Art Kartable - Professeur: André Gravil (professeur agrégé en Lettres Modernes) PDF

Title Art Kartable - Professeur: André Gravil (professeur agrégé en Lettres Modernes)
Author Achraf Scofield
Course Connaissances Culturelles
Institution Université Bordeaux-Montaigne
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Professeur: André Gravil (professeur agrégé en Lettres Modernes)...


Description

Art (Kartable) L'art a tout d'abord un rapport ambigu avec la réalité, qu'il imite mais qu'il dépasse : cela pose en particulier la question de l'art en tant que simple imitation ou en tant qu'illusion. Il convient également de s'interroger sur les fonctions de l'art et sur la volonté de certains artistes de rejeter toute utilité des œuvres d'art. Finalement, on peut voir que l'art est au cœur de plusieurs controverses, concernant à la fois l'artiste, la beauté et le déclin des œuvres d'art.

IL'art

et la réalité

AArt

ou technique 1Une même origine La différence n'est pas toujours évidente entre l'art et la technique. D'ailleurs, les deux mots ont une origine étymologique similaire : technê (en grec) et ars(en latin) signifient tous les deux habilité, savoir-faire. Au départ, l'art désignait de manière générale tout ce que l'homme rajoute à la nature. On évoquait même « l'art mécanique » pour parler des machines. Pourtant, il semble qu'aujourd'hui on différencie clairement art et technique : l'art semble nécessiter un certain génie tandis que la technique nécessite uniquement de l'habilité.

2Art

ou arts

On fait une distinction dans les appellations « art » et « arts ». Souvent, l'art au singulier désigne plutôt les beaux-arts (peinture, sculpture, musique, poésie, etc.) tandis que les arts au pluriel relèvent du métier ou de la technique (arts plastiques, arts libéraux, etc.). On parlera par exemple de l'école des Arts et Métiers. Il existe des exceptions à cette distinction, notamment quand on évoque les différentes catégories de l'art (au singulier) que l'on considère comme sept arts : 

Premier : l'architecture

 

Deuxième : la sculpture Troisième : la peinture

 

Quatrième : la danse Cinquième : la musique

 

Sixième : la littérature et la poésie Septième : le cinéma

BL'art

est une reproduction de la réalité 1Une imitation exacte Souvent, on admire les artistes qui arrivent à reproduire exactement la nature. C'est surtout Aristote qui défend cette conception de l'art. « Nous prenons plaisir à contempler les images les plus exactes des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité, comme les formes d'animaux les plus méprisées et des cadavres. »

Poétique, Aristote, IVe siècle avant J.C. Cette conception de l'art se retrouve notamment dans les trompe-l'œil ou le courant de l'hyperréalisme. Ce courant artistique, né aux États-Unis dans les années 1960, rompt avec la peinture abstraite et ambitionne de rivaliser avec la photographie, tant la précision des détails est exagérée.

2La

nécessité d'une création

Pourtant, copier la réalité semble relever de la pure technique et non de l'art. En effet, pour véritablement être artiste, ne faut-il pas créer ? « Tout art est une disposition accompagnée de raison, tournée vers la création. » Éthique à Nicomaque, Aristote, IVe siècle avant J.C. Cette citation d'Aristote (qui défend pourtant l'art comme imitation de la nature) met en avant les trois critères nécessaires à l'art : Une disposition : cela désigne le génie ou le don de l'artiste. La raison : seul l'esprit humain peut créer de l'art, car cela suppose de se représenter

 

l'œuvre dans son esprit. Marx montre ainsi la différence entre l'art des abeilles, qui agissent par instinct, et celui de l'architecte, qui agit par la réflexion. 

La création : il ne suffit pas d'imiter la réalité pour faire une œuvre d'art, comme le dit Fernand Léger (« L'art consiste à inventer et non à copier »).

CL'art

est illusion 1Le monde des illusions

Pour Platon, le monde de l'art est le monde des illusions. L'artiste est un illusionniste, qui veut reproduire n'importe quelle apparence mais qui ne trompe que les ignorants. Finalement il déforme ce qu'il imite, car il l'embellit artificiellement : l'art produit de belles apparences mais trompeuses. Platon condamne donc sévèrement l'art. Il dit même dans la République que les artistes doivent être chassés de la cité car « ces poètes ne créent que des fantômes et non des choses réelles ». La réflexion ou la connaissance sembleraient exclure toute contemplation esthétique et tout intérêt à l'art.

2Une

idéalisation de la réalité

En fait, l'art ne doit pas reproduire mais idéaliser la réalité. En particulier, Hegel insiste sur cette faculté propre à l'art de saisir l'apparence fugitive pour la transformer en œuvre immortelle. La fonction de l'art est d'idéaliser la réalité empirique. Il ne s'agira pas de représenter uniquement des sujets nobles, mais au contraire d'idéaliser des sujets modestes ou quotidiens.

C'est aussi ce qu'exprime Kant en disant qu'il s'agit de produire une « belle représentation d'une chose » plutôt qu'une « représentation d'une belle chose ». L'art idéalise la nature. « L'art ne veut pas la représentation d'une chose belle mais la belle représentation d'une chose. »

3Un

accès à la vérité

Critique de la faculté de juger, Kant, 1790

Le beau permet l'accès au vrai. L'art élève l'âme pour permettre la contemplation des Idées et conduire à la vérité. Plotin, un philosophe du IIIe siècle avant J.C., le défend : « Les arts n'imitent pas directement les objets visibles, mais remontent aux raisons d'où est issu l'objet naturel ». La représentation artistique offrirait donc un accès au vrai. Comment l'expliquer ? Pour certains, c'est l'idéalisation de la réalité qui permet de toucher aux Idées plutôt qu'aux simples apparences. Pour d'autres, la représentation artistique introduit une distance, entre la réalité et l'homme, qui a l'effet bénéfique de le rapprocher de la vérité. C'est en particulier l'idée d'un dramaturge allemand du XXe siècle, Bertolt Brecht, qui prône la distanciation. Dans ses pièces, il s'oppose au réalisme théâtral et au principe d'identification. Il n'essaie pas de donner l'illusion du vrai : les personnages s'adressent au public et évoquent explicitement la pièce, les changements de décor se font à vue, etc. Selon le dramaturge, cette prise de distance par rapport à la réalité encouragerait l'esprit critique et la réflexion. En s'éloignant de la réalité, l'art conduirait donc à la vérité. La distanciation est un concept théâtral, créé par Bertolt Brecht, qui a ensuite été repris à la télévision, au cinéma, dans la littérature, etc. Prenant le contre-pied du théâtre réaliste aristotélicien, il s'agit de « prendre ses distances par rapport à la réalité ». Divers procédés viennent empêcher l'identification de l'acteur et du personnage, et rompre le pacte de croyance du spectateur (l'adresse au spectateur, les changements à vue, les acteurs positionnés dans le public, la référence directe à un problème social, etc.).

IILes

fonctions de l'art

AS'exprimer On peut voir dans l'art un moyen d'expression :  

Pour Hegel, l'art serait l'expression de l'esprit d'une époque ou d'un peuple. Pour Marx, l'art est l'expression des intérêts d'une classe, comme tout phénomène culturel. Les œuvres d'art ont en effet un contenu idéologique, dépendant de la classe sociale dans laquelle elles s'inscrivent, et qui détermine leur forme.



L'art peut aussi permettre d'exprimer un engagement politique ou social de la part de l'artiste. Par exemple, Victor Hugo est le symbole même du poète engagé : il défend par exemple l'abolition de la peine de mort dans Le Dernier Jour d'un condamné ou les droits des miséreux dans Les Misérables. Le mot « expression » suppose que l'art est un langage à interpréter et à traduire, pour en ressortir un message caché. L'art servirait donc une fin précise, qui est de véhiculer un message conscient (engagement de l'artiste) ou inconscient (esprit d'un peuple ou intérêts d'une classe).

BSublimer

ses pulsions 1La catharsis Pour d'autres, l'art a pour but de se libérer de ses passions. Cette idée est déjà défendue par Aristote, qui évoque la catharsis (La Politique, IVe siècle avant J.C.). Ce mot grec signifie « purification ». En effet, le théâtre devait permettre au spectateur de purifier ses passions. Grâce au spectacle théâtral, l'être humain se purge de ses pulsions ou angoisses en les vivant à travers les personnages ou les situations représentées sous ses yeux. Le théâtre et l'art en général auraient donc une valeur morale, une fonction édifiante, car il libèrerait de passions troublantes voire coupables. La catharsis est l'épuration des passions par le moyen de l'art et en particulier de la représentation dramaturgique.

2La

sublimation des pulsions

Freud montrera également, bien plus tard, que l'art est un moyen pour l'artiste de sublimer ses pulsions inconscientes. En y exprimant ses désirs profonds au lieu de les refouler, l'artiste évite les autres manifestations pathologiques de l'inconscient. « Ses créations, les œuvres d'art, étaient les satisfactions imaginaires de désirs inconscients, tout comme les rêves, avec lesquels elles avaient d'ailleurs en commun le caractère d'être un compromis, car elles aussi devaient éviter le conflit à découvert avec les puissances de refoulement. » Ma vie et la psychanalyse, Freud, 1925 Par exemple, les peintures de Louise Bourgeois (elle sculpte en particulier de grandes araignées) ont souvent été vues comme l'expression des troubles de son enfance. Elle aurait donc utilisé l'art pour sublimer ses pulsions inconscientes.

CNe

servir à rien 1Le beau est désintéressé Il est courant de penser que l'art ne sert à rien. Cependant, cette position n'est pas forcément une critique de l'art. Kant soutient en effet qu'il est essentiel que l'art et le beau soient désintéressés. En effet, le beau doit être distingué de quatre autres qualités : 

L'utile : on admire une œuvre pour son esthétique et non pour un quelconque intérêt



matériel. L'agréable : le beau procure un plaisir formel (la présentation esthétique d'une assiette)



tandis que l'agréable procure un plaisir matériel (l'odeur appétissante de cette assiette). Le vrai : le beau dépend du goût et n'est pas affaire de preuve ou de connaissance, à la



différence des sciences. Le bon : l'art ne peut être moral ni immoral.

« Le jugement de goût est seulement contemplatif ; c'est un jugement qui, indifférent à l'existence de l'objet, ne fait que lier sa nature avec le sentiment de plaisir et de peine. »

2L'art

Critique de la faculté de juger, Kant, 1790

pour l'art

Certains artistes et auteurs rejettent l'idée que l'art puisse avoir une utilité. L'art est une fin en soi : c'est la théorie de « l'art pour l'art ». Elle est développée par Théophile Gautier et défendue par le mouvement du Parnasse dans la deuxième moitié du XIXe siècle. En réaction au romantisme, ce mouvement rejette dans l'art l'expression des sentiments ainsi que l'engagement social et politique de l'artiste. Pour les Parnassiens, l'art n'a pas pour fonction d'être utile ou vertueux : son seul but est la beauté. Les artistes appartenant à ce mouvement sont donc caractérisés par une recherche constante et minutieuse de la perfection formelle. La métrique ainsi que le choix du vocabulaire sont plus rigoureux, et on emploie davantage le sonnet ou l'alexandrin. « L'art pour l'art, et sans but ; tout but dénature l'art. » Journal, Benjamin Constant, 11 février 1804

IIIL'art

au cœur des controverses

ALa

figure controversée de l'artiste 1L'artiste est artisan La distinction entre l'artiste et l'artisan pose le problème de la distinction entre l'art et la technique. Jusqu'au Moyen-Âge, l'artiste et l'artisan étaient mis sur le même plan. C'est seulement à partir de la Renaissance que l'artiste commence à être vu comme un intellectuel tandis que l'artisanat reste un travail purement manuel. En particulier, Nietzsche conteste l'idée d'un quelconque génie, qui ne serait qu'« un enfantillage de la raison », une excuse inventée par ceux qui ne veulent pas faire l'effort de créer. D'ailleurs, certains artistes refusent d'être vus comme des génies et se présentent comme de simples artisans. C'est notamment Bach qui disait : « Ce que j'ai pu atteindre par le travail et l'application, un autre doit y parvenir aussi ».

2L'artiste

est génie

Cependant, l'artiste a presque toujours été vu comme un génie. Dès l'Antiquité, il a une inspiration divine, celle des « Muses ». Sans cette « folie », il n'est qu'un « poète manqué » (Phèdre, Platon). Cela se retrouve d'ailleurs dans l'étymologie du mot « génie » qui vient de genius en latin, qui signifiait divinité puis talent. C'est en particulier avec le romantisme que l'artiste prend le statut de génie. C'est quelque chose de non codifiable : on ne peut pas expliquer ni acquérir ce génie.

Le romantisme est un mouvement artistique apparu au cours du XVIIIe siècle en GrandeBretagne et en Allemagne, puis au début du XIXe siècle en France, en Italie et en Espagne. La poésie romantique se caractérise par une revendication du « moi », une exploration de toutes les possibilités de l'art afin d'exprimer ses états d'âme. C'est ainsi une réaction du sentiment contre la raison, exaltant le mystère et le fantastique et cherchant l'évasion dans le rêve, le sublime, l'exotisme et le passé. Pour Kant, les beaux-arts sont en effet les arts du génie. Il ne s'agit pas de reproduire des procédés mais justement de produire ce pour quoi il n'y a pas de règles, car le génie donne ses règles à l'art. L'artiste est en quelque sorte le traducteur de forces naturelles qui le dépassent. « Le génie est la disposition innée de l'esprit par laquelle la nature donne ses règles à l'art. »

BLa

beauté, subjective ou objective ? 1L'objectivité de la beauté

Critique de la faculté de juger, Kant, 1790

L'un des grands débats autour de l'art est celui de l'appréciation de la beauté. La beauté est-elle une caractéristique fixe d'une chose ou dépend-elle du jugement de chacun ? Est-elle objective ou subjective ? Aristote défendait plutôt l'objectivité de la beauté : une chose belle est une chose qui remplit parfaitement son but. Par exemple, un beau cheval de course court vite. Mais cette beauté objective mêle l'utile et le beau, ce qui semble contestable. Kant semble aussi défendre l'objectivité de la beauté : si une chose est belle, elle l'est universellement, partout et pour tous. Il n'y a donc pas de subjectivité dans le jugement du beau. «Est Beau ce qui plaît universellement sans concept. »

2La

subjectivité de la beauté

Critique de la faculté de juger, Kant, 1790

Pour d'autres, la beauté est subjective : une chose ne peut pas être belle en soi, cela dépend de notre sensibilité. Les goûts diffèrent beaucoup entre les personnes. On peut notamment penser aux polémiques créées par l'art moderne. Certains détestent ce que d'autres trouvent très beau. On peut se demander si la subjectivité du jugement esthétique n'est pas liée aux préjugés culturels. L'appréciation de l'art dépend beaucoup de notre culture (époque, milieu, origine, etc.) puisqu'un Européen sera généralement moins sensible à l'art chinois. Cela rejoint d'ailleurs un autre débat courant : peut-on éduquer le goût et la sensibilité à l'art ? Si la beauté est objective, alors elle ne dépend pas de notre culture (le beau plait universellement) et donc l'éducation ne servira à rien. Si la beauté est subjective et dépend de chacun, il est alors intéressant d'avoir une éducation artistique (de modeler ses goûts, de se libérer de ses préjugés culturels, etc.) afin de mieux la percevoir.

CLe

déclin de l'art

Aujourd'hui, on peut constater un certain déclin de l'œuvre d'art. C'est notamment la thèse de Benjamin, dans L'Œuvre d'art à l'ère de la reproductibilité technique(1955). Il montre que les progrès techniques et donc les possibilités de reproduction des œuvres d'art, au XXe siècle, ont changé leur statut. Les œuvres d'art ne sont plus uniques et inimitables, comme c'était le cas auparavant, et elles descendent de leur piédestal. Cette analyse semble confirmée par les œuvres d'Andy Warhol (1928-1987). Le mouvement du pop'art, qui utilise la sérigraphie pour reproduire des photographies de multiples fois, montre que l'art n'échappe plus à la production de masse et donc à la banalité....


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