6 - Mémoire autobiographique et reconstruction des souvenirs PDF

Title 6 - Mémoire autobiographique et reconstruction des souvenirs
Course Sciences cognitives
Institution Université Lumière-Lyon-II
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CM Applications médico-légales...


Description

Applications médico-légales TD7 La mémoire autobiographique et la reconstruction des souvenirs 1- La mémoire autobiographique L’oubli et la reconstruction des souvenirs : L’oubli peut être pathologique : -

Amnésies par lésion cérébrale Amnésies au cours de démences Maladie d’Alzheimer

Mais le plus souvent l’oubli est un phénomène tout à fait banal et normal. En plus de l’oubli, la mémoire procède à une réécriture des évènements et il est souvent difficile de distinguer dans nos souvenirs le vrai (ce qui a vraiment été vécu) du faux (ce que nous reconstruisons). La mémoire n’est donc pas la copie des évènements passés car les représentations mentales sont sans cesse modifiées. La mémoire autobiographique permet d’étudier les phénomènes liés à l’oubli et à la reconstruction des souvenirs. La mémoire autobiographique : Les souvenirs personnels participent à la construction de notre vie sociale, ils permettent notre adaptation à notre milieu.  Mémoire rétrospective : nous sommes ce que nous sommes capables de nous rappeler  Mémoire prospective : nos souvenirs personnels nous aident à prévoir l’avenir, à anticiper certains évènements Nous ne stockons pas seulement des évènements passés, nous stockons également des croyances, des stéréotypes, des désirs… Les sept péchés capitaux de la mémoire autobiographique (Schacter, 1999) : -

Caractère éphémère : lié au temps qui passe Distraction quotidienne : défaillances de la mémoire causées par une attention insuffisante - Blocage : échec de récupération dans l’effet du « mot sur le bout de la langue » - Mauvaise attribution : récupération correcte d’un souvenir personnel mais mauvaise attribution de certains éléments de son contexte (se souvenir d’être allé au restaurant avec quelqu’un qui n’y était en réalité pas) - Suggestibilité : incorporation d’éléments fournis par d’autres personnes dans le souvenir - Distorsion liée aux préjugés : les connaissances, les croyances, les émotions faussent le souvenir des expériences antérieures et affectent leurs jugements - Rumination des souvenirs : répétition mentale des expériences (y compris traumatiques) -> stockage répété de mauvaises informations  Nous finissons quelquefois par croire aux « mensonges » que nous avons rapporté sur notre passé Exemple de « mauvaise attribution » : attentat d’Oklahoma City (19/04/1995) : destruction à l’explosif d’un bâtiment fédéral – 168 personnes tuées – l’auteur de l’attentat est A qui fut arrêté par hasard pour défaut de plaques d’immatriculation – le FBI a établi que A avait loué un camion dans une agence de location – le FBI établit le portrait- robot de A à partir du témoignage de l’employé de l’agence de location – un

autre portrait-robot fut diffusé pendant plusieurs jours suite au témoignage de l’employé de l’agence : selon lui A était accompagné de C lors de la location – en fait, cet employé faisait une erreur de date : la veille de la location par 1 du camion, B accompagné de C avaient loué un camion, le problème est que B ressemblait à A – l’employé avait confondu deux évènements temporellement proches, le portrait-robot de A est en fait celui de B

L’organisation de la mémoire autobiographique par la tâche de rappel indicé : La tâche a été développée par Galton (1883). On présente un mot indice comme « plage » par exemple. Le sujet doit se souvenir d’un évènement quelconque qu’il a vécu et qui lui est associé. Il doit ensuite le dater, le décrire et juger de la qualité du souvenir (importance personnelle, charge émotionnelle…). Trois résultats majeurs : -

La courbe d’oubli (classique) : plus le souvenir est vieux, plus il est difficile de s’en rappeler Un pic de réminiscence pour les périodes entre 10 et 30 ans et surtout entre 15 et 25 ans, c’est une période où s’effectue la construction sociale de l’individu Amnésie infantile : pas de souvenirs pour la période 0-3 ans  La mémoire autobiographique est composée de connaissances déclaratives dont la mémorisation dépend largement de l’hippocampe : la formation de cette structure fondamentale dans la mémoire se poursuit jusqu’à 8 ans  Il n’y a donc pas ou très peu d’encodage des évènements autobiographiques

Wagenaar (1986) : C’est un professeur néerlandais. Cette étude sur sa mémoire autobiographique a duré 6 ans de 37 à 43 ans. Il prenait en note tout ce qu’il faisait pendant 5 ans (qui, quoi, où, comment – classement sur trois dimensions (fréquence du type d’évènement, charge émotionnelle, caractère agréable) – détail critique). Il s’est testé pendant par rappel indicé. Il a traité un total de 2400 évènements. Au début de la sixième année, il a testé sa mémoire sur une période de douze mois. Pour chaque évènement, il s’est indicé par une, deux ou trois informations et a tenté de rappeler les autres.  Résultats : indice : Quoi > où = qui > quand  La mémoire autobiographique est organisée par catégories  L’information temporelle est stockée mais elle ne permet pas un accès facile aux évènements vécus La probabilité de rappel augmente avec le nombre d’indices. Mais, même avec trois indices, près de 40% des évènements sont oubliés après 5 ans. Avec un seul indice, c’est près de 80% des évènements qui sont oubliés. Un souvenir inhabituel (peu fréquent) et un souvenir qui a une charge émotionnelle forte a un meilleur taux de rétention quel que soit le délai de rétention. Les souvenirs désagréables : -

Sont moins bien rappelés que les souvenirs agréables après un court délai Sont aussi bien rappelés que les souvenirs agréables après un long délai

Beaucoup de souvenirs sont complètement perdus. Est-ce que tout se perd irrémédiablement ? Est-ce que tout est stocké de façon permanente mais devient, avec le temps, de plus en plus difficile à récupérer ? Autres résultats :

Les évènements répétés sont fortement oubliés, seuls restent en mémoire les souvenirs génériques, les scripts. Les évènements uniques sont également oubliés, après 6 ans de rétention, près de 30% des évènements uniques ont été totalement oubliés. Il n’y a aucune relation entre l’oubli d’un évènement et le fait qu’il ait ou pas une charge émotionnelle forte. La mémoire autobiographique est organisée selon deux principes : -

Chronologique, par périodes de la vie mais sans référence à des dates précises Thématique notamment pour des souvenirs de plus de deux ans

Il semble y avoir une réorganisation des souvenirs autobiographiques au fur et à mesure que le temps passe. Il y a une « sémantisation », avec une perte d’information temporelle.

2- La crédibilité des témoignages oculaires Les témoignages oculaires : Ils ont une grande importance dans la vie sociale. Mais peut-on se baser sur un témoignage oculaire pour établir la culpabilité de quelqu’un compte-tenu de ce que l’on sait sur la fiabilité de notre mémoire ? (Les 7 péchés capitaux, Schacter, 1999). Nos savoirs, nos croyances, nos stéréotypes, nos sentiments, nos émotions participent à la création de nos souvenirs, ils affectent également leur récupération donc nos témoignages oculaires. Exemple : Aux Usa, depuis 2001, près 200 prisonniers ont été innocentés par des tests d’ADN, près de 75% de ceux-ci avaient été accusés sur la base de témoignages oculaires – Charles Chatman a passé 27 ans en prison, il a été accusé de viol par une femme blanche, condamné à 99 ans de prison malgré le témoignage de son patron certifiant qu’il était au travail au moment du viol. Distorsion liée aux préjugés : Lindholm, en 2008, a réalisé une étude sur la distorsion aux préjugés. Le préjugé de l’ethnie influence non seulement les témoignages mais également la crédibilité des témoins. 120 étudiants suédois doivent juger la qualité du témoignage de deux témoins d’une scène de crime. Les témoignages sont présentés en vidéo aux étudiants. Les deux témoins sont suédois mais les témoignages sont présentés aux 120 étudiants selon deux conditions : -

Le témoin est identifié avec un prénom et un nom suédois (Carl Robertson) Le témoin est identifié avec un prénom et un nom étranger (Carlos Rodriguez)

Les étudiants notent les témoins sur six caractéristiques sur une échelle de 7 points : -

Précision du témoignage Capacité du témoin à rapporter les informations Confiance du témoin dans sa mémoire Motivation du témoin à rapporter son témoignage Véracité du témoignage Utilité du témoignage dans la résolution du crime

Un témoin suédois est jugé plus fiable qu’un témoin étranger. Les témoins ne sont pas jugés sur la qualité de leur témoignage mais sur leur ethnie. Les témoignages de personnes « d’origine étrangère » sont perçus plus défavorablement.

Les témoignages oculaires chez les enfants : Etude de Stolzenberg et Pezdedek en 2013. -

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Effet de la fabulation forcée (fait de produire des choses complètement imaginaires sans avoir du tout l’intention de mentir) – différent de la confabulation (plus pathologique par compensation d‘un déficit mnésique) Comment la mémoire autobiographique est modifiée suite à des réponses forcées à des questions que l’enfant ne peut pas connaître car il n’a pas été témoin de l’évènement ? Ils étudient ça sur les enfants de 6 et 9 ans

Procédure : -

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Session 1 :  Dessin animé de 5 minutes  Puis réponses à 18 questions (12 vraies portant sur des évènements vus dans le film – 6 fausses portant sur des évènements non vus)  2 groupes  Groupe fabulation forcée : l’expérimentateur dit aux enfants qu’ils doivent répondre à toutes les questions, si l’enfant dit je ne sais pas, l’expérimentateur le force à répondre en lui disant de donner une réponse même approximative, l’expérimentateur n’insiste pas si l’enfant répète à nouveau qu’il ne sait pas  Groupe fabulation volontaire : on encourage les enfants à répondre je ne sais pas s’ils ne connaissent pas la réponse Session 2 (une semaine après) :  Même expérimentateur  Mêmes questions  Tous les enfants sont encouragés à dire je ne sais pas s’ils ne connaissent pas la réponse

Résultats : -

Fabulation forcée : 90% des enfants une réponse (forcément fausse) quand on les force à répondre Fabulation volontaire : plus de 50% donnent une réponse sans y être forcés Effet négatif du second interrogatoire à 9 ans dans le groupe « fabulation volontaire »

Discussion : -

Un interrogatoire où on force les enfants à réponde conduit ceux-ci à fabuler pour donner une réponse A 9 ans, les enfants ont tendance à répéter une 2e fois ce qu’ils ont fabulé la 1e fois A 6 ans, les enfants ont tendance à générer une nouvelle réponse erronée Cette étude est pourtant beaucoup moins stressante pour l’enfant qu’une situation naturelle où ils sont généralement interrogés sur des évènements plus négatifs En situation naturelle, les enfants sont encore plus sollicités pour fournir une réponse De plus, celui qui interroge ne peut pas savoir s’ils ont été ou non témoin de l’évènement

Protocole international d’interview d’enfants : 1. Phase d’introduction : L’enquêteur se présente, clarifie à l’enfant la tâche qu’il doit accomplir (décrire des évènements en détails et dire a vérité)

2. Phase de contact : L’enquêteur demande à l’enfant de se souvenir en détails d’un évènement neutre 3. Phase de transition : Des incitations sont introduites de manière non suggestive 4. Phase de rappel libre : Des incitations et des invitations à se souvenir librement des évènements sont proposées à l’enfant : « Que s’est-il passé ensuite ? » L’enquêteur doit uniquement faire référence à des détails mentionnés par l’enfant lui-même 5. Phase de questionnement directif : L’enquêteur peut commencer à utiliser des questions directives : « Quand cela s’est-il passé ? », « De quelle couleur était la voiture ? », « Est-ce que tu as eu mal ? », « Est-ce qu’il t’a touché par-dessus ou en dessous de tes vêtements ? »  Il est fortement déconseillé à l’enquêteur d’utiliser des phrases suggestives, contenant une information attendue, mais jamais exposée par l’enfant exac 3- Le « souvenir flash » - « Flash bulb memory » Le “souvenir flash” Lié à un évènement de grande importance émotionnelle soit de nature individuelle ou collective (assassinat de Kennedy, attentats…) o Selon William James : « une impression peut provoquer une excitation émotionnelle si intense qu’elle laissera une cicatrice sur les tissus du cerveau » o Selon Brown et Kulik (1977) :  Souvenir différent des autres types de souvenirs en mémoire autobiographique  Souvenir exceptionnellement vivace qui résiste à l’oubli Selon un sondage de septembre 2002 publié aux USA, 97% des interrogés considéraient qu’ils pouvaient se rappeler exactement où ils étaient et ce qu’ils faisaient le 11 septembre 2001 o

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Questions sur le « souvenir flash » o

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Le « souvenir flash » est-il vraiment un type spécial de souvenir ou est-il semblable aux autres souvenirs ?  Il est semblable aux autres souvenirs mais nous lui accordons plus de confiance (nous nous trompons sur son exactitude) Le souvenir flash possède-t-il des mécanismes mnésiques particuliers ?  Non Est-il plus précis que nos autres souvenirs personnels ?  Non A-t-il une durée de rétention plus longue ?  Non

Neisser et Harsch (1992) o

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Explosion de la navette Challenger, 28 janvier 1986 : désintégration en direct de la navette spatiale 73 secondes après son décollage provoquant la mort des sept astronautes Ils interrogent deux fois les étudiants sur ce qu’ils faisaient quand ils ont appris la nouvelle  24 heures après le drame  Deux ans et demi plus tard Exemple de concordance des souvenirs :  24 heures après : J’étais en cours d’instruction religieuse quand des gens sont entrés et ont commencé à en parler. Je n’avais aucun détail sinon qu’elle avait

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explosé alors que tous les élèves de ce professeur étaient en train de regarder et je pensais que tout cela était bien triste. Puis, après le cours, je suis allé dans ma chambre et j’ai regardé une émission de télé à ce sujet et j’ai eu tous les détails.  2 ans et demi après : Quand j’ai entendu parler pour la première fois de l’explosion, j’étais assis dans ma chambre, à la résidence des étudiants de première année, avec mon camarade de chambre et nous étions en train de regarder la télévision. Ce fut annoncé par un flash d’informations et nous avons été tous les deux totalement bouleversés. J’étais vraiment ému et je suis monté parler à un de mes amis puis j’ai appelé mes parents.  Cet étudiant attribuait par ailleurs à l’exactitude de ce souvenir le note la plus élevée possible sur une échelle de confiance Comme cet étudiant, 40% des participants à l’étude donnent des descriptions discordantes de l’accident tout en attribuant un haut degré de confiance à leurs souvenirs les plus tardifs

Talarico et Rubin (2003) : étude sur le 11 septembre 2001 o

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Le 12 septembre 2001, ils interrogent 54 étudiants sur deux évènements  Le 11 septembre : souvenir flash (flash bulb memory)  Un évènement personnel qui est survenu au maximum trois jours avant le 11 septembre : souvenir commun (everyday memory) Questionnaire sur le souvenir flash  Qui ou quoi vous a donné l’information ?  Quand avez-vous entendu pour la première fois la nouvelle ?  Où étiez-vous quand vous avez entendu pour la première fois la nouvelle ?  Y avait-il d’autres personnes présentes et si oui qui ?  Qu’étiez-vous en train de faire juste avant d’apprendre la nouvelle ?  Avez-vous d’autres détails à donner à propos du moment où vous avez entendu pour la première fois la nouvelle ? Questionnaire sur le souvenir commun  Quel est cet évènement ?  Quand est-il survenu ?  Où étiez-vous physiquement ?  Y avait-il d’autres personnes présentes et si oui qui ?  Que faisiez-vous à ce moment-là ?  Avez-vous d’autres détails à donner ? Les participants sont ensuite divisés en trois groupes de 18 participants qui seront testés une seule fois à un délai variable  7 jours après  42 jours après  224 jours après Il y a donc une seule séance de rappel en plus de la première Lors des deux sessions individuelles, ils mesurent :  L’exactitude des souvenirs par le nombre de détails cohérents ou incohérents qu’ils donnent  Leur certitude quant à l’exactitude de leurs souvenirs : de 1 (100% imaginaire) à 7 (100% réel)  La vivacité de leurs souvenirs (je le vois dans mon esprit) : de 1 (pas du tout) à 7 (complètement) Il n’y a pas de différence statistiquement significative pour les détails cohérents rapportés, idem pour le nombre de détails incohérents L’oubli est équivalent pour les deux types de souvenirs Au bout de 42 jours, il y a une différence significative sur le niveau de certitude de l’exactitude des souvenirs  Le rappel du souvenir flash est jugé comme le plus sûr  Le rappel du souvenir commun est jugé comme le moins sûr

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 Pourtant les deux souvenirs sont objectivement au même niveau d’exactitude Les sujets jugent leur souvenir flash comme très vivace et restent constants sur leur jugement quel que soit le délai de rappel Par contre, dès une semaine de délai, ils jugent leur souvenir commun comme étant très peu vivace en mémoire Les souvenirs flashs ne sont pas mieux rappelés que les souvenirs plus communs Nous avons plus confiance en leur exactitude certainement parce qu’ils sont émotionnellement plus chargés Il existe donc une dissociation entre la représentation du souvenir flash (celle qui est rappelée) et la croyance en sa véracité La vraie question n’est donc pas pourquoi nous nous souvenons mieux des souvenirs flashs mais pourquoi nous avons l’impression de mieux nous en souvenir...


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