictement au milieu du recueil car ce n’est pas le poème qui ouvre la quatrième partie. Il n’est que le troisième poème de la deuxième partie ce qui crée un petit décalage qui a du sens. Avant, il y a deux poèmes qui parlent de son mariage.  Structure de la quatrième partie « Pauca Meae » : Cette partie commence par un poème qui célèbre l’innocence et la vertu qui sont les deux qualités de Léopoldine. Puis, le deuxième poème parle du mariage de Léopoldine. Entre le mariage de sa fille et sa mort il n’y a aucun poème, ce qui crée un deuxième vide. Car c’est étrange qu’il ne raconte pas le bonheur du mariage de sa fille, la joie du bébé à naitre. Dans le poème « 15 Février 1843 » consacré au mariage de Léopoldine, curieusement, le mot « mariage » n’apparait pas, et le nom de Léopoldine non plus. Dans l’édition originale il était

écrit « à ma fille en la mariant », mais cette mention a été remplacée par « en l’église ». Charles, son mari, n’apparait pas non plus, car Victor Hugo ne voulait pas de ce mariage. C’est comme si symboliquement sa fille mourait une première fois. Sous prétexte d’abnégation, le père est en train de faire culpabiliser sa fille « Ici on te retient, là-bas on te désire ». Dans ce poème il s’adresse à sa fille encore vivante à cette date. Il joue de la disposition des textes en ne mettant pas de poèmes entre le mariage et la mort, comme pour montrer que le mariage est déjà une première façon de perdre sa fille. Son rapport à Charles Vacquerie est compliqué ; d’un côté il l’admire pour avoir été un héros romantique en ayant tenté de sauver Léopoldine et en en étant mort lui-même alors qu’il aurait pu s’en sortir, mais d’un autre côté c’est comme s’il lui avait pris sa fille en se mariant avec elle. Beaucoup de poèmes sont censés avoir été écrits avant la mort de Léopoldine mais ils semblent annoncer le drame. Donc toute la structure est minée. Il y a donc un effet tragique qui n’est pas accidentel. « Le revenant » (poème 13 partie 3 p. 147-150) est daté d’aout 1843. Il raconte l’histoire d’une femme heureuse d’avoir un enfant qu’elle protège. Ce poème est constitué de blocs d’alexandrins mais ce n’est pas un poème strophique. « Un jour, - nous avons tous de ces dates funèbres ! - » fait surement référence à la date du 4 septembre 1843, mais peut être aussi à celle du 15 février de la même année, autrement dit au mariage de sa fille. On a l’impression que « Silence aux mots humains » fait référence à la mort de Léopoldine onze ans plus tard. On a l’impression que la situation de la mère qui perd son fils va se reproduire pour Victor Hugo. Mais la date de ce poème est truquée. Ce poème a été écrit après la mort de Léopoldine, en 1854, il antidate son poème pour laisser croire que le poème est antérieur à la mort de sa fille.

Dans une lettre à son imprimeur Jules Claye du 12 juillet 1855, Hugo écrit : « Les pierres de ce recueil sont comme les pierres d’une voûte. Impossible de les déplacer ». Cela veut dire que l’architecture du recueil fait sens, que les poèmes ont un lien les uns avec les autres. Le poème devient une pierre. La pierre c’est ce qui constitue un édifice mais c’est aussi une pierre tombale. Il écrit un poème pour tous les deuils qui l’ont frappé.

 Les dates truquées : Il y a une différence entre les dates indiquées et les dates réelles. Chaque partie du recueil est un fragment du passé. Cette autobiographie est un agencement de fragments et cet agencement de fragments ne suit pas l’ordre chronologique de composition. Exemple : Les trois premiers poèmes ; le premier est daté d’octobre 1842, le 2e de juin 1831 et le 3e de juin 1842. Ces trois poèmes ont été composés à des époques différentes. Ces dates sont les dates indiquées, mais la plupart des dates inscrites à la fin des poèmes sont des dates fictives et ne

correspondent pas aux vraies dates de composition. Le 1er poème a en réalité été composé en juin 1839, le 2e en octobre 1843 et le 3e en 1855.

Pourquoi Victor Hugo change-t-il les dates de ses poèmes ? Très symboliquement c’est pour donner un sens. Il ne pensait pas qu’un jour les lecteurs découvriraient les vraies dates. Il y a deux grandes explications : parfois pour donner l’impression d’une écriture sur le vif, alors qu’en réalité certains ont été écrits 11 ans après. Mais aussi par symbolique. Poème I, 2 : Poème champêtre, bucolique, agréable. Prosopopée des fleurs, il fait parler la nature. Le poème est daté « Les roches, juin 1831 ». Mais en réalité il a été écrit en octobre 1843. Entre le 25 aout 1843 et le 31 octobre 1843 il n’a rien écrit et c’est parce qu’il est d’abord en voyage avec Juliette Drouet, puis le 4 septembre 1843 il apprend la mort de sa fille. En octobre 1843 il écrit le poème du poète dans les champs, qui n’a donc aucun rapport avec la mort de sa fille. Il a surement truqué la date pour être en accord avec l’image du père inconsolable, pour ne pas ruiner l’image du père en deuil. Il veut imposer une image de sa vie qui n’est pas la vraie. Il veut redonner un sens à sa vie, il ne veut donc pas qu’un lecteur vienne ruiner sa vision de sa vie.


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